Tribunal administratif de MELUN, 03/08/2022, n°2206716
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2022, le Syndicat intercommunal d'assainissement de marne la vallée, représenté par M. B A, demande au juge des référés :
1°) d'enjoindre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la SMACL Assurances de maintenir jusqu'au 31 décembre 2022 la police d'assurance " dommages aux biens " et les garanties contractuelles qui en font l'objet, dans les conditions prévues par le marché ;
2°) de mettre à la charge de SMACL Assurances une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a conclu un marché public d'assurance avec la SMACL Assurances d'une durée de 4 ans allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 ;
- l'urgence est justifiée par le fait que la SMACL Assurances a menacé de suspendre l'exécution du contrat à partir du 28 juillet 2022 et de le résilier au 8 aout 2022 si les versements n'auront pas été effectués, rendant les biens du SIAM affectés au service public exposés au risque d'un sinistre qui ne serait couvert par aucune garantie ;
- cette demande présente un caractère utile eu égard à l'absence de tout autre moyen pour le SIAM de contraindre la SMACL Assurances à maintenir ses garanties et ne pas résilier le contrat ;
- une suspension et une résiliation du contrat par la SMACL Assurance seraient illicites ;
- la révision unilatérale du prix du contrat par la SMACL Assurances est incompatible avec les règles de la commande publique, dès lors qu'il méconnait le principe du " prix définitif " fixé par l'article R. 2112-7 du code de la commande publique.
La requête a été communiquée à la SMACL Assurances qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Gracia, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte d'assainissement de Marne la vallée (" SIAM ") a conclu un marché public de services avec la compagnie d'assurances SMACL Assurances ayant pour objet la fourniture d'une assurance dommage aux stations d'épuration et d'assainissement gérées par le SIAM pour une durée de quatre ans à compter du 1er janvier 2019. Le 1er janvier 2022, la SMACL a adressé quatre avis d'échéance au titre des contrats d'assurance pour un montant total de 109.348,82 euros TTC, sans fournir les modalités de calcul de la révision du montant des primes qu'elle avait appliquées. Le 1er février suivant, le SIAM a émis quatre mandats visant au paiement de ces sommes mais il s'est vu refuser l'exécution de ces mandats par le Trésor public au motif du caractère erroné des sommes y figurant du fait d'une erreur dans le montant de la révision des prix opérée par la SMACL. En retour, le SIAM a, le 10 mai 2022, émis de nouveaux mandats conformes aux sommes recalculées par le Trésor Public pour un montant de 104.129,09 euros, excluant la majoration opérée par l'assureur. La SMACL a dans un premier temps accepté la réduction opérée par le SIAM, mais a dans un second temps mis en demeure le SIAM de procéder au paiement des sommes dues, menaçant le cas échéant de suspendre les garanties contractuelles à compter du 28 juillet 2022 et de résilier le contrat à compter du 8 août 2022. Par la présente requête, le SIAM demande au juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre la SMACL Assurances de maintenir la police d'assurance de " dommages aux biens " jusqu'au terme du contrat ainsi que les garanties contractuelles afférentes.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision ".
3. S'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans l'exécution d'un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l'exercice par l'autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs.
4. D'une part, les mesures envisagées par la SMACL Assurances auraient pour effet de priver les biens du SIAM affectés au service public de garantie face aux sinistres provisoirement à compter du 28 juillet et définitivement à compter du 8 août 2022, sans qu'une autre garantie assurancielle ne soit sérieusement envisageable, ce qui est de nature à porter une atteinte immédiate au bon fonctionnement du SIAM. Ainsi, la mesure demandée par le SIAM présente un caractère d'urgence.
5. D'autre part, le SIAM ne dispose pas d'une autre voie de droit pour faire obstacle à cette menace de suspension et de résiliation imminente et unilatérale des dès lors, la mesure sollicitée est utile. En outre, cette mesure ne fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.
6. Enfin, d'une part, aux termes de l'article 5 du CCAP, relatif à la détermination du prix du marché : " Les primes et les montants des garanties seront exclusivement indexés chaque année, à la date anniversaire, d'après l'indice F.F.B. et l'évolution physique du patrimoine. / Mode de calcul de l'évolution :/ Indice N : indice en cours au 1er janvier de chaque année publié dans l'argus des assurances, (ou toute autre date constituant la date anniversaire du contrat). / Indice N-1 : indice au 1er janvier de l'année précédente publié dans l'argus des assurances, (ou à toute autre date constituant la date anniversaire du contrat). / Prime HT de l'année N = (coût/m² x indice N / indice N-1) x nouvelle superficie déclarée. / Prime HT de l'année N = (Taux/°° x indice N / indice N-1) x nouvelle valeur (ouvrages d'art, génie civil, bris de machines, expositions)./ L'indice pris en compte à la prise d'effet du contrat sera le dernier indice connu publié dans l'argus des assurances. / Les franchises éventuelles seront fixes sur la durée du marché. "
7. Il résulte des stipulations de l'article 5 du CCAP que les modalités de fixation du prix sont déterminées au contrat et que la SMACL ne peut contractuellement les modifier sur la base d'une décision de son conseil d'administration ainsi qu'elle l'a soutenu devant le SIAM. Dans ces conditions, c'est en méconnaissance des termes du contrat que la SMACL a établi les avis d'échéance mentionnés au point 1.
8. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 4 du CAP relatif notamment à la résiliation : " Possibilité de résiliation annuelle à la date d'anniversaire en respectant un préavis réciproque de 6 mois. Par dérogation à l'article R. 113-10 du code des assurances, l'assureur ne pourra résilier le contrat après sinistre. Seule la résiliation en respectant le préavis sera possible. Toute modification sur les conditions du contrat (franchises, augmentation ou diminution des taux proposés lors de la souscription) devra être notifiée en respectant le préavis ci-dessus. Passé ce délai aucune modification ne pourra être effective qu'à l'échéance suivante ".
9. Il résulte des stipulations de l'article 4 du CCAP que si les parties au contrat peuvent, en respectant un préavis réciproque de 6 mois, procéder à la résiliation ou à la modification des conditions du contrat, toute modification ou résiliation qui aurait lieu en dehors de ce délai serait de nul effet. Or, ainsi qu'il a été dit au point 1, la SMACL Assurances a envoyé une mise en demeure au SIAM le 28 juin 2022, lui faisant part de son intention de suspendre les garanties contractuelles au 28 juillet et le cas échéant de procéder à la résiliation du contrat le 8 aout 2022. Toutefois, il est constant que le délai séparant la mise en demeure et la date d'intention de résiliation du contrat par la SMACL Assurances est d'une durée inférieure aux 6 mois prévus par les stipulations précitées.
10. Il résulte des points 6 à 9 que la mesure sollicitée ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner à la SMACL Assurances de maintenir jusqu'au 31 décembre 2022 la police d'assurances " dommages aux biens " et les garanties contractuelles qui en font l'objet dans les conditions prévues par le marché. Compte tenu du terme rapproché du contrat d'assurances en cause, cette mesure doit être regardée comme présentant un caractère provisoire.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMACL Assurances une somme de 1 500 euros au profit du syndicat mixte d'assainissement de Marne la vallée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : Il est enjoint à la SMACL Assurances de maintenir jusqu'au 31 décembre 2022 la police d'assurances " dommages aux biens " et les garanties contractuelles qui en font l'objet dans les conditions prévues par le marché signé par le SIAM.
Article 2 : La SMACL Assurances versera au SIAM la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat intercommunal d'assainissement de Marne la vallée (SIAM) et à la SMACL Assurances.
Fait à Melun, le 3 août 2022.
Le juge des référés,
Signé : J-Ch. GRACIA
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
Le greffier,