Tribunal Administratif de la Guyane, 05 septembre 2022, n°2201141

REPUBLIQUE FRANCAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 août et 2 septembre 2022, la Société Autocar Service, représentée par Me Fettler, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative, d'annuler, d'une part, les décisions par lesquelles la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) a attribué à la société Muntu Voyages les lots n°s 24 et 61 du marché public  de transport scolaire des élèves en situation de handicap, d'autre part, les procédures de passation des contrats, puis de mettre à la charge de la CACL la somme de 2.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. 

Elle soutient que :

- les offres retenues ont été déposée hors délai ;

- d'un montant inférieur à l'estimation de la valeur du besoin du pouvoir adjudicateur de 31,3 % pour le lot n°  24 et de 37,2 % pour le lot n°  61, les offres retenues sont anormalement basses ;

- le critère de la valeur technique des offres est imprécis ; la note de 7,50 sur 10 attribuée à la société Muntu Voyages, sans expérience et moyens humain ou matériel, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2022, la Communauté d'agglomération du centre littoral, représentée par Me Peyrical, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Autocar Service la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle oppose le défaut d'intérêt à agir pour le lot n°  24, puis l'absence de moyen fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2022, la SAS STPMR, représentée par Me Page, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Autocar Service la somme de 10.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une décision du 21 mars 2022, le président du tribunal a désigné Mme Lacau, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé. 

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lacau, juge des référés, les observations de Me Fettler pour la Société Autocar Service, celles de Me Chow Chin et de Mme C pour la CACL et celles de Me Page pour la SAS STPMR.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2022, à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L.551-1 du code de justice administrative prévoit que le juge des référés peut être saisi, avant la conclusion du contrat, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de contrats administratifs. 

2. La Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert ayant pour objet l'attribution d'un marché public  de transport scolaire des élèves en situation de handicap. La société Autocar Service a présenté des offres pour les lot n°  24, ayant pour objet l'exploitation des lignes 202-C1 et 232-R1, et n° 61, ayant pour objet l'exploitation des lignes 100-A1 et 130-F1. Pour le lot n°  24, l'offre de la société Autocar Service d'un prix de 523.776 euros, a été classée en troisième position avec la note globale de 8,15 sur 10, tandis que le candidat retenu, la SAS STPMR, a obtenu la note globale de 9, avec un prix de 361.856 euros. Pour le lot n°  61, la société Autocar Service a été classée en deuxième position avec la note globale de 8,40 et un prix de 523.056 euros, tandis que le même attributaire, qui proposait un prix de 383.520 euros, a obtenu la note globale de 9.

3. La société Autocar Service, qui s'est vue notifier le 5 août 2022 les décisions des 27 et 29 juillet 2022 rejetant ses offres, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.551-1 du code de justice administrative, d'annuler, d'une part, les décisions par lesquelles la CACL a attribué à la société STPMR les lots n°s 24 et 61, d'autre part, les procédures de passation des contrats.

4. Si les articles R.2143-2 et R. 2151-5 du code de la commande publique  et l'article 21 du règlement de la consultation  prévoient l'élimination des candidatures reçues hors délai, il résulte des mentions du registre des dépôts des offres par voie électronique que la société STPMR a remis ses offres le 8 juin 2022 à 00 heures 35, avant l'expiration du délai de remise des offres fixé au 8 juin 2022 à 17 heures. 

5. L'article L.2152-5 du code de la commande publique  précise qu'une offre anormalement basse  est celle dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. En vertu de l'article L.2152-6 du même code, l'acheteur est tenu de mettre en œuvre tous moyens de détection des offres anormalement basses et d'exiger, lorsqu'une offre semble anormalement basse, des précisions et justifications. Si, après vérification des justifications fournies, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette. Comme le précise l'article 21 du règlement de la consultation, les offres anormalement basses sont éliminées conformément aux articles R.2152-3 et suivants du code de la commande publique. En l'espèce, les écarts entre les montants maximums de commandes que les acheteurs sont tenus de prévoir en vertu de l'article R.2162-4 du code de la commande publique  et les offres de l'attributaire s'élèvent respectivement à 31,24 % pour le lot n°  24 et à 37,12 % pour le lot n°  61. Ces écarts ne révèlent par eux-mêmes aucune sous-évaluation manifeste des prix susceptible de compromettre la bonne exécution des marchés, le caractère anormalement bas d'une offre ne pouvant résulter de la seule circonstance que le prix proposé par un candidat est très inférieur à ceux des offres concurrentes ou aux estimations du pouvoir adjudicateur. Au surplus, les défendeurs font valoir sans être sérieusement contredits que les temps de trajet quotidiens de 7 heures prévus par la société Autocar Service sont surévalués pour des circuits d'une soixantaine de kms, que la rémunération du prestataire retenu, fixée à 20 %, est conforme aux tarifs pratiqués par la profession, alors que la société requérante proposait un taux de 35 %, puis que le coût salarial horaire brut de 13,50 euros prévu par le prestataire retenu est supérieur au salaire minimum. Il est, en outre, fait état de la localisation de la société attributaire, qui réduit la distance effectuée " à vide " et de l'utilisation par le candidat évincé d'un véhicule usagé d'une valeur de 31.111 euros à l'argus, non sans incidence sur les frais d'entretien et de carburant. Compte tenu, en outre, de l'estimation de la valeur du besoin, correspondant au prix payé sur les douze derniers mois, l'écart avec le prix proposé par l'attributaire se réduit à 19 % pour le lot n°  24 et l'offre pour le lot n°  61 est supérieure de 1,12%. Dans ces conditions, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le pouvoir adjudicateur aurait été tenu de solliciter des précisions sur les prix de l'attributaire et qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de rejeter ses offres comme anormalement basses.

6. Le critère de la valeur technique, précisé par l'article 18 du règlement de consultation, comportait 6 sous-critères, pondérés respectivement, à 4 points pour les moyens humains et matériels, 0,5 point pour les mesures environnementales du service, 1 point pour le descriptif de la prise en charge des élèves, 1,5 points pour les modalités d'entretien du parc, 1 point pour le modèle de mémento et 2 points pour le renseignement des grilles horaires. Le moyen tiré de l'imprécision du critère technique  ne peut, dès lors, qu'être écarté. 

7. Si la société requérante soutient que l'appréciation de la valeur technique des offres retenues, de 7,50 sur 10, est entachée d'erreur manifeste, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel d'apprécier les mérites respectifs des offres. A le supposer invoqué, le moyen tiré de la dénaturation du contenu des offres de l'attributaire manque en fait.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur son intérêt à agir pour le lot n°  24, que la société Autocar Service n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché et des décisions rejetant ses offres. 

9. La CACL, qui n'est pas la partie perdante, ne peut être condamnée sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, sur le même fondement, de mettre à la charge de la société Autocar Service la somme de 1.500 euros à payer d'une part, à la CACL, d'autre part, à la société STPMR.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Autocar Service est rejetée.

Article 2 : La société Autocar Service versera la somme de 1.500 euros, d'une part, à la Communauté d'agglomération du centre littoral, d'autre part, à la société STPMR.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Autocar Service, à la Communauté d'agglomération du centre littoral et à la société STPMR

Rendue publique par mise à disposition au greffe, le 5 septembre 2022.

Le juge des référés,

Signé

M. A B 

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies du droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance

Pour expédition conforme, 

Le greffier en chef,

Ou par délégation le greffier,

Signé

M.-Y. METELLUS

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