TA Martinique, 10/07/2023, n°2100397
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2021, et un mémoire de productions de pièces, enregistré le 15 juin 2022, la SNC Compagnie des travaux antillais (CTA), représentée par Me Lafay, demande au tribunal :
1°) d'établir le décompte général et définitif du lot n° 1 " Terrassement, chaussées et assainissement " du marché public de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture, conclu avec la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) le 14 août 2015, puis transféré au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD), et de fixer le solde à la somme de 2 741 286,43 euros hors taxe, soit 2 966 152,56 euros toutes taxes comprises, en sa faveur ;
2°) de condamner le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) à lui verser la somme de 2 741 286,43 euros hors taxe, soit 2 966 152,56 euros toutes taxes comprises, correspondant au solde du lot n° 1 " Terrassement, chaussées et assainissement " du marché public de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture, conclu le 14 août 2015 et d'assortir cette somme des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 22 décembre 2019, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à la suite du dépôt de son décompte final, le 12 novembre 2019, le maître de l'ouvrage aurait dû lui notifier le projet de décompte général du marché le 22 décembre 2019 au plus tard ;
- après plusieurs lettres de mises en demeure adressées au syndicat, le maître d'œuvre lui a adressé, le 19 novembre 2020, un projet de décompte général non signé par le maître de l'ouvrage, à l'encontre duquel elle a présenté une réclamation qui est restée sans réponse ;
- ce projet de décompte ne tient pas compte des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés en raison de l'augmentation du volume des déchets amenés sur le site par le SMTVD, ni des perturbations liées à l'exploitation du site durant la réalisation des travaux, qui ont généré un allongement de la durée du chantier ;
- les pénalités de retard que lui a appliquées le maître de l'ouvrage ne sont pas justifiées ;
- elle renvoie au mémoire de réclamation préalable adressé au maître de l'ouvrage, qu'elle joint à sa requête, aux termes duquel elle faisait valoir que :
* elle est fondée à solliciter la somme de 120 322,76 euros toutes taxes comprises à titre de " solde marché (hors retenue de garantie) " ;
* les retards mis par le maître de l'ouvrage dans le paiement de ses différents décomptes de situation valant demande d'acompte lui ouvrent droit à des intérêts moratoires à hauteur d'un montant de 95 802,39 euros toutes taxes comprises ;
* le montant de la révision du prix du marché doit être fixé à la somme de 60 514,18 euros toutes taxes comprises, le " mois zéro " correspondant à juillet 2015, lorsqu'elle a confirmé son offre, et non décembre 2013, lorsqu'elle a remis l'offre initiale ;
* elle a été conduite à exécuter des travaux supplémentaires d'un montant total de 781 942,14 euros toutes taxes comprises, portant sur le remodelage de 80 076 m3 de déchets, dont elle est fondée à réclamer le paiement ;
* ayant dû immobiliser son personnel et des matériels entre le 17 janvier 2016 et le 25 février 2016, suite à la suspension du lancement du chantier après la phase de préparation, elle a subi un préjudice de 193 739,17 euros hors taxe dont elle est fondée à demander l'indemnisation ;
* en raison de retards de chantier qui ne lui sont pas imputables, elle a subi une immobilisation de ses ressources fixes affectées au chantier pendant 67 semaines, entre le 25 février 2016 et le 31 août 2018, lui causant un préjudice de 303 771,02 euros toutes taxes comprises ;
* au cours de cette même période, elle a subi une perte de cadence dans la réalisation des travaux de terrassement liée à la gêne occasionnée par la présence de fosses à boue, demandée par le SMTVD, et à l'acheminement et au stockage de mâchefers et de balles d'ordures par le maître de l'ouvrage, lui causant un préjudice de 1 410 060,91 euros toutes taxes comprises, dont elle est fondée à demander réparation ;
* l'indemnité de 496 368 euros hors taxe, soit 538 559,28 euros toutes taxes comprises, que le maître d'œuvre lui a été attribuée pour couvrir ses préjudices résultant des perturbations dans l'exécution du marché doit être majorée à la somme de 1 907 571,00 euros ;
* la retenue de 45 450 euros hors taxe qu'a pratiquée le maître d'œuvre dans son projet de décompte général n'est pas justifiée et ne lui a jamais été expliquée ;
* les pénalités de retard que le maître de l'ouvrage lui a appliquées, pour un montant de 596 000 euros hors taxe, ne sont pas justifiées dès lors qu'elle n'est pas responsable des retards de chantier et qu'aucun calcul précis des jours de retard imputés n'a été établi ;
- compte-tenu des montants déjà perçus, le solde du décompte général et définitif du marché doit être fixé à la somme de 2 741 286,43 euros hors taxe, soit 2 966 152,56 euros toutes taxes comprises, en sa faveur, dont elle est fondée à demander le versement.
La procédure a été régulièrement communiquée au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets, qui n'a produit aucune observation malgré la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée par courrier du 8 juin 2022.
Par ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2023.
En application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative, le mémoire complémentaire de la SNC CTA, enregistré le 23 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté modifié du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;
- le code de justice administrative.
En application des dispositions de l'article R. 222-17 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. de Palmaert, premier conseiller, pour présider temporairement la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Phulpin,
- les conclusions de M. Lancelot, rapporteur public,
- et les observations de Me Lafay, avocat de la SNC CTA.
Une note en délibéré présentée pour la SNC CTA a été enregistrée le 3 juillet 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM), maître de l'ouvrage, a lancé une opération de travaux de fermeture du centre d'enfouissement technique de la Trompeuse, comportant deux phases successives. Par un acte d'engagement signé le 14 août 2015 et notifié le même jour, elle a confié à la SNC Compagnie des travaux antillais (CTA) l'exécution du lot n° 1 " Terrassement, chaussées et assainissement " du marché public de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture. Ce contrat a été transféré au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD), qui a succédé à la CACEM dans l'ensemble de ses droits et obligations. A la suite de retards de chantier, les travaux ont finalement été réceptionnés le 4 octobre 2018, avec des réserves qui ont été levées le 25 mars 2019. La société a présenté son décompte final au SMTVD le 8 novembre 2019 et sollicité à cette occasion, par un mémoire de réclamation, le paiement de diverses sommes et indemnités. En l'absence de suite donnée à ce décompte, la SNC CTA a mis en demeure le maître d'ouvrage, par un courrier du 14 septembre 2020, d'établir le décompte général du marché. Le maître d'œuvre a établi, le 8 octobre 2020, un projet de décompte général, qu'il adressé par courriel à la société le 14 octobre 2020. Par courrier du 10 novembre 2020 resté sans réponse, la SNC CTA a informé le maître de l'ouvrage de son refus de signer le projet de décompte général et produit à cette occasion un nouveau mémoire de réclamation. Dans la présente instance, la SNC CTA demande au tribunal administratif d'établir le décompte général et définitif du lot n° 1 " Terrassement, chaussées et assainissement " du marché public de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture conclu le 14 août 2015, de fixer le solde à la somme de 2 741 286,43 euros hors taxe, soit 2 966 152,56 euros toutes taxes comprises, en sa faveur et de condamner le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) à lui verser cette dernière somme, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % et de la capitalisation.
Sur l'acquiescement aux faits :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Il résulte de ces dispositions que l'acquiescement aux faits prévu à l'article R. 612-6 est acquis lorsque, comme en l'espèce, le délai imparti à l'administration a expiré et que la date de clôture de l'instruction fixée par ordonnance est échue sans que l'administration ait présenté d'observations. Cette circonstance ne saurait dispenser le juge, d'une part, de vérifier que les faits allégués par le demandeur ne sont pas contredits par les autres pièces versées à l'instruction, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'affaire.
Sur l'établissement du décompte général du marché :
En ce qui concerne les sommes restant à la charge du maître de l'ouvrage :
S'agissant du montant des prestations :
3. En premier lieu, si la SNC CTA demande le paiement d'une somme de 120 322,76 euros toutes taxes comprises, intitulée " Solde marché (hors retenue de garantie) ", elle n'apporte toutefois aucune précision sur la nature de cette somme, ni ce qu'elle recouvre. A supposer que la société ait entendu solliciter le paiement d'acomptes restés impayés, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du tableau de calcul des intérêts moratoires joint à la réclamation préalable, que le maître d'ouvrage a procédé au paiement de l'intégralité des sommes, hors retenue de garantie, mentionnées dans les vingt-cinq décomptes de situation mensuelles valant demande d'acomptes remis au maître d'ouvrage par la SNC CTA. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, par un avenant n° 1 signé le 26 avril 2018, les parties ont contractuellement convenu de porter à la hausse le montant du marché à la somme totale de 9 385 174,89 euros hors taxe, soit 10 182 914, 76 euros toutes taxes comprises. Dans ces conditions, il y a seulement lieu d'inscrire ce dernier montant au décompte général du marché.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dans sa version applicable au marché litigieux : " () 10.4.4. La révision se fait en appliquant la formule et les coefficients fixés par les documents particuliers du marché. / La valeur initiale du ou des index à prendre en compte est celle de la date d'établissement des prix initiaux () ". L'article 4.4., intitulé " révision des prix ", du cahier des clauses administratives particulières, commun à l'ensemble des lots du marché, stipule : " Les répercussions sur les prix du marché des variations des éléments constitutifs du coût des travaux sont réputées réglées par les stipulations ci-après : / 4.4.1. Type de variation des prix / Les prix sont révisables suivant les modalités fixées au présent C.C.A.P. / () 4.4.2. Mois d'établissement des prix du marché / Les prix du marché compris dans les actes d'engagement, ainsi que les valeurs de base des indices de la formule de révision sont réputés établis sur la base des conditions économiques du mois de remise des offres. Ce mois est appelé " mois zéro " ou " m0 ". / 4.4.3. Modalités de révision des prix / A° Choix des indices de référence / L'index de référence I, choisi en raison de sa structure pour la révision des prix des travaux faisant l'objet du marché est l'index national : / Lot : Lots 1 () - Index : TP01 - Libellé : Index général tous travaux / () B. Formule de révision des prix / La révision des prix est effectuée par application au prix du marché d'un coefficient Cn donné par la formule Cn = Id-3 / I0 dans laquelle I0 et Id-3 sont les valeurs prises respectivement au mois zéro et au mois d-3 par l'index de référence I, sous réserve que le mois d de début de délai contractuel d'exécution des travaux soit postérieur de plus de trois mois au mois zéro () ".
5. Il résulte des termes mêmes des stipulations citées au point précédent que la révision définitive des prix du marché doit être établie par application au prix du marché d'un coefficient (Cn) calculé à partir, notamment, de la valeur de l'index général tous travaux (TP01) à la date du mois d'établissement des prix du marché (m0), lequel est réputé être le mois de la remise des offres, soit le mois de décembre 2013. La circonstance que, postérieurement à la date de remise des offres, le pouvoir adjudicateur ait invité les candidats à confirmer leur offre et que la SNC CTA ait effectivement confirmé son offre au cours du mois de juillet 2015 est restée sans incidence sur les modalités de calcul de la révision des prix et ne s'est au demeurant traduite par aucune modification de l'offre de la société. Il s'ensuit que la SNC CTA n'est pas fondée à soutenir que le calcul de la révision des prix du marché devrait être établi à partir d'une valeur I0 correspondant à l'index de référence de juillet 2015, et non à partir de la valeur de l'index de référence du mois de décembre 2013 comme l'a retenu à bon droit le maître d'œuvre dans son projet de décompte général. La société requérante ne conteste par ailleurs pas les autres éléments des bases de calcul retenues par le maître d'œuvre dans son projet de décompte général pour établir le montant de la révision définitive du prix du marché à la somme de - 298 161,32 euros hors taxe, soit - 323 505,03 euros toutes taxes comprises. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir ce dernier montant et de l'inscrire au décompte général du marché.
6. En troisième lieu, le prestataire a le droit d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.
7. L'article 1.3.1., intitulé " synthèse du programme de travaux (tous lots) ", du cahier des clauses techniques particulières du marché litigieux stipule : " Les travaux du site consistent à : / () - Réaliser le remodelage des déchets du site selon le profil garantissant la stabilité (environ 123 000 m3 de déchets à remodeler) () ". L'article 2.4.4.2., intitulé " travaux de remodelage ", du même cahier stipule : " Le remodelage principal est un décaissement du profil Est vers le profil Ouest où le pied de talus a été élargi et stabilisé par préchargement géotechnique. / Le titulaire fait son affaire des conséquences techniques et économiques induites par les évolutions potentielles de volumes liés aux foisonnements et contre-foisonnement des matériaux. / () Le remodelage consiste en effet : / - Au déblai des matériaux comprenant la gestion des lixiviats qui pourraient apparaître () / - Au transport de ces matériaux déblayés et le déchargement sur la zone à remblayer, / - A la mise en forme et au réglage des matériaux sur la zone à remblayer, / - Au remblai compacté des matériaux avec un compacteur à pied de mouton de 28 T minimum, / - cette prestation comprend toutes les sujétions nécessaires concernant l'aménagement de pistes d'accès pour tous les véhicules nécessaires à l'opération (camions, etc.) / () Caractéristiques de l'installation de stockage / () Date de fin d'exploitation théorique : 31 décembre 2013 () ".
8. Il résulte de ces stipulations que le SMTVD a confié à la SNC CTA des travaux de remodelage des déchets du site consistant à déblayer, à transporter et à remblayer un volume d'environ 123 000 m3 de déchets présents sur le site du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse afin de constituer des talus de stockage en forme de dôme, et ce selon des prescriptions techniques de nature à assurer la stabilité de l'ensemble. Si le cahier des clauses techniques prévoyait que ces travaux de remodelage devaient être réalisés après la fin de l'exploitation du centre de stockage, prévue le 31 décembre 2013, l'activité du site s'est toutefois poursuivie au cours du chantier, jusqu'au mois de septembre 2017, ainsi que l'indique la société dans sa réclamation préalable. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avenant n° 1 signé le 26 avril 2018, qu'au cours du chantier la SNC CTA a été contrainte de procéder au remodelage non seulement des déchets présents sur le site de stockage à la date à la date du 31 décembre 2013 initialement prévue pour sa fermeture, mais également des déchets acheminés sur le site postérieurement à cette date, jusqu'à la cessation effective de l'exploitation du site, le 31 août 2017. Il résulte de la note de calcul du 23 mars 2018, jointe à la réclamation préalable, que la quantité de déchets remodelés par la société au cours du chantier a été évaluée par le biais d'un logiciel informatique, d'une part, à un volume total de 215 386,063 m3 de déblais de déchets présents sur le site au moment du démarrage des travaux et, d'autre part, à un volume total de 286 662,406 m3 de remblais, incluant le remblai des déchets excavés par la société et le remblai d'un volume de 71 276,343 m3 de déchets acheminés sur le site au cours du chantier. Ces calculs de déchets ne sont pas contestés en défense par le maître de l'ouvrage, qui n'a produit aucune observation. Il s'ensuit que la société est fondée à soutenir que les travaux qu'elle a réalisés se rapportant au remodelage des déchets ainsi évalués à 163 662,406 m3, qui excèdent le volume de 123 000 m3 prévu par le cahier des clauses techniques particulières du marché, constituent des travaux supplémentaires non prévus par le contrat. Il est constant que ces travaux supplémentaires étaient indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art et que le SMTVD ne s'est pas préalablement opposé à leur réalisation. Il résulte toutefois de l'avenant n° 1 signé le 26 avril 2018 que le maître de l'ouvrage a déjà indemnisé le coût d'une partie de ces travaux supplémentaires, à concurrence d'un volume de déchet de 145 924 m3, sur la base d'un prix unitaire de 9 euros hors taxe / m3. Dans ces conditions, la SNC CTA est seulement fondée à demander l'indemnisation des coûts des travaux supplémentaires de remodelage se rapportant à la différence entre ces deux volumes, soit 17 738,406 m3, sur la base d'un même prix unitaire de 9 euros hors taxe / m3. Elle peut dès lors prétendre à ce titre au paiement d'une somme de 159 645,66 euros hors taxe, soit 173 215,54 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, par suite, de retenir ce dernier montant et de l'inscrire au décompte général du marché.
S'agissant des créances d'intérêts moratoires et d'indemnités pour frais de recouvrement :
9. L'article 39 de la loi du 28 janvier 2013 portant dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière dispose, dans sa version application au litige : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat () ". L'article 40 de la même loi dispose : " Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret () ". L'article 8 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique dispose, dans sa version applicable au litige : " () Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes () sont calculés sur le montant total de l'acompte () toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses d'actualisation, de révision et de pénalisation () ". L'article 9 du même décret dispose, dans sa version applicable au litige : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros. " Aux termes de l'article 4.3.7, E. du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux, le délai de paiement est fixé à trente jours à compter de la date de réception de la demande de paiement.
10. La société soutient dans sa réclamation préalable, à laquelle elle renvoie dans sa requête, que les vingt-quatre premiers décomptes de situations valant demandes d'acomptes qu'elle a présentés au maître de l'ouvrage ont été payés au-delà du délai de paiement contractuel de trente jours. Cette circonstance, qui n'est pas contredite pas les pièces du dossier, doit être tenue pour établie par l'acquiescement aux faits résultant de l'absence d'observation en défense. La SNC CTA a établi des fiches de calcul ainsi qu'un tableau récapitulatif établissant le montant total des intérêts moratoires et des indemnités forfaitaires de recouvrement de 40 euros dus à raison de ces retards de paiement à la somme totale de 95 802,39 euros. Les bases et éléments de calcul ainsi retenus par la société requérante, en particulier les dates de présentation des décomptes mensuels et les dates de mise en paiement, ne sont pas contestés par le maître de l'ouvrage, qui n'a pas produit à l'instance. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir cette somme et de l'inscrire au décompte général du marché.
S'agissant de la responsabilité du maître de l'ouvrage :
11. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
12. D'une part, l'article 3-2 de l'acte d'engagement du marché de travaux litigieux prévoit que la SNC CTA s'est engagée à exécuter les prestations de travaux dans un délai d'exécution de 62 semaines et précise que " Le délai d'exécution peut être interrompu par OS par le maître d'œuvre dans l'intervalle de la durée du marché (64 semaines). " L'article 5 du cahier des clauses administratives particulières du marché de travaux litigieux stipule : " 5.1. Délai d'exécution des travaux / () La période de préparation du chantier est fixée à huit (8) semaines. / Le délai plafond d'exécution est fixé à : / 64 semaines pour le lot 1 / () Pour mémoire, la durée du marché est de 72 semaines pour tous les lots. Le MOE se réserve le droit de délivrer des OS de suspension de chantiers aux différents lots dans ce délai de 72 semaines. / 5.1.1. Calendrier détaillé d'exécution / A) Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par l'Entrepreneur titulaire du marché de travaux. / () C) Le calendrier initial visé au A), éventuellement modifié comme il est indiqué au B), est notifié par ordre de service au Titulaire du marché de travaux. "
13. D'autre part, l'article 19 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, approuvé par arrêté ministériel du 8 septembre 2009, stipule, dans sa version applicable au marché litigieux : " () 19.2.3. Dans le cas d'intempéries au sens des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, entraînant un arrêt de travail sur les chantiers, les délais d'exécution des travaux sont prolongés. Cette prolongation est notifiée au titulaire par un ordre de service qui en précise la durée. Cette durée est égale au nombre de journées réellement constaté au cours desquelles le travail a été arrêté du fait des intempéries conformément auxdites dispositions, en défalquant, s'il y a lieu, le nombre de journées d'intempéries prévisibles indiqué dans les documents particuliers du marché () ". L'article 5.2., intitulé " prolongation du délai d'exécution - intempéries ", du cahier des clauses administratives particulières du marché stipule : " En vue de l'application éventuelle du premier alinéa du 22 de l'article 19 du C.C.A.G., le nombre de journées d'intempéries réputées prévisibles est fixé à 15 jours. / En vue de l'application éventuelle du deuxième alinéa du 22 de l'article 19 du C.C.A.G. et pour autant qu'il y ait entrave à l'exécution des travaux, le(s) délai(s) d'exécution est/sont prolongé(s) d'un nombre de jours égal à celui pendant lequel un au moins des phénomènes naturels ci-après dépasse les intensités et durées limites suivantes : / Nature du phénomène : Cyclones et tempêtes tropicales - Intensité limite : Niveaux de vigilance orange, rouge et violet jusqu'au rétablissement des possibilités d'intervention sur le chantier / Nature du phénomène : Vent - Intensité limite : 80 km/h au poste de relèvement le plus proche des travaux () / nature du phénomène : Pluie - 20 mm en 24 heures au poste de relèvement le plus proche des travaux / () Outre ces critères mesurables, les constatations d'impossibilité de travailler et les décisions d'arrêt de chantier qui en découlent seront décidées contradictoirement entre le Maître d'œuvre et l'Entrepreneur. / () Le(s) délai(s) d'exécution sera/seront prolongé(s), à l'exclusion de toute autre forme d'indemnités, du nombre de jours au cours desquels le travail aura été effectivement arrêté du fait de l'impraticabilité du chantier dûment constatée par le Maître d'œuvre et justifié par la nature même des travaux à exécuter. / Ce délai pourra être prolongé en cas de grève générale. "
Quant à la faute :
14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment aux points 7. et 8. que, malgré les stipulations de l'article 2.4.4.2. du cahier des clauses techniques particulières prévoyant que les travaux de la phase II de l'opération de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse devaient être effectués après la fin d'exploitation du site, programmée le 31 décembre 2013, le SMTVD a maintenu cette exploitation jusqu'au 31 août 2017 et lancé la phase de préparation du chantier, le 3 novembre 2015, puis fixé la date de démarrage des travaux du lot n° 1 le 25 février 2016 alors même que l'exploitation du site n'avait pas cessé. Il résulte de l'instruction, en particulier des différents compte-rendu des réunions de chantier, que le maintien en exploitation du centre de stockage a engendré d'importantes perturbations sur l'organisation et la conduite du chantier, liées notamment à l'insuffisance des zones de travail disponibles pour les entrepreneurs et à l'impossibilité de réaliser des travaux sur certains ouvrages situés dans les parties en activité du site de stockage que le maître de l'ouvrage n'avait pas libérés, en particulier les bassins de lixiviats. Face à ces difficultés, le maître de l'ouvrage a été conduit à définir, par ordre de service du 23 février 2016, un calendrier initial de travaux s'étendant jusqu'au 18 mai 2017, soit sur une période totale de 80 semaines et 2 jours à compter du lancement de la phase de préparation du chantier fixée le 3 novembre 2015, supérieure à la durée du marché fixée à 72 semaines par les stipulations citées au point 12. Par un nouvel ordre de service du 5 août 2017, intervenu juste avant la cessation effective de l'exploitation du centre de stockage des déchets, le SMTVD a modifié le calendrier de chantier et repoussé la fin des travaux du lot n° 1 à la date du 25 janvier 2018, soit 36 semaines après la date de fin initialement prévue, validant ainsi un retard dans l'exécution des travaux du lot n° 1 du marché. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir qu'en maintenant l'exploitation d'une partie du centre de stockage des déchets de la Trompeuse malgré le lancement du chantier, entre le 3 novembre 2015 et le 31 août 2017, le SMTVD a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché de nature à engager sa responsabilité contractuelle à son égard, à raison du retard défini dans le calendrier initial des travaux et de ceux des retards de chantier qui sont imputables au maître de l'ouvrage.
Quant aux préjudices :
15. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'établissement de son projet de décompte général, le maître d'œuvre a évalué l'ensemble des préjudices subis par la SNC CTA à raison des perturbations subies dans le cadre de l'exécution du marché au montant total de 496 368 euros hors taxe, soit 538 559,28 euros toutes taxes comprises. La société requérante demande que ce montant soit majoré à la somme 1 907 571,10 euros afin de tenir compte de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis.
16. D'une part, la société requérante demande l'indemnisation des préjudices résultant pour elle de l'immobilisation de ses personnels et de ses matériels entre le 17 janvier 2016 et le 25 février 2016, à hauteur d'un montant de 193 739,17 euros hors taxe. Toutefois, il est constant que, au cours de cette période, la phase de préparation du chantier, lancée le 3 novembre 2015 pour une durée de 8 semaines, était achevée tandis que la phase de travaux, lancée le 25 février 2016, n'avait pas encore débutée. Il n'est pas établi, ni même simplement soutenu, que des personnels et des matériels de la SNC CTA se trouvaient encore physiquement présents sur le chantier pendant cette période, ni que la société aurait été dans l'impossibilité de redéployer ses moyens humains et matériels sur d'autres missions. Dans ces conditions, la SNC CTA n'établit pas la réalité des chefs de préjudice qu'elle invoque à ce titre. Elle n'est dès lors pas fondée à en demander l'indemnisation.
17. D'autre part, il résulte des éléments joints à la réclamation préalable, en particulier de la liste détaillée des factures de frais d'installations de chantier, que, pour réaliser les travaux du marché, la SNC CTA a loué un bungalow de chantier moyennant un loyer mensuel de 813,75 euros toutes taxes comprises, et ce dès le démarrage du chantier. En revanche, si la société sollicite l'indemnisation de frais d'études topographiques, de frais d'études techniques et de frais relatifs des matériels de pompe de gestion des eaux, elle se borne toutefois à produire une liste de factures portant sur des montants variables, sans apporter aucune précision sur la nature exacte de ces dépenses et le contexte dans lequel celles-ci ont été exposées. Au regard de ces seuls éléments, ces frais ne peuvent être regardés ni comme constituant des charges fixes de la société, ni comme des dépenses ne se rattachant pas à une exécution normale des travaux. Dans ces conditions, la SNC CTA n'établit pas la réalité de ses préjudices qu'en ce qui concerne les frais de location du bungalow de chantier pendant la période de retard imputable à la faute du maître de l'ouvrage relevée au point 14., soit pour un montant de 6 103,13 euros.
18. En outre, il résulte de l'instruction, en particulier des différents compte-rendu de réunions de chantier, que, après que le maître de l'ouvrage ait émis l'ordre de service décidant le début de la phase de travaux au 25 février 2016, la société requérante a affecté à l'exécution du contrat un directeur de travaux, selon une quotité horaire de 25 %, et un conducteur de travaux, selon une quotité horaire de 65 %. Elle a également affecté au chantier quatre conducteurs de pelles mécaniques, un conducteur de bulldozer, un conducteur de compacteur et trois chauffeurs de camions, soit un total de neuf ouvriers qualifiés. En revanche, si la société requérante demande l'indemnisation du préjudice résultant de l'immobilisation au cours du chantier d'autres salariés, en particulier d'un personnel administratif, elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à démontrer leur présence sur le chantier ou leur participation à l'exécution des prestations du marché. Une telle présence ou participation ne résulte d'aucune pièce versée à l'instruction. Dans ces conditions, la SNC CTA n'établit la réalité de ses préjudices qu'en ce qui concerne les coûts liés à l'immobilisation du directeur de travaux, à hauteur 25 %, du conducteur de travaux, à hauteur de 65 %, et des neuf ouvriers qualifiés affectés à la conduite des engins présents sur le chantier qu'elle a dus supportés pendant la période de retard imputable à la faute du maître de l'ouvrage relevée au point 14.
19. Enfin, il résulte de l'instruction, en particulier des compte-rendu de réunions de chantier, que, suite à l'émission de l'ordre de service décidant le démarrage des travaux, la société requérante a affecté sur le chantier quatre pelles mécaniques, un bulldozer, un compacteur et trois camions. Il résulte des éléments joints à la réclamation préalable, en particulier des listes de factures de frais de location de matériels de chantier, que les retards de chantier imputables à la faute du maître de l'ouvrage relevée au point 14. l'ont contrainte à devoir maintenir ces matériels sur le chantier, lui occasionnant ainsi des surcoûts d'immobilisation s'agissant de deux camions, de deux pelles mécaniques et du compacteur.
20. Toutefois, si la SNC CTA établit la réalité des préjudices mentionnés aux points précédents liés à l'immobilisation d'une partie de ses personnels et de ses engins de travaux sur le chantier pendant la période de retard imputable au maître de l'ouvrage, elle se borne toutefois à produire, à l'appui de la réclamation préalable, à laquelle renvoient ses écritures dans la présente instance, des tableaux de calcul de frais de personnels peu détaillés et non assortis de pièces justificatives, ainsi que des listes de factures de frais de matériels, portant sur des montants variables émises au fur et à mesure de l'exécution des travaux, en fonction des besoins du chantier, qui ne précisent pas le détail des prestations. Ces seuls éléments, en l'absence de tout autre justificatif produit par la société, ne permettent pas de démontrer que les montants des frais d'immobilisation de personnels et de matériels supportés par la société au cours de la période de retard imputable à la faute du maître de l'ouvrage relevée au point 14., additionnés aux frais de location du bungalow de chantier supportés sur la même période pour un montant de 6 103,13 euros, seraient supérieurs au montant de 496 368 euros hors taxe, soit 538 559,28 euros toutes taxes comprises, correspondant à l'évaluation effectuée par le maître d'œuvre à l'occasion de l'établissement du projet de décompte général. Ces derniers montants ne sont pas contredits pas le maître de l'ouvrage, qui n'a pas produit d'observation. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir cette dernière somme et de l'inscrire au décompte général du marché.
En ce qui concerne les sommes restant à la charge de l'entrepreneur :
S'agissant des pénalités de retard :
21. Aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dans sa version applicable au marché litigieux : " 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA définis à l'article 13.1.1. / 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre () ". Aux termes de l'article 41 du même cahier des clauses administratives générales : " () 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. / Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. / () 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse () ". L'article 5.3.4., intitulé " pénalités de retard dans l'exécution des travaux ", du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux stipule : " En cas de non respect du délai d'exécution des travaux, le Titulaire du lot concerné encours une pénalité journalière fiée à 2 000,00 € HT () sans mise en demeure préalable par dérogation à l'article 49.1 du C.C.A.G. " L'article 10.2.2., intitulé " La réception ", du même cahier des clauses administratives particulières stipule : " Concernant la réception, les stipulations du C.C.A.G. Travaux s'appliquent. "
22. Il résulte des stipulations de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales que les pénalités de retard ne peuvent être infligées à l'entrepreneur qu'en vue de l'exécution des travaux et ce jusqu'à leur achèvement, lequel se confond avec la date de réception des ouvrages lorsque ceux-ci peuvent être regardés comme achevés au sens des clauses du cahier des clauses administratives générales. En décidant, au terme des opérations préalables, de prononcer la réception des travaux, avec ou sans réserves, le maître d'ouvrage, qui déclare de ce fait accepter l'ouvrage, estime nécessairement que les constructeurs ont exécuté, pour l'essentiel, les prestations contractuelles leur incombant. Si lorsque la réception de l'ouvrage a été prononcée sous réserve de l'exécution de certains travaux ou prestations ou de la reprise d'imperfections et de malfaçons, le maître d'ouvrage conserve la possibilité de mettre en œuvre le régime de sanction organisé par les stipulations de l'article 41.6 du CCAG travaux et d'inclure dans le décompte général du marché, le cas échéant, l'ensemble des préjudices subis postérieurement à la réception des travaux en raison de la défaillance ou du retard des constructeurs à lever les réserves émises, il ne peut plus, en revanche, décider d'appliquer aux constructeurs, pour la période postérieure à la réception de l'ouvrage, sauf clause contraire prévue dans les pièces particulières du marché, les pénalités dues à un retard dans l'exécution des travaux, quelle que soit l'importance des éléments réservés. Par ailleurs, s'il est possible au maître de l'ouvrage de déroger à cette règle et d'instituer une pénalité pour retard dans la levée des réserves formulées à la réception, cette dérogation doit résulter clairement des termes du contrat.
23. En l'espèce, après avoir abandonné des pénalités initialement mentionnées dans un courrier de mise en demeure du 9 janvier 2018, le maître de l'ouvrage a entendu, au stade de l'établissement du décompte général, appliquer les pénalités prévues par les stipulations citées au point 21., pour un montant de 596 000 euros hors taxe mentionné dans le projet de décompte général établi par le maître d'œuvre, à raison d'un retard dans l'exécution des travaux d'une durée de 298 jours correspondant à la période du 31 mai 2018, date de fin des travaux contractuellement convenue entre les parties par l'avenant n° 1 du 26 avril 2018, jusqu'au 25 mars 2019, date de levée des réserves.
24. Toutefois, d'une part, aucune stipulation du marché litigieux ne prévoit de dérogation à l'article 41 cité précédemment du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, ni n'institue de pénalité spécifique pour des retards dans la levée des réserves formulées à la réception. Il s'ensuit que le SMTVD ne pouvait valablement appliquer les pénalités pour retard dans l'exécution des travaux prévues à l'article 5.3.4. du cahier des clauses administratives particulières du contrat pour la période postérieure à la réception avec réserves des travaux, intervenue le 4 octobre 2018. D'autre part, la SNC CTA soutient sans être contredite dans sa réclamation préalable, à laquelle elle renvoie dans sa requête, qu'elle avait achevé les travaux le 31 août 2018 et que l'intervention de la réception des travaux plus de deux mois plus tard, le 4 octobre 2018, résulte du fait du maître de l'œuvre qui a tardé à organiser les opérations préalables à la réception, alors qu'elle lui avait pourtant adressé une demande en ce sens dès le 20 août 2018. Il résulte par ailleurs du compte-rendu de la réunion de chantier du 4 mai 2018 qu'une partie des retards résultent d'intempéries, à hauteur de 99 jours. Il suit de là que le dépassement des délais d'exécution des travaux constatées par le maître d'œuvre pour la période du 31 mai 2018 au 4 octobre 2018 ne peuvent être regardés comme étant imputables à la SNC CTA. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que l'ensemble des pénalités journalières qui ont été appliquées par le maître de l'ouvrage sont injustifiées.
25. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rayer du décompte général la somme de 596 000 euros hors taxe, soit 646 660 euros toutes taxes comprises, appliquée par le maître de l'ouvrage au titre des pénalités de retard.
S'agissant de l'application d'une retenue :
26. Aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dans sa version applicable au marché litigieux : " () 20.5. Si le marché prévoit des retenues provisoires pour retard dans la remise des documents conformes à l'exécution, dans les conditions précisées à l'article 40, ces retenues sont opérées sur le dernier décompte mensuel. Elles sont appliquées sans mise en demeure préalable et sont payées après la remise complète des documents () ". Aux termes de l'article 40 du même cahier des clauses administratives générales : " Outre les documents qu'il est tenu de fournir avant ou pendant l'exécution des travaux en application de l'article 29.1, le titulaire remet au maître d'œuvre : / - au plus tard lorsqu'il demande la réception des travaux conformément à l'article 41.1 : les spécifications de pose, les notices de fonctionnement, les prescriptions de maintenance des éléments d'équipement mis en œuvre, les conditions de garantie des fabricants attachées à ces équipements, ainsi que les constats d'évacuation des déchets ; / - dans un délai d'un mois suivant la date de notification de la décision de réception des travaux : les autres éléments du dossier des ouvrages exécutés (DOE) et les documents nécessaires à l'établissement du dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage (DIUO) () ". L'article 5.5., intitulé " Délai et retenues pour remise des documents fournis après exécution ", du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux stipule : " L'Entrepreneur remet au Maître d'œuvre 1 exemplaire du DOE le premier jour des OPR. Au plus tard le jour où il demande la réception, l'entrepreneur remet au Maître d'œuvre en quatre (4) exemplaires papier dont un reproductible et 1 CD-Rom les documents tels qu'indiqués au paragraphe 2.1. ou 2.2. des C.C.T.P. / En cas de retard dans la remise des plans et autres documents à fournir après exécution par le ou les titulaires, conformément à l'article 40 du C.C.A.G., une retenue égale à 1 500,00 € HT () sera opérée par jour de retard, sur les sommes dues au titulaire. " Les retenues prévues par ces stipulations ne sont pas acquises au maître de l'ouvrage qui doit les restituer lorsqu'il constate que le titulaire du marché a exécuté ses obligations. Cette restitution demeure possible tant que le décompte général du marché n'est pas devenu définitif. Tel est le cas lorsque le titulaire conteste au contentieux le solde établi par la personne responsable du marché.
27. La société requérante conteste l'application par le maître d'œuvre dans son projet de décompte général d'une retenue de 45 450 euros hors taxe, laquelle ne figurait pas dans son décompte final. Il résulte de l'instruction, en particulier des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception, que la SNC CTA n'avait pas remis au maître d'œuvre le dossier des ouvrages exécutés (DOE) complet lors de la réunion des opérations préalables à la réception, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent. Toutefois, l'ensemble des réserves, y compris celle relative à la remise de ce document, ont été levées le 25 mars 2019 de sorte que la société requérante a nécessairement transmis au maître d'œuvre le dossier des ouvrages exécutés (DOE) complet au plus tard à cette date, ce que le SMTVD ne conteste pas en l'absence de toute défense. Dans ces conditions, la SNC CTA est fondée à soutenir que le maintien de la retenue provisoire pratiquée à ce titre par le maître de l'œuvre n'était pas justifié. Il y a dès lors lieu d'accueillir le moyen et de rayer la somme du décompte général.
Sur la fixation du solde du marché :
28. Il est constant que le montant des acomptes déjà versés par le maître de l'ouvrage à la société requérante s'élèvent à la somme de 9 268 442 euros hors taxe, soit 10 056 259,32 euros toutes taxes comprises, incluant la part des sous-traitants ayant bénéficié du paiement direct. Dans ces conditions, compte-tenu, d'une part, des montants fixés précédemment s'agissant du montant du marché, de la révision définitive du prix, des travaux supplémentaires, de la responsabilité du maître de l'ouvrage, de la créance d'intérêts moratoires et, d'autre part, de l'absence d'application des pénalités pour retard d'exécution des travaux et de la retenue pour non remise du dossier des ouvrages exécutés (DOE), il y a lieu de fixer le solde du marché litigieux à la somme de 610 727,62 euros toutes taxes comprises en faveur de la SNC CTA.
29. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets à verser à la SNC CTA la somme de 610 727,62 euros toutes taxes comprises au titre du règlement définitif du lot n° 1 du marché public de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture.
Sur les intérêts moratoires :
30. L'article 20 de l'ordonnance du 26 novembre 2018, portant partie législative du code de la commande publique, dispose : " () III.-Les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre IX du livre Ier de la première partie du code de la commande publique () procédant à la codification du titre IV de la loi du 28 janvier 2013 susvisée s'appliquent aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013, date d'entrée en vigueur de cette loi. " L'article L. 2192-10 du code de la commande publique dispose : " Les pouvoirs adjudicateurs () paient les sommes dues en principal en exécution d'un marché dans un délai prévu par le marché ou, à défaut, dans un délai fixé par voie réglementaire () ". L'article L. 2192-13 du même code dispose : " Dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire () ". L'article R. 2192-31 du même code dispose : " Le taux des intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 2192-13 est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. " L'article R. 2192-33 du même code dispose : " Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes ou au solde sont calculés sur le montant total de l'acompte ou du solde toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses d'actualisation, de révision et de pénalisation. " L'article R. 2192-32 du même code dispose : " Les intérêts moratoires courent à compter du lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. " L'article R. 2192-16 du même code dispose : " Pour le paiement du solde des marchés de travaux () conclus par () les collectivités territoriales et leurs établissements publics, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux () ". Aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dans sa version applicable au marché litigieux : " () En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire () ". Aux termes de l'article 4.3.7, E. du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux, le délai de paiement est fixé à trente jours à compter de la date de réception de la demande de paiement.
31. Lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage.
32. Il résulte de l'instruction que le mémoire de réclamation de la société daté du 10 novembre 2020 a été effectivement réceptionné par le maître de l'ouvrage le 19 novembre 2020. Les intérêts moratoires auxquels la SNC CTA a droit sur le solde du marché ont donc commencé à courir le 20 décembre 2020.
Sur la capitalisation des intérêts :
33. L'article 1343-2 du code civil dispose : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. " Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
34. La capitalisation des intérêts a été demandée à l'occasion du dépôt de la requête introductive d'instance, le 28 juin 2021. Dès lors, conformément aux dispositions citées précédemment de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 décembre 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SNC CTA et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) est condamné à verser à la SNC Compagnie des travaux antillais (CTA) une somme de 610 727,62 euros toutes taxes comprises au titre du règlement définitif du lot n° 1 du marché de travaux de réhabilitation du centre de stockage des déchets non dangereux de la Trompeuse Phase II - Partie 2 travaux de fermeture, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 2020.
Les intérêts échus à la date du 20 décembre 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) versera à la SNC CTA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête de la SNC Compagnie des travaux antillais (CTA) est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Compagnie des travaux antillais (CTA) et au syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD).
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. de Palmaert, premier conseiller faisant fonction de président,
- M. Phulpin, conseiller,
- Mme Monnier-Besombes, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2023.
Le rapporteur,
V. Phulpin
Le premier conseiller faisant fonction de président,
S. de PalmaertLa greffière,
M. A
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.