TA Limoges, 11/04/2024, n°2101074


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


TA Limoges, 11/04/2024, n°2101074

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés les 28 juin 2021, 29 novembre 2023 et 29 janvier 2024, la société FSDC et Associés, représentée par Schmitt Avocats AARPI, demande au tribunal :

- à titre principal :

1°) d'annuler l'avis des sommes à payer n° 07600 2021 84 254 émis le 9 avril 2021 par la communauté urbaine Limoges Métropole et notifié le 10 mai 2021 pour le recouvrement d'une somme de 47 801,05 euros ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité des sommes réclamées par la communauté urbaine Limoges Métropole ;

- à titre subsidiaire, de modérer la mise en œuvre des pénalités appliquées par le pouvoir adjudicateur en limitant leur montant à 2 331,75 euros ;

- dans tous les cas, de mettre à la charge de la communauté urbaine Limoges Métropole la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable dès lors qu'elle a fait application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 du CCAG-PI en adressant à la communauté urbaine Limoges Métropole un mémoire en réclamation le 24 juillet 2020 ; la contestation d'un titre exécutoire n'est pas subordonnée au respect de la procédure prévue par cet article du CCAG-PI ;

- le titre a été émis et rendu exécutoire par une autorité incompétente ;

- ce titre exécutoire ne porte pas la signature de l'ordonnateur responsable ;

- il n'indique pas suffisamment les bases de sa liquidation, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; le montant du décompte est différent de celui réclamé par le titre exécutoire contesté ;

- la communauté urbaine Limoges Métropole n'est pas fondée à lui appliquer des pénalités de retard ; elle a accompli toutes les diligences nécessaires au respect de sa mission d'assistance aux opérations de réception pour laquelle elle est tenue à une obligation de moyen et il appartient au maitre d'œuvre de veiller à la remise du dossier des ouvrages exécutés ; les réserves et les délais nécessaires à la levée des réserves ne pouvaient être prise en compte dans le calcul d'un éventuel retard au titre de la mission AOR ;

- à supposer que des pénalités de retard puissent être appliquées, elles ne devaient prendre en compte que le seul montant de la mission AOR pour un montant de 2 331,75 euros ;

- le montant des pénalités réclamé est manifestement disproportionné dès lors que le montant de la mission AOR s'élevait à 6 850 euros HT, porté à 9 715,66 euros HT par l'avenant n° 1 du marché ; à supposer qu'il faille prendre en considération le montant global du marché de maîtrise d'œuvre, soit 194 313 euros, les pénalités réclamées représentent 24,6 % du montant du marché ; le retard est imputable aux seules entreprises de travaux et la communauté urbaine Limoges Métropole n'a subi aucun préjudice du fait de ce retard.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 février 2022 et le 26 décembre 2023, la communauté urbaine Limoges Métropole, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la commande publique ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Siquier,

- les conclusions de Mme Benzaïd, rapporteure publique,

- et les observations de Me Douineau, représentant la société FSDC Associés et Me Bieder, représentant la communauté urbaine Limoges Métropole.

Considérant ce qui suit :

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

1. La communauté urbaine Limoges Métropole a décidé de couvrir le vélodrome Raymond Poulidor à Bonnac-la-Côte, dont elle est propriétaire. La maitrise d'œuvre de cette opération a été confiée au groupement conjoint de maitrise d'œuvre constitué par la société FSDC et Associés et la société ICS Nicolas le 11 mai 2016. La communauté urbaine Limoges Métropole, par un ordre de service du 24 juin 2019 a invité ces sociétés à engager la mission Assistance aux Opérations de Réception (AOR) à compter du 1er juillet 2019. Constatant que le dossier des ouvrages exécutés (DOE) n'avait pas été remis dans les délais, la communauté urbaine Limoges Métropole a appliqué des pénalités de retard pour un montant total de 47 801,05 euros correspondant à la période courant du 15 juillet 2019 au 17 mars 2020 et un titre exécutoire, objet du litige, a été émis en vue du recouvrement de cette créance.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté urbaine Limoges Métropole :

2. La contestation, devant le juge, d'un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une créance née de l'exécution d'un marché, dont la recevabilité est régie par les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'est pas subordonnée au respect de la procédure prévue par le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI). Ainsi, quand bien même la société FSDC et Associés n'aurait pas contesté le bien-fondé des pénalités de retard dont il s'agit dans les formes et délais prescrits par le CCAG-PI, cette circonstance n'a pas d'incidence sur la recevabilité du recours formé devant le tribunal administratif par cette société contre le titre exécutoire mettant à sa charge l'obligation de payer ces pénalités. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'absence de mémoire en réclamation doit être écartée.

Sur le cadre juridique applicable :

3. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

4. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

5. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre ; statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

6. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

7. Selon l'article 8.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Les délais prévisionnels d'exécution des missions VISA, OPC, DET, AOR, sont fixés à l'article 3.2 de l'acte d'engagement. Le point de départ de ces délais est fixé à la date de réception des ordres de service qui prescriront le début de chaque élément de mission. / Ces délais prévisionnels d'exécution étant conditionnés par le déroulement de l'opération de travaux à laquelle ils se rattachent : -ils ne sauraient en aucun cas en retarder le déroulement, - mais pourront en revanche être rallongés si le délai d'exécution de l'opération de travaux afférente est modifié. ". Aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement, le délai d'exécution de la mission AOR peut être fixé à deux semaines à compter de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de commencer les prestations de la mission.

8. Par ordre de service du 24 juin 2019, la communauté urbaine Limoges Métropole a invité la société requérante à engager la mission AOR pour la couverture du vélodrome à compter du 1er juillet 2019, en précisant que celle-ci disposait d'un délai de deux semaines, hors réserves. Par suite, ce délai prenait fin le 15 juillet 2019, le 14 juillet étant férié. Il résulte de l'instruction, d'une part, que les réserves n'étaient toujours pas levées le 17 mars 2020, comme en attestent les relevés d'opération de levée de réserves des 18 septembre 2019 et 8 novembre 2019 ainsi que le courrier adressé le 29 mai 2020 par la communauté urbaine Limoges Métropole à la société requérante. D'autre part et au demeurant, la société requérante, a sollicité par un mail du 16 juillet 2019, adressé aux entreprises du chantier, la communication des DOE, puis les a relancées par un courrier 11 février 2020 et a donc, ce faisant, effectué les diligences nécessaires afin d'obtenir les DOE attendus. Dans ces conditions, la pénalité réclamée pour la période allant du 15 juillet 2019 au 17 mars 2020 n'est pas due.

9. Il résulte de ce qui précède que le titre exécutoire n° 07600 2021 84 254 émis le 9 avril 2021 à l'encontre de la société FSDC et Associés par la communauté urbaine Limoges Métropole doit être annulé et la société requérante doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 47 801,05 euros réclamée par ce titre exécutoire.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société FSDC et Associés, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la communauté urbaine Limoges Métropole au titre des frais liés au litige.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 800 euros à la charge de la communauté urbaine Limoges Métropole en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er :Le titre exécutoire n° 07600 2021 84 254 émis le 9 avril 2021 à l'encontre de la société FSDC et Associés par la communauté urbaine Limoges Métropole d'un montant de 47 801,05 euros (quarante-sept mille huit cent un euros et cinq centimes) est annulé.

Article 2:La société FSDC et Associés est déchargée de l'obligation de payer la somme de 47 801,05 euros (quarante-sept mille huit cent un euros et cinq centimes) réclamée par le titre exécutoire n° 07600 2021 84 254 émis le 9 avril 2021 par la communauté urbaine Limoges Métropole.

Article 3:La communauté urbaine Limoges Métropole versera à la société FSDC et Associés la somme de 1 800 (mille huit cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4:Les conclusions de la communauté urbaine Limoges Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5:Le présent jugement sera notifié à la société FSDC et Associés et à la communauté urbaine Limoges Métropole.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 où siégeaient :

- M. Normand, président,

- Mme Siquier, première conseillère,

- Mme Gaullier-Chatagner, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

H. SIQUIER

Le président,

N. NORMAND

La greffière,

M. A

La République mande et ordonne

au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme

Le Greffier en Chef

A. BLANCHON

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