CAA de Versailles, 14 décembre 2023, n°23VE01515


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Entreprise Pitel a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser une provision de 192 002,23 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des situations nos 2, 4 et 5 ainsi que des travaux supplémentaires relatifs au bon de commande n° X008302 de l'accord-cadre n° 180098 ayant pour objet l'entretien, les grosses réparations et l'aménagement des bâtiments communaux, des intérêts moratoires dus en raison du retard de paiement des sommes afférentes à ces situations et travaux, des frais de recouvrement de ces sommes et de l'indemnisation d'un mauvais vouloir de la commune et de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2108444 du 22 juin 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, la société Entreprise Pitel, représentée par Me Caupert, avocat, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur sa requête n° 2211330 tendant à la condamnation de la commune de Gennevilliers à lui verser une provision correspondant au solde de l'accord-cadre n° 180098 et du bon de commande n° X008320 ;

2°) d'annuler cette ordonnance ;

3°) de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser une provision de 192 002,33 euros au titre du règlement des situations nos 2, 4 et 5 et des travaux supplémentaires relatifs au bon de commande n° X008320 émis en exécution de l'accord-cadre n° 180098, des intérêts moratoires dus en raison du retard de paiement des sommes afférentes, des frais de recouvrement de ces sommes et de l'indemnisation d'un mauvais vouloir de la commune ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il convient de surseoir à statuer sur sa demande dans l'attente des décisions du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur sa requête nos 2211330 tendant à la condamnation de la commune de Gennevilliers à lui verser une provision correspondant au solde de l'accord-cadre n° 180098 et du bon de commande n° X008320, dès lors que, dans l'hypothèse où il serait fait droit à cette demande, la présente demande serait privée d'objet ;

- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable ; sa demande ne pouvait pas être considérée comme prématurée, faute d'expiration du délai de trente jours prévu par l'article 50.1.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) à la date à laquelle elle a été introduite, dès lors que la saisine du juge du référé-provision peut se faire sans attendre que la procédure de recours préalable soit parvenue à son terme et dès lors qu'une décision implicite de rejet du mémoire en réclamation est intervenue en cours d'instance ;

- sa créance au titre des situations nos 2, 4 et 5 et des travaux supplémentaires n'est pas sérieusement contestable ; les demandes de paiement litigieuses, qui s'élèvent à la somme de 156 061,44 euros, devaient être réglées dans un délai de trente jours à compter de leur réception par le maître d'œuvre ou, en l'absence de certitude sur la date de réception, à compter de la date d'exécution des prestations, en vertu des articles 8.1 et 8.2 du cahier des clauses particulières (CCP) et L. 2192-10, R. 2192-10, R. 2192-12 et R. 2192-18 du code de la commande publique ; la commune n'a jamais contesté le montant des factures nos 19/02/P08/440, 19/04/P09/440 et 19/08/P39/440 ; ces factures contenaient les informations permettant d'identifier les prestations auxquelles elles se rapportent ; une précédente facture présentée dans les mêmes formes avait fait l'objet d'un paiement ; alors que l'acheteur ne peut pas opposer l'incomplétude d'une facture postérieurement à l'expiration du délai de paiement, la commune l'a opposée pour la première fois au contentieux ; la facture n° 19/04/P11/440 était bien mentionnée dans la mise en demeure du 28 mai 2021 ; les travaux supplémentaires ont été effectués à la demande de la commune qui ne saurait donc lui opposer une absence de devis ;

- sa créance au titre des intérêts moratoires n'est pas sérieusement contestable ; en application de l'article 8.3 du CCAP, le montant des intérêts moratoires à parfaire s'élève à 204,50 euros TTC au titre de la facture n° 19/02/P08/440, calculés à compter du 22 avril 2019, 3 625,91 euros TTC au titre de la facture n° 19/04/P09/440, calculés à compter du 29 mai 2019, 22 661,52 euros TTC au titre de la facture n° 19/04/P11/440, calculés à compter du 29 mai 2019 et 1 180,39 euros TTC au titre de la facture n° 19/08/P39/440, calculés à compter du 1er octobre 2019 ; les motifs de refus de paiement des factures sont infondés ; en tout état de cause, la commune ne lui a notifié aucune décision de suspension des délais de paiement selon les formes requises par l'article R. 2192-27 du code de la commande publique ;

- sa créance au titre de l'indemnité pour frais de recouvrement n'est pas sérieusement contestable ; l'article 8.3 du CCAP prévoit une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement par facture impayée et l'article L. 2192-13 du code de la commande publique prévoit que le créancier peut demander le remboursement des frais supérieurs à l'indemnité forfaitaire de recouvrement ; le recours à un avocat pour obtenir le paiement des situations litigieuses a été rendu nécessaire par le refus de paiement de la commune ; il n'était pas matériellement impossible pour la commune de régler les factures dès lors qu'elle a bénéficié d'un délai d'un mois pour ce faire après la mise en demeure du 28 mai 2021 faisant elle-même suite à plusieurs relances infructueuses ; le remboursement des frais supérieurs à l'indemnité forfaitaire de recouvrement inclut les frais d'avocat et la facture du cabinet d'avocats est produite ; elle est ainsi fondée à solliciter 160 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros par facture et 3 268,57 euros au titre de l'indemnité supplémentaire de recouvrement ;

- compte tenu du refus caractérisé et inexpliqué de la commune de payer les états d'acompte, elle est fondée à solliciter le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre du mauvais vouloir de l'administration.

La requête a été communiquée le 17 août 2023 à la commune de Gennevilliers qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 1er septembre 2023, le président de la cour a désigné Mme Signerin-Icre, présidente de la 5ème chambre, pour statuer en qualité de juge des référés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, tel que modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Entreprise Pitel, mandataire du groupement titulaire de l'accord-cadre n° 180098 " Entretien, grosses réparations et aménagement des bâtiments communaux " passé avec la commune de Gennevilliers et pour l'exécution duquel a été émis le bon de commande n° X008320 ayant pour objet la construction d'un local jeunesse dans le quartier du Fossé-de-l'Aumône, fait appel de l'ordonnance du 22 juin 2023 en tant que la vice-présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, juge des référés, a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gennevilliers à lui verser une provision de 192 002,23 euros TTC au titre des situations nos 2, 4 et 5 ainsi que des travaux supplémentaires relatifs à ce bon de commande, des intérêts moratoires dus en raison du retard de paiement des sommes afférentes à ces situations et travaux, des frais de recouvrement de ces sommes et de l'indemnisation d'un mauvais vouloir de la commune.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article 50.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux), tel que modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre () ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / () / 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. ". Aux termes de l'article 50.2 de ce cahier : " Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. ". Et aux termes de son article 50.3.1 : " A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. ".

3. D'une part, le silence gardé par la commune de Gennevilliers à la suite du courrier du 28 mai 2021, notifié le 31 mai suivant, par lequel la société Entreprise Pitel l'a mise en demeure de procéder au paiement, notamment, de la somme de 156 061,44 euros TTC au titre du chantier du local jeunesse du Fossé-de-l'Aumône en évoquant quatre factures, ainsi qu'au paiement des intérêts moratoires et des frais de recouvrement, caractérise l'existence d'un différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur alors même que cette mise en demeure fixait un bref délai de quatre jours.

4. D'autre part, si la société Entreprise Pitel a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 30 juin 2021, soit seulement quinze jours après la réception par la commune de Gennevilliers de son mémoire en réclamation portant sur le paiement des situations nos 2, 4 et 5 relatives au bon de commande n° X008320 et des travaux supplémentaires afférents à ce même bon de commande, le délai dont disposait la commune pour répondre à ce mémoire en application des dispositions précitées de l'article 50.1.3. du CCAG Travaux était expiré à la date à laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a statué sur la demande de première instance, soit le 22 juin 2023, et une décision implicite de rejet était née à cette date. Dans ces conditions, le contentieux était lié à la date de l'ordonnance attaquée, ce qui faisait obstacle à ce qu'une fin de non-recevoir tirée du caractère prématuré de la demande soit opposée à la requérante.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Entreprise Pitel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable. L'ordonnance attaquée doit donc être annulée dans cette mesure.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Entreprise Pitel devant la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les conclusions à fin de provision présentées par la société Entreprise Pitel :

7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. () ".

8. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

En ce qui concerne le paiement des situations nos 2, 4 et 5 et travaux supplémentaires :

9. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné au maître d'ouvrage de verser au titulaire d'un tel marché une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. Notamment, lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au versement d'acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d'une provision représentative de tout ou partie de leur montant.

S'agissant du paiement des situations nos 2, 4 et 5 :

10. D'une part, aux termes de l'article 8.1 du cahier des clauses particulières (CCP) de l'accord-cadre en litige : " Les modalités de règlement des comptes sont définies dans les conditions de l'article 13 du CCAG-Travaux. / Le règlement des travaux se fait par acomptes mensuels qui correspondent aux quantités exécutées et qui font l'objet d'un ou des bons de commandes ou de marchés subséquents. / Par dérogation à l'article 13 du CCAG, les décomptes peuvent être présentés avant la fin de chaque mois. L'entrepreneur remet au maître d'œuvre un décompte établissant le montant total arrêté à la fin du mois précédent ou des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution de l'accord cadre. / ().". Aux termes de l'article 8.2 de ce CCP : " () les demandes de paiement seront présentées selon les conditions prévues à l'article 13.1 du CCAG-Travaux et seront établies en un original et 1 copie(s) portant, outre les mentions légales, les indications suivantes : / () le numéro du bon de commande ; / ' la désignation de l'organisme débiteur ; / () / ' le montant des prestations admises () / Les demandes de paiement devront parvenir à la maîtrise d'œuvre à l'adresse suivantes : / Mairie de Gennevilliers / Direction des services techniques - Service comptabilité / 177, avenue Gabriel-Péri / BP217 / 92237 GENNEVILLIERS CEDEX () ".

11. D'autre part, aux termes de l'article R. 2192-27 du code de la commande publique : " Lorsque la demande de paiement ne comporte pas l'ensemble des pièces et des mentions prévues par la loi ou par le marché ou que celles-ci sont erronées ou incohérentes, le délai de paiement peut être interrompu une seule fois par le pouvoir adjudicateur. / Pour les pouvoirs adjudicateurs dotés d'un comptable public, cette interruption ne peut intervenir qu'avant l'ordonnancement de la dépense. ". Aux termes de l'article R. 2192-28 du même code : " L'interruption du délai de paiement mentionnée à l'article R. 2192-27 fait l'objet d'une notification au créancier par tout moyen permettant d'attester une date certaine de réception. / Cette notification précise les raisons imputables au créancier qui s'opposent au paiement, ainsi que les pièces à fournir ou à compléter. ". Et aux termes de l'article R. 2192-29 du même code : " A compter de la réception de la totalité des pièces et mentions prévues à l'article R. 2192-27, un nouveau délai de paiement est ouvert. Ce délai est de trente jours ou égal au solde restant à courir à la date de réception de la notification de l'interruption si ce solde est supérieur à trente jours. ".

12. La commune de Gennevilliers soutient que la créance dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre des situations nos 2, 4 et 5 est sérieusement contestable dès lors que les factures correspondantes, à savoir les factures nos 19/02/P08/440, 19/04/09/440 et 19/08/P39/440 ne comportent pas l'ensemble des informations obligatoires, notamment le numéro de bon de commande, la mention de la validation par le maître d'ouvrage, le relevé d'identité bancaire de l'entreprise et le numéro de tiers. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du code de la commande publique que l'absence de certaines mentions obligatoires sur les factures permet seulement d'interrompre le délai de paiement, en respectant certaines conditions de forme. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Gennevilliers aurait entendu faire application de la faculté qui lui était offerte d'interrompre le délai de paiement. Dans ces conditions, et alors qu'elle ne conteste les créances ni dans leur principe ni dans leur montant, les sommes réclamées par les factures nos 19/02/P08/440, 19/04/P09/440 et 19/08/P39/440 ne sont pas sérieusement contestables. Par suite, il y a lieu d'allouer à titre de provision les sommes de 1 095, 11 euros TTC, de 20 298, 42 euros TTC, ainsi qu'elle le demande, et de 7 805, 11 euros TTC, soit la somme totale de 29 198, 64 euros.

S'agissant du paiement des travaux supplémentaires :

13. La société Entreprise Pitel sollicite le versement d'une provision au titre de la facture n° 19/04/P11/440 d'un montant de 105 719 euros HT correspondant à des travaux supplémentaires liés à l'évacuation des terres polluées et de terres complémentaires, au nettoyage et à la peinture sur un mur mitoyen, aux clôtures barreaudées et longrines pour clôtures, à une baie de brasage et câblage, au changement d'un coffret électrique en triphasé avec sous-comptage en triphasé pour alimentation provisoire et au câblage pour l'alimentation électrique. Toutefois, si elle soutient que ces travaux ont été effectués à la demande de la commune, cette dernière conteste cette affirmation dont la requérante n'établit pas le bien fondé en reproduisant un extrait de la réunion de chantier du 20 février 2019 duquel il ne résulte pas que la commune aurait demandé la réalisation des travaux en cause. Par ailleurs, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que ces travaux auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art. Dans ces conditions, la créance dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre des travaux supplémentaires n'est pas non sérieusement contestable.

En ce qui concerne les intérêts moratoires et les frais de recouvrement :

14. D'une part, aux termes de l'article L. 2192-10 du code de la commande publique : " Les pouvoirs adjudicateurs () paient les sommes dues en principal en exécution d'un marché dans un délai prévu par le marché ou, à défaut, dans un délai fixé par voie réglementaire (). Lorsqu'un délai de paiement est prévu par le marché, celui-ci ne peut excéder le délai prévu par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 2192-10 du même code : " Le délai de paiement prévu à l'article L. 2192-10 est fixé à trente jours (). ". Aux termes de l'article R. 2192-12 de ce code : " Sous réserve des dispositions prévues aux articles R. 2192-13, R. 2192-17 et R. 2192-18, le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le marché le prévoit, par le maître d'œuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet. ". Aux termes de l'article R. 2192-14 du même code : " () La date de réception de la demande de paiement ne peut faire l'objet d'un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier. ". Aux termes de l'article R. 2192-18 : " Si le pouvoir adjudicateur recourt à un maître d'œuvre ou à tout autre prestataire dont l'intervention conditionne le paiement des sommes dues, l'intervention du maître d'œuvre ou du prestataire ne modifie pas le délai de paiement qui s'impose au pouvoir adjudicateur. ". Aux termes de l'article L. 2192-13 du même code : " Dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire. () / Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par voie réglementaire. () ". Aux termes de l'article R. 2192-31 : " Le taux des intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 2192-13 est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. ". Enfin, aux termes de l'article D. 2192-35 : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros. ".

15. Aux termes de l'article 8.3 du CCP de l'accord-cadre en litige : " Les sommes dues au(x) titulaire(s) seront payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des demandes de paiement par le maître d'œuvre. / En cas de retard de paiement, le titulaire a droit au versement d'intérêts moratoires, ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 €. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. ".

S'agissant des intérêts moratoires :

16. Il résulte de l'instruction que la commune de Gennevilliers, maître d'œuvre, a accusé réception de la situation n° 2 par courriel du 21 mars 2019, qu'elle a reçu la facture n° 19/04/P09/440 correspondant à la situation n° 4 le 29 avril 2019 et il n'est pas contesté qu'elle a reçu la situation n° 5 le 31 août 2019. La commune de Gennevilliers avait donc jusqu'au lundi 22 avril 2019 pour régler le montant afférent à la situation n° 2, jusqu'au mercredi 29 mai 2019 pour régler le montant afférent à la situation n° 4 et jusqu'au lundi 30 septembre 2019 pour régler le montant afférent à la situation n° 5. Il n'est pas contesté que les sommes en litige n'ont toujours pas été réglées. Les créances dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre des intérêts moratoires dus en raison du retard de paiement des situations nos 2, 4 et 5 ne sont donc pas sérieusement contestables. La société Entreprise Pitel a ainsi droit aux intérêts moratoires qui ont commencé à courir le 23 avril 2019 sur la somme de 1 095,11 euros TTC, le 30 mai 2019 sur la somme de 20 298, 42 euros TTC et le 1er octobre 2019 sur la somme de 7 805,11 euros TTC, au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. En revanche, compte tenu de ce qui a été exposé au point 13 de la présente ordonnance, la créance dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre des intérêts moratoires dus en raison du retard de paiement des travaux supplémentaires n'est pas non sérieusement contestable.

S'agissant des frais de recouvrement :

17. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit sur les retards de paiement des trois acomptes en litige, la créance dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement n'est pas sérieusement contestable. Il y a, par suite, lieu de faire droit à sa demande de provision de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros par facture.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2192-13 du code de la commande publique : " () Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de l'indemnité forfaitaire prévue à l'alinéa précédent, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. ".

19. Il résulte de l'instruction et, en particulier, de la facture n° F21-0002563 émise le 14 juin 2021 par le conseil de la société Entreprise Pitel, éclairée par les écritures contentieuses de cette dernière, que la société requérante a exposé des frais de recouvrement à hauteur de 18 000 euros HT pour vingt-et-une factures impayées dans le cadre de l'ensemble des lots dont elle a été attributaire s'agissant des travaux réalisés pour la commune. Dans ces conditions, dès lors que la présente décision admet le bien-fondé de trois de ces vingt-et-une factures, la société Entreprise Pitel doit être regardée comme établissant avoir exposé des frais de recouvrement à hauteur de 2 571,43 euros HT. Par suite, cette obligation présentant un caractère non sérieusement contestable, elle est fondée à réclamer une indemnité complémentaire égale à la différence entre cette somme et celle correspondant aux indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement, soit la somme de 2 451,43 euros HT (2 941,71 euros TTC). En revanche, compte tenu de ce qui a été exposé au point 13 de la présente ordonnance, la créance dont se prévaut la société Entreprise Pitel au titre des frais de recouvrement de la somme correspondant aux travaux supplémentaires n'est pas non sérieusement contestable.

En ce qui concerne l'indemnisation d'un mauvais vouloir de la commune :

20. La société Entreprise Pitel demande à ce que lui soit octroyée une indemnité de 5 000 euros en réparation du mauvais vouloir qu'aurait manifesté la commune de Gennevilliers pour régler les états d'acomptes mensuels litigieux. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la commune ait, ainsi que la requérante le soutient, manifesté un refus caractérisé et inexpliqué de payer les situations nos 2, 4 et 5. La commune fait d'ailleurs état du délai très bref accordé par la requérante dans sa mise en demeure du 28 mai 2021 et de la saisine rapide du juge du référé-provision. Dans ces conditions, la créance dont se prévaut la société requérante à cet égard ne présente pas le caractère non sérieusement contestable requis par les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge des référés du tribunal administratif sur sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gennevilliers à lui verser une provision correspondant au solde de l'accord-cadre n° 180098 et du bon de commande n° X008320, la société Entreprise Pitel est fondée à solliciter une provision de 1 095,11 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 avril 2019, une provision de 20 298,42 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mai 2019, une provision de 7 805,11 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 1er octobre 2019, une provision de 120 euros et une provision de 2 941,71 euros TTC.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2108444 du 22 juin 2023 de la vice-présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, juge des référés, est annulée en tant qu'elle a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la société Entreprise Pitel.

Article 2 : La commune de Gennevilliers versera à la société Entreprise Pitel une provision de 1 095,11 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 avril 2019, une provision de 20 298,42 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mai 2019, une provision de 7 805,11 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 1er octobre 2019, une provision de 120 euros et une provision de 2 941,71 euros TTC.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Entreprise Pitel devant la juge des référés du tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Entreprise Pitel et à la commune de Gennevilliers.

Fait à Versailles le 14 décembre 2023.

La présidente de la 5ème chambre,

Juge des référés

Corinne Signerin-Icre

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,