TA Rennes, 02/02/2023, n°2002154

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2020, la société Climatech Ouest, représentée par Me Métais-Mouriès, avocat de la SELARL ACM, demande au tribunal :

1°) de condamner l'office public de l'habitat Finistère Habitat à lui payer la somme de 7 390,75 euros en restitution de la retenue de garantie constituée dans le cadre d'un marché de construction de 12 logements à Mellac, ainsi que la somme de 1 651,79 euros, somme à parfaire, au titre des intérêts moratoires, avec capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Finistère Habitat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la retenue de garantie doit lui être restituée dès lors que toutes les réserves faites à la réception ont été levées, que le délai de garantie a expiré sans qu'une décision de prolongation expresse du délai de garantie de parfait achèvement ne soit intervenue et, enfin, que les travaux réalisés par une entreprise tierce dont Finistère Habitat prétend recouvrer le coût sur la retenue de garantie ont été faits après l'expiration du délai de garantie ;

- les désordres litigieux ne lui sont pas imputables et l'intervention de l'entreprise sollicitée par Finistère Habitat relève d'une intervention de maintenance ;

- en tout état de cause, il n'est pas justifié de la réalité de ces désordres ;

- des intérêts moratoires sont dus en raison du retard dans la libération de la retenue de garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, l'office public de l'habitat Finistère Habitat conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- et les conclusions de M. Rémy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 28 mars 2017, l'office public de l'habitat Finistère Habitat a confié le lot " chauffage gaz - plomberie sanitaire - ventilation " de la réalisation de douze logements à Mellac à la société Climatech Ouest. La réception des ouvrages a été prononcée avec réserves, avec effet au 23 mars 2017. Un procès-verbal de levée des réserves a été établi le 4 juillet 2017. Le décompte général et définitif du marché a été établi le 6 octobre 2017 par Finistère Habitat. Par demande préalable du 21 mai 2019, la société requérante a sollicité la restitution de la retenue de garantie, d'un montant de 7 390,75 euros, constituée à l'occasion de ce marché. Cette demande a fait l'objet d'un rejet implicite.

2. Aux termes de l'article 61 de l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, alors applicable : "Les marchés publics peuvent prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie, une garantie à première demande ou une caution personnelle et solidaire, dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par voie réglementaire". L'article 122 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, dont il résulte des articles 2 et 109 du même décret qu'il peut faire l'objet d'une application volontaire par les offices publics de l'habitat, prévoit dans sa rédaction applicable au marché litigieux : "Le marché public peut prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie qui est prélevée par fractions sur chacun des versements autres qu'une avance. () La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées, le cas échéant, pendant le délai de garantie. / Le délai de garantie est le délai pendant lequel l'acheteur peut formuler des réserves sur des malfaçons qui n'étaient pas apparentes ou dont les conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception()".

3. Aux termes de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché litigieux : " Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44. 2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, () le titulaire est tenu à une obligation dite obligation de parfait achèvement, au titre de laquelle il doit : (.) b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci (). ". L'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux prévoit qu'une retenue de garantie est appliquée au marché et que : " La retenue ou la garantie sont libérées dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai de garantie visé à l'article 44.1 du C.C.A.G., sauf si la personne responsable du marché a signalé par lettre recommandée au titulaire du marché et à l'organisme ayant accordé la garantie que l'entrepreneur n'a pas rempli toutes ses obligations. ".

4. Il résulte de l'instruction que Finistère Habitat a signalé à la société Climatech Ouest l'existence de désordres affectant les installations relevant du périmètre de son intervention, par lettres recommandées du 8 juin 2017, 19 juillet 2017 et 14 mars 2018, lesquelles font état de nombreuses fuites affectant les chaudières et ballons d'eau chaude. Ainsi, dès lors que la réception des ouvrages relevant du lot confié à la société Climatech Ouest a été prononcée avec effet au 23 mars 2017, ces désordres ont été signalés à la société requérante dans le délai de garantie d'un an prévu à l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché.

5. Si la société Climatech Ouest conteste l'existence de ces désordres et leur imputabilité à son intervention, il résulte des comptes rendus de visite des deux entreprises spécialisées en chauffage et plomberie sollicitées par Finistère Habitat que l'existence de multiples fuites affectant les chaudières et ballons d'eau chaude des logements objets du marché litigieux est établie. Par ailleurs, la facture du 28 mai 2019 de la société tierce mandatée par Finistère Habitat, qui mentionne une dépose du réseau solaire d'alimentation des ballons d'eau chaude et leur remplacement par un nouveau réseau, ne relève pas, contrairement à ce que soutient la requérante, d'une simple opération de maintenance. Dès lors que la société Climatech Ouest n'a pas procédé à la reprise des malfaçons signalées par le maître d'ouvrage, Finistère Habitat était fondée à prélever sur le montant de la retenue de garantie, s'élevant à

7 390,75 euros, une part du coût des travaux de reprise, d'un montant de 11 570,40 euros. La circonstance que le délai de garantie n'a pas fait l'objet d'une prolongation est à cet égard sans incidence. Alors même que les travaux de reprise sont intervenus après l'expiration de ce délai, la société Climatech Ouest n'est dès lors pas fondée à réclamer la restitution de la retenue de garantie, ni, par voie de conséquence, le versement des intérêts moratoires afférant à cette somme.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Climatech Ouest est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Climatech Ouest et à l'office public de l'habitat Finistère Habitat.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Vergne, président,

Mme Thalabard, première conseillère,

M. Blanchard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé

A. A

Le président,

Signé

G.-V. VergneLa greffière,

Signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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