CAA Douai, 21/02/2023, n°21DA00845

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Inéo Rail a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat intercommunal de mobilité et d'organisation urbaine du Valenciennois (SIMOUV) à lui verser la somme de 1 194 559,50 euros hors taxes (HT), soit 1 433 470,59 euros toutes taxes comprises (TTC), à parfaire, assortie des intérêts moratoires à compter du 17 août 2015 et de leur capitalisation, au titre des travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché pour la réalisation des travaux de signalisation ferroviaire sur la seconde ligne du tramway.

Par un jugement n° 1601357 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le SIMOUV à lui verser la somme de 100 228,39 euros TTC assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 avril 2021, 20 avril et 15 septembre 2022, le GIE Inéo Rail, représenté par Me François Forté puis par Me Eve Dreyfus, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le SIMOUV à lui verser la somme complémentaire de 1 103 840,85 euros HT soit 1 324 609,02 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 3 août 2015 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du SIMOUV une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le SIMOUV doit être condamné à lui verser les sommes de 4 451,70 euros HT pour les essais dynamiques en horaire de nuit, 1 925,06 euros HT pour l'intervention nocturne liée à l'inversion des phases électriques par la société ERDF sur le local de la Croix d'Anzin, 20 082,24 euros HT pour le retard dans la mise à disposition du local technique, 4 310,23 euros HT pour l'intervention nocturne dans le local technique afin de retirer des fourreaux, 26 283,07 euros HT pour les déplacements de l'armoire secondaire de Fresnes, 26 166,20 euros pour la mise à jour de la fiche interface des équipements de signalisation ferroviaire et 291 286,12 euros HT au titre des modifications techniques qui lui ont été demandées après la réception des travaux et des travaux de réparation des capteurs KFS ;

- le SIMOUV doit être condamné à lui verser la somme globale de 362 624,45 euros HT au titre des travaux relatifs au lot matériel roulant, comprenant les sommes de 38 238,71 euros HT au titre des études de spécifications techniques du matériel roulant, 42 007,39 euros HT en rémunération des prestations complémentaires de réalisation et d'essai d'un prototype, 56 783,26 euros HT pour la fourniture de câbles et connecteurs standards du matériel roulant, 77 606,60 euros HT pour les tests et la validation suivant la spécification d'interface, 138 791,44 euros HT en rémunération des travaux de tirage de câbles et le câblage de connecteurs standards du matériel roulant et alimentation basse tension, 23 127 euros HT pour la fourniture de supports de racks, capteurs KFS et de fixation des capteurs, 6 849,42 euros HT et 2 352 euros HT pour les travaux d'interface relatifs à la télécommande d'aiguille et 188 198,19 euros HT en raison des réparations réalisés sur les capteurs KFS après réception ;

- les intérêts moratoires causés par les retards de paiement de ces situations s'élèvent à la somme de 163 459,15 euros HT ;

- les frais financiers subis en raison de l'impossibilité de facturer les prestations réalisées en l'absence de commande du SIMOUV représentent une somme de 115 979,24 euros HT ;

- il a subi un préjudice d'un montant de 87 273,39 euros HT correspondant au surcoût lié à la prolongation du marché du fait de la réalisation des prestations complémentaires ;

- à titre subsidiaire, le SIMOUV doit être condamné à lui verser la somme de 291 286,12 euros HT au titre des modifications techniques qui lui ont été demandées après la réception des travaux, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par des mémoires, enregistrés les 4 mars, 20 octobre et 31 mai 2022, le Syndicat Intercommunal de Mobilité et d'Organisation Urbaine du Valenciennois (SIMOUV), représenté par Me Ghislain Hanicotte puis par Me Philippe Simoneau, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser au GIE Inéo Rail une somme de 47 072,26 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Ingerop Conseil et Ingénierie à le garantir totalement des sommes mises à sa charge ;

4°) de mettre à la charge du GIE Inéo Rail une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les prestations alléguées par le GIE Inéo Rail n'ont pas été agréées ;

- ces prestations ne constituent pas des travaux supplémentaires et ont fait l'objet d'un avenant destiné à régulariser les travaux non prévus par le marché ;

- il n'a commis aucune faute ;

- en cas de condamnation, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, mandataire du groupement de maître d'œuvre, doit être condamnée à le garantir intégralement des sommes mises à sa charge compte tenu des fautes qu'elle a commises dans sa mission de direction et de coordination des travaux ;

- c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser les sommes de 34 023,42 euros au titre des études d'implantation des équipements du système d'anti-franchissement, 10 709,84 euros au titre du câblage et du montage des tiroirs et 2 339 euros au titre de la fourniture de l'alimentation basse tension des équipements, ces prestations relevant dans leur intégralité du marché attribué au GIE Inéo Rail.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2022, la SAS Ingerop Conseil et Ingénierie, représentée par Me Alain Vamour, demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie du SIMOUV ;

2°) de mettre à la charge du SIMOUV la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie formées par le SIMOUV à son encontre sont irrecevables dès lors que le syndicat ne conteste pas le jugement du tribunal administratif de Lille ;

- l'appel en garantie présenté devant les premiers juges était tardif ;

- l'appel en garantie présenté en appel est mal dirigé ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Léonard Dailly, représentant le GIE Inéo Rail, de Me Sophie Olejniczak, représentant le SIMOUV et de Me Charles-Eric Thoor, représentant la société Ingerop Conseil et Ingénierie.

Une note en délibéré présentée par Me Dreyfus pour le GIE Inéo Rail a été enregistrée le 10 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal des transports de la région de Valenciennes (SITURV) a entrepris en 2011 la construction d'une seconde ligne de tramway reliant les communes de Valenciennes et de Vieux-Condé. Dans ce cadre, il a conclu un marché de maitrise d'œuvre avec le groupement d'ingénierie du valenciennois (ci-après " Gival "), ayant pour mandataire solidaire la société par actions simplifiée (SAS) Ingerop Conseil et Ingénierie, ainsi que, par acte d'engagement du 8 juillet 2011, un marché pour la réalisation des travaux de signalisation ferroviaire - système d'aide à l'exploitation et à l'information des voyageurs et système anti-franchissement des feux de signalisation, avec le groupement d'intérêt économique (GIE) Inéo Rail. La réception des travaux avec réserves est intervenue le 17 février 2014, les réserves ayant été levées le 2 juillet 2014. Par ordre de service reçu le 20 mai 2015, le SITURV a notifié au GIE Inéo Rail le projet de décompte général, pour un montant de 8 141 010,98 euros toutes taxes comprises (TTC), soit un reste à régler de 728 220,01 euros TTC. Par courrier reçu le 3 juillet 2015, le GIE Inéo Rail le lui a renvoyé assorti de réserves, accompagné d'un mémoire en réclamation portant sur une somme de 1 449 323,40 euros TTC au titre des travaux supplémentaires qu'il estime avoir réalisés, non inclus dans le projet décompte général. Sa demande ayant été rejetée par le syndicat, le GIE Inéo Rail a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le maître d'ouvrage, devenu syndicat intercommunal de mobilité et d'organisation urbaine du valenciennois (SIMOUV), à lui verser la somme de 1 194 559,50 euros HT, soit 1 433 470,59 euros TTC, à parfaire, au titre de ces travaux supplémentaires, assortie des intérêts moratoires à compter du 17 août 2015 et de leur capitalisation.

2. Le GIE Inéo Rail relève appel du jugement n° 1601357 du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a limité la condamnation du SIMOUV à la somme de 100 228,39 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Le SIMOUV, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser au GIE Inéo Rail une somme de 47 072,26 euros.

Sur l'appel principal du GIE Inéo Rail :

3. D'une part, dans un marché à prix forfaitaire, le cocontractant de l'administration a droit au paiement, par le maître d'ouvrage, des prestations supplémentaires qui lui ont été réclamées par ordre de service ainsi qu'à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu'ils soient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. D'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

En ce qui concerne les différentes interventions nocturnes :

4. Le GIE Inéo Rail demande, au titre des travaux supplémentaires, l'indemnisation du surcoût de main-d'œuvre exposé la nuit à l'occasion d'essais dynamiques réalisés en dehors des horaires de fonctionnement du tramway (4 451,70 euros), ainsi que des interventions dans un local afin de résoudre des problèmes électriques (1 925,06 euros) et dans le local de la Croix d'Anzin en raison de la dégradation des fourreaux (4 310,23 euros). Il résulte de l'instruction que la possibilité d'intervention nocturne correspond à une sujétion prévue par les stipulations de l'article 2.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui mentionnent la possibilité d'intervention nocturne pour certaines phases de travaux. Une telle sujétion devait ainsi être prise en compte par le titulaire lors de l'établissement de son offre et elle n'est donc pas fondée à réclamer une indemnisation supplémentaire à ce titre. En outre, s'agissant des interventions ponctuelles dans un local électrique en raison de l'inversion des phases électriques par l'opérateur d'électricité et dans le local technique de la Croix d'Anzin en raison de la dégradation des fourreaux par le groupe Eiffage, le GIE Inéo Rail ne saurait demander au maître d'ouvrage une quelconque indemnisation au titre des travaux réalisés en vue de remédier à des erreurs commises par des tiers. Par suite, la demande du GIE Inéo Rail au titre des interventions nocturnes doit être rejetée.

En ce qui concerne le retard dans la mise à disposition du local technique de la Croix d'Anzin (20 082,24 euros) :

5. Il résulte de l'instruction que le local technique du poste de débranchement de la Croix d'Anzin a été mis à disposition du GIE Inéo Rail le 3 octobre 2013 alors que le planning du lot 4b prévoyait la date du 9 août 2013. Si le groupement soutient avoir été dans l'obligation d'augmenter ses effectifs pour procéder aux essais dynamiques dans un délai réduit par cette mise à disposition tardive, il n'établit pas avoir dû recourir de manière effective à un nombre plus important de personnels pour procéder à ces travaux dans des délais contraints. Par suite, la demande du GIE Inéo Rail au titre de ce retard, doit être rejetée.

En ce qui concerne le déplacement de l'armoire de Fresnes-sur-Escaut (26 283,07 euros) :

6. Le GIE Inéo Rail demande l'indemnisation des travaux réalisés dans le but de déplacer une armoire électrique à la suite d'un contrôle d'un organisme qualifié, afin de se conformer à la réglementation en vigueur et aux normes de sécurité. Aux termes de l'article 6.2.2.7.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), applicable aux armoires de signalisation ferroviaire : " Il est prévu en ligne des armoires techniques permettant de recevoir les équipements nécessaires au système de signalisation ferroviaires et de non-franchissement de signal fermé. / () / Dès la phase de conception, le titulaire fournira les dimensions et les contraintes d'implantation des armoires dans chaque zone / () ". Il appartenait ainsi au groupement appelant de tenir compte dans son offre des contraintes d'implantation de cette armoire technique. Par ailleurs, il résulte de l'article 2.1.2 du CCAP que les prix doivent tenir compte des sujétions liées aux obligations de se conformer aux mesures particulières de sécurité prescrites par la règlementation en vigueur ou requises par les organismes de contrôle. Ainsi, le GIE Inéo Rail n'est pas fondé à demander le paiement de travaux supplémentaires ou l'indemnisation du préjudice résultant du changement d'implantation de l'armoire secondaire de Fresnes-sur-Escaut pour des raisons de sécurité.

En ce qui concerne la mise à jour de la fiche interface des équipements de signalisation ferroviaire et de signalisation lumineuse tricolore (SIG/SLT) (26 166,20 euros) :

7. En vertu de l'article 2.1.2 du CCAP, les prix doivent tenir compte des sujétions susceptibles d'être entraînées par l'exécution simultanée des travaux de modification des réseaux, notamment électriques. En outre, l'article 8 du CCTP précise que les prestations de la mission " signalisation ferroviaire " sont interfacées avec des prestations objet d'autres marchés et missions dont, notamment, le lot de signalisation routière (SLT). Or, s'il n'est pas contesté que le GIE Inéo Rail a dû, à la demande du maître d'œuvre, mettre à jour les informations des équipements de signalisation ferroviaire à l'intention des équipements de signalisation luminaire tricolore, en raison de retards successifs ayant pour cause un retard de livraison d'ERDF, une telle prestation n'excède pas le cadre de la mission qui lui incombait en exécution du marché conclu, compte tenu des stipulations ainsi rappelées. De telles mises à jour ne peuvent, par suite, être considérées comme ayant le caractère de travaux supplémentaires.

En ce qui concerne les prestations relatives au matériel roulant (362 624,45 euros) :

8. Il résulte de l'instruction que le lot " matériel roulant " présentait de nombreuses interfaces avec le lot n° 4b dont était titulaire le GIE Inéo Rail, énumérées à l'article 8 du CCTP. Il résulte en outre des réponses du groupement au questionnaire qui lui a été adressé le 22 avril 2011 par le maître d'œuvre dans le cadre de la procédure de passation, que l'intégration des équipements de signalisation ferroviaire et du système anti-franchissement dans les rames est prévue à son offre. Ces travaux ont été actualisés par un avenant n° 2 signé le 6 décembre 2013, sans que le GIE Inéo Rail soumette au maître d'ouvrage des travaux dits supplémentaires avant la conclusion de cet avenant. Si le GIE Inéo Rail demande l'indemnisation d'études, de tests et d'essais d'un prototype qu'il a réalisés pour l'installation de ses matériels de signalisation et de sécurité sur les rames de tramway livrées par le titulaire du lot " matériel roulant ", la mise en place des dispositifs ainsi décrits est relative aux interfaces avec le matériel roulant dont le GIE Inéo Rail avait la charge. Par suite, le groupement n'est pas fondé à prétendre au paiement de travaux supplémentaires à ce titre. Par ailleurs, si le GIE Inéo Rail demande le paiement de travaux supplémentaires résultant de la fourniture et du tirage des câbles et du câblage des connecteurs non standards, de la fourniture des supports de rack, des capteurs KFS, de la fixation de ces capteurs , l'installation de ces équipements, dont il n'a pas fait état au titre de travaux supplémentaires avant la signature de l'avenant n° 2, relevaient du lot n° 4b dont il avait la charge. Quant aux travaux d'interface relatifs à la télécommande d'aiguille, il résulte de l'instruction que cette prestation était prévue dans l'offre du GIE Inéo Rail et apparaissait dans la décomposition du prix global et forfaitaire et que des travaux d'interface relatifs à la télécommande d'aiguille sont aussi prévus à la charge du GIE Inéo Rail dans le tableau figurant à l'article 8 du CCTP, répartissant les taches entre les lots " signalisation ferroviaire " et " matériel roulant ". La demande du groupement relative aux prestations en lien avec le matériel roulant doit donc être rejetée.

En ce qui concerne les modifications techniques demandées après la réception des travaux (291 286,12 euros) :

9. Si le GIE Inéo Rail demande l'indemnisation de diverses modifications techniques après la réception des travaux survenue le 17 février 2014 avec levée des réserves le 2 juillet 2014, comprenant l'ajout d'une fonction d'export à la supervision, la modification de la supervision de la signalisation ferroviaire, la modification du fonctionnel de commandes sur boucle de télécommande, la remontée de l'état du dispositif de freinage d'urgence KFS, des modifications fonctionnelles de signalisation ferroviaire réalisées à la suite des essais dynamiques, la fourniture de plaques inhibitrices supplémentaire de balise sol KFS et la mise à disposition d'informations supplémentaires aux équipements de signalisation, qui auraient été réalisées à la demande de l'exploitant ou de l'organisme qualifié agréé, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces modifications aient été commandées par le maître d'ouvrage ou le maître d'œuvre, aucune pièce n'étant produite en ce sens par le groupement. Si le GIE Inéo Rail produit en appel un courriel du SIMOUV daté du 29 octobre 2013 relatif à l'installation de tableaux d'indicateurs de vitesse (TIV), il est constant qu'à cette date, la réception des travaux n'était pas encore intervenue. Aucune indemnisation ne peut donc être réclamée à ce titre.

10. Par ailleurs, s'agissant des modifications effectuées à la suite des essais in situ et des retours d'information transmis à l'organisme qualifié agréé, de telles prestations étaient prévues par les stipulations du marché, respectivement aux articles 2.1.2 et 1.7.2 du CCAP. Il résulte du rapport d'expertise diligentée par le président du tribunal administratif de Lille en raison de dysfonctionnements du dispositif d'arrêt automatique des rames à la suite de la mise en service de la ligne 2 du tramway, que les freinages d'urgences déclenchés de manière inopinée résultent d'une installation défaillante des supports de KFS et de problèmes de câblages imputables en partie au GIE Inéo Rail. Ainsi, les indemnités demandées au titre des dysfonctionnements des capteurs KFS permettant l'arrêt automatique des trains ne sont pas à la charge du SIMOUV dès lors que le GIE Inéo Rail était responsable du bon fonctionnement de ces capteurs. Par suite, le GIE Inéo Rail n'est pas fondé à demander à être indemnisé à ce titre.

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

11. Le GIE Inéo Rail demande, à titre subsidiaire, que le SIMOUV soit condamné à lui verser la somme de 291 286,12 euros HT au titre des modifications techniques qui lui ont été demandées après la réception des travaux, sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 9, le groupement n'établit pas que ces modifications lui ouvriraient un droit à indemnisation, faute de commande du maître de l'ouvrage ou du maître d'oeuvre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le SIMOUV doit être condamné à lui verser la somme réclamée sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

En ce qui concerne les intérêts moratoires (163 459,15 euros) :

12. Il résulte de l'article 2.2.1 du CCAP relatifs à la présentation des projets de décomptes mensuels que : " () Le règlement des acomptes sera confirmé à l'article 13 du CCAG Travaux avec comme seule dérogation à l'article 13.11 la date de remise du projet de décompte par l'entrepreneur au maître d'œuvre au 25 du mois considéré. / () / Les délais de paiement des acomptes sont fixés à 30 jours / () Le défaut de paiement au titulaire ou à ses sous-traitants payés directement dans le délai prévu ci-dessus fait courir de plein droit des intérêts moratoires augmenté de deux points/ () ". Si le GIE Inéo Rail demande le versement des intérêts moratoires prévus par l'article précité, il se borne à produire un tableau réalisé par ses soins sans verser aucune pièce de nature à établir la réalité des dates de réception des projets de décomptes mensuels, ni par conséquent l'existence de retard de paiement des éventuels acomptes et alors, au surplus, que le SIMOUV soutient sans être contredit que le groupement n'a émis aucune réserve sur les ordres de service de notification des décomptes mensuels. Par suite, le GIE Inéo Rail n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations précitées pour obtenir le versement d'intérêts moratoires.

En ce qui concerne les intérêts financiers (115 979,24 euros) :

13. Le GIE Inéo Rail demande l'indemnisation des frais financiers résultant de l'impossibilité de facturer les prestations réalisées, en l'absence d'ordre de service, d'avenant ou de commandes. Toutefois, le groupement n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de facturer les travaux supplémentaires qu'il estimait lui être dus au cours de l'exécution du marché. Par suite, il n'est pas fondé à demander la condamnation du SIMOUV à ce titre.

En ce qui concerne l'indemnisation des coûts fixes induits par la prolongation du marché (87 283,39 euros) :

14. Le GIE Inéo Rail soutient qu'entre le 17 février 2014, date de réception et la fin de l'année 2014, il a dû maintenir une partie de ses moyens sur le site pour réaliser des prestations supplémentaires et il évalue ses coûts fixes à 10,58 % du montant de ses prestations supplémentaires. Il résulte de l'instruction que, la levée des réserves étant intervenue le 2 juillet 2014, le groupement ne peut rien réclamer jusqu'à cette date. Par ailleurs, les demandes du groupement n'étant pas fondées pour la période postérieure à la réception comme il résulte des développements qui précèdent, il n'y a pas lieu de lui verser une somme au titre de ses coûts fixes.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions du GIE Inéo Rail tendant à obtenir le paiement de travaux supplémentaires ou de sujétions imprévues, doivent être rejetées.

Sur l'appel incident du SIMOUV :

16. Comme il a été dit précédemment, il résulte de l'instruction que le lot " matériel roulant " présentait de nombreuses interfaces avec le lot n° 4 b dont était titulaire le GIE Inéo Rail, énumérées à l'article 8 du CCTP. Il ressort de cet article et, notamment, du tableau de répartition des missions entre les lots " signalisation ferroviaire " et " matériel roulant " que les études d'implantation des équipements du système de non franchissement et du dispositif de télécommande d'aiguille relevaient du lot " matériel roulant ". Ainsi, le SIMOUV n'est pas fondé à soutenir que la somme de 34 023,42 euros HT réclamée par le GIE Inéo Rail au titre de ces études ne présente pas le caractère de travaux supplémentaires. Il en est de même pour le câblage, le montage des tiroirs du dispositif de télécommande des aiguilles et la fourniture de l'alimentation basse tension qui ont été réalisés par le GIE Inéo Rail pour des montants de 10 709,84 euros et 2 339 euros HT, alors que ces travaux relevaient du titulaire du lot " matériel roulant ". Il en résulte que le SIMOUV n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que les premiers juges ont mis à sa charge la somme totale de 47 072,26 euros HT, soit 56 486,71 TTC.

Sur l'appel en garantie du maître d'œuvre par le maître d'ouvrage :

17. Si le SIMOUV invoque les fautes qui auraient été commises par la société Ingerop Conseil et Ingénierie dans l'exercice de ses missions de direction et de coordination des travaux, il y a lieu de rejeter ses conclusions d'appel en garantie par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 27 à 32 du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

18. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de condamner le SIMOUV, qui n'est pas la partie principalement perdante à l'instance, à verser au GIE Inéo Rail la somme qu'il demande à ce titre. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge du GIE Inéo Rail une somme de 3 000 euros à verser au SIMOUV au même titre. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Ingérop Conseil et Ingénierie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GIE Inéo Rail est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et d'appel en garantie présentées par le SIMOUV sont rejetées.

Article 4 : Le GIE Inéo Rail versera au SIMOUV une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Ingerop Conseil et Ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au GIE Inéo Rail, au syndicat intercommunal de mobilité et d'organisation urbaine du Valenciennois (SIMOUV) et à la SAS Ingerop Conseil et Ingénierie.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. SeulinLa greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°21DA00845

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