CAA Nancy, 28/03/2023, n°23NC00124

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 13 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a, sur la requête n° 2100895 présentée par la commune de Romilly-sur-Seine, prescrit une expertise confiée à M. A B et destinée à constater et analyser les désordres affectant les bâtiments constituant le centre aquatique Jean Moulin à Romilly-sur-Seine.

Par une ordonnance en date du 19 septembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a étendu la mission confiée à M. A B à la communauté de communes des Portes de Romilly-sur-Seine ainsi qu'au désordre affectant le sous-sol du centre aquatique.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2022, la société Ronzat et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Châlons en Champagne d'étendre la mission confiée à M. B à sa sous-traitante la société Egts-fr, représentée par son liquidateur judiciaire, la société Le Carrer-Najean, ainsi qu'à la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Egts-fr.

Par une décision n° 2100895 du 2 janvier 2023, le juge des référés a rejeté la demande d'extension d'expertise présentée par la société Ronzat et Compagnie.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023 sous le n°23NC00124, la société Axa France Iard, représentée par Me Laurent Karila, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 janvier 2023 en tant qu'elle a rejeté la demande tendant à sa mise en cause dans les opérations d'expertise ;

2°) d'ordonner sa mise en cause dans les opérations d'expertise en sa qualité d'assureur de la société Egts-fr.

Elle soutient que :

- la clôture pour insuffisance d'actif n'empêche nullement la mise en cause de la société Egts-fr prise en la personne de son mandataire liquidateur, et ce afin de faire établir la responsabilité de cette dernière, ainsi que celle de son assureur ;

- le juge des référés a statué ultra petita en la mettant hors de cause alors que son mémoire ne visait qu'à émettre des réserves sur sa responsabilité.

Par une intervention enregistrée le 17 février 2023, la société Ronzat SAS, représentée par Me Juliette Mel, demande à ce qu'il soit fait droit à la requête n° 23NC00124. Elle fait valoir que les ordonnances du juge des référés de Châlons-en-Champagne concernent la société Ronzat et Compagnie, alors que c'est la société Ronzat SAS qui était titulaire du lot et fait siens les moyens invoqués par la société Axa France Iard.

II/ Par une requête enregistrée le 17 janvier 2023 sous le n°2300170, la société Ronzat, représentée par Me Juliette Mel, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 janvier 2023 en tant qu'elle a rejeté sa demande d'extension des opérations d'expertise à la société Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Egts-fr ;

2°) d'ordonner l'extension des opérations d'expertise à la société Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Egts-fr.

Elle soutient que :

- selon les dispositions de l'article L241-1 du code des assurances, l'assureur de responsabilité civile décennale en risque pour les désordres déclarés dans le délai de 10 ans suivant la réception des travaux est celui dont la police était en cours de validité à la date de la déclaration d'ouverture du chantier, peu important que son assuré ait fait l'objet d'une procédure collective à la réalisation des travaux.

Par une intervention enregistrée le 17 février 2023, la société Ronzat SAS, représentée par Maître Juliette Mel, demande à ce qu'il soit fait droit à la requête n° 23NC00170 et demande la mise hors de cause de la société Ronzat et Compagnie, qui n'est pas intervenue au chantier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. la société Axa France Iard et la société Ronzat et Compagnie font appel de l'ordonnance du 2 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'extension de l'expertise ordonnée le 13 septembre 2021 pour constater et analyser les désordres affectant le centre aquatique Jean Moulin à Romilly-sur-Seine à la société Egts-fr, représentée par son liquidateur judiciaire, la société Le Career-Najean, ainsi qu'à la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Egts-fr. Les deux requêtes qu'elles présentent en vue d'obtenir l'infirmation de cette ordonnance peuvent être jointes pour qu'il soit statué par une même décision.

Sur les interventions de la société Ronzat :

2. La société Ronzat SAS, qui fait valoir, d'une part, que les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne concernent la société Ronzat et Compagnie et qu'elle n'était donc pas partie en première instance, et d'autre part, qu'étant intervenue au chantier, les décisions à intervenir sont susceptibles de préjudicier à ses droits, a présenté des mémoires en intervention dans le cadre des deux instances. Ses interventions sont donc recevables en tant qu'elles viennent au soutien des conclusions des requérantes. En revanche, les conclusions qu'elle formule dans le cadre de la requête n° 23NC00170 et tendant à ce que la société Ronzat et compagnie, soit mise hors de cause, qui ne viennent pas au soutien de la requête de cette dernière et sont, au demeurant, nouvelles en appel, ne peuvent être admises.

Sur la demande d'expertise :

3. Aux termes de l'article R. 532-3 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles. ".

4. Pour rejeter la demande d'extension dont il était saisi en vue de rendre l'expertise commune et opposable à la société egts-fr, sous-traitant de la société Ronzat SAS et de son assureur, la société Axa France Iard, le premier juge a estimé que la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs de ce sous-traitant par décision du 11 février 2020 du tribunal de commerce d'Epinal s'opposait à ces mises en cause.

5. Toutefois, si en vertu du 7° de l'article 1844-7 du code civil, une société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs, ces dispositions, de même que celles du 3ème alinéa de l'article 1844-3, reprises à l'article L. 237-2 du code de commerce, ne font pas obstacle à ce que, même après la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif par l'effet d'un jugement de liquidation judiciaire, une société demande la désignation par le tribunal de commerce d'un mandataire ad hoc à l'effet de la représenter pour engager ou poursuivre en son nom des actions devant les juridictions. Il en résulte que, dès lors que la société peut disposer d'un représentant régulièrement habilité à la représenter, elle peut être mise en cause dans une opération d'expertise menée pour apprécier les travaux qu'elle a réalisés.

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L.241-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance. "

7. Il résulte des points 5 et 6 ci-dessus, en premier lieu, que la société Egts-fr pouvait être mise en cause à raison de travaux qu'elle avaient réalisés dans le cadre de l'opération qui faisait l'objet de l'expertise ordonnée, et, en second lieu, que la société Axa France Iard, assureur en responsabilité décennale de cette société, était susceptible de devoir assumer la charge d'éventuelles indemnités. Dans ces conditions, et dans la mesure des conclusions qu'elles formulent, la société Ronzat et Compagnie et la société Axa France Iard, sont fondées à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'extension de l'expertise qu'il avait confiée à M. B à la société Axa France Iard. Son ordonnance doit donc être réformée sur ce point.

ORDONNE :

Article 1er : Les interventions de la société Ronzat SAS au soutien des requêtes présentées par la société Axa France Iard et par la société Ronzat et Compagnie sont admises.

Article 2 : La mission confiée à M. A B par ordonnance du 13 septembre 2021 du juge des référés du tribunal de Châlons-en-Champagne est étendue à la société Axa France Iard.

Article 3 : L'ordonnance n° 2100895 du 2 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformée dans cette mesure.

Article 4 : Le surplus des conclusions formulées par la société Ronzat SAS, intervenante à l'instance n° 23NC00170, est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Romilly-sur-Seine, à la société Saretec France, à la société Octant architecture, à la SARL Collin Etanchéité, à la société Ronzat et compagnie, à la société Ronzat, à la société DEKRA industrial équipements, à l'entreprise Batiteg, à la SCP Deslorieux Jean-Jacques en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Barlet Frères, à la SCP Crozat Barault Maigrot en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Métallerie Guisée, à la société Aub'bois, à la société Futura Play, à la société Tech O Fluides, à la société CS VRD, à la société Soja Ingénierie, à la société Sebat, à la société Ineo Industrie et Tertiaire Est, à la communauté de communes des Portes de Romilly-sur-Seine, à la SCP Le Carrer-Najean, à la société AXA France Iard et à M. A B, expert.

La présidente,

Signé : S. Favier

La République mande et ordonne au préfet de l'Aube, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Lorrain

Nos 23NC00124,23NC00170

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