TA Bastia, 07/04/2023, n°2300354

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 et 31 mars 2023, la société entreprise de sécurité service express, représentée par Me Barbolosi, demande au tribunal :

1°) sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'annuler la décision en date du 14 mars 2023 par laquelle le responsable achat du service territorial achats Sud-Est du groupe " La Poste " a écarté sa candidature dans le cadre de la procédure de passation du lot n° 23 (Corse) du marché relatif aux prestations de transport de fonds, gestion de caisse et gestion des automates ;

2°) de mettre à la charge de la SA La Poste une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que la SA La Poste a manqué à ses obligations de mise en concurrence en ne respectant pas les documents de consultation et en faisant preuve de partialité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2023, la SA La Poste, représentée par Me Massa, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société entreprise de sécurité service express à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la juridiction administrative est incompétente en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et que tribunal est incompétent dès lors que seul son président est compétent pour connaître d'un référé précontractuel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : () 2' Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative () 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 () " ;

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 551-5 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique : " En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire ".

4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 1212-1 du code de la commande publique : " Les entités adjudicatrices sont : () 2° Lorsqu'elles ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs, les entreprises publiques qui exercent une des activités d'opérateur de réseaux définies aux articles L. 1212-3 et L. 1212-4 () ". Aux termes de l'article L. 1212-3 de ce code : " Sont des activités d'opérateur de réseaux : () 5° Les activités visant à fournir des services postaux mentionnés à l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques ou, lorsqu'ils sont fournis par une entité adjudicatrice exerçant par ailleurs de tels services postaux, les services suivants : a) Les services de gestion de services courrier ; b) Les services d'envois non postaux tels que le publipostage sans adresse ".

5. La SA La Poste, entreprise publique de droit privé, a la qualité d'entité adjudicatrice par application combinée des dispositions citées au point 4 du 2° de l'article L. 1212-1 du code de la commande publique et du 5° de l'article L. 1212-3 du même code. C'est dès lors à bon droit qu'elle soutient que le contrat afférent à la réalisation des prestations de transport de fonds en Corse relève du droit privé. D'une part, le président du tribunal administratif de Bastia n'est compétent, en application des dispositions de l'article L. 551-5 du code de justice administrative citées au point 2, qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de contrats administratifs par des entités adjudicatrices. D'autre part, en application des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 7 mai 2009 citées au point 3, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet une prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure un tel contrat et susceptibles d'être lésées par ce manquement doivent saisir la juridiction judiciaire. Il suit de là que le présent litige ne relève pas de la compétence du juge administratif. Par suite, la requête de la société entreprise de sécurité service express doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

6. Enfin, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA La Poste, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société entreprise de sécurité service express au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société entreprise de sécurité service express la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SA La Poste et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : La société entreprise de sécurité service express versera à la SA La Poste la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société entreprise de sécurité service express, à la SA La Poste et à la société Loomis.

Fait à Bastia, le 7 avril 2023

Le président de la 1ère chambre,

Signé

Pierre MONNIER

La République mande et ordonne au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition,

La greffière,

R. ALFONSI

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