CAA Marseille, 28/11/2022, n°20MA02724

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montgenèvre a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de M. C B, de M. D A et de la société Flux Lighting à lui payer la somme de 16 074,24 euros au titre de travaux de reprise qu'elle a fait effectuer sur un ouvrage qu'ils avaient conçu, de mettre les dépens, d'un montant de 8 142 euros, à leur charge définitive, et de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1902728 en date du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, la commune de Montgenèvre, représentée par Me Rouanet, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance en condamnant in solidum M. B, M. A et la société Flux Lighting à lui payer la somme de 16 074,24 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de M. B, de M. A et de la société Flux Lighting les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le désordre résulte d'un vice de conception imputable à M. B et à M. A ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les travaux supplémentaires n'étaient pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune n'établit pas, ni même n'allègue qu'elle aurait renoncé à ces travaux si elle en avait été avisée en temps utile ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas démontré que les travaux avaient été réalisés à un coût supérieur à celui qui aurait été exposé si le projet avait été exempt de vice de conception.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, M. B et M. A, représentés par la SELARL BSV, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où ils seraient condamnés, à la condamnation des sociétés Valmont, Flux Lighting et ETEC à les garantir à hauteur de 90 % ;

3°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et au rejet de la demande de la commune relative aux dépens de l'expertise de M. E.

Ils soutiennent que les moyens de la requête d'appel sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2021, la société anonyme coopérative ETEC, représentée par la SCP de Angelis et associés, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement et au rejet de toute demande de condamnation présentée à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de M. A, de M. B et de la société Flux Lighting à la relever et garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés à l'appui des conclusions dirigées contre elle sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, la société par actions simplifiée Bureau Veritas Construction, représentée par Me Puchol, conclut au rejet de la requête d'appel, au rejet de toute demande qui serait formée à son encontre et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une lettre en date du 22 juillet 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 septembre 2022 à midi.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- les observations de Me Fritz pour la société ETEC ;

- et les observations de Me Redding pour la société Bureau Veritas Construction.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 4 mai 2005, la commune de Montgenèvre, située dans le département des Hautes-Alpes, a confié à un groupement dont le mandataire était M. B, architecte, la maîtrise d'œuvre d'une opération portant sur l'aménagement de la dalle de couverture d'une déviation enterrée de la route nationale n° 94. Par une convention de droit privé en date du 20 décembre 2005, M. B a conclu avec M. A un contrat de design portant sur la conception d'un mât d'éclairage. Par contrat du 14 avril 2006, la commune de Montgenèvre a confié le lot "Eclairage" du marché public de travaux à la société ETEC, qui a notamment mis en œuvre une flèche lumineuse réalisée par la société Flux Lighting. Toutefois, après l'installation du premier candélabre le 11 octobre 2016, l'un des tubes des flèches lumineuses s'est rompu sous l'effet du vent. Les flèches lumineuses des dix mâts ont alors dû être renforcées par des corsets, occasionnant une dépense supplémentaire de 16 074,24 euros toutes taxes comprises, réglée par la commune. Après l'achèvement du chantier, la commune a sollicité auprès du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher les causes des désordres et évaluer le préjudice en résultant. Au vu du rapport d'expertise déposé le 26 septembre 2018, la commune a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation in solidum de M. B, de M. A et de la société Flux Lighting à lui payer la somme de 16 074,24 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Par le jugement attaqué, dont la commune relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande, en estimant, notamment, que les travaux de renforcement étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et que la commune aurait donc dû, en tout état de cause, les supporter si l'ouvrage avait été bien conçu dès l'origine.

2. La société Bureau Veritas Construction, contre laquelle aucune conclusion n'est présentée en appel, n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, et doit être mise hors de cause.

3. Lorsque, en raison d'un vice dans la conception de l'ouvrage, le montant des travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage est supérieur au coût initialement prévu, le maître d'ouvrage peut, dans tous les cas, engager la responsabilité contractuelle des concepteurs, dans la mesure où le coût total de l'ouvrage excède ce qu'il aurait dû payer si ce dernier avait été bien conçu dès l'origine. Dans le cas, en revanche, où le coût total de l'ouvrage réalisé n'excède pas ce que le maître d'ouvrage aurait dû payer s'il avait été bien conçu dès l'origine, le maître d'ouvrage ne justifie en principe pas de l'existence d'un préjudice, sauf s'il établit qu'il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s'il en avait été avisé en temps utile.

4. Comme l'ont estimé les premiers juges, la commune n'établit pas qu'elle aurait pu réaliser une économie si les travaux de renforcement des candélabres, qui étaient indispensables à l'ouvrage dans les règles de l'art, avaient été prévus dès l'origine. Elle ne fournit par ailleurs aucune indication qui pourrait suggérer qu'elle aurait renoncé au projet si elle avait pu anticiper correctement son coût. Dans ces conditions, la commune ne justifie de l'existence d'aucun préjudice indemnisable.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la question des responsabilités, la commune de Montgenèvre n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire et mis les dépens à sa charge définitive. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge à verser à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas non plus lieu de mettre une somme à la charge de M. B pour être versée à la société ETEC à ce même titre. La société Bureau Veritas Construction, quant à elle, n'a pas la qualité de partie au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ne peut donc invoquer le bénéfice de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La société Bureau Veritas Construction est mise hors de cause.

Article 2 : La requête de la commune de Montgenèvre est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les autres parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montgenèvre, à M. C B, à M. D A, à la société Flux Lighting, à la société ETEC, à la société Valmont France et à la société Bureau Veritas Construction.

Copie en sera transmise à M. F G, expert.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2022. 2

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