TA Toulouse, 27/02/2023, n°2300165

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier et 23 février 2023, la société SOGEDO, représentée par Me Lebeau, demande à la juge des référés :

1°) de préciser l'article 1er du dispositif de l'ordonnance rendue le 1er juillet 2022 comme suit : Le syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala est condamné à verser à la société SOGEDO une provision d'un montant de 571 108,24 euros, assortie des intérêts à compter du 17 février 2022 calculés sur la base du taux applicable aux marchés publics, soit le taux d'intérêt de la principale facilité de financement appliquée par la Banque Centrale Européenne majoré de sept points, outre de la somme de 40 euros ;

2°) de mettre à la charge du syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la lettre de l'ordonnance n'opère aucune précision quant au taux applicable au calcul des intérêts moratoires, compte tenu de l'utilisation tantôt du vocable " intérêts moratoires ", et tantôt du vocable " intérêt légal " ;

- au point 8 de l'ordonnance, le tribunal conclue que le SME du Lévézou Ségala est redevable des intérêts moratoires, ce qui est ambigu ;

- compte tenu de cette ambiguïté, le SME du Lévézou Ségala a appliqué le taux le plus bas issu du code civil ;

- elle estime que l'intérêt devant légalement être appliqué en application de l'ordonnance rendue est celui propre à la nature du litige en cause et donc, au cas présent, le taux d'intérêt applicable en matière d'exécution d'un marché public conclu en 2010 ;

- en effet, l'article 98 du code des marchés publics dans sa version applicable au contrat en cause prévoit que les intérêts moratoires doivent être calculés en faisant application du taux de refinancement de la Banque centrale européenne au premier jour du semestre au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, soit le 1er semestre 2022, augmenté de 7 points ;

- ces dispositions sont d'ordre public ;

- ce taux d'intérêt est légal et non contractuel, ainsi que le prévoit le 2° de l'article 5 du décret du 21 février 2002 ;

- elle ne s'est d'ailleurs pas référée au CCAG/FCS inapplicable à l'espèce ;

- l'article 1231-6 du code civil ne fixe pas le montant des intérêts légaux, mais pose le principe du versement de dommages et intérêts en réparation du retard de paiement d'une obligation de somme d'argent ;

- le taux d'intérêt applicable doit donc faire l'objet d'une précision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala, représenté par Me Landot, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société SOGEDO sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CCAG/FCS n'était pas applicable au marché ;

- Par une ordonnance n° 2202188 rendue le 1er juillet 2022, le juge du référé provision du tribunal administratif de Toulouse a condamné le SME du Lévézou Ségala " à verser à la société SOGEDO une provision d'un montant de 571 108,24 euros, majorée de l'intérêt légal à compter du 17 février 2022, outre de la somme de 40 euros " ;

- il a versé une somme de 2 197,53 euros correspondant aux intérêts au taux légal ;

- le préfet a refusé le mandatement d'office d'une somme supérieure, demandée par la société SOGEDO ;

- la requête est irrecevable, car l'ordonnance n'est pas ambiguë et ne nécessite pas d'interprétation ;

- elle prévoit bien le taux légal et pas le taux contractuel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Par ordonnance du 15 février 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2023.

La présidente du tribunal a désigné Mme Wolf, présidente honoraire, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. La société SOGEDO avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala à lui payer une somme de 571 108,24 euros, augmentée des intérêts moratoires ainsi que de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, outre la capitalisation.

2. Par ordonnance n° 2202188 du 1er juillet 2022, la juge des référés a rédigé son ordonnance dans les termes suivants : 8. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ". Il résulte de l'instruction que la société SOGEDO a adressé au syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala une mise en demeure de payer la somme de 571 108,24 euros le 8 février 2022. En l'absence de production de l'accusé de réception de ce courrier, sa réception est attestée par la réponse datée du 17 février 2022 du président du syndicat mixte. Par suite, le syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala est redevable des intérêts moratoires sur la somme de 571 108,24 euros à compter du 17 février 2022. (.) Article 1er : Le syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala est condamné à verser à la société SOGEDO une provision d'un montant de 571 108,24 euros, majorée de l'intérêt légal à compter du 17 février 2022, outre de la somme de 40 euros ".

3. Estimant, qu'en l'absence de stipulations contractuelles, le taux de l'intérêt légal était celui prévu à l'article 98 du code des marchés publics dans sa version applicable au contrat en cause, qui prévoit que les intérêts moratoires doivent être calculés en faisant application du taux de refinancement de la Banque centrale européenne au premier jour du semestre au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, soit le 1er semestre 2022, augmenté de 7 points et ayant seulement obtenu le versement d'intérêts au taux de 0,76 % pour la période du 17 février 2022 au 30 juin 2022 et de 0,77% pour la période du 1er juillet 2022 au 19 août 2022, elle demande que l'ordonnance fasse l'objet d'une interprétation.

4. Aux termes de l'article R. 312-4 du code de justice administrative : " Les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité relèvent de la compétence du tribunal administratif territorialement compétent pour connaître de l'acte litigieux. " ;

5. Un recours en interprétation d'une décision juridictionnelle n'est recevable que s'il émane d'une partie à l'instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l'interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut être valablement argué que cette décision est obscure ou ambiguë.

6. Pour arguer que l'ordonnance est obscure ou ambigüe, la société SOGEDO soutient que l'intérêt légal applicable à son contrat, qui ne se référait pas au CCAG/FCS, est celui de l'article 98 du code des marchés publics, et que la seule référence à l'article 1231-6 du code civil ne supprime pas cette ambigüité.

7. L'ordonnance dont l'interprétation est demandée présente une ambigüité dans la mesure où son point 8 retient un droit aux intérêts moratoires, qui par nature sont les intérêts dus en cas de retard de paiement dans un marché public, mais vise l'article 1231-6 du code civil inapplicable en cas de retard de paiement dans un marché public. En outre le dispositif maintient cette ambigüité en majorant le montant de la provision de l'intérêt au taux légal, alors que le taux légal de l'intérêt moratoire est fixé par l'article 5 du décret 2002-232 du décret du 21 février 2002 aux termes duquel : " 2° Pour les organismes soumis aux délais de paiement mentionnés aux 1° et 2° de l'article 98 du code des marchés publics, qu'il soit ou non indiqué dans le marché, le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ".

8. A supposer même que l'ordonnance dont il s'agit, qui n'a au demeurant qu'un caractère provisoire, et ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle requête en référé ou au fond, présente une obscurité, justifiant un recours sur le fondement de l'article R. 312-4 précité du code de justice administrative, elle doit être interprétée, au vu des passages qui en sont reproduits, comme fixant le taux des intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal de droit commun, en vigueur, dès lors que cette ordonnance a seulement visé et cité le code civil et qu'elle a fixé la date de départ des intérêts légaux en tenant compte, non pas de la date de réception de la facture de la société SEGEDO, mais de la date de réception de la mise en demeure que cette société a adressée au syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, que la requête de la société SOGEDO doit être rejetée en tant qu'elle demande qu'il soit précisé à l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2022 que les intérêts sont calculés sur la base du taux applicable aux marchés publics, soit le taux d'intérêt de la principale facilité de financement appliquée par la Banque Centrale Européenne majoré de sept points.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala, qui n'est pas la partie perdante, les frais exposés par la société SOGEDO et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge de la société SOGEDO une somme à verser au même titre au syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala.

O R D O N N E :

Article 1er : Le recours en interprétation de la société SOGEDO est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SOGEDO et au syndicat mixte des eaux du Lévézou Ségala.

Fait à Toulouse, le 27 février 2023.

La juge des référés,

A. Wolf

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,

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