CAA Toulouse, 01/12/2022, n°20TL04836
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Propreté Sud a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre, d'une part, des exercices clos les 31 mars 2014, 2015 et 2016, d'autre part, de la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2016.
Par un jugement n° 1900277 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 27 086 euros prononcé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault, déchargé la société Propreté Sud des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la somme totale de 29 138 euros et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020 sous le n° 20MA04836 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04836 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a déchargé la société Propreté Sud des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la somme totale de 29 138 euros ;
2°) de rétablir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige dont la décharge a été accordée à tort par les premiers juges.
Il soutient que le bénéfice du dispositif prévu au 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts pour les activités de nettoyage est subordonné à l'existence d'un contrat unique entre l'entreprise de construction et la société sous-traitante, englobant à la fois des opérations de construction et de nettoyage.
Par ordonnance du 11 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Propreté Sud a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité de nettoyage, au titre, d'une part, des exercices clos les 31 mars 2014, 2015 et 2016, d'autre part, de la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2016. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel du jugement du 5 octobre 2020, en tant que le tribunal a déchargé la société Propreté Sud des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été réclamés au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2016, à concurrence de la somme totale de 29 138 euros. Ces rappels procédaient de la remise en cause, par le service vérificateur, de la facturation sans taxe sur la valeur ajoutée de prestations de nettoyage, en application du 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts.
2. Aux termes du 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts : " Pour les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier par une entreprise sous-traitante, au sens de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d'un preneur assujetti, la taxe est acquittée par le preneur". L'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que : "Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage". L'article 3 de la même loi ajoute que : "L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande ()".
3. Il résulte de l'instruction que les factures émises par la société Propreté Sud au cours de la période en litige, qui ne mentionnaient pas la taxe sur la valeur ajoutée, correspondaient à des prestations de nettoyage de fin de chantier réalisées dans le cadre de contrats de sous-traitance conclus avec des sociétés de construction. Ces prestations, qui étaient ainsi effectuées dans le prolongement de travaux de construction de biens immobiliers, par une entreprise sous-traitante et pour le compte de preneurs assujettis, entraient dans le champ d'application du 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts, qui n'est pas limité, s'agissant des opérations de nettoyage, à celles réalisées dans le cadre de contrats de sous-traitance comprenant également des opérations de construction. Il s'ensuit que la société Propreté Sud n'était pas redevable, en application de ces dispositions, de la taxe ayant grevé les prestations en cause.
4. L'administration ne peut utilement se prévaloir d'une interprétation contraire à la loi fiscale. Ainsi, le ministre ne peut opposer l'interprétation exprimée au paragraphe 534 de la doctrine référencée BOI-TVA-DECLA-10-10-20 et dans le cadre d'une foire aux questions publiée sur le site internet de la direction générale des finances publiques, selon laquelle les opérations de nettoyage de chantier faisant l'objet d'un contrat de sous-traitance séparé sont exclues du dispositif d'auto-liquidation.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a déchargé la société Propreté Sud des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été réclamés au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2016.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Propreté Sud.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
N. A
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL04836