TA Marseille, 12/04/2023, n°2102465
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, et des mémoires enregistrés les 14 septembre et 26 octobre 2021, la société GIL TP, représentée par Me Pontier, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 110 000 euros HT correspondant au montant des travaux qu'elle a effectués au sein du lycée Latécoère ;
2°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- n'étant liée avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et avec l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) Provence-Alpes-Côte d'Azur par aucun contrat, elle est fondée à rechercher la responsabilité de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le fondement de l'enrichissement sans cause au titre des travaux relatifs à l'aménagement du plateau sportif qu'elle a effectués et qui ont été utiles à la collectivité ;
- elle est intervenue en qualité de sous-traitante de la société SOGEV, titulaire du marché ;
- l'AREA lui a directement commandé la réalisation d'un plateau sportif ;
- l'AREA a ensuite commandé cette prestation à la société SOGEV, qu'elle a réalisé en tant que sous-traitante ;
- l'AREA a refusé de l'agréer en tant que sous-traitante une fois les travaux terminés ;
- elle n'a commis aucune faute de nature de nature à faire obstacle à son indemnisation;
- le maître d'ouvrage a refusé de régler à la société SOGEV la facture correspondant à ces travaux ;
- le constat d'huissier dressé le 14 juin 2021 permet d'établir qu'elle a réalisé ces travaux mais qu'ils ne sont pas terminés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société GIL TP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le juge administratif est incompétent pour connaître de ce litige, qui porte sur l'exécution d'un contrat de droit privé conclu entre deux personnes privées ;
- à titre subsidiaire, la société GIL TP n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
- elle n'a commandé des prestations qu'à la société SOGEV, laquelle n'a pas présenté à l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur de demande d'agrément de sous-traitant préalablement à la réalisation des travaux en litige ;
- il convient de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du juge judiciaire dans le litige opposant la société GIL TP à la société SOGEV ;
- la société GIL TP ne démontre pas avoir réalisé des travaux pour son compte et que les dépenses engagées ont été utiles à la région ;
- les prestations réalisées par la société GIL TP sont inutilisables.
Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre 2021 et le 11 janvier 2022, l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société GIL TP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le juge administratif est incompétent pour connaître de ce litige, qui porte sur l'exécution d'un contrat de droit privé conclu entre deux personnes privées ;
- à titre subsidiaire, elle n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement de l'enrichissement sans cause dès lors que la réalisation de ces travaux caractérise une situation de dol ;
- elle n'a passé aucune commande à la société GIL TP dans le cadre de l'accord-cadre ;
- elle n'a pas davantage commandé la prestation supplémentaire relative à la réalisation du plateau sportif dans le cadre du marché VRD-Espaces verts de la réhabilitation du lycée Latécoère dont la société GIL TP est titulaire ;
- les équipements sportifs réalisés ne sont pas utiles au maître d'ouvrage dès lors qu'ils ne sont pas terminés.
Un mémoire présenté par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, enregistré le 28 avril 2022, n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 13 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, enregistré le 23 février 2023, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A ;
- les conclusions de M. Grimmaud, rapporteur public ;
- les observations de Me Durand, représentant la société requérante, de Me Michaud, représentant la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de Me Champeau, substituant Me Bouteiller, représentant l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Considérant ce qui suit :
1. L'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur, agissant en qualité de maître d'ouvrage délégué de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a lancé une consultation portant sur un accord cadre de " travaux pour la gestion du patrimoine et d'intervention d'urgence de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur " composée de deux cent quatre-vingt-quatorze lots, lequel a été reconduit du 17 mai 2019 au 16 mai 2020. Le lot n° 255 " voirie réseau divers - secteur 9 Istres/ Saint-Chamas/Martigues/Port de Bouc/Miramas " a été attribué à la société SOGEV et l'acte d'engagement signé le 17 mai 2018. Sur le fondement de cet accord-cadre, l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé un bon de commande à la société SOGEV, le 29 juillet 2019, d'un montant de 148 452, 98 euros pour des travaux d'aménagement du plateau sportif du lycée professionnel Latécoère. Le 11 octobre 2019, la société SOGEV a adressé à l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur une demande d'acceptation de son sous-traitant, la société GIL TP, laquelle a réalisé ces travaux. Par courrier du 4 novembre 2019, l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé d'agréer cette demande de sous-traitance. Par courrier du 22 décembre 2020, la société GIL TP a sollicité de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le paiement de la somme de 110 000 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2020, correspondant au montant des travaux d'aménagement du plateau sportif qu'elle a réalisés. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de faire droit à cette demande par courrier du 25 février 2021. La société GIL TP demande au tribunal de condamner la région à lui verser la somme de 110 000 euros HT en réparation de son préjudice.
Sur l'exception d'incompétence du juge administratif :
2. L'action présentée sur le terrain quasi-contractuel par la société GIL TP à l'encontre de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, personne publique, dans le cadre d'un litige né de l'exécution d'une opération de travaux publics, relève de la compétence du juge administratif. Par suite l'exception d'incompétence soulevée en défense doit être écartée.
Sur l'enrichissement sans cause :
3. L'entrepreneur qui a réalisé des travaux à la demande de l'administration peut prétendre, même sans contrat, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité bénéficiaire des prestations qu'il a réalisées.
4. Il résulte de l'instruction que l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé à la société SOGEV un bon de commande, le 29 juillet 2019, pour la réalisation de travaux d'aménagement du plateau sportif du lycée professionnel Latécoère. Pour soutenir que ces travaux lui auraient été directement commandés par l'AREA, la société GIL TP se prévaut d'un courrier électronique du maître d'ouvrage délégué adressé à l'ensemble des intervenants aux travaux de rénovation du lycée Latécoère, le 12 août 2019, indiquant : "je me permets de rappeler que la semaine dernière, j'avais appelé certains d'entre vous, qui m'avaient annoncé des prestations qui seraient effectuées dans la semaine, et ce matin, rien ou voir peu de choses ont évolué ! Rappelons un détail qui n'a certainement échappé à personne, la rentrée des élèves est dans 13 jours ouvrés. Espérant que lundi prochain nous serons plus nombreux et que les prestations réalisées auront évolué". Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des termes de ce courrier que l'AREA aurait ordonné à la société GIL TP la réalisation des travaux en litige. Il n'en est pas non plus justifié par le courrier adressé par la société SOGEV à la société requérante, la première indiquant à la seconde, pour rejeter sa demande de paiement, qu'elle aurait réalisé les travaux à la demande de l'AREA. En outre, il résulte de l'instruction que la société GIL TP figurait dans les destinataires de ce courrier électronique en qualité de titulaire du lot VRD-Espaces verts d'un marché public forfaitaire de réhabilitation du lycée Latécoère, qui lui a été attribué le 9 septembre 2015, sans lien avec les travaux en litige. La circonstance que la société GIL TP a émis un devis d'un montant de 110 000 euros hors taxes pour la réalisation de ces travaux le 9 avril 2019, indiquant seulement " pour le compte de : AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur " n'est pas davantage de nature à révéler que l'AREA lui aurait passé commande directement. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à prétendre, sur le terrain de l'enrichissement sans cause, au remboursement des dépenses correspondant à la réalisation du plateau sportif et qui auraient été utiles à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société GIL TP doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par la société GIL TP et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GIL TP la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et non compris dans les dépens. Enfin les conclusions de l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur présentées au même titre, alors qu'elle pas la qualité de partie à l'instance, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société GIL TP est rejetée.
Article 2 : la société GIL TP versera 2 000 euros à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société GIL TP et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Copie en sera adressée à l'AREA Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gonneau, président,
Mme Simeray, première conseillère,
Mme Devictor, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
La rapporteure,
Signé
C. ALe président,
Signé
P-Y. Gonneau
La greffière,
Signé
A. Martinez
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
La greffière,