CAA Marseille, 14/11/2022, n°20MA01237
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération de Bastia a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement la société à responsabilité limitée Corse Etanchéité et la société par actions simplifiée GECAPE à lui payer la somme de 131 805,89 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, de condamner solidairement la société à responsabilité limitée unipersonnelle BET B et la société à responsabilité limitée Ingénierie générale du bâtiment (INGB) à lui payer la somme de 237 535,61 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge solidaire de l'ensemble des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Par un jugement n° 1701322 en date du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande comme prescrite.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, la communauté d'agglomération de Bastia, représentée par Me Muscatelli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit aux demandes de condamnation présentées en première instance ;
3°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
La communauté d'agglomération soutient que :
- il y a lieu de constater la réception tacite, avec réserves, des ouvrages ;
- les entreprises Corse Etanchéité et GECAPE sont responsables du préjudice résultant du défaut d'étanchéité des bassins ;
- les sociétés BET B et INGB sont responsables des vices de conception ayant conduit à l'apparition des deuxième, troisième, et quatrième séries de désordres affectant la piscine ;
- elle a droit à être indemnisée de son préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, la société GECAPE, représentée par le cabinet Fairway, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que les moyens d'appel de la communauté d'agglomération sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, la société BET B, représentée par Me Gasquet-Seatelli, conclut au rejet de la requête comme prescrite ou, subsidiairement, à ce que le rapport d'expertise soit déclaré nul ou inopposable, à ce qu'elle soit mise hors de cause, et au rejet de la requête.
La société soutient que les moyens d'appel de la communauté d'agglomération sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2020, la société Corse Etanchéité, représentée par Me Poletti, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 27 août 2020, la société Ingénierie générale du bâtiment (INGB), représentée par Me Vaccarezza, conclut à la confirmation du jugement ou, subsidiairement, au rejet des demandes dirigées contre elle et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, plus subsidiairement, à ce que le rapport d'expertise soit déclaré nul ou inopposable, à ce que les demandes de la communauté d'agglomération soient rejetées et à ce qu'elle soit garantie de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par la société BET B, la société Corse Etanchéité et la société Hydrelec.
La société soutient que les moyens d'appel de la communauté d'agglomération sont infondés.
Par courrier en date du 22 juillet 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience à compter du 15 septembre 2022 à midi.
Par ordonnance en date du 19 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par contrat en date du 31 juillet 2006, la communauté d'agglomération de Bastia a confié à un groupement constitué de M. A B, mandataire, de la société Atelier Archi Med et de la société Ingénierie générale du bâtiment (INGB), la maîtrise d'œuvre d'une opération de restructuration de la piscine de la Carbonite à Bastia. Le marché public de travaux a été divisé en neuf lots. La piscine a été mise en service en décembre 2007, sans que la réception des travaux des lots n° 8 "traitement de l'eau" et 9 "revêtement des bassins" ait été prononcée. Par ordonnance en date du 24 septembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a prescrit une expertise judiciaire en vue de décrire la nature et l'étendue des désordres affectant les prestations relevant des lots 1, 8 et 9, de déterminer si ces désordres sont de nature à compromettre la solidité de l'immeuble ou à le rendre impropre à sa destination, de donner tous les éléments utiles sur la ou les causes des désordres, sur l'étendue des préjudices et sur les responsabilités encourues. L'expert a déposé son rapport à la fin du mois de novembre 2011, identifiant quatre types de désordre. La communauté d'agglomération de Bastia a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société Corse Etanchéité et de la société GECAPE à lui payer la somme de 131 805,89 euros toutes taxes comprises, ainsi que d'une demande tendant à la condamnation solidaire de M. B et de la société INGB à lui payer la somme de 237 535,61 euros toutes taxes comprises. Par jugement du 16 janvier 2020, dont la communauté d'agglomération relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes comme prescrites.
2. En application de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans son édition de 1976, qui est au nombre des documents contractuels de chacun des lots nos 3, 8 et 9 en application du B de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières de chacun de ces lots : " 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux.".
3. Compte tenu des malfaçons et travaux à terminer qui avaient été relevés par la société INGB lors de sa visite en date du 20 décembre 2007, les travaux affectés des désordres ne pouvaient être regardés comme ayant fait l'objet d'une réception tacite de la part de la communauté d'agglomération. Il en résulte qu'en l'absence de réception, en tout état de cause, seule la responsabilité contractuelle des intervenants pouvait être recherchée, et non leur garantie décennale. En application de l'article 2224 du code civil, l'action de la communauté d'agglomération se prescrit par cinq ans "à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". En l'espèce, la communauté d'agglomération a connu les faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité contractuelle au plus tard à la date de la remise du rapport d'expertise, c'est-à-dire au mois de novembre 2011. Il en résulte que les créances contractuelles dont la communauté d'agglomération poursuit le recouvrement étaient prescrites à la date du 4 décembre 2017 à laquelle elle a saisi le tribunal administratif de Bastia.
Sur les frais liés au litige :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée mise à la charge des sociétés intimées, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Bastia trois sommes de 1 000 euros à payer, respectivement, aux sociétés Corse Etanchéité, GECAPE et Ingénierie générale du bâtiment.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération de Bastia est rejetée.
Article 2 : La communauté d'agglomération versera trois sommes de 1 000 euros, respectivement, aux sociétés Corse Etanchéité, GECAPE et Ingénierie générale du bâtiment au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par ces sociétés à ce titre est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération de Bastia, à la société Corse Etanchéité, à la société GECAPE, à la société BET B, à la société Ingénierie générale du bâtiment et à la société Atelier Archi-Med.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2022. 2