TA Bordeaux, 24/01/2023, n°2300057
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Belliard, représentée par la SELARL DGD Avocats, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 1er décembre 2022 par laquelle la commune de Mérignac a prononcé la résiliation du lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique, du marché de travaux de construction du gymnase dit de Chemin Long ;
2°) de prononcer la reprise provisoire des relations contractuelles entre la commune de Mérignac et elle-même dans le cadre du marché précité ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mérignac la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Belliard soutient que :
- lors de la séance du 26 septembre 2022, la commission d'appel d'offres de la commune de Mérignac a retenu l'offre qu'elle avait déposée le 11 juillet 2022 pour le lot n° 3 du marché de travaux de construction du gymnase de Chemin Long ;
- par délibération du 3 octobre 2022, le conseil municipal de Mérignac a décidé de conclure avec elle le lot n° 3 qui lui était attribué ;
- un recours de pleine juridiction étant ouvert aux parties à un contrat pour en contester la résiliation, son action est recevable ;
- étant intervenue alors que le lot n° 3 lui avait été attribué et que le conseil municipal avait autorisé le maire à signer le marché, la décision du 1er décembre 2022 doit être regardée comme prononçant la résiliation du contrat ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que le marché n'est pas devenu sans objet, d'autre part, que la décision entraîne pour elle une perte importante de chiffre d'affaires dans un contexte de déficits importants sur les deux exercices précédents, situation ayant d'ailleurs conduit le tribunal de commerce de Laval à ouvrir une procédure de redressement judiciaire par jugement du 8 juillet 2022 ;
- la décision est entachée du vice de l'incompétence de son auteur ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 2195-4 du code de la commande publique comme les documents contractuels, dont les prescriptions qui prévoient la procédure de résiliation en cas de redressement judiciaire n'ont pas été respectées.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2023, la commune de Mérignac, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Belliard une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Mérignac fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'aucun contrat n'a été conclu avec la société Belliard ;
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;
- les moyens soulevés ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la décision en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 19 janvier 2023 à 14h30, ont été entendus :
- le rapport de M. Bayle, juge des référés ;
- les observations de Me Chambord, représentant la société Belliard, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de cette dernière ;
- les observations de Me Safar, représentant la commune de Mérignac, qui a confirmé les écritures de cette collectivité.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, la société par actions simplifiée (SAS) Belliard demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 1er décembre 2022 par laquelle la commune de Mérignac a prononcé la résiliation du lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique, du marché de travaux de construction du gymnase dit de Chemin Long et de prononcer la reprise provisoire des relations contractuelles entre la commune de Mérignac et elle-même dans le cadre du marché précité.
Sur les conclusions aux fins de suspension et d'injonction :
2. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles : elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. De telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises.
3. Il résulte de l'instruction que, par un avis public à la concurrence publié le 17 mai 2022, la commune de Mérignac a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché de travaux, constitué de 18 lots, ayant pour objet la construction d'un gymnase sur un terrain situé 116, rue du Pradas. La SAS Belliard a présenté une offre pour le lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique. Réunie le 26 septembre 2022, la commission d'appel d'offres a décidé d'attribuer ledit lot à cette société. Par délibération du 3 octobre 2022 du conseil municipal, le maire de Mérignac a été autorisé à signer le marché. Toutefois, ayant été informée que la société Belliard faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, par jugement du 8 juillet 2022 du tribunal de commerce de Laval qui a fixé l'état de cessation de paiement au 1er juillet 2022 et a soumis la société à une période d'observation de six mois, la commune de Mérignac a signifié à ce candidat, par lettre du 1er décembre 2022, le rejet de son offre et l'attribution du marché au candidat placé en deuxième position.
4. L'attribution du lot n° 3 du marché en cause par la commission d'appel d'offre ne conférait, par elle-même, aucun droit à la SAS Belliard. Il est vrai que le conseil municipal de Mérignac s'est approprié les attributions retenues par la commission d'appel d'offres et a autorisé le maire à passer les contrats correspondants. Mais il est établi par les pièces du dossier qu'aucun marché n'a été effectivement signé entre la commune et la société requérante. Il suit de là que celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de relations contractuelles auxquelles la commune de Mérignac aurait mis un terme par la décision contestée du 1er décembre 2022. Cette décision n'ayant pas ainsi pour objet la résiliation d'un contrat, les conclusions tendant à la suspension de son exécution en vue de la reprise des relations contractuelles ne sont pas recevables et doivent, pour ce motif, être rejetées.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mérignac, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme dont la SAS Belliard demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le paiement d'une somme de 1 000 euros au profit de la commune de Mérignac, sur ce fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SAS Belliard est rejetée.
Article 2 : La SAS Belliard versera une somme de 1 000 euros à la commune de Mérignac en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée (SAS) Belliard et à la commune de Mérignac.
Fait à Bordeaux, le 24 janvier 2023.
Le juge des référés,
J-M. BAYLE La greffière,
C. GIOFFRE
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,