CAA Bordeaux, 19/10/2022, n°20BX02818

CAA Bordeaux, 19/10/2022, n°20BX02818

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Teamnet a demandé au tribunal administratif de Poitiers :

- par une première requête, de prononcer la reprise des relations contractuelles avec la commune de La Rochelle dans le cadre du marché à bons de commande ayant pour objet l'acquisition et la mise en œuvre d'une solution dédiée à la gestion de la petite enfance, la scolarité, l'enfance et la restauration scolaire, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser les sommes de 10 080 euros et 1 620 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en paiement du prix de prestations exécutées dans le cadre de ce marché et d'enjoindre au maire de La Rochelle de procéder au versement de ces sommes dans un délai d'une semaine, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- par une deuxième requête, à titre principal, d'annuler le titre exécutoire émis le 31 décembre 2018 mettant à sa charge la somme de 671 880 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, à titre subsidiaire, de modérer les pénalités de retard appliquées par la commune de La Rochelle dans le cadre du marché ;

- par une troisième requête, à titre principal, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 69 120 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en paiement du prix de prestations qu'elle a exécutées dans le cadre du marché, à titre subsidiaire, de modérer les pénalités de retard.

Par un jugement n° 1801649, 1900389 et 1901014 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de condamnation et d'injonction de la première requête, a fait droit à sa demande concernant la deuxième requête, et a condamné la société Teamnet à verser à la commune de La Rochelle la somme de 110 880 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019 dans la troisième requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 août 2020 et 13 septembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Teamnet, représentée par Me Bouteiller, demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2020 en ce qu'il a retenu des pénalités à hauteur de 180 000 euros et qu'il l'a en conséquence condamnée à verser à la commune de La Rochelle la somme de 110 880 euros avec intérêts à taux légal à compter du 10 octobre 2019, déduction faite du paiement des prestations réalisées restant à payer ;

2°) d'annuler la décision, née le 7 avril 2019, par laquelle la commune de La Rochelle a implicitement refusé de retirer le décompte du marché, sur sa réclamation du 7 février 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 14 décembre 2018 par laquelle la commune de La Rochelle lui a notifié le décompte de résiliation ;

4°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 69 120 euros correspondant au paiement des prestations qu'elle a réalisées pour service fait en exécution du marché, majorée des intérêts moratoires à compter de la date de réclamation du paiement du solde du marché ;

5°) à titre subsidiaire, de constater le caractère manifestement excessif des pénalités appliquées et de ramener les sommes réclamées à de plus justes proportions ;

6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de La Rochelle la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Teamnet soutient que :

- le tribunal a retenu à tort, par une dénaturation des pièces du dossier, l'application des pénalités de retard à son encontre ;

- le courrier du 14 décembre 2018 par lequel la commune de La Rochelle lui a notifié le décompte de résiliation a substitué une résiliation simple à la résiliation aux frais et risques du titulaire qui avait été initialement prononcée par décision du 23 octobre 2017 ;

- cette résiliation n'est pas fondée dès lors que le retard ne lui est pas imputable ; d'une part, elle a pris les mesures afin de pallier les dysfonctionnements mentionnés dans la mise en demeure ; d'autre part, les services de la commune ont commis des manquements qui ont retardé le déploiement de la solution informatique et l'ont sollicitée pour réaliser des prestations non prévues par le marché ;

- la commune de La Rochelle n'a pas respecté la procédure prévue à l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige, de sorte que les pénalités ne sauraient lui être appliquées ; le décompte de résiliation ne fait pas référence au calendrier prévisionnel prévu à l'article 1.10 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), ce qui ne permet pas d'apprécier les délais de retard appliqués de façon exorbitante par la commune ; la réalité des dysfonctionnements n'est pas établie ;

- le tribunal a omis d'intégrer le montant des intérêts moratoires à la somme de 69 120 euros qui lui est due au titre des prestations qu'elle a réalisées ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne le montant du préjudice financier subi par la commune de La Rochelle évalué par les premiers juges et est entaché d'une contrariété de motifs quant au montant des pénalités retenu par eux ;

- les pénalités appliquées par la commune de La Rochelle, d'un montant de 741 000 euros, ramené à 180 000 euros par les premiers juges, soit 164 % du montant du marché, présente un caractère excessif ; à cet égard, c'est à tort que le tribunal a calculé le montant du marché en intégrant les prestations de maintenance qui n'interviennent qu'à l'issue du délai de garantie d'un an alors que seul le bon de commande du 5 avril 2016 devait être pris en compte ;

- les premiers juges ont retenu à tort l'existence d'un préjudice pour la commune de La Rochelle lié à la perte de recettes pour défaut de facturation de la cantine scolaire et aux dépenses engagées pour le personnel ;

- le montant des pénalités doit être ramené à de plus justes proportions et ne pouvait, en tout état de cause, excéder le montant de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 1.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP).

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2022, la commune de La Rochelle, représentée Me Minescaut, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Teamnet à lui verser la somme de 110 880 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019, à la capitalisation de ces intérêts, et à ce que soit mise à la charge de la société Teamnet la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de la société Teamnet qui se borne à reproduire littéralement la demande de première instance, est irrecevable faute de respecter l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée dès lors que, d'une part, les pénalités qu'elle a appliquées sont justifiées, d'autre part, la modulation de leur montant par les premiers juges répond aux critères de la jurisprudence en la matière ;

- la société Teamnet n'est pas recevable à contester le bien-fondé de la décision de résiliation pour faute qui est devenue définitive à l'occasion de la contestation du décompte de résiliation et, par conséquent, les fautes retenues à son encontre qui sont expressément définies dans cette décision de résiliation ; en tout état de cause, ces fautes sont établies et justifient le prononcé d'une mesure de résiliation pour faute du titulaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de Mme B,

- et les observations de Me Davous, substituant Me Bouteiller, pour la société Teamnet, et de Me Minescaut, pour la commune de La Rochelle.

Une note en délibéré présentée pour la société Teamnet a été enregistrée le 29 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Rochelle (Charente-Maritime) a, par acte d'engagement du 17 novembre 2015, conclu avec la société Teamnet un marché à bons de commande ayant pour objet l'acquisition d'une solution de gestion pour les domaines de la petite enfance, la scolarité, l'enfance, la restauration scolaire, les temps de vie de l'enfant et la facturation, ainsi que sa mise en œuvre, et les prestations d'installation, de paramétrage, de formation, d'assistance et de maintenance associées au projet de remplacement du logiciel interne, pour une durée d'un an, tacitement renouvelable, dans la limite d'une durée totale de sept ans. Par une décision du 23 octobre 2017, le maire de la commune de La Rochelle a prononcé la résiliation du marché pour faute, aux frais et risques de la société Teamnet, avec effet au 5 novembre 2018. Par courrier du 14 décembre 2018, il a notifié au titulaire le décompte de résiliation du marché faisant ressortir un solde de 671 888 euros au débit de la société, après application de pénalités de retard d'un montant de 741 000 euros, et a émis, le 31 décembre suivant, un titre exécutoire mettant à la charge de la société Teamnet ladite somme de 671 888 euros. Par un courrier du 4 février 2019, reçu le 7 février suivant, la société Teamnet a contesté ce décompte et réclamé le paiement des prestations réalisées pour un montant de 69 120 euros. Sa réclamation a été rejetée par une décision, née le 7 avril 2019, du silence gardé par la commune pendant deux mois. La société Teamnet a demandé au tribunal de Poitiers, par une première requête, de prononcer la reprise des relations contractuelles avec la commune de La Rochelle et de condamner cette dernière à lui verser les sommes de 10 080 euros et 1 620 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en paiement du prix de prestations exécutées dans le cadre de ce marché, par une deuxième requête, d'annuler le titre exécutoire émis le 31 décembre 2018 mettant à sa charge la somme de 671 880 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, à titre subsidiaire, de modérer les pénalités de retard, par une troisième requête, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 69 120 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en paiement du prix de prestations qu'elle a exécutées. Par un jugement n° 1801649, 1900389 et 1901014 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint ces requêtes, a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de condamnation et d'injonction de la première requête, a fait droit à la demande de la société concernant la deuxième requête, et a condamné cette dernière, dans la troisième requête, à verser à la commune de La Rochelle la somme de 110 880 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019. La société Teamnet relève appel ce jugement en ce qu'il a retenu des pénalités à hauteur de 180 000 euros et qu'il l'a en conséquence condamnée à verser à la commune de La Rochelle la somme de 110 880 euros avec intérêts à taux légal à compter du 10 octobre 2019, déduction faite du paiement des prestations réalisées restant à payer. La commune de La Rochelle conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la capitalisation des intérêts dont est assortie la somme à laquelle le tribunal a condamné la société Teamnet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Pour évaluer à un montant de 150 000 euros le préjudice financier subi par la commune de La Rochelle en raison de la non résolution des nombreux dysfonctionnements de l'application Mobili et du progiciel Axelnet, les premiers juges ont estimé, au point 11 du jugement attaqué, qu'il devait être tenu compte des recettes perdues à défaut de facturation et des dépenses engagées pour recruter du personnel afin de pallier ces dysfonctionnements. Par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point.

Sur l'appel principal :

4. En vertu de l'article 44.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication, approuvé par l'arrêté du 16 septembre 2009 susvisé, le décompte de liquidation à la suite d'une décision de résiliation pour faute du titulaire comprend : " 44. 3. 1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / () - le montant des pénalités ; (). / 44. 3. 2. Au crédit du titulaire : / - la valeur contractuelle des prestations reçues y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; - la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures. ".

5. Il résulte de l'instruction que le décompte de résiliation arrêté par la commune de La Rochelle et notifié à la société Teamnet par courrier du 14 décembre 2018, comprend, à son débit, la valeur des prestations reçues, d'un montant de 69 120 euros, et, au débit du titulaire, le montant des pénalités de retard, d'un montant de 741 000 euros.

En ce qui concerne l'application des pénalités de retard :

S'agissant de la régularité et du bien-fondé des pénalités :

6. Aux termes de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige, dont les termes sont également repris à l'article 2.3 de l'acte d'engagement : " () Conformément aux dispositions de l'article 5.2.2 du CCTP relatif à la résolution des incidents, le titulaire s'engage à prendre en compte les incidents, quel que soit leur niveau de gravité sous 2 heures, du lundi au vendredi, de 8h30 à 17h30, hors jours fériés. / () Le titulaire s'engage à résoudre les problèmes ou les dysfonctionnements constatés, par tout moyen dont il dispose, dans les meilleurs délais, soit au plus : /- 1 jour ouvré si le dysfonctionnement bloque l'utilisation complète de la solution et pour tous les utilisateurs, / - 3 jours ouvrés si le dysfonctionnement est bloquant, mais reste partiel (tous les utilisateurs ne sont pas bloqués), / - 7 jours ouvrés s'il s'agit d'un dysfonctionnement non bloquant (le dysfonctionnement reste néanmoins préjudiciable aux missions du service). / Si le fournisseur ne peut résoudre les problèmes constatés dans les délais impartis, il s'engage à proposer des solutions de contournement à la Mairie de La Rochelle que celle-ci peut accepter ou non. La mise en place de ces solutions ne préjuge pas de l'engagement à la résolution des problèmes eux-mêmes par le fournisseur. / Le fournisseur ne pourra, en aucun cas, se retrancher derrière un mauvais fonctionnement de son progiciel dû à une incompatibilité avec le matériel, un OS, un SGBD ou tout autre logiciel de base dans la mesure où ceux-ci respectent ses préconisations et dans la mesure où le client aura préalablement à toute modification du périmètre de fonctionnement du logiciel informé par écrit le fournisseur ou suivi de ses préconisations éventuelles. / Ces délais sont contractuels. / En cas de non respect des pénalités seront appliquées conformément à l'article 4.3 du présent CCAP. ". L'article 4.3 de ce même cahier et l'article 5.2.3 du cahier des clauses techniques particulières prévoient, en des termes identiques, l'application de pénalités de retard concernant la maintenance, courant à partir du dépassement de seuils d'indisponibilité, fixé à un jour ouvré en cas de dysfonctionnement totalement bloquant, à trois jours ouvrés en cas de dysfonctionnement partiellement bloquant, et à sept jours ouvrés en cas de dysfonctionnement non bloquant. Ces pénalités " ne s'arrêtent qu'au retour stabilisé à une situation conforme, correspondant à une période s'étalant sur au moins cinq jours ouvrés consécutifs ". Cet article précise que les pénalités sont appliquées " sur l'envoi d'un simple courrier recommandé précisant l'incident et d'un titre de recette exécutoire ", le montant de la pénalité étant calculé en raison de 100 euros TTC par jour de retard en fonction de la durée d'indisponibilité de la fonctionnalité.

7. Il ressort du décompte de résiliation notifié le 14 décembre 2018 que la commune de La Rochelle a appliqué des pénalités de retard d'un montant total de 741 000 euros, sur la base de 16 dysfonctionnements de l'application Mobili et du progiciel Axelnet, présentant un caractère bloquant, dont certains ont été constatés dès le 15 février 2017. Il résulte de l'instruction que, par un courrier recommandé du 1er juin 2017, reçu le 9 juin suivant, elle avait signalé 33 dysfonctionnements et mis en demeure la société Teamnet de les résoudre avant le 30 juin 2017, sous peine de pénalités de retard, puis encore 23 dysfonctionnements par le courrier recommandé du 23 octobre 2017 notifiant au titulaire la résiliation du marché à compter du 5 novembre 2018.

8. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige, citées au point 6, que la durée d'indisponibilité de la fonctionnalité retenue pour calculer le retard concernant la maintenance est appréciée jusqu'à la stabilisation de la résolution à l'issue de cinq jours consécutifs de fonctionnement et que c'est une fois cette durée déterminée que la pénalité de retard peut être appliquée par l'envoi d'un courrier recommandé et l'émission d'un titre de recette exécutoire. Il résulte de l'instruction que, à la date de prise d'effet de la résiliation du marché, le 5 novembre 2018, aucun retour à une situation conforme n'avait été constaté s'agissant des dysfonctionnements identifiés, de sorte que la commune de La Rochelle a pu faire courir les pénalités de retard jusqu'à cette date, ainsi d'ailleurs que le permettent les stipulations de l'article 44.5 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication. Il résulte en outre de l'instruction que, après avoir notifié à la requérante par courrier du 14 décembre 2018, le décompte de résiliation comportant le montant des pénalités de retard dont le montant avait été définitivement arrêté, le maire de la commune de La Rochelle a, le 31 décembre suivant, émis un titre exécutoire en vue du règlement du solde du marché, après prise en compte du montant des pénalités. Il s'ensuit que la société Teamnet n'est pas fondée à soutenir que la procédure prévue à l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières n'aurait pas été respectée, faute pour la commune d'avoir émis des titres de recettes aux dates où les dysfonctionnements avaient été constatés afin de calculer le montant des pénalités correspondantes.

9. En deuxième lieu, la société requérante ne peut utilement reprocher au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir fait référence au calendrier prévisionnel prévu à l'article 1.10 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) pour apprécier la durée des retards, dès lors que ce calendrier sert uniquement à apprécier les retards éventuels du titulaire dans le déploiement de la solution et la mise en œuvre du projet et à calculer les pénalités de retard correspondantes et non les pénalités de retard en matière de maintenance, calculées en fonction de la durée d'indisponibilité de la fonctionnalité. En l'espèce, le tableau de calcul du montant des pénalités, annexé au décompte de résiliation, mentionne l'acte de notification de chaque incident, sa qualification par rapport aux seuils d'indisponibilité, le décompte des jours d'indisponibilité et le montant correspondant de la pénalité.

10. En troisième lieu, si la société Teamnet soutient que le retard dans le déploiement de la solution est imputable à la commune de La Rochelle, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur l'application des pénalités litigieuses, qui l'ont été non pas en raison du retard dans la mise en œuvre du projet mais au titre des carences du titulaire en matière de maintenance corrective. Est également sans incidence la circonstance que le pouvoir adjudicateur lui aurait demandé de réaliser des prestations supplémentaires, non prévues par le marché, ce qui aurait seulement un effet sur le calendrier d'exécution du marché. Si la requérante soutient que les dysfonctionnements sont dus aux services de la commune de La Rochelle qui n'auraient pas été capables de se saisir de l'outil informatique mis à leur disposition, elle ne l'établit pas par les seules attestations des quatre sessions de formation qu'elle était, au demeurant, tenue de dispenser au titre de son obligation contractuelle et pour lesquelles elle a été rémunérée. Si elle affirme encore avoir remédié à l'ensemble des dysfonctionnements pour lesquels elle avait été mise en demeure, elle se borne à produire, d'une part, un ticket faisant apparaître qu'elle avait clôturé une intervention alors que la commune avait signalé la persistance du dysfonctionnement et, d'autre part, une fiche d'évolution relative à l'édition par le titulaire d'un certificat de scolarité pour la commune de La Rochelle alors que le dysfonctionnement tenait à l'impression en masse de ce certificat de scolarité. Il ressort enfin des pièces du dossier de première instance que la commune de La Rochelle ne disposait que de la version 3.5.2 patche 5 d'Axelnet de sorte qu'elle n'a pu bénéficier des résolutions apportées par la version 3.5.2 patche 9 d'Axelnet dont se prévaut la société Teamnet. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à contester l'application des pénalités de retard.

S'agissant du montant des pénalités et de sa modulation :

11. En premier lieu, la société Teamnet ne se prévaut pas utilement des stipulations de l'article 1.4 du cahier des clauses administratives particulières selon lesquelles le titulaire doit verser à la commune " une indemnité correspondant à la valeur du quart de la prestation estimée sur une année, calculée sur la base des prix en vigueur à la date du jour d'arrêt de la prestation " en cas de résiliation du marché pour non-exécution de la prestation demandée pendant une période de plus de soixante jours, dès lors que ces stipulations n'ont pas le même objet que celles relatives aux pénalités de retard en cas de carence du titulaire en matière de maintenance corrective et ne sont pas exclusives les unes des autres. Au demeurant, il n'est pas allégué par la société requérante que le pouvoir adjudicateur aurait fait application de ces stipulations en demandant le versement d'une telle indemnité à la suite de la résiliation du marché.

12. En deuxième lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

13. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

14. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

15. En l'espèce, les pénalités de retard qui ont couru à partir de la date de dépassement du seuil d'indisponibilité jusqu'à la veille de la résiliation du marché à défaut de résolution des dysfonctionnements à cette date, atteignent le montant de 741 000 euros, en application des stipulations de l'article 4.3 du CCAP du marché en litige. Il résulte de l'instruction, en particulier du décompte de résiliation arrêté par la commune de La Rochelle, que le montant de ce marché à bons de commande sans minimum ni maximum s'est élevé à la somme de 223 752 euros TTC, proche du montant de 220 872 euros figurant sur le devis quantitatif estimatif rempli par la société Teamnet. Le montant des pénalités de retard apparaît ainsi disproportionné par rapport au montant du marché, lequel doit, contrairement à ce que soutient la requérante, intégrer les prestations de maintenance qui faisaient partie du périmètre du marché, alors même qu'elles n'interviendraient qu'à l'issue du délai de garantie d'un an.

16. Il résulte également de l'instruction que, en raison de la non résolution des dysfonctionnements de l'application Mobili et du progiciel Axelnet, en particulier en matière de facturation et de pointage, la commune de La Rochelle a, par une délibération du 20 novembre 2017, pris acte de l'absence des données permettant d'établir la facturation de la restauration municipale et des activités périscolaires pour la période du 1er avril au 30 avril 2017, occasionnant une perte de recettes associées d'un montant de 95 000 euros. En outre, la commune de La Rochelle a dû recruter trois agents du centre de gestion de la fonction publique territoriale entre août 2017 et octobre 2018 pour un coût de plus de 69 000 euros, ainsi qu'en attestent les factures produites par le défendeur en première instance, afin de pallier les dysfonctionnements du système informatique. Dans ces conditions, le tribunal a pu estimer que la commune de La Rochelle a subi un préjudice financier résultant du non-respect par la société Teamnet de ses obligations en matière de maintenance corrective, évalué à la somme de 150 000 euros.

17. Eu égard, d'une part, au préjudice subi par la commune de La Rochelle en raison des carences du titulaire en matière de maintenance corrective, lequel était tenu, en vertu de l'article 1er du cahier des clauses administratives particulières, à une obligation de résultat, d'autre part, à l'ampleur du retard constaté et à la durée d'indisponibilité de certaines fonctionnalités, pendant plus de 400 jours pour certaines, les premiers juges ont pu estimer que, dans les circonstances de l'espèce, il y avait lieu de fixer le montant des pénalités de retard à la somme de 180 000 euros.

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement de la somme de 69 120 euros au titre des prestations réalisées :

18. Il est constant que la société Teamnet a exécuté des prestations dont le prix de 69 120 euros n'a pas été payé par la commune de La Rochelle. A cet égard, si la requérante fait grief au tribunal de ne pas avoir intégré les intérêts moratoires, elle ne précise pas le montant qui aurait dû être retenu. Au demeurant, il résulte de l'article 6.2 du cahier des clauses administratives particulières que le titulaire ne pouvait facturer ses prestations qu'après réception du procès-verbal émis par le pouvoir adjudicateur attestant la validation de la phase de vérification d'aptitude (VA), représentant 70 % du règlement, et de la phase de vérification de service régulier (VSR), représentant 30 % de ce règlement, dans les conditions précisées à l'article 5.1.3 du cahier des clauses techniques particulières, et que la durée de la VSR était prolongée en cas de survenance d'un dysfonctionnement bloquant ou grave rendant le service indisponible, jusqu'à sa résolution. En outre, l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières précisait que, en cas d'impossibilité de procéder aux opérations de vérifications, le délai de mandatement était " prolongé d'une période de suspension () égale au retard qui en est résulté ". En l'espèce, il ressort de l'extrait du logiciel comptable produit par la commune de La Rochelle que le service fait n'a pu être constaté que le 4 décembre 2018, soit postérieurement à la prise d'effet de la résiliation du marché en litige et que le paiement des factures correspondantes est intervenu le 17 décembre suivant, soit dans le délai de 30 jours prévu contractuellement. Par suite, aucun intérêt moratoire n'était dû à la société Teamnet.

19. Ainsi, après déduction des pénalités, d'un montant de 180 000 euros, sur la somme de 69 120 euros due à la société Teamnet, le solde du marché en litige s'établit à 110 880 euros en faveur de la commune de La Rochelle.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Rochelle, que la société Teamnet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est pas entaché d'une contrariété de motifs, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et l'a condamnée à verser à la commune de La Rochelle la somme de 110 880 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019, date d'enregistrement de son mémoire en défense au greffe du tribunal administratif de Poitiers.

Sur l'appel incident de la commune de La Rochelle :

21. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La commune de La Rochelle a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour le 11 juin 2022. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Rochelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Teamnet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros à verser à la commune de La Rochelle au titre des frais de même nature.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Teamnet est rejetée.

Article 2 : Les intérêts sur la somme à laquelle la société Teamnet a été condamnée par le jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers, échus à la date du 11 juin 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La société Teamnet versera à la commune de La Rochelle la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Teamnet et à la commune de La Rochelle.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2022.

Le rapporteur,

Anthony A

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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