CAA Marseille, 13/02/2023, n°21MA00297

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de la Dracénie a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner d'une part, la société par actions simplifiée Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme de 203 400,30 euros et, d'autre part, la société par actions simplifiée Genier Deforge, aux droits et obligations de laquelle vient la société par actions simplifiée unipersonnelle Premys, à lui verser la somme de 117 240,75 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal respectivement à compter du 11 février et du 24 mars 2016, en réparation des préjudices qu'il estime liés à la mauvaise exécution par ces sociétés des contrats de diagnostic de l'amiante et de désamiantage dans le cadre de la restructuration de l'ancien hôpital de Draguignan.

Par un jugement n° 1804025 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné la société Qualiconsult Immobilier à verser au centre hospitalier de la Dracénie la somme de 38 726,40 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts à compter de février 2016, capitalisés et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 janvier 2021 et le 30 novembre 2022, le centre hospitalier de la Dracénie, représenté par Me Marchesini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de condamner, d'une part, la société Qualiconsult Immobilier à lui verser la somme de 203 400,30 euros et, d'autre part, la société Premys à lui verser la somme de 117 240,75 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter respectivement des 11 février 2016 et 24 mars 2016, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la société Qualiconsult Immobilier et de la société Premys la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a estimé que la responsabilité contractuelle de la société Premys ne pouvait plus être engagée au motif que la réception sans réserve avait été prononcée le 30 novembre 2022 sans avoir mis à même les parties de discuter contradictoirement du moyen ainsi relevé d'office, alors que le constructeur avait refusé de bénéficier de l'effet de purge de la réception sans réserve ;

- la réception sans réserve purge les dommages apparents mais pas les dommages non apparents ;

- en l'absence de décompte général et définitif du marché initial, la société Genier Deforge, aux droits et obligations de laquelle vient la société Premys, demeure responsable sur le terrain contractuel des conséquences financières nées de l'exécution de ses travaux, et notamment des désordres non apparents, alors même qu'un marché a ultérieurement été conclu avec la société Genier Deforge pour le désamiantage complet du bâtiment et a donné lieu à rémunération ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas admis l'indemnisation du surcoût lié à la dissociation des travaux en deux phases, estimé le préjudice à la somme totale de 320 061,04 euros toutes taxes comprises, et considéré qu'il était imputable à 63,43 % à la société Qualiconsult Immobilier, ce qui représente un montant de 203 400,30 euros et à 36,47 % à la société Genier Deforge ce qui correspond à une somme de 117 240,75 euros ;

- les sociétés Qualiconsult Immobilier et Genier Deforge n'ont pas réalisé leurs prestations dans les règles de l'art, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2018 ; ces sociétés ont d'ailleurs admis les inexécutions fautives ;

- il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2018 qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre, d'une part, les fautes commises par les sociétés défenderesses et, d'autre part, le préjudice subi par le centre hospitalier, l'expert ayant conclu que si le repérage et le désamiantage avaient été réalisés de façon exhaustive dès le départ, le coût global du désamiantage aurait été moindre.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 31 mars 2021 et le 23 mai 2022, et un mémoire enregistré le 12 décembre 2022, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société Qualiconsult Immobilier, représentée par Me Lucas, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'une part, d'infirmer le jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser au centre hospitalier de la Dracénie la somme de 38 726,40 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts à compter de février 2016, capitalisés et, d'autre part, de rejeter le surplus des demandes du centre hospitalier de la Dracénie ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des demandes du centre hospitalier ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert judiciaire qui a retenu les fautes de la société Qualiconsult Immobilier et de la société Genier Deforge n'a pas procédé lui-même aux constatations mais a travaillé sur documents ;

- elle n'a pas été mise en mesure de contester les éléments de l'expertise, l'expert judiciaire ne lui ayant pas adressé son pré-rapport ;

- le centre hospitalier a commis une faute en ne prenant aucune mesure de protection du bâtiment depuis la première phase de désamiantage ce qui a conduit à alourdir le coût des travaux de la deuxième phase de désamiantage ;

- le tribunal s'est fondé à tort sur son rapport du 1er mars 2012 qui n'était qu'un pré-rapport de repérage ; le maître d'ouvrage qui assurait aussi la maîtrise d'œuvre aurait dû préalablement lever les réserves de ce pré-rapport qui faisaient état d'un repérage avant travaux incomplet et de la nécessité d'investigations complémentaires après le démarrage de la démolition ;

- contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de la Dracénie, la société Qualiconsult Immobilier n'a pas admis sa responsabilité ;

- le centre hospitalier requérant n'est pas fondé à demander à être indemnisé du coût du retrait ou du confinement des matériaux amiantés ainsi que du confortement, qu'il aurait dû supporter dans tous les cas puisqu'il s'était engagé à vendre l'immeuble sans amiante ;

- un partage de responsabilité par tiers devra être opéré entre le centre hospitalier, la société Genier Deforge et la société Qualiconsult Immobilier ;

- la faute qu'aurait commise la société Qualiconsult Immobilier en ne repérant pas l'ensemble des éléments amiantés est sans incidence sur les frais engagés par le demandeur pour l'établissement d'un diagnostic préalable à la vente ainsi que sur les frais connexes dont il est demandé indemnisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, la société Premys, venant aux droits et aux obligations de la société Genier Deforge, représentée par Me Marty, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de retenir sa responsabilité pour un pourcentage inférieur à 50 %, de ne mettre à sa charge que le coût des travaux de retrait, à hauteur de 7 426 euros, et de rejeter le surplus des conclusions du centre hospitalier de la Dracénie.

Elle soutient que :

- l'accord intervenu entre la société Genier Deforge et le centre hospitalier de la Dracénie, qui a été exécuté, a donné lieu à la conclusion d'un marché en procédure adaptée mettant à la charge de l'entreprise engagée sur le premier marché le retrait des matériaux encore présents, à l'établissement d'un procès-verbal de réception sans réserve le 7 octobre 2016 et au règlement du décompte général et définitif ; cet accord interdit au centre hospitalier de lui demander une indemnisation ;

- la société Genier Deforge, qui a reconnu ne pas avoir procédé à l'enlèvement de la totalité des matériaux contenant de l'amiante repérés en 2012, a renoncé à l'effet de purge de la réception sans réserve qui interdisait au maître d'ouvrage de demander réparation des désordres apparents dont il aurait dû avoir connaissance s'il avait été suffisamment diligent ;

- subsidiairement, le centre hospitalier de la Dracénie n'apporte pas la preuve du lien de causalité direct entre les quelques oublis de matériaux amiantés repérés en 2012 et les sommes aujourd'hui réclamées à l'entreprise, alors que ces sommes incluent des opérations de retrait qu'elle n'a pas facturées en 2016 ;

- sa responsabilité pour les frais annexes aux travaux pourra être retenue à hauteur de 6,5 %, les 93,5 % restant à la charge de la société Qualiconsult Immobilier ;

- il appartenait au maître d'ouvrage de s'entourer des conseils d'un sachant, maître d'œuvre ou assistant au maître d'ouvrage, pour l'accompagner dans la réalisation d'un tel chantier et à défaut, la somme de 10 000 euros restera à sa charge.

Un courrier du 25 octobre 2022 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le 9 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, selon lequel la garantie contractuelle de la société Genier Deforge devenue Premys ne peut plus être invoquée en raison de la réception sans réserve des travaux intervenue le 30 novembre 2012 (CE 31 mars 1989 Commune du Chesnay n°83583).

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2023, la société Premys a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2023, la société Qualiconsult Immobilier a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2023, le centre hospitalier de la Dracénie a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchesini, pour le centre hospitalier de la Dracénie, de Me Kemadjou, pour la société Qualiconsult Immobilier, et de Me Marty, pour la société Premys.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une opération de démolition de l'ancien hôpital de Draguignan, le centre hospitalier de la Dracénie a conclu, le 24 février 2012, un marché public d'étude et de repérage de matériaux contenant de l'amiante avec la société Qualiconsult Immobilier. Sur la base d'un pré-rapport établi par cette société le 1er mars 2012 pour l'ouvrage principal, des travaux de désamiantage ont été exécutés par la société Genier Deforge. Dans le cadre du projet de vente de ces bâtiments, la société Sud-Est Diagnostic a établi le 20 septembre 2015 un nouveau rapport de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante. Ce rapport, qui a été actualisé le 24 mars 2016, a révélé la présence d'amiante non repérée par la société Qualiconsult Immobilier, ou repérée mais non traitée par la société Genier Deforge. La société Genier Deforge s'est alors engagée par actes des 12 février 2016 et 24 mars 2016 à reprendre les imperfections du lot n° 1 du marché de 2012 à ses frais et à en assumer la charge à hauteur de sa quote-part. Le centre hospitalier de la Dracénie a donc signé un marché à procédure adaptée avec la société Genier Deforge pour le désamiantage complet du site pour un montant de 273 423,70 euros. Estimant que les sociétés Qualiconsult Immobilier et Genier Deforge n'avaient pas rempli leurs missions, le centre hospitalier de la Dracénie a saisi le tribunal administratif de Toulon en demandant leur condamnation, sur le fondement contractuel, à lui verser respectivement les sommes de 203 400,30 euros et 117 240,75 euros, assorties des intérêts au taux légal capitalisés. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a condamné la société Qualiconsult Immobilier à verser au centre hospitalier de la Dracénie la somme de 38 726,40 euros toutes taxes comprises portant intérêts à compter du 11 février 2016 et a rejeté le surplus des demandes du centre hospitalier. Ce dernier relève appel de ce jugement. La société Qualiconsult Immobilier forme un appel incident.

1. Sur l'appel principal :

1.1. En ce qui concerne la régularité du jugement en tant que celui-ci statue sur la responsabilité contractuelle de la société Premys :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement () en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".

3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant la séance du jugement, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties.

4. Il résulte de l'instruction que la société Premys n'avait pas soulevé, à l'appui de ses écritures présentées en première instance, le moyen tiré de ce que la réception sans réserve des travaux faisait obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle. En relevant d'office ce moyen sans avoir informé les parties de son intention de le faire, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité.

5. Le centre hospitalier de la Dracénie est donc fondé à soutenir que le jugement est irrégulier en tant qu'il rejette la demande présentée à l'encontre de la société Premys. Le jugement doit donc être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande.

1.2. En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Premys :

6. La réception sans réserve de la part du maître d'ouvrage de l'ouvrage a pour effet de mettre fin à l'ensemble des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, alors même que les désordres apparus ultérieurement n'étaient ni apparents ni connus du maître d'ouvrage à la date de la réception.

7. Il résulte de l'instruction que les travaux confiés à la société Genier Deforge par le marché conclu le 24 juillet 2012 ont été réceptionnés sans réserves le 30 novembre 2012. Si la société Premys a accepté de ne pas facturer les travaux de retrait de l'amiante qu'elle n'avait pas effectués, renonçant à cet égard à opposer la réception sans réserve de ses travaux, cette renonciation, qui ne concerne que ces travaux, ne s'étend pas aux conséquences indemnitaires que le centre hospitalier souhaiterait lui faire assumer dans le cadre du présent litige. Par suite, le centre hospitalier de la Dracénie, qui ne peut plus rechercher la responsabilité de l'entreprise sur le fondement contractuel, n'est pas fondé à demander la condamnation de la société Genier Deforge aux droits de laquelle vient la société Premys à lui verser la somme de 117 240,75 euros sur un tel fondement.

1.3. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant que celui-ci statue sur la responsabilité contractuelle de la société Qualiconsult Immobilier :

8. Le centre hospitalier de la Dracénie demande que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Qualiconsult Immobilier soit porté à la somme de 203 400,30 euros toutes taxes comprises, retenue par l'expert judiciaire.

9. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2018 que l'expert, qui se réfère d'ailleurs au rapport établi par la société BMEX pour le compte de l'assureur de la société Qualiconsult Immobilier elle-même, a distingué avec précision, d'une part, les frais qui auraient dû être en toute hypothèse supportés par le centre hospitalier et, d'autre part, ceux qui sont la conséquence directe et exclusive des défauts de repérage de la société Qualiconsult Immobilier. Il a notamment laissé à la charge du centre hospitalier les frais de confinement dans les cas où de tels frais auraient dû être exposés en 2012 si l'amiante avait été correctement repérée par la société Qualiconsult Immobilier. Au contraire, lorsque le confinement avait de nouveau été nécessaire sur les zones déjà confinées en 2012, ou sur des zones adjacentes à ces zones, l'expert a précisément évalué les surcoûts spécifiquement imputables aux manquements de la société Qualiconsult Immobilier ou de la société Genier Deforge. Dès lors, en se bornant à remettre en cause de façon globale la mise à sa charge du coût des prestations de confinement et de retrait des matériaux amiantés et à soutenir qu'il devait en tout état de cause rester à la charge du centre hospitalier, la société Qualiconsult Immobilier ne critique pas sérieusement l'évaluation retenue par l'expertise.

10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont limité le montant de la condamnation prononcée à 38 726,40 euros toutes taxes comprises, et à demander que cette somme soit portée à 203 400,30 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2016, date de la première demande du maître d'ouvrage ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts à compter du 12 février 2017, date à laquelle une année d'intérêts était échue, puis, à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

2. Sur l'appel incident de la société Qualiconsult Immobilier :

2.1. En ce qui concerne l'expertise :

11. En premier lieu, si la société Qualiconsult Immobilier relève, d'une part, que l'expert judiciaire n'a pas procédé lui-même aux constatations mais a travaillé sur documents, et, d'autre part, qu'elle n'a pas été mise en mesure de contester les analyses de l'expert judiciaire qui ne lui a pas adressé son pré-rapport, ces circonstances ne révèlent par elles-mêmes, en l'absence notamment d'obligation d'adresser un pré-rapport aux parties, aucune irrégularité dans la conduite des opérations d'expertise.

2.2. En ce qui concerne sa responsabilité :

2.2.1. S'agissant de l'existence d'une réception :

12. Si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation d'étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l'administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l'administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises.

13. Il en résulte que la société Qualiconsult Immobilier ne peut utilement se prévaloir du fait que son rapport de repérage rendu le 1er mars 2012 a été réceptionné sans réserve.

2.2.2. S'agissant de la faute contractuelle :

14. Ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, il résulte du cahier des clauses particulières applicables au marché de diagnostic amiante et plomb que la mission confiée à la société Qualiconsult Immobilier portait sur un repérage et la constatation de visu et avant démolition de la présence de matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante, complétés, en cas de doute, par des prélèvements et analyses de matériaux nécessaires pour conclure à la présence éventuelle d'amiante.

15. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment du rapport du bureau d'études amiante (BEA) effectué à la demande du centre hospitalier, que le repérage n'a pas été fait dans les règles de l'art. La société Qualiconsult Immobilier, qui avait d'ailleurs admis dans un premier temps, lors de la réunion de chantier du 10 mars 2016, par l'intermédiaire de sa direction technique et de sa direction commerciale, avoir manqué à ses obligations contractuelles, ne conteste pas sérieusement de tels manquements, qui résultent également du rapport effectué par le bureau d'étude Sud Est diagnostic le 24 mars 2016 dans le cadre d'un projet d'acquisition de l'ancien hôpital.

16. Il résulte aussi de l'instruction que l'amiante non repérée par la société Qualiconsult Immobilier a pu l'être par le bureau d'études amiante (BEA) sans qu'il ait été besoin d'effectuer des travaux de démolition. Dès lors, la seule mention, figurant sur le rapport déposé le 1er mars 2012, précisant que l'analyse fournie ne constituait qu'un " pré-rapport " devant être complété par d'autres investigations après le démarrage des travaux de démolition, n'est pas de nature à exonérer la société Qualiconsult Immobilier de sa responsabilité contractuelle à raison de ses carences dans le repérage de l'amiante.

17. Enfin, chacun des coauteurs d'un dommage en matière de travaux publics est tenu, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, à la réparation de la totalité du préjudice subi par ce dernier. La société Qualiconsult Immobilier ne peut donc utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa propre responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la circonstance que la société Genier Deforge n'a pas relevé les insuffisances de son propre repérage.

2.2.3. S'agissant du préjudice :

18. La société Qualiconsult Immobilier, qui se borne à ce titre à produire un article de presse, n'établit pas que les travaux de confortement effectués lors de la réalisation des travaux de reprise auraient été rendus nécessaires par un manque d'entretien imputable au centre hospitalier.

19 La société Qualiconsult Immobilier n'est pas davantage fondée à contester le pourcentage de responsabilité retenu par l'expert judiciaire et à soutenir que l'intégralité des prestations devait rester à la charge du centre hospitalier alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 26 juin 2018 que l'expert, en se fondant essentiellement sur le rapport BMEX diligenté par l'assureur de la société Qualiconsult Immobilier elle-même, a distingué d'une part, les frais qui auraient dû rester à la charge du centre hospitalier si le diagnostic et les prélèvements avaient été correctement effectués dès 2012, et, d'autre part, ceux qui ont été générés par les défauts d'exécution, et que la société Qualiconsult Immobilier ne critique pas sérieusement l'expert sur ce point.

20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de la société Qualiconsult Immobilier doivent être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL Qualiconsult Immobilier dirigées contre le centre hospitalier de la Dracénie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Qualiconsult Immobilier la somme de 2 000 euros à verser au centre hospitalier de la Dracénie en application de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, en revanche, de fait droit aux autres conclusions présentées à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804025 du tribunal administratif de Toulon du 26 novembre 2020 est annulé en tant que, par son article 4, il rejette les demandes indemnitaires du centre hospitalier de la Dracénie dirigées contre la société Premys, anciennement Genier Deforge.

Article 2 : Ces demandes sont rejetées.

Article 3 : Le montant de la condamnation de la société Qualiconsult Immobilier prononcée par l'article 1er du jugement du 26 novembre 2020 est porté de 38 726,40 euros toutes taxes comprises à 203 400,30 euros toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêts à compter du 11 février 2016. Les intérêts échus au 12 février 2017 seront capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : L'article 1er du jugement est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : La société Qualiconsult Immobilier versera au centre hospitalier de la Dracénie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de la Dracénie, à la société Premys et à la société Qualiconsult Immobilier.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2023.

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