Tribunal Administratif de La Réunion, 04/08/2022, n°2200892, n°2200889
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 18 juillet et 1er août 2022, la société Moutoussamy et Fils, représentée par Me Rayssac, avocat, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure de passation menée par la CINOR pour le lot U du marché des transports scolaires de la commune de Sainte-Suzanne ;
2°) de condamner la CINOR à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 : " I - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat (). Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat () ".
2. Suite à un appel public à la concurrence lancé par la CINOR en mars 2022, la société Moutoussamy et Fils s'est portés candidate pour le lot U du marché des transports scolaires de la commune de Sainte-Suzanne. Informée à l'issue de la procédure d'appel d'offres ouvert, par lettre du 8 juillet 2022, du rejet de son offre, classée en 2ème position, et de l'attribution du lot U à la société STOI, la société Moutoussamy et Fils demande au juge des référés précontractuels, par la présente requête, d'annuler la procédure menée par la CINOR.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que persiste à soutenir la société requérante, la CINOR a satisfait à ses obligations à l'égard de la communication au candidat évincé des informations auxquelles il peut prétendre en vertu, notamment, des dispositions de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique. Car des informations suffisantes lui ont été fournies dès la lettre de rejet d'offre du 8 juillet 2022 et ont été complétées, au surplus, dans le cadre de la lettre du 25 juillet 2022, postérieure à l'introduction de la requête, par laquelle une réponse circonstanciée était apportée à la demande d'éléments supplémentaires, cette demande ayant été à juste titre non satisfaite en tant qu'elle portait sur des informations couvertes par le secret des affaires.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les documents de la consultation faisaient apparaître des informations amplement suffisantes sur le contenu et les modalités de l'obligation de reprise des salariés, les candidats ayant eu connaissance du nombre de salariés à reprendre, à savoir 8 pour le lot U, leur qualification de conducteur de bus scolaire, leur ancienneté, la nature de leurs contrats, le nombre d'heures mensuelles et le coût de la masse salariale globale.
5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, la société requérante n'ayant en aucune manière étayé ses allégations sur ce point, se bornant à attendre de la partie adverse qu'elle apporte ses propres justifications, que le prix de l'offre retenue, à savoir 2 085 601 €, soit un prix légèrement inférieur à celui de l'offre rejetée, à savoir 2 239 013 €, ait été fixé à un niveau anormalement bas au regard des contraintes du service à assurer et du contexte économique et social, de sorte que l'objectif de bonne exécution du marché pourrait être compromis. A cet égard, l'allégation selon laquelle l'attributaire entendrait consacrer à la prestation une masse salariale qui " tournerait autour de 10 000 € par an par conducteur " n'est assortie d'aucune esquisse de démonstration. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de diligenter une mesure d'instruction à l'effet d'obtenir de la CINOR qu'elle communique l'ensemble des éléments financiers de l'offre retenue, ainsi que les raisons l'ayant conduite à valider l'offre après mise en œuvre auprès du candidat de la procédure de vérification applicable en cas de suspicion d'offre anormalement basse, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2152-5, L .2152-6 et R. 2152-3 du code de la commande publique doit être écarté.
6. En quatrième lieu et enfin, il y a lieu d'écarter également, le grief n'étant pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, le moyen tiré de ce que l'offre de la société STOI était irrégulière au motif que, du fait d'une prétendue reprise partielle du personnel du titulaire sortant, il conviendrait de constater un " non-respect de l'accord collectif du 15 novembre 2021 signé par les entreprises du secteur d'une part, et des dispositions du CCTP d'autre part ".
7. Il résulte de ce qui précède que la société Moutoussamy et Fils, en l'absence de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, n'est pas fondée à contester devant le juge des référés précontractuels la procédure de passation de marché public menée par la CINOR à l'égard du lot U du futur marché des transports scolaires de Sainte-Suzanne.
8. Il n'y a pas lieu d'accueillir la demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société requérante, partie perdante à l'instance, ni, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions au profit de la CINOR.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Moutoussamy et Fils est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CINOR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Moutoussamy et Fils et à la CINOR.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Fait à Saint-Denis, le 4 août 2022.
Le juge des référés,
M.-A. AEBISCHER
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
P/La greffière en chef,
La greffière,
S. BALOUKJY