TA Marseille, 12/05/2023, n°2209359

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2022, la société Sols Industriels de la Vallée du Rhône (SIVAR), représenté par Me Loye, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 12 905 euros TTC, assortie des intérêts à taux légal ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été agréé comme sous-traitant de la société Eiffage pour l'exécution de travaux du lot n° 2 du marché de travaux conclu avec la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) Sud-Est ;

- elle a réalisé des travaux de dallage quartz à hauteur de 7 905 euros HT dont elle n'a pas été réglée par la DISP ;

- elle a droit au paiement direct de ces prestations ;

- elle a également droit à une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du retard de paiement de la DISP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, l'État conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de le société SIVAR la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société SIVAR n'a pas adressé au titulaire du marché une demande de paiement direct pour les travaux en cause conformément à l'article R. 2193-14 du code de la commande publique ;

- la situation des travaux n° 3 établie par Eiffage à l'attention du maître d'œuvre est antidatée ;

- les travaux réalisés ne sont pas conformes aux stipulations du marché : ils ont été livrés en retard et ont fait l'objet de réserves lors de la réception ;

- une réfaction a, pour ce motif, été proposée par le maître d'œuvre à hauteur de 24 400 euros HT de sorte qu'il est fondé à refuser le paiement de ces travaux ;

- la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée.

Par ordonnance du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référés.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou non sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. De même, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que le juge des référés peut allouer n'a d'autre limite que celle qui résulte du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. La DISP a lancé un marché de travaux pour la construction d'une base pour l'équipe régionale d'intervention et de sécurité et d'un pôle régional d'extraction judiciaire sur le domaine pénitentiaire d'Aix-Luynes, dont le lot n° 2 " gros œuvre " a été attribué à la société Eiffage. Le 7 octobre 2009, la DISP a accepté la société SIVAR en qualité de sous-traitant d'Eiffage et a agréé ses conditions de paiement pour un montant de 30 312,50 euros HT, correspondant à la réalisation des travaux de dallage quartz. Le 26 octobre 2020, la société SIVAR a adressé la facture correspondant à ces travaux à la société Eiffage. Le 27 octobre 2020, Eiffage a adressé au maître d'œuvre, BETOM ingénierie, une situation de travaux n° 16 à fin octobre 2020 faisant apparaitre un montant de 7 905 euros HT dû à la société SIVAR. Par courrier du 6 août 2021, la société Eiffage a adressé à la DISP la situation de travaux n°16 et a sollicité le règlement de la facture de 7 905 euros HT à son sous-traitant, le SIVAR. Par lettre du 21 septembre 2022, à laquelle la DISP n'a pas répondu, le SIVAR a mis en demeure la DISP de lui payer la facture correspondante. La société SIVAR demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la DISP à lui régler la somme provisionnelle de 7 905 euros HT euros au titre des travaux réalisés.

Sur la demande de provision :

4. Aux termes de l'article L. 2193-11 du code de la commande publique : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ". Aux termes de l'article R. 2193-11 du code de la commande publique : " Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché, par tout moyen permettant d'en assurer la réception et d'en déterminer la date, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé ". Aux termes de l'article R. 2193-12 du même code : " Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date de réception ou du récépissé mentionnés à l'article R. 2193-11 pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur ". Aux termes de l'article R. 2193-13 du même code : " Passé le délai mentionné à l'article R. 2193-12, le titulaire du marché est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées ". Aux termes de l'article R. 2193-14 du même code : " Lorsque le sous-traitant a obtenu la preuve ou le récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement dans les conditions fixées à l'article R. 2193-11 ou qu'il dispose de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé par le titulaire, le sous-traitant adresse sa demande de paiement à l'acheteur accompagnée de cette preuve, du récépissé ou de l'avis postal. L'acheteur adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.

6. Cette procédure ne fait néanmoins pas obstacle au contrôle par le maître de l'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché.

7. Si la société SIVAR se prévaut d'une facture datée du 26 octobre 2020 correspondant au montant des travaux exécutés adressée à Eiffage, titulaire du marché, elle ne justifie pas de la réception de cette facture par cette société et, par suite, qu'Eiffage ait donné son accord pour la demande de paiement. A supposer que la société Eiffage puisse être regardée comme ayant admis la demande de paiement direct de son sous-traitant par l'envoi, au maître d'œuvre, d'une situation des travaux n° 16 datée du 27 octobre 2020 et comprenant les travaux réalisés par le SIVAR à hauteur de 7 905 euros, dont il n'est pas davantage justifié de la réception, puis par sa demande adressée à la DISP le 6 août 2021, il résulte toutefois de l'instruction que des fissurations sont apparues sur le béton lissé quartz pour l'ensemble des sols intérieurs, lesquelles ont fait l'objet d'une proposition de réfaction à hauteur de 24 400 euros HT par le maître d'œuvre. Dès lors, il apparaît que les travaux réalisés par la société SIVAR n'étaient pas conformes aux stipulations du marché. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, la société SIVAR ne peut être regardée comme justifiant d'une créance non sérieusement contestable. Par suite, ses conclusions à fin de versement d'une provision à hauteur de 7 905 euros doivent être rejetées.

8. Pour le même motif, la demande de provision de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'absence de paiement direct par l'administration doit être rejetée.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société SIVAR est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministère de la justice et à la société Sols Industriels de la Vallée du Rhône.

La juge des référés,

Signé

C. A

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P. La greffière en chef,

La greffière,