TA Montpellier, 09/03/2023, n°2103053

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 11 juin 2021 et le 4 octobre 2022, M. A B demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération n° 2021-15 adoptée par le conseil municipal de Salleles d'Aude le 14 avril 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Salleles d'Aude une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- un non-lieu ne peut être prononcé car la délibération du 13 avril 2022 n'a pas eu pour objet de retirer la décision en litige ou de s'y substituer ;

- les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues car il n'a pas été répondu à sa demande d'information formulée préalablement à la réunion du conseil municipal ;

- une note de synthèse aurait dû être adressée aux conseillers municipaux avant le conseil, conformément aux dispositions combinées des articles L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- la délibération est illégale puisqu'elle autorise la signature d'une convention avec une société qui n'est pas celle mentionnée dans le projet de convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2022, la commune de Salleles d'Aude, représentée par la SCP VPNG, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- un non-lieu à statuer sera prononcé car une délibération du 13 avril 2022 est venue remplacer la délibération du 14 avril 2021 avant que celle-ci ne soit exécutée ;

- les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par un courrier du 13 février 2023 les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la requête dirigée contre un acte détachable d'un contrat administratif alors que cet acte ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat.

M. B a présenté des observations, enregistrées le 14 février 2023 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesimple, première conseillère,

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public,

- les observations de M. B et celles de Me Da Silva, représentant la commune de Salleles d'Aude.

Considérant ce qui suit :

1. M. Lemaitre, conseiller municipal de la commune de Salleles d'Aude demande l'annulation de la délibération du 14 avril 2021 autorisant le maire à signer une convention d'occupation du domaine public aux fins d'installation, d'exploitation et de maintenance d'une centrale photovoltaïque.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

4. Si la commune fait état de la prise d'une nouvelle délibération, le 13 avril 2022, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'exposé des motifs de cette seconde délibération, qu'elle n'a pas eu pour objet de retirer ou d'abroger la délibération initialement prise mais uniquement de la modifier, compte tenu d'une erreur matérielle. Dès lors, si les modifications ainsi apportées peuvent être prises en compte, le cas échéant, dans l'appréciation de la légalité de la délibération prise le 14 avril 2021 ou dans l'exercice par le juge de ses pouvoirs d'injonction, cette seconde délibération ne fait pas perdre à la requête son objet. En tout état de cause, à supposer que la délibération du 13 avril 2022 se soit substituée à la délibération du 14 avril 2021, la seconde délibération a une portée équivalente à celle initialement contestée et il résulte du principe énoncé au point 3 du présent jugement qu'il y aurait alors lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la seconde délibération. Dès lors, l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête doit être écartée.

Sur l'irrecevabilité de la requête :

5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet.

6. Le contrat en litige, qui autorise l'occupation d'une dépendance du domaine public de la commune, constitue un contrat administratif. Dès lors, le principe ci-dessus évoqué lui est applicable et la délibération autorisant la conclusion de la convention d'occupation du domaine public ne peut être contestée que par la voie du recours en contestation de la validité du contrat, postérieurement à sa signature. Par conséquent, les conclusions de M. Lemaitre, conseiller municipal, dirigées contre la délibération du conseil municipal de Salleles d'Aude autorisant le maire à signer le projet de convention sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais liés du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Salleles d'Aude, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme demandée par la commune sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Salleles d'Aude sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, à la commune de Salleles d'Aude et à la société Synergetik.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Eric Souteyrand, président,

M. Nicolas Huchot, premier conseiller,

Mme Audrey Lesimple, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

La rapporteure,

A. Lesimple Le président,

E. Souteyrand

La greffière,

M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 9 mars 2023.

La greffière,

M-A. Barthélémy

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