TA Clermont-F, 06/05/2024, n°2400677


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 mars 2024, le 17 avril 2024 et le 29 avril 2024, la société SULO France, représentée par Me de Metz-Pazzis, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure engagée par la communauté de communes des Sucs pour la passation du lot n° 1 " colonnes aériennes ordures ménagères et tri sélectif " de l'accord-cadre à bons de commande ayant pour objet l'acquisition et la livraison de colonnes pour la collecte des déchets ;

2°) d'enjoindre à la communauté de communes des Sucs de reprendre la procédure de passation de l'accord-cadre conformément aux dispositions en vigueur ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Sucs une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la société ASTECH une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à contester utilement la régularité de l'offre attributaire ; son offre n'est pas irrégulière ;

- l'offre de la société attributaire est irrégulière dès lors que les colonnes aériennes proposées ne sont pas conformes à la norme NF en ce qui concerne leur volume utile, qui présente un écart supérieur à 10 % de leur volume nominal allégué de 5 m3 :

* eu égard à sa veille commerciale, elle a une connaissance précise de la gamme de colonnes aériennes proposées par la société ASTECH qui ne comporte pas de colonnes aériennes d'un volume de 5 m3 respectant la norme NF EN 13071.1 et NF EN 13071.2 ou équivalentes, tel qu'imposé par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;

* la société ASTECH ne justifie pas du volume utile de ses colonnes pour chaque flux de déchets ;

* la société ASTECH ne justifie pas que les colonnes proposées dans son offre diffèrent de celles examinées à l'occasion du procès-verbal de constat, alors que le commissaire de justice a constaté les mêmes dimensions extérieures que celles qui figurent sur la fiche technique de la société ;

* les dimensions extérieures et intérieures d'une colonne aérienne ne sont protégées par aucun secret des affaires ;

* les exigences contractuelles de la communauté de communes sont classiques et peuvent être satisfaites sans violation de la norme NF ;

* la communauté de communes des Sucs a réalisé un contrôle superficiel de la régularité de l'offre de la société ASTECH ; dans son mémoire en défense, le pouvoir adjudicateur considère que le volume utile se calcule jusqu'au centre de la trappe, soit à une hauteur non conforme à la norme et à ses propres exigences ;

- l'offre de la société attributaire est irrégulière dès lors qu'elle est incomplète :

* la fiche technique fournie par la société ASTECH est purement déclarative et n'indique pas l'épaisseur des parois et du fond en méconnaissance de l'article 3.1 du CCTP ;

* la documentation justificative du volume utile pour chaque flux n'a pas été produite ;

* les plans et dimensions exactes de toutes les colonnes n'ont pas été fournis ;

* la société attributaire n'a pas indiqué le volume utile de la colonne aérienne pour chaque flux dans le mémoire technique ;

* une attestation de conformité a été produite en lieu et place d'un certificat de conformité ; cette attestation concerne une colonne différente de celle décrite dans l'offre ;

- la méthode d'appréciation du critère prix est illégale :

* si l'acheteur public soutient ne pas avoir imposé de matériau en particulier dans son CCTP, il a fixé dans son règlement de consultation (RC) une méthode d'appréciation du critère prix qui ne valorisait que les colonnes en métal ou en PVC ; une telle contradiction dans le dossier de consultation est de nature à conduire à l'annulation de la procédure ;

* l'acheteur public a entendu procéder à un double classement des offres pour ce critère en fonction du matériau composant les colonnes, conduisant à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ;

* l'existence de ce double classement ne l'a pas incité à proposer des colonnes en PVC, moins chères que celles en métal proposées, car elles n'empêchaient pas qu'un fabricant de colonne en métal obtienne également la note maximale ;

- concernant la fourniture d'échantillons, la communauté de communes a méconnu les dispositions de l'article R. 2151-15 du code de la commande publique et a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement entre les soumissionnaires :

* elle n'a pas exigé la production des échantillons en même temps que le dépôt de l'offre ;

* elle s'est réservée le droit de demander ces échantillons uniquement à certains soumissionnaires ;

* elle a prévu d'apprécier le critère " qualité et valeur technique " au vu du mémoire technique et des échantillons éventuels, conduisant à analyser dans des conditions différentes les offres déposées par le ou les soumissionnaires invités à fournir un échantillon et les autres ;

* un échantillon n'a été réclamé qu'à la seule société attributaire dont l'offre a pu être valorisée par l'analyse de son échantillon ;

* le pouvoir adjudicateur ne justifie pas de la nature de l'analyse effectuée sur l'échantillon fourni par la société attributaire ;

* elle est nécessairement lésée par la méconnaissance du principe d'égalité ; nul ne peut dire de quelle manière la notation de son offre aurait pu évoluer au vu d'un échantillon de sa colonne ; la lésion peut n'être que potentielle.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2024, la communauté de communes des Sucs, représentée par Me Juilles, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société SULO France une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre attributaire :

* la société requérante n'explique pas en quoi le manquement invoqué l'aurait lésé et ses allégations ne reposent sur aucun fondement ;

* il ressort de la fiche technique renseignée conformément aux prescriptions du CCTP que les colonnes proposées présentent un volume total de 5m3 et un volume utile de 4,5 m3 ;

* ces produits sont conformes aux exigences imposées dans le CCTP ainsi qu'à la norme NF-EN 13071.1 ;

* les colonnes qui ont fait l'objet du constat ne sont pas celles choisies par elle mais celles choisies par la communauté de communes Cluses Arves et Montagnes, dans la mesure où elle n'a pas choisi des colonnes munies d'un système d'introduction des déchets à clapet ;

* l'analyse de l'échantillon fourni par la société ASTECH a permis de vérifier la véracité des informations portées sur la fiche technique et dans le mémoire technique ;

- en ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la méthode d'appréciation du critère " prix " :

* en n'imposant pas de nature de produit dans le CCTP, rien n'empêchait la société requérante de proposer des colonnes en PVC ;

* toutes les entreprises ont déposé une offre de colonne métallique ;

* le critère prix tel qu'annoncé dans le règlement de la consultation a eu pour effet non pas de neutraliser, comme le prétend la société requérante, mais de comparer de manière objective les offres remises en fonction de la nature du produit ;

- en ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité des pratiques relatives aux échantillons :

* le pouvoir adjudicateur organise à ce titre librement les règles de mise en concurrence dès lors qu'elles sont clairement énoncées ;

* l'article R. 2151-15 du code de la commande publique n'interdit pas d'organiser librement les modalités et le calendrier de remise des échantillons et n'impose pas que toutes les offres soient accompagnées d'échantillons ;

* l'offre de la société requérante a obtenu des notes bien inférieures à celles des sociétés classées en première et deuxième position : la fourniture d'un échantillon n'aurait pas permis, en tout état de cause, de les modifier et de renverser le classement pressenti ;

* il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué par la société SULO que le fait d'avoir limité la remise d'échantillons par certains candidats aurait donné lieu à une négociation avec la communauté de communes ou à une modification des offres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, la société ASTECH, représentée par Me Marcantoni, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SULO France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a présenté une offre conforme aux exigences contractuelles et aux normes techniques applicables dès lors que le modèle de colonne proposé pour ce marché a un volume nominal de 5 m3 et un volume utile de 4,5 m3 ;

- les colonnes qui ont fait l'objet du procès-verbal de constat du 3 avril 2024 ne sont pas identiques à celles proposées dans le cadre de ce marché ; de plus, la mesure des dimensions des bornes a été réalisée par un salarié de la société SULO et non par le commissaire de justice ; les mesures, réalisées à l'aide d'un simple mètre, sont approximatives et ne peuvent se substituer aux dimensions qu'elle a communiquées à l'appui de son offre ; seules les dimensions intérieures de la colonne " ordures ménagères " ont été mesurées ; le constat ne se prononce pas sur le volume utile des bornes mais exclusivement sur leurs dimensions ; les valeurs figurant dans le tableau annexé à ce procès-verbal ne correspondent pas avec celles figurant au sein du tableau produit dans le mémoire complémentaire de la société requérante ;

- la société requérante croit détenir des informations privilégiées sur les produits proposés dès lors que son fournisseur exclusif est une société constituée par d'anciens salariés d'ASTECH, dont la relation contractuelle s'est achevée en 2016 dans un contexte conflictuel et qui, à ce jour, n'est toujours pas apaisé ;

- subsidiairement, si une nouvelle analyse des offres devait avoir lieu, l'acheteur public devra nécessairement également écarter l'offre de la société requérante comme irrégulière dès lors que le volume utile du conteneur commercialisé par cette société est également sujet à des variations en fonction de la nature de l'orifice d'entrée des déchets et varie entre 4,1 et 4,92 m3 pour un volume nominal de 5 m3 en fonction de la hauteur des orifices, soit excédant le différentiel de 10 % entre le volume nominal et le volume utile autorisé par la norme NF 13071-1 ; son offre est également irrégulière dès lors qu'elle organise une sous-traitance occulte et intégrale de la fabrication des conteneurs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme A, pour statuer sur les demandes de référé en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 29 avril 2024 à 10h00 :

- le rapport de Mme A ;

- les observations de Me de Metz-Pazzis pour la société SULO France, qui reprend ses écritures et précise que :

* la société ASTECH se livre à des pratiques mensongères quant au volume de ses bornes et le pouvoir adjudicateur a fait preuve de négligence dans le cadre de son contrôle de la régularité de l'offre présentée par cette société ;

* l'offre de la société attributaire est irrégulière en tant qu'elle est incomplète dès lors qu'une attestation de conformité, établie par le président de la société, n'est pas un certificat de conformité, par nature établi par un tiers, et qui est la pièce demandée dans ce marché ;

* le refus des défendeurs de fournir au juge les plans et autres renseignements concernant les dimensions des colonnes est de nature à appuyer ses arguments concernant l'irrégularité technique de l'offre ; il est impossible que l'orifice d'introduction des déchets soit situé à une hauteur de 1 497 mm ; la société ASTECH profite d'un avantage concurrentiel indu, vendant ses colonnes d'un volume nominal de 4,5 m3 comme des 5 m3 ;

* la méthode de notation du critère " prix " est, d'une part, entachée de contradiction entre le CCTP qui déclare ne pas imposer de matériau et le RC privilégiant le PVC ou le métal, l'empêchant de proposer d'autres matériaux, et, d'autre part, dissuasive dès lors que les soumissionnaires n'ont pas l'assurance d'être les seuls à obtenir le maximum de points sur ce critère ;

* le fait de se réserver la possibilité de demander la fourniture d'un échantillon à seulement un ou trois soumissionnaires a des conséquences sur la note technique, avantageant certaines sociétés et entraînant une rupture d'égalité entre les candidats ; l'échantillon fourni n'a pas fait l'objet d'un contrôle sérieux par le pouvoir adjudicateur ;

* la communauté de communes n'a pas sollicité la fourniture de colonnes spécifiques, " sur-mesure " et les documents de la consultation ne présentaient pas d'exigences particulières ;

- les observations de Me Juilles pour la communauté de communes des Sucs, qui reprend ses écritures et apporte les précisions suivantes :

* la fiche technique fournie par la société ASTECH précisait la possibilité de variation de la hauteur des orifices, impactant le volume utile ; au demeurant, la fourniture de colonnes spécifiques a été demandée par la communauté de communes ; l'ensemble des pièces requises par le dossier de consultation étaient présentes ;

* la distinction entre un certificat et une attestation n'est que sémantique ;

* la méthode de notation du critère du prix, qui n'était pas le critère prépondérant, a permis de comparer des offres comparables eu égard au matériau proposé ; la procédure a été transparente et équitable ;

* le CCTP ne prescrit aucune modalité pour la fourniture d'échantillons, qui a été demandée à deux entreprises ; l'échantillon fourni par la société ASTECH est un échantillon standard et non le conteneur spécifique aux exigences de la communauté de communes ; l'aspect visuel a fait l'objet d'un contrôle.

- la société ASTECH n'était ni présente ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel à la concurrence, diffusé le 22 décembre 2023, la communauté de communes des Sucs a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet l'acquisition et la livraison de colonnes pour la collecte des déchets. La société SULO France a soumissionné au lot 1 intitulé " colonnes aériennes ordures ménagères et tri sélectif ". Par un courrier du 11 mars 2024, cette dernière a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du lot 1 à la société ASTECH. Par la présente requête, la société SULO France demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché en litige et d'enjoindre à la communauté de communes des Sucs de recommencer celle-ci.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 de ce code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. () ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

Sur le bien-fondé des conclusions :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". L'article L. 2152-2 dudit code dispose que " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

5. Aux termes de l'article 3.1 du CCTP, " Une fiche technique de présentation du ou des modèle(s) de colonnes proposée(s) dans le cadre de ce lot est incluse dans le mémoire technique avec les détails suivants : / () / l'épaisseur des parois et du fond (). ". L'article 3.3.2 du CCTP dispose que " Le présent accord cadre concerne la fourniture de colonnes ayant un volume de 5 m³ pour les flux ordures ménagères et tri (lots 1 et 3) () Pour chacun de ces volumes et pour chaque flux, le volume utile, c'est-à-dire le volume maximal de déchets qu'il peut contenir (remplissage maximal considéré en bas de l'orifice d'introduction) est précisé dans le mémoire technique (en m3) avec la documentation justificative et les éléments relatif à l'optimisation de ce volume utile. ". L'annexe 1 du règlement de consultation concernant les indications relatives au mémoire technique indique que les candidats devront préciser, s'agissant du descriptif détaillé de chaque type de colonnes, notamment, les dimensions exactes, plan à l'appui.

6. Le règlement de la consultation prévu par l'acheteur pour la passation d'un marché public est obligatoire dans toutes ses mentions. L'acheteur ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d'une erreur purement matérielle d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.

7. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société ASTECH ne comportait ni la fiche technique indiquant l'épaisseur des parois et du fond des colonnes en méconnaissance de l'article 3.1 du CCTP ni la documentation justificative sur le volume utile et les éléments relatifs à l'optimisation du volume utile des colonnes exigés par l'article 3.3.2 de ce même document, ni les plans et dimensions exactes des colonnes exigés par l'annexe 1 du règlement de consultation. Ces informations, nécessaires à l'acheteur pour apprécier la conformité des offres aux nomes NF-EN 13071.1 et NF-EN 13071.2 ou équivalentes et pour apprécier le volume maximal que chaque colonne pouvait contenir, ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant été manifestement inutiles. En outre, l'omission en cause ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle, aucune des informations ainsi exigées n'ayant été renseignées dans d'autres documents. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la communauté de communes des Sucs ne pouvait attribuer le contrat à la société ASTECH qui n'avait pas respecté une des exigences imposées par le règlement de consultation.

8. En outre, selon l'article R. 2151-15 du code de la commande publique, " Dans les documents de la consultation, l'acheteur peut exiger que les offres soient accompagnées d'échantillons, de maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d'apprécier l'offre. () ". L'article 1.9 du règlement de consultation dispose que " Dans le cadre de l'analyse des offres des lots 1 et 2, le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de demander des échantillons au premier ou aux trois premiers candidats pressentis, moyennant le versement d'une éventuelle indemnité qui est à préciser par chaque candidat au sein des actes d'engagements concernés. ". Aux termes de l'article 7.2 du règlement de consultation, " Les critères retenus en vue du jugement des offres seront les suivants () : () critère qualité et valeur technique appréciée au travers du mémoire technique du candidat et des échantillons éventuels. ".

9. Il résulte des documents de consultation que l'acheteur se réservait la possibilité de demander des échantillons au premier ou aux trois premiers des candidats pressentis et non à la totalité des candidats ayant présenté une offre recevable. Le règlement de consultation prévoit que le critère de la qualité et de la valeur technique des offres, affecté du coefficient 5, est apprécié au travers du mémoire technique du candidat et des échantillons. Dès lors, en évaluant la qualité et la valeur technique des offres soit sur le seul mémoire technique pour certains candidats soit sur le mémoire technique et sur les échantillons présentés pour d'autres candidats, la communauté de communes de Sucs a porté atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats et a opéré un système de pré-sélection des offres qui a nécessairement eu pour effet d'accorder un avantage aux seules sociétés ayant été invitées à fournir des échantillons et a été de nature à léser l'entreprise requérante auquel la fourniture d'échantillons n'a pas été demandée.

10. Il résulte de ce qui précède que la société SULO France est fondée à demander l'annulation de la décision d'attribution du lot n° 1 en litige à la société ASTECH.

11. La présente décision n'implique pas qu'il soit enjoint à la communauté de communes des Sucs de reprendre la procédure de passation, ce qu'elle est loisible de faire, en tout état de cause.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes des Sucs et de la société ASTECH la somme que la société SULO France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par ailleurs, obstacle à ce que soit mise à ce titre à la charge de la société SULO France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la communauté de communes des Sucs et la société ASTECH demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation du lot n° 1 " colonnes aériennes ordures ménagères et tri sélectif " de l'accord-cadre à bons de commande ayant pour objet l'acquisition et la livraison de colonnes pour la collecte des déchets est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté de communes des Sucs et la société ASTECH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SULO France, à la communauté de communes des Sucs et à la société ASTECH.

Fait à Clermont-Ferrand, le 6 mai 2024.

La juge des référés,

C. A

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2400677

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