CAA Paris, 06/10/2022, n°20PA00296

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Services Déchets (ESD) a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'enjoindre au président de l'établissement public territorial 12 "Grand Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont" de lui communiquer les informations manquantes au titre de l'article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs des offres retenues dans le lot n° 1, portant sur la collecte des ordures ménagères résiduelles, des emballages et journaux-revues-magazines en mélange et du verre en porte-à-porte du marché n° 16 00 22 ayant pour objet la collecte des déchets ménagers et assimilés, dans le lot 2, portant sur la collecte en porte à porte des déchets verts et encombrants de ce marché, et dans le lot n° 3, portant sur la collecte des ordures ménagères résiduelles, des emballages et journaux-revues-magazines en mélange et du verre en apport volontaire de ce même marché ;

2°) de prononcer l'annulation, ou, à défaut, la résiliation, des lots n°1, n°2 et n° 3 de ce marché.

Par un jugement n°1701227, 1701229, 1701236 du 26 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2020, la société Europe Services Déchets, représentée par Me Cabanes, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 26 novembre 2019 ;

2°) de prononcer l'annulation, ou, à défaut, la résiliation, des lots n°1, n°2 et n° 3 du marché n° 16 00 22 ayant pour objet la collecte des déchets ménagers et assimilés ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial 12 " Grand Orly Val de Bièvre Seine Amont " (EPT) une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la société Sepur une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de la société LG Environnement une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas visé ses conclusions tendant à ce qu'il soit, avant-dire-droit, enjoint à l'EPT de produire le rapport d'analyse des offres sans occultation ;

- il est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;

- il est irrégulier en ce qu'il a, à tort, interprété ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, comme formulées seulement contre l'EPT, alors qu'elles étaient également dirigées contre les deux sociétés attributaires des lots n°s 1 à 3 du marché ;

- l'EPT a méconnu l'article 53 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne s'assurant pas du caractère économiquement viable des offres retenues, qui semblent anormalement basses ;

- l'EPT a, en méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats, apprécié le sous-critère tenant à l'" organisation du service " sur la base d'éléments de notation différents de ceux prévus dans le règlement de la consultation pour les lots 1 et 2 ;

- l'EPT n'a, en méconnaissance des mêmes principes, pas pris en compte, au stade de l'analyse des offres pour le lot n°3, au titre de la "pertinence de l'organisation du service", tous les paramètres annoncés ;

- l'EPT a également méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats en ce qui concerne le sous-critère tiré des "moyens matériels mis à disposition", dès lors qu'il ne justifie pas, dans son rapport d'analyse des offres, avoir pris en compte l'ensemble des paramètres qu'il s'était fixés dans le règlement de la consultation pour analyser les offres qui lui ont été soumises, au regard de ce sous-critère ;

- l'EPT n'a pas respecté la méthode de notation qu'il s'était fixée dans le règlement de la consultation en ce qui concerne le sous-critère relatif à l'"organisation mise en place pour assurer la continuité du service", car les points de "signalement des anomalies" et de "validation et de transmission des données", qui devaient pourtant être intégrés par les candidats dans leur note méthodologique, n'ont pas été mentionnés dans le rapport d'analyse des offres ;

- l'EPT a commis une erreur manifeste dans l'appréciation du sous-critère du lot n° 2 relatif à la "méthodologie utilisée pour assurer la qualité du service", en ne lui attribuant, malgré ses nombreux avantages concurrentiels, qu'une note supérieure de 0,5 point sur 10 à celle donnée à la société LG environnement, attributaire ;

- l'EPT a méconnu l'article 30 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, citée ci-dessus, et entaché la définition de son système d'évaluation des offres d'une erreur manifeste d'appréciation, en ne prenant pas en compte, au titre du sous-critère " méthodologie mise en œuvre pour la préservation et la mise en valeur de l'environnement ", les caractéristiques environnementales des bennes à ordures ménagères, ce qui a privé de sa portée ce sous-critère ;

- les irrégularités constatées par le tribunal administratif aux points 7 à 10, 18, 29 et 30 de son jugement font obstacle à la poursuite des relations contractuelles entre le pouvoir adjudicateur et les sociétés attributaires ;

- la justification, par l'un des candidats, de la régularité de sa situation fiscale et sociale en cours d'instance ne peut régulariser la méconnaissance par l'EPT des dispositions de l'article 45 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, citée ci-dessus, et de l'article 51 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- elle se réfère aux éléments présentés devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, la société Sepur, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ESD sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société ESD ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 avril et le 19 mai 2022, l'EPT, représenté par Me Gauch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ESD sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ESD ne sont pas fondés.

Par trois mémoires en réplique, enregistrés le 18 février 2021 et les 13 et 25 mai 2022, la société ESD, représentée par Me Cabanes et par Me Pezin, conclut aux mêmes fins que la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que :

- le jugement attaqué n'a pas statué sur ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'encontre des deux sociétés attributaires du marché ;

- l'EPT a méconnu l'article 60 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics en s'abstenant de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour détecter et écarter les offres anormalement basses ;

- les irrégularités constatées font obstacle à la poursuite des relations contractuelles, l'EPT ayant voulu favoriser la société Sepur, qui s'est vu attribuer la sous-traitance totale du marché conclu entre le pouvoir adjudicateur et la société LG environnement pour le lot n°2 ;

- la société Sepur et la société LG environnement ont pu constituer une entente anticoncurrentielle, la société Sepur ayant, au stade de l'élaboration des offres, proposé une mutualisation des coûts induits par l'exécution des prestations des trois lots litigieux, et s'étant par la suite vu octroyer une sous-traitance totale du lot n°2 attribué à la société LG environnement ;

- l'entente entre les sociétés Sepur et LG environnement caractérise un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation des lots litigieux.

Par une ordonnance du 20 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2022.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché, le marché ayant été entièrement exécuté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code général des impôts ;

- le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le règlement de la consultation ;

- le cahier des clauses techniques particulières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

- les observations de Me Pezin, pour la société Europe services déchets (ESD),

- et les observations de Me Millard, substituant Me Gauch pour l'établissement public territorial 12 " Grand Orly Val de Bièvre Seine Amont " (EPT).

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par un avis d'appel public à concurrence mis en ligne le 3 mai 2016, et publié le 7 mai 2016 au Journal officiel de l'Union Européenne, l'établissement public territorial 12 " Grand Orly Val de Bièvre Seine Amont " (EPT) a lancé, selon la procédure formalisée des articles 25-1-1°, 33, et 65 à 68 du décret du 25 mars 2016, visé ci-dessus, un marché de collecte des déchets ménagers et assimilés en porte-à-porte et apport volontaire, divisé en quatre lots. Le lot n° 1 était relatif à la collecte des ordures ménagères résiduelles, des emballages et journaux-revues-magazines en mélange et du verre en porte-à-porte, le lot n° 2 à la collecte en porte-à-porte des déchets verts et encombrants, et le lot n° 3 à la collecte des ordures ménagères résiduelles, des emballages et journaux-revues-magazines en mélange et du verre en points d'apport volontaire, pour des valeurs estimées hors taxes à respectivement 15 000 000 euros, 3 272 728 euros et 181 820 euros. La société Europe services déchets (ESD) a présenté une offre pour ces lots, et a été informée, par des lettres du 13 septembre 2016 pour les lots n° 1 et n° 2, et du 18 octobre 2016 pour le lot n° 3, que ses offres n'étaient pas retenues, puisqu'elle avait été classée troisième sur les cinq candidats, et de ce que les lots n° 1 et 3 étaient attribués à la société Sepur, le lot n° 2 l'étant à la société LG Environnement. Par un jugement du 26 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des lots n°1, 2 et 3 de ce marché. La société ESD fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société ESD soutient que le tribunal administratif a rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière, faute, d'une part, d'avoir visé ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EPT de produire dans l'instance, dans le cadre de l'instruction de l'affaire, le rapport d'analyse des offres dans une version " qui ne soit pas occultée au-delà de ce qu'impose le secret en matière industrielle et commerciale et en tout cas, qui permette au tribunal de fonder sa conviction sur les points en litige ", d'autre part, d'avoir motivé son refus de faire à droit à ces conclusions. Toutefois, le tribunal n'était pas tenu de viser de telles conclusions et d'y répondre expressément à peine d'irrégularité de son jugement.

3. En second lieu, la société ESD soutient que le tribunal administratif a rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir visé ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'encontre des sociétés Sepur et LG environnement, attributaires du marché, et d'y avoir statué.

4. Les sociétés Sepur et LG environnement, appelées à produire des observations en qualité d'attributaires des lots n°s 1 à 3, auraient eu, si elles n'avaient pas été mises en cause, qualité pour former tierce-opposition au jugement du Tribunal administratif de Melun du 26 novembre 2019, et doivent ainsi être considérées comme des parties à l'instance suivie devant ce tribunal pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société ESD est, par suite, fondée à soutenir que le tribunal a irrégulièrement omis de viser ses conclusions formulées à leur encontre et de statuer sur ces mêmes conclusions, et, dans cette seule mesure, à demander l'annulation de son jugement.

5. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la société ESD sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre des sociétés Sepur et LG environnement devant le tribunal administratif, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la société ESD.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché :

6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

7. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

8. En premier lieu, si la société ESD soutient que l'EPT n'a pas respecté la méthode de notation qu'il s'était fixée dans le règlement de la consultation pour le sous-critère tiré de " l'organisation mise en place pour assurer la continuité du service ", qu'il s'est fondé sur des éléments de notation différents de ceux prévus par ce règlement pour les lots n° s 1 et 2 et n'a pas pris en compte, au stade de l'analyse des offres du lot n°3, tous les paramètres annoncés au titre de la " pertinence de l'organisation du service ", ainsi que, pour chacun des trois lots, tous les paramètres annoncés pour le sous-critère tiré des " moyens matériels mis à disposition ", qu'il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation du sous-critère du lot n°2 relatif à la " méthodologie utilisée pour assurer la qualité du service ", et, enfin, qu'il a méconnu l'article 30 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 visée ci-dessus et commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans l'évaluation des offres au regard du sous-critère relatif à la " méthodologie mise en œuvre pour la préservation de l'environnement ", ces vices, à les supposer même établis, n'affectent pas la licéité du contenu du contrat, et ne peuvent être regardés comme caractérisant un vice de consentement ou, en l'absence de circonstance particulière, un autre vice de particulière gravité de nature à justifier l'annulation du marché.

9. En deuxième lieu, si la société ESD soutient que l'EPT, en s'abstenant de solliciter des sociétés Sepur et LG environnement des précisions ou des justifications de nature à expliquer les prix proposés dans leurs offres alors qu'ils paraissaient anormalement bas, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les articles 53 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et 60 du décret du 25 mars 2016 visés ci-dessus, cette omission, à la supposer même irrégulière, n'affecte pas la licéité du contenu du contrat et le consentement de l'EPT, et ne présente pas davantage un caractère de particulière gravité de nature à justifier l'annulation du marché.

10. En troisième lieu, les irrégularités relevées par le tribunal administratif, tenant à l'attribution des lots n° s 1 et 3 à la société Sepur alors qu'elle ne justifiait pas de la régularité de sa situation fiscale et sociale, à une violation du principe de transparence, le système d'évaluation des offres annoncé pour l'appréciation du sous-critère tiré de l'" organisation des moyens humains " pour chacun des trois lots n'ayant pas été respecté, et à une erreur commise dans l'appréciation du sous-critère relatif à la " méthodologie mise en œuvre pour la préservation et la mise en valeur de l'environnement " pour le lot n°1, n'affectent pas la licéité du contenu du contrat et le consentement de l'EPT, et ne présentent pas un caractère de particulière gravité de nature à justifier l'annulation du marché.

11. En quatrième lieu, les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif, à les supposer repris dans le cadre de la présente instance, ne sont en tout état de cause pas de nature à entrainer l'annulation du marché.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 420-1 du code de commerce : " Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises () ".

13. Il résulte de l'instruction que l'EPT a prévu, notamment au stade des actes d'engagement de chacun des lots, la possibilité pour leur attributaire de recourir à la sous-traitance, et a signé, le 29 mars 2019, une déclaration portant acceptation de la société Sepur en qualité de sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement pour les prestations " collecte en porte-à-porte de déchets verts " et " collecte en porte-à-porte des encombrants " du lot n°2.

14. Si la société ESD soutient que la société Sepur aurait en réalité exécuté seule, les prestations prévues pour le lot, n° 2 dès le 1er janvier 2017, elle ne l'établit pas en se bornant à faire état de cette déclaration de sous-traitance qui n'a concerné que les prestations de la période postérieure au 29 mars 2019. De plus, ni cette sous-traitance, ni la circonstance que la société Sepur a proposé, pour chacune de ses offres, un prix prenant en compte la mutualisation des coûts induits par l'exécution des prestations des trois lots litigieux, ne sont de nature à établir, par elles-mêmes, que les sociétés attributaires auraient conclu entre elles une entente anti-concurrentielle, susceptible, en raison de son caractère dolosif, de vicier le consentement de l'EPT et de justifier l'annulation du marché.

Sur les conclusions tendant à la résiliation du marché :

15. Il résulte de l'instruction que le marché litigieux est arrivé à échéance le 31 décembre 2021 pour les lots n°s 1 et 2, et le 31 décembre 2020 pour le lot n°3. Par suite, à la date du présent arrêt, le marché a été entièrement exécuté. Les conclusions à fin de résiliation ont donc perdu leur objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société ESD n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit, par la voie de l'évocation, aux conclusions présentées devant le tribunal administratif par la société ESD à l'encontre des sociétés Sepur et LG environnement, qui n'étaient pas les parties perdantes en première instance.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPT et des sociétés Sepur et de LG Environnement, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par la société ESD au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société ESD une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EPT et non compris dans les dépens, et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sepur et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par la société ESD aux fins de résiliation du marché en litige.

Article 2 : Le jugement n° 1701227, 1701229, 1701236 du Tribunal administratif de Melun du 26 novembre 2019 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions présentées par la société ESD à l'encontre des sociétés Sepur et LG environnement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société ESD devant le Tribunal administratif de Melun à l'encontre des sociétés Sepur et LG environnement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 4 : La société ESD versera une somme de 1 500 euros à la société Sepur et une somme de 1 500 euros à l'EPT sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Europe Services Déchets, à l'établissement public territorial 12 " Grand Orly Val de Bièvre Seine Amont ", à la société Sepur et à la société LG Environnement.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur,

J-C. A

Le président,

T. CELERIERLe greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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