CAA Douai, 24/11/2022, n°22DA00053

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A Conseil a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle le centre hospitalier de Roubaix a rejeté sa réclamation indemnitaire préalable, d'autre part, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 111 338,36 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal. Elle a également demandé au tribunal de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900383 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, la société A Conseil, représentée par Me Deffairi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier de Roubaix ;

2°) par l'effet dévolutif de l'appel, de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui verser la somme de 65 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement quant à l'appréciation des fautes reprochées au centre hospitalier de Roubaix ;

- le tribunal a commis des erreurs dans l'appréciation des faits et des règles de droit, il a refusé à tort de reconnaître des fautes exclusivement imputables au comportement de l'établissement, consistant en des retards dans le démarrage de la mission et dans son exécution, dans la mauvaise foi et dans un manque de loyauté durant l'exécution du marché ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société A Conseil devait alerter son cocontractant sur l'importance de démarrer la mission dans les délais et qu'elle aurait dû expressément exclure un report des échéances de la mission ;

- l'ensemble des fautes commises par le centre hospitalier de Roubaix engage sa responsabilité contractuelle ;

- elle est fondée à demander une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant du manque à gagner causé par la mobilisation des consultants sur une période plus longue que celle initialement prévue ;

- elle est en droit d'obtenir, à hauteur de 30 000 euros, la réparation du préjudice moral subi ;

- du fait du retard de paiement de la facture n° 4, elle a été assujettie à la cotisation subsidiaire maladie ; ce préjudice doit être réparé à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me Guilmain, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société A Conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ayant répondu à l'ensemble des moyens soulevés, le jugement est suffisamment motivé ;

- il n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée ;

- si le démarrage de la mission a été décalé, cette circonstance n'a créé aucune difficulté pour le titulaire, qui n'a jamais émis de réserves ou de critiques sur ce point ;

- aucune mauvaise volonté ne peut lui être imputée en ce qui concerne l'exécution de la mission ; il a répondu en temps utile aux nombreuses sollicitations de la société A Conseil, plusieurs dysfonctionnements lors de la mise en service de la plateforme sont imputables au titulaire, il n'est pas responsable du faible taux de participation des agents et la société a elle-même proposé de prolonger la mise en ligne des questionnaires, elle n'a émis aucune réserve au report de la réunion de restitution et n'avait de toute façon pas achevé l'exploitation des données ;

- aucune obligation d'agir loyalement ne s'impose à l'administration dans la conduite des relations contractuelles et il n'a exercé aucune pression pour modifier les conditions de l'achèvement de la mission, par voie d'avenant, accepté par le titulaire dès le mois de mai 2017 ;

- il n'existe aucun préjudice indemnisable ;

- la société A Conseil n'apporte aucune explication ni justification de la somme demandée en réparation du préjudice résultant du manque à gagner ;

- elle n'est pas recevable à invoquer l'indemnisation d'un préjudice moral pour " les consultants " ; en tout état de cause, M. A ne justifie d'aucun préjudice moral personnel ;

- le préjudice découlant du retard de paiement de la facture n° 4 du 12 février 2018 a été réparé entièrement par le versement spontané des intérêts moratoires ; la société A Conseil n'établit pas avoir réglé la cotisation subsidiaire maladie à l'URSSAF ; elle n'y est en principe pas assujettie, dès lors qu'elle indique avoir versé des cotisations maladie à la sécurité sociale au titre de l'année 2018 ; en sa qualité de travailleur indépendant soumis au régime des bénéfices non-commerciaux, il appartenait à son gérant, lors de l'établissement de sa déclaration de résultat pour l'année 2018, d'opter pour une comptabilité d'engagement et non de trésorerie pour éviter d'avoir un résultat déficitaire emportant paiement de la cotisation sociale maladie.

Par une ordonnance du 6 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 septembre 2022 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecomte, pour la société A Conseil.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 avril 2014, la société A Conseil, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) représentée par M. B A, a conclu avec l'Union des hôpitaux pour les achats (UniHA) un accord-cadre portant sur des missions d'audit de la qualité de la vie au travail et d'accompagnement à la mise en œuvre d'un plan de prévention des risques psychosociaux. Par un marché subséquent du 20 avril 2015, le centre hospitalier de Roubaix a confié à la société A Conseil la réalisation d'une prestation consistant à élaborer une cartographie des risques psychosociaux puis à établir un plan d'actions à mettre en œuvre pour y faire face. Ce marché comprenait une tranche ferme d'un montant total de 99 800 euros hors taxes (HT), soit 119 760 euros toutes taxes comprises (TTC) et deux tranches conditionnelles correspondant au suivi du plan d'action et à la réalisation de journées de "formation-action". Selon l'acte d'engagement, le contrat devait s'exécuter du deuxième trimestre 2015 à la fin de l'année 2015 sur une durée de neuf mois. Par un avenant conclu le 21 novembre 2017, l'étendue des prestations a été réduite et le montant porté à 77 400 euros HT. Par un courrier du 11 septembre 2018, la société A Conseil a présenté au centre hospitalier de Roubaix une réclamation préalable tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis lors de l'exécution de ce marché et évalués à 135 000 euros, outre les intérêts moratoires. Par une décision du 15 novembre 2018, le centre hospitalier de Roubaix a partiellement fait droit à sa demande en acceptant le règlement de la facture n° 4 d'un montant de 28 800 euros TTC et des intérêts moratoires correspondant, mais en rejetant le surplus. La société A Conseil relève appel du jugement du 12 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Roubaix à lui verser une indemnité réparant les préjudices qu'elle estime être en lien avec l'exécution du marché subséquent passé le 20 avril 2015 et son avenant conclu le 21 novembre 2017. Elle demande le versement d'une indemnité s'élevant à la somme totale de 65 000 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des points 9 à 13 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a estimé, de manière argumentée, en se fondant sur les pièces du dossier et sur des courriels échangés avec la société A Conseil, que les retards dans le démarrage et l'exécution de la mission ne résultaient pas d'un comportement fautif du centre hospitalier de Roubaix. Par suite et alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés dans la demande, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les fautes commises par le maître d'ouvrage dans le lancement et l'exécution de la mission :

3. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

4. Aux termes des stipulations de l'article 5.2 - Obligations d'UniHA et des bénéficiaires du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l'accord-cadre : " () / Dès la notification des marchés subséquents, et pour permettre aux équipes du Titulaire de réaliser les prestations leur incombant dans les délais qui leur sont impartis, les bénéficiaires s'engagent à : /

- désigner un Chef de projet, chargé de suivre les prestations et de coordonner ses relations avec le Titulaire. En cas de défaillance de l'interlocuteur, ils s'engagent à pourvoir à son remplacement dans les plus brefs délais ; / - remplir leur devoir d'information, et notamment fournir toutes les informations et documents leur paraissant nécessaires à la bonne réalisation des prestations ; / - faciliter la tâche du Titulaire retenu lors de la prise de connaissance de l'environnement organisationnel de l'établissement ; signaler au Titulaire retenu, par tout moyen approprié, et confirmer par écrit, dès qu'ils en ont connaissance, tout évènement ou évolution nécessitant une intervention de celui-ci et entrant dans le champ d'application du présent accord ".

5. En premier lieu, la société A Conseil soutient qu'en vertu de l'article 5.2 du CCAP applicable, le centre hospitalier de Roubaix était tenu d'assurer une collaboration active et régulière avec le titulaire et de lui fournir toutes les informations nécessaires pour qu'il puisse commencer et réaliser les prestations commandées dans les délais impartis.

6. Il est constant que selon l'acte d'engagement signé le 20 avril 2015, la durée prévisionnelle du marché était de neuf mois à compter de la date de notification et que la mission confiée à la société A Conseil ne s'est achevée qu'en janvier 2018.

7. La société A Conseil soutient d'abord que sa mission n'a pu réellement débuter qu'en mai 2016 et impute au centre hospitalier de Roubaix la responsabilité de ce démarrage tardif, en raison, notamment, de l'absence de désignation d'un chef de projet. S'il résulte de l'instruction que le centre hospitalier n'a formellement désigné aucun chef de projet, il apparaît toutefois, au vu des nombreux échanges de courriels produits durant toute la période en cause, que, dans les faits, cette fonction a été dévolue à la directrice des ressources humaines puis à son successeur. Si d'autres courriels révèlent des échanges réguliers avec l'assistante de la direction des ressources humaines puis, à d'autres occasions, avec la responsable du contrôle de gestion, ces dernières intervenaient en tant que relais, soit pour la prise de rendez-vous, soit pour la transmission de divers documents nécessaires à la préparation de la mission d'audit confiée au titulaire du marché. Par ailleurs, l'appelante ne saurait reprocher à la directrice des ressources humaines d'avoir retardé le lancement de sa mission du fait d'un manque de diligence à répondre au mail adressé le 13 avril 2015, par lequel il lui était demandé de fixer la première réunion de travail, dès lors que cette dernière lui a répondu dès le 27 avril 2015 en optant, parmi les six dates proposées entre le 6 et le 21 mai 2015, pour celle du 13 mai. Il est constant qu'après cette première réunion de lancement, la présentation de la démarche aux instances représentatives du personnel, programmée en juin 2015, a été différée et n'a pu se tenir qu'au cours d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail exceptionnel réuni le 22 octobre 2015 et qu'à la suite de cette réunion, la directrice des ressources humaines n'a repris contact avec M. A que le 15 février 2016 pour programmer les suites de la mission. Cependant, il n'est pas contesté par la société appelante qu'elle n'a, durant cette période, à aucun moment alerté le centre hospitalier sur les difficultés qui résulteraient d'un décalage par rapport au calendrier initialement prévu alors que l'article 12 du CCATP propre au marché subséquent, oblige le titulaire à " informer sans délai le bénéficiaire ou son représentant de tout évènement ou toute difficulté de nature à compromettre la qualité et le suivi des prestations " qui font l'objet du marché. En effet, ce n'est que par un courriel adressé le 28 novembre 2016 indiquant la fin de la première phase de sa mission, que M. A a fait part de ses inquiétudes du fait du retard pris dans l'avancement du projet. Au demeurant, il résulte de l'instruction, notamment du courriel adressé par M. A à la directrice des ressources humaines le 10 mai 2016, que la société A Conseil a présenté un nouveau planning d'exécution daté du 4 mai 2016 et s'échelonnant jusqu'au mois de janvier 2017, soit sur une durée de neuf mois. Ce faisant, et en l'absence d'opposition ou de réserve alors émise par la société A Conseil, les parties doivent être regardées comme ayant implicitement mais nécessairement entendu modifier les stipulations contractuelles citées au point 4 qui faisaient courir la durée du marché à compter de sa notification.

8. La société A Conseil soutient ensuite qu'après le lancement effectif de sa mission en mai 2016, le planning d'intervention, prévoyant notamment la restitution du rapport final en janvier 2017, n'a jamais été respecté en raison du comportement du centre hospitalier de Roubaix. A cet égard, si l'appelante réitère le grief tiré de l'absence de désignation d'un interlocuteur unique, celui-ci doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent. Si elle reproche en outre le manque de réactivité de ses interlocuteurs désignés par la directrice des ressources humaines, chargés de lui communiquer les éléments nécessaires à la préparation du questionnaire destiné aux 3 436 agents concernés, elle ne conteste pas que le recensement des effectifs et leur classification en différents groupes de métiers a demandé, entre le 8 septembre 2016 et la fin du mois d'octobre 2016, un important travail de préparation et de traitement des données, alourdi et ralenti par une incompatibilité entre les logiciels utilisés par l'établissement et ceux du prestataire. Il résulte par ailleurs de l'instruction que si un questionnaire test a pu être adressé aux membres du comité de pilotage dès le 10 novembre 2016, sa mise à disposition de l'ensemble des 3 436 agents concernés, via un identifiant attribué à chacun, n'a pu être effectuée avant la mi-décembre, en raison de dysfonctionnements de la plateforme mise en place par la société A Conseil, signalés les 24 novembre et 5 décembre 2016. Ces difficultés techniques, dont le centre hospitalier n'est pas à l'origine, ont au demeurant été admises par la société A Conseil, qui a alors décidé de différer la restitution des résultats de l'enquête qu'elle reconnaissait n'avoir pu analyser dans les temps. En ce qui concerne la poursuite de la mission d'audit consistant à mener des entretiens collectifs à travers des groupes d'agents choisis parmi un quart environ de l'effectif global de l'établissement, il résulte des échanges de courriels entre le directeur des ressources humaines et M. A ainsi que son collaborateur, que dès le mois de février 2017, il a été convenu par les parties que ces entretiens pourraient avoir lieu entre le 24 avril et le 9 mai. Si plusieurs relances de la part de M. A ou de son collaborateur ont ensuite été nécessaires pour obtenir, le 5 avril 2017, un accord précis du directeur sur les dates retenues pour la conduite de ces entretiens du 24 au 29 avril, cette circonstance n'a eu aucune incidence dans la mesure où il n'est pas contesté qu'ils ont pu avoir lieu conformément à ce qui avait été planifié trois mois plus tôt par la société A Conseil. Enfin, si le contenu de la mission a ensuite été réduit en ce qui concerne la phase de restitution, de présentation et d'analyse des résultats de l'enquête, il n'en est résulté aucune incidence sur l'allongement de la remise du rapport final, à l'initiative du seul rédacteur.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8, que les retards dans le démarrage puis dans l'exécution de la mission confiée à la scoiété A Conseil ne résultent d'aucun agissement fautif de la part du centre hospitalier de Roubaix.

10. En second lieu, la société A Conseil soutient que le centre hospitalier de Roubaix a méconnu l'exigence de bonne foi et de loyauté dans la conduite des relations contractuelles. Si elle se prévaut d'abord des difficultés rencontrées pour se faire communiquer différentes données et informations nécessaires à la préparation et à la réalisation de sa mission, il résulte de l'instruction que les différents interlocuteurs avec lesquels elle a été mise en rapport ont systématiquement répondu à ses demandes, dans des délais raisonnables, compatibles avec les contraintes induites par la nature et la complexité des informations sollicitées. Il en va ainsi notamment de la réponse apportée suite à son mail du 13 avril 2015 demandant communication de diverses pièces facilement accessibles telles que l'organigramme, le bilan social, le projet d'établissement mais sollicitant aussi des données plus conséquentes et moins aisément disponibles concernant l'absentéisme sur les deux dernières années, le bilan de la médecine du travail ou encore le détail des sanctions sur deux ans. Si l'appelante reproche ensuite le manque de disponibilité et de mobilisation du directeur des ressources humaines, ses affirmations sont démenties par les pièces produites qui attestent de son implication dans la phase de recueil des informations auprès de l'ensemble des effectifs de l'établissement. Il apparait ainsi que durant le mois de décembre 2016, le directeur des ressources humaines a pris des initiatives afin de mobiliser les agents pour qu'ils répondent au questionnaire mis en ligne sur la plateforme afin d'obtenir un meilleur taux de participation. De même, ainsi qu'il a été dit au point 8, il a participé à la mise en place des groupes pour les journées d'entretien collectifs. S'il résulte en revanche de l'instruction que le 19 décembre 2016, ce dernier avait adressé un courriel aux représentants du personnel leur proposant de mettre fin à la mission d'audit confiée à la société A Conseil et de la poursuivre en interne afin de mobiliser les ressources financières redevenues disponibles en faveur d'actions de formation, cette prise de position personnelle n'est en tout état de cause pas de nature à caractériser un manque de loyauté du centre hospitalier vis-à-vis du titulaire du marché. Au demeurant, il apparait que le directeur des ressources humaines a ensuite poursuivi normalement sa collaboration avec la société A Conseil. Par ailleurs, si, compte tenu de la faible mobilisation des agents du centre hospitalier durant la phase d'entretiens collectifs organisés durant la dernière semaine du mois d'avril 2017, le directeur des ressources humaines a sollicité la réduction du contenu de la mission s'agissant des phases 3 et 4 de la tranche ferme qui a abouti à la conclusion, le 21 novembre 2017, d'un avenant au marché subséquent, rien ne permet d'établir que la signature de cet avenant aurait été acquise à la suite de pressions ou de manœuvres sur le titulaire. La société A Conseil fait encore valoir que c'est en contradiction avec l'éthique de sa mission, que le directeur lui a demandé de présenter les résultats aux seuls membres du comité de direction, mais il ressort des termes mêmes du marché que la restitution de la cartographie devait être faite au comité de direction, voire au directoire et aux principales instances. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de communication, au titulaire du marché, d'informations relatives au climat social délétère au sein du centre hospitalier, révélé notamment par des articles de presse, ait eu un impact significatif sur le déroulement et l'issue de la mission, quand bien même celle-ci portait précisément sur la prévention des risques psychosociaux permettant notamment d'appréhender des situations de harcèlement au travail.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société A Conseil n'établit pas que le centre hospitalier de Roubaix a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

12. En l'absence de toute faute du centre hospitalier de Roubaix, les demandes de réparation du préjudice matériel tiré du manque à gagner, chiffrée forfaitairement à 15 000 euros HT, ainsi que du préjudice moral, évalué à 30 000 euros HT, doivent être rejetées.

En ce qui concerne le retard dans le paiement de factures :

13. Selon l'article 8.2 du cahier des clauses administratives particulières et techniques propre au marché subséquent (CCATP) : " Les sommes dues sont payées dans un délai global de 50 jours à compter de la date de réception de la facture ".

14. Il résulte de l'instruction que la facture n° 4 émise le 12 février 2018, d'un montant de 28 800 euros TTC, n'a été réglée que le 17 juillet 2019, soit au-delà du délai de cinquante jours prévu par l'article 8.2 du CCATP du marché subséquent.

15. S'il n'est pas contesté en appel que le centre hospitalier de Roubaix s'est acquitté du versement des intérêts moratoires dus en raison de ce retard de paiement, la société A Conseil sollicite la réparation d'un préjudice lié à des difficultés de gestion de sa trésorerie et au fait qu'au titre de l'année 2018, elle a été assujettie au versement d'une " cotisation subsidiaire maladie " de 41 207 euros sur le fondement de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, bien supérieure à la cotisation URSSAF à laquelle elle aurait été assujettie si cette facture avait été payée dans les délais prévus.

16. Aux termes de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale : " Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. () / Cette cotisation est assise sur le montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis/ () ". Aux termes de l'article D. 380-1 du même code, applicable aux revenus de l'année 2018 : " I.- Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes () ". En outre, en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 5 décembre 2017 portant fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2018, ce plafond est fixé à 39 732 euros.

17. En application des dispositions précitées, la société A Conseil soutient que les revenus tirés de ses bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2018 se sont élevés

à - 18 592 euros et qu'elle s'est dès lors trouvée sous le seuil d'assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie, fixé à 10 % du plafond de la sécurité sociale pour 2018, soit des revenus de 3 973 euros, déclenchant le versement d'une cotisation d'un montant de 41 207 euros.

18. Il ressort d'un courrier daté du 22 novembre 2019 que les services de l'URSSAF ont adressé à M. A, qu'en application des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, sont redevables de la cotisation subsidiaire maladie les personnes ayant de faibles revenus d'activité ou de remplacement et des revenus annuels du capital supérieurs à 9 933 euros. Or, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'appelante, que ses revenus du capital déclarés au titre de l'année 2018 s'élevaient à la somme de 515 088 euros, de sorte que c'est uniquement sur le montant de ces revenus que la cotisation subsidiaire maladie à laquelle elle a été assujettie a été calculée. Par suite, le paiement tardif de la facture n° 4 ne saurait être regardé comme la cause directe du montant de cette cotisation.

19. Au surplus, comme le fait valoir le centre hospitalier de Roubaix, il était loisible au représentant de la société A Conseil, lors de l'établissement de sa déclaration de résultat pour l'année 2018, d'opter pour une comptabilité d'engagement et non de trésorerie qui lui aurait permis d'inclure le montant de facture n° 4 dans son résultat pour l'année 2018.

20. Le paiement tardif de la facture n° 4 étant dépourvu de tout lien direct avec le versement d'une cotisation subsidiaire maladie de 41 207 euros, la société A Conseil ne peut prétendre à la condamnation du centre hospitalier de Roubaix au versement d'une indemnité de 20 000 euros à ce titre.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société A Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Roubaix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société A Conseil, au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société A Conseil, la somme de 3 000 euros que le centre hospitalier de Roubaix sollicite sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société A Conseil est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société A Conseil et au centre hospitalier de Roubaix.

Délibéré après l'audience publique du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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