TA Nice, 04/10/2022, n°2100913

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, la commune d'Antibes Juan les Pins , représentée par Me Alonso Garcia, demande au tribunal :

1°) de condamner la société Abrietco à lui verser la somme correspondant aux travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage au titre de la garantie biennale ou de la garantie des vices cachés ;

2°) de mettre à la charge de la société Abrietco la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- postérieurement à la réception de l'ouvrage, d'importants désordres sont apparus, qu'elle a fait constater par huissier le 10 novembre 2020 : les structures sont apparues corrodées, plusieurs joints de compression sont sortis de leurs logements, des traces de condensation sont apparues sur les panneaux vitrés, des traces de reprise de couleur différente de celles du support sont présentes sur la structure ;

- par courrier du 8 février 2021, elle a saisi la société d'une demande de mise en jeu de ses garanties, restée sans réponse ;

- la réception est intervenue avec effet au 19 février 2019 ; elle est donc recevable à invoquer la garantie biennale de bon fonctionnement ;

- elle a, du fait des désordres apparus, subi un préjudice résultant d'une part dans le coût des travaux de remise en état, d'autre part dans le préjudice de jouissance et esthétique qu'ils entrainent ; elle a également subi un préjudice moral inhérent à la mobilisation inhabituelle des agents municipaux rendue nécessaire par ces désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2021, la société Abrietco conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune d'Antibes une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai d'action en garantie biennale est épuisé dès lors que la réception de l'ouvrage est intervenue le 19 février 2018 et notifiée par procès-verbal du 12 avril 2018 ; ce délai s'achevait ainsi le 13 avril 2018 ; or, la commune n'a sollicité la mise en jeu de la garantie que le 8 février 2021 ;

- les désordres invoqués, qui n'affectent pas le fonctionnement de l'ouvrage, et ne constituent pas des éléments d'équipement, ne relèvent pas de la garantie biennale ;

- les désordres invoqués ne lui sont pas imputables mais relèvent, s'agissant des traces de condensation, de corrosion et du déchaussement des joints de compression, d'un défaut d'entretien normal de la part du maître de l'ouvrage, s'agissant des reprises au pinceau réalisées sur la structure, de l'intervention d'un tiers ;

- les demandes de la commune ne sont pas chiffrées ;

- la garantie des vices cachés n'est pas invocable en matière de marché public de travaux ; or, le marché litigieux est soumis aux prescriptions du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux de 2009 ;

- la découverte des désordres en litige est nécessairement antérieure à la réalisation du constat d'huissier du 10 novembre 2010, de sorte que la présente requête n'a pas été introduite dans le délai de deux mois à compter de la découverte des vices invoqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 septembre 2022 :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guarino, représentant la commune d'Antibes-Juan-les-Pins, et de Me Bidault, représentant la société AbrietCo.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 janvier 2017, la commune d'Antibes-Juan-les-Pins a confié à la société AbrietCo l'installation de deux orangeraies sur le domaine de la villa Eilenroc, au Cap d'Antibes. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 19 février 2018. Les réserves ont été levées le 24 juin 2019. Par un courrier du 8 février 2021, la commune d'Antibes a informé la société AbrietCo de ce que divers désordres affectaient les ouvrages réalisés et de ce qu'elle sollicitait leur remise en état au titre des garanties de la société. Par la présente requête, la commune d'Antibes-Juan-les-Pins, demande au tribunal de condamner la société AbrietCo à l'indemniser du préjudice résultant de la survenue des désordres invoqués.

Sur la mise en jeu de la garantie biennale :

2. Aux termes des dispositions de l'article 1792-3 du code civil : " Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception. ".

3. Il résulte de l'instruction que la réception des structures installées par la société AbrietCo été prononcée le 19 février 2018, que si la réception était assortie de réserves, ces dernières, qui ont été levées le 24 juin 2019, ne concernaient pas les désordres objet du présent litige. Le délai de garantie biennale prévu à l'article 1792-3 du code civil, qui s'est achevé le 19 février 2020, était donc expiré lorsque la commune d'Antibes a mis en demeure la société AbrietCo de procéder à la remise en état des ouvrages.

Sur la mise en jeu de la garantie des vices cachés :

En ce qui concerne l'invocabilité de la garantie

4. Dans le cadre de l'exécution d'un marché de travaux publics, le maître d'ouvrage ne peut, devant le juge administratif, se prévaloir à l'encontre du constructeur de la garantie ouverte par l'article 1641 du code civil à l'acheteur d'un bien. En l'espèce, il est constant que par acte d'engagement du 31 janvier 2017, la commune d'Antibes-Juan-les-Pins, maître de l'ouvrage, a confié à la société AbrietCo, aux termes d'un marché soumis aux prescriptions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de 2009, la construction de deux structures désignées comme " orangeraies ", incluant, notamment, les études de sol, la réalisation de fondations, de raccordements d'étanchéité, de raccordements électriques. La société AbrietCo doit dès lors être qualifiée de constructeur au sens de l'article 1792 du code civil. Les conclusions de la commune d'Antibes-Juan-les-Pins au titre de la garantie des vices cachés ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède que la présente requête doit être rejetée.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de commune d'Antibes Juan les Pins est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société AbrietCo au titre des frais liés à l'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune d'Antibes Juan-les-Pins et à la société AbrietCo.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Chevalier-Aubert, présidente,

Mme Gazeau, première conseillère,

Mme Guilbert, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022 .

La rapporteure,

signé

L. A

La présidente,

signé

V. Chevalier-Aubert La greffière,

signé

E. Gialis

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

La greffière

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