TA Nice, 03/03/2023, n°2300599
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2023 et le 25 février 2023, la Société Isis MCTS Group, représentée par Me Lanzarone, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à la commune d'Antibes de lui communiquer dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir les motifs détaillés du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs des offres retenues ;
2°) de suspendre l'exécution des décisions d'attribution du lot n° 3 "Gardiennage du Stade Nautique Municipal" du marché portant sur des prestations de gardiennage des bâtiments communaux et de manifestations organisées par la commune, ainsi que sa signature jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle il sera
procédé à la communication des motifs ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune d'Antibes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
La société requérante soutient que :
- la commune d'Antibes a commis un manquement à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence en méconnaissant l'obligation d'information des candidats évincés dès lors que, dans le courrier de notification du rejet de son offre, elle se borne à énoncer le nom de l'attributaire et les notes sur la valeur technique et sur le critère prix qu'il a obtenues, ainsi que les notes obtenues par Isis sur ces mêmes critères sans donner l'évaluation des sous-critères ni la méthode de calcul des notes ;
- aucun des éléments communiqués ne permet de comparer la valeur relative des deux offres quant aux moyens matériels et humains mobilisés ni de vérifier les calculs ayant abouti aux notes attribuées ;
- la ville d'Antibes est dans l'incapacité de justifier objectivement le classement des offres au regard des critères et notamment les caractéristiques et avantages de l'offre retenue concernant les sous critères ce qui a pour effet de léser la société Isis ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, la commune d'Antibes conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de la société Isis au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- elle est allée au-delà de ses obligations quant à l'information des candidats évincés dans le cadre d'une procédure adaptée puisque la lettre de rejet comportait le nom de l'attributaire, ses notes valeur technique et prix et indication de sa note globale, les notes de la société Isis, toujours avec le détail des notes " valeur technique " et " prix " et indication de la note globale ;
- elle a observé un délai de 11 jours entre l'attribution et la signature, permettant l'exercice de son droit au recours précontractuel par la requérante ;
- la société Isis ne lui a présenté aucune demande d'informations complémentaires, comme le lui permet l'article R. 2181-2 du code de la commande publique ;
- les éléments d'analyse du critère de la valeur technique prévus par l'article 5 du
règlement de consultation (la description détaillée des moyens humains, les moyens matériels, la
méthodologie, l'organisation) ne sont que des éléments d'appréciation et non des sous-critères ;
- la société Isis ne justifie pas être lésée par la prétendue insuffisance de la lettre de rejet.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
- La décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné M. A.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Bianchi, greffier d'audience, M. A a lu son rapport et entendu les observations de Me Lanzarone, représentant la société Isis MCTS Group et de Me Sérégé, substituant Me Alonso, représentant la commune d'Antibes.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
1. La commune d'Antibes a lancé une procédure adaptée pour la conclusion d'un marché à bons de commande avec minimum et maximum portant sur des prestations de gardiennage des bâtiments communaux et de manifestations organisées par la commune pour une durée de 48 mois. La société Isis a présenté une offre pour le lot 3 " Gardiennage du Stade Nautique Municipal ", dont elle était l'attributaire sortant. Par courrier du 30 janvier 2023, la commune d'Antibes l'a informée du rejet de son offre. La société Isis demande au juge des référés sur le fondement des articles L.551-1 et L.551-2 d'enjoindre à la commune d'Antibes de se conformer à ses obligations en lui communiquant les motifs détaillés du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre retenue et de de suspendre l'exécution des décisions d'attribution du marché litigieux.
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". L'article L. 551-2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
4. Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes des dispositions de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique, applicable aux marchés passés selon une procédure adaptée : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur./ Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché. " L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise évincée en application de ces dispositions a notamment pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées à l'article précité du code de la commande publique a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du CJA, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.
5. Le courrier du 30 janvier 2023 adressé par la commune d'Antibes à la société requérante pour l'informer du rejet de son offre comporte, outre la notification obligatoire dudit rejet, les notes reçues par celle-ci, 5,25/6 sur la valeur technique et 3,78/4 sur le prix soit une note globale de 9,03/10, le nom de l'attributaire, la société Flagship, ses notes, 5,63/6 sur la valeur technique et 4/4 sur le critère prix soit 9,63/10. Ce courrier permet donc, d'une part, de connaître le nom de l'attributaire du marché, d'autre part, par comparaison, les critères au titre desquels la requérante a obtenu des notes inférieures à sa concurrente. Si le détail de l'appréciation de la valeur technique ne figure pas dans ledit courrier cela ne constitue pas un manquement de la commune d'Antibes à ses obligations dès lors que, dans le cadre d'une procédure adaptée, les principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats, ainsi que la règle de transparence des procédures qui en découle, n'imposent pas aux pouvoirs adjudicateurs d'indiquer aux candidats évincés les motifs du rejet de leurs offres. La société Isis ne peut ainsi utilement soutenir à l'appui de son recours que le courrier de la commune d'Antibes du 30 janvier 2023 lui notifiant le rejet de son offre est insuffisamment motivé alors, qu'en tout état de cause, il lui appartenait de demander des précisions sur les motifs de ce refus conformément aux dispositions de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique, ce dont elle s'est abstenue. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique et de la circonstance que cette méconnaissance aurait lésé la société requérante doivent donc être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Isis n'est pas fondée à invoquer des manquements de la commune d'Antibes à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et que, en l'absence de tout manquement, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Antibes de se conformer à ses obligations doivent être rejetées. Par voie de conséquence les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit ordonné la suspension de la passation du marché litigieux doivent également être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
7. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Isis MCTS group la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Antibes et non compris dans les dépens.
8. La commune d'Antibes n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par la société Isis MCTS group et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société Isis MCTS group est rejetée.
Article 2 : La société Isis versera à la commune d'Antibes la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société Isis MCTS group, à la Commune d'Antibes et à la société Flagship.
Fait à Nice, le 03 mars 2023 .
Le juge des référés,
signé
P. A
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Ou par délégation, la greffière