TA Cergy-P, 03/02/2023, n°2300520

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 et le 27 janvier 2023, la société Optimarché, représentée par Me Mouriesse, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la direction générale de la gendarmerie nationale de lui communiquer l'ensemble des informations mentionnées à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique relatives à l'attribution du marché de mission de maitrise d'ouvrage pour la mise en place d'un groupement d'achats de denrées alimentaires et non alimentaires pour les cercles mixtes de la gendarmerie dans un délai de quinze jours à compter de la demande initiale ;

2°) d'enjoindre à la direction générale de la gendarmerie nationale de lui communiquer l'ensemble des offres de la société Optimarché et de la SARL Vici ;

3°) de suspendre, la procédure de référé précontractuel jusqu'à parfaite communication des documents sollicités ;

4°) d'annuler intégralement ou, à défaut, partiellement, la procédure d'attribution du marché de mission de maîtrise d'ouvrage pour la mise en place d'un groupement d'achat de denrées alimentaires et non alimentaires pour les cercles mixtes de la gendarmerie ;

5°) de mettre à la charge de la direction générale de la gendarmerie nationale la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Optimarché soutient que :

- l'irrégularité de la déclaration sans suite de la première procédure d'appel d'offre du 29 avril 2021 est constitutive d'un vice de procédure dès lors qu'elle avait pour objet de l'évincer afin de favoriser un autre candidat;

- le pouvoir adjudicateur a commis un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors que la communication des informations listées à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique est insuffisante ;

- la direction générale de la gendarmerie nationale n'était pas compétente pour lancer une procédure de passation de marché portant sur les besoins des cercles mixtes ;

- l'acheteur a défini son besoin de manière beaucoup trop large, en inadéquation avec les besoins des divers cercles mixtes, et en ne tenant pas compte du nombre de cercles mixtes qui participeront effectivement au groupement, rompant ainsi l'égalité entre les candidats ;

- l'imprécision de la définition du besoin a permis à l'acheteur de conserver une liberté de choix discrétionnaire sur le critère du prix;

- l'offre de la société Vici aurait dû être rejetée comme irrégulière, dès lors que les prix proposés sont anormalement bas au regard de la pratique du marché ;

- le choix de la société attributaire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en faisant une mauvaise appréciation de son offre ;

- elle a été lésée par l'absence de vérification justifiant la régularité sociale et fiscale de la société attributaire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 et 27 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen relatif à l'irrégularité de la déclaration sans suite de la première procédure d'appel du 29 avril 2021 est inopérant;

- le pouvoir adjudicateur a respecté ses obligations mentionnées à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique en communiquant à la société Optimarché le classement global de son offre, le nom de l'attributaire et les notes obtenues par elle-même et par l'attributaire par un courrier daté du 3 janvier 2023 et, par courrier du 18 janvier 2023 a indiqué à la société les notes obtenues au titre de chaque sous-critère de sélection des offres ainsi que le fait que son offre avait été jugé moins pertinente en ce qui concerne la valeur technique en raison d'imprécisions sur certains aspects de la méthodologie en ce qui concerne le sous-critère n°1;

- le moyen tiré de l'incompétence de la direction générale de la gendarmerie nationale est inopérant et qu'en tout état de cause elle dispose de la compétence pour piloter l'encadrement et la gestion des cercles mixtes de la gendarmerie nationale ;

- le moyen tiré de l'insuffisante définition du besoin est insuffisamment étayé et qu'en tout état de cause la direction générale de la gendarmerie nationale a parfaitement défini son besoin notamment dans le cahier des clauses techniques particulières qui définit précisément les prestations à réaliser ;

- la prise en compte des deux tranches optionnelles dans le jugement des offres au titre du critère du prix était indispensable afin d'allouer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas ;

- l'offre de la société attributaire n'est pas anormalement basse, du simple fait que le prix proposé est inférieur à celui de la société Optimarché ;

- l'analyse de l'offre de la société Optimarché ne procède d'aucune dénaturation;

- les pièces relatives à la candidature et à l'offre de la société Optimarché et de la SARL Vici ne sont pas communicables, couverts par le secret des affaires ;

- la société attributaire a bien remis les documents permettant de procéder à la vérification de sa régularité sociale et fiscale.

La procédure a été communiquée à la société Vici qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Camguilhem, premier conseiller, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 30 janvier 2023 à 10h.

Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme El Moctar, greffière d'audience :

- le rapport de M. Camguilhem, juge des référés ;

- les observations de Me Chaigneau, représentant la société Optimarché ;

- les observations de M. A représentant le ministre de l'intérieur.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un premier avis de marché publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics en date du 29 mars 2021, le commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public de maîtrise d'ouvrage pour la mise en place d'un groupement d'achats de denrées alimentaires et non alimentaires pour les cercles mixtes de la gendarmerie nationale. La société Optimarché avait été choisie par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de ce premier appel d'offre. Cependant, cette procédure a été déclarée sans suite pour un motif d'intérêt général du fait d'incertitudes ayant affecté la procédure et compromettant sa régularité. Par un avis de marché publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics en date du 14 août 2022 et au journal officiel de l'Union européenne le 16 août 2022, le commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale a lancé une nouvelle procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public de maîtrise d'ouvrage pour la mise en place d'un groupement d'achats de denrées alimentaires et non alimentaires pour les cercles mixtes de la gendarmerie. Par un courrier du 3 janvier 2023, la société Optimarché a été informée du rejet de son offre. Par la présente requête, la société Optimarché demande au juge des référés, statuant par application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'ordonner la communication de documents contractuels et d'annuler la procédure d'attribution du marché.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ".

3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

4. Il résulte de l'instruction que le marché litigieux n'a pas été signé à la date de la présente ordonnance. Par suite, il y a lieu de statuer sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, celles-ci n'ayant pas perdu leur objet.

En ce qui concerne le détournement de procédure

5. Lorsque le pouvoir adjudicateur a décidé de classer sans suite la procédure d'attribution d'un marché public, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision ne peut être utilement soulevé à l'encontre de la procédure engagée ultérieurement pour l'attribution d'un marché portant sur le même objet, sauf si la déclaration sans suite n'était pas fondée sur un motif d'intérêt général mais était constitutive d'une manœuvre destinée à favoriser un candidat.

6. En l'espèce, un sous-critère relatif à la présentation de l'outil informatique et de sa stratégie a été ajouté entre les deux procédures et un critère relatif aux références équivalentes dans le secteur concerné a été supprimé. Par ailleurs, la pondération du montant forfaitaire pour la tranche ferme a été ramenée de 20/40 à 10/40. Ces modifications ne suffisent pas à établir que le pouvoir adjudicateur aurait utilisé les informations obtenues à l'occasion de la première procédure d'attribution, déclarée sans suite, pour favoriser la société Vici. Il résulte également de l'instruction, et notamment des observations du représentant du ministre de l'intérieur à l'audience, que la première procédure a été déclarée sans suite en raison de l'irrégularité de la méthode de notation du critère prix qui avait été alors retenue. La société Optimarché n'est ainsi pas fondée à soutenir que la déclaration sans suite en date du 14 septembre 2021 n'était pas fondée sur un motif d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique

7. Aux termes des dispositions de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

8. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

9. Il résulte de l'instruction que, par son courrier en date du 3 janvier 2023 informant la société requérante du rejet de son offre le commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale a indiqué à la société Optimarché le nom de l'attributaire du lot n°5, à savoir la société Vici, en précisant le détail des notes attribuées aux offres respectives de la société requérante et de la société attributaire pour chacun des deux critères. Par un courrier en date du 4 janvier 2023 la société requérante a sollicité du pouvoir adjudicateur des informations relatives à la méthode de notation, aux notes attribuées et aux éléments d'appréciation de son offre et de celle de la société requérante. Le représentant du pouvoir adjudicateur, par un courrier en date du 18 janvier 2023 a communiqué à la société Optimarché les notes obtenues par elle et par l'attributaire au titre de chaque sous-critère de sélection des offres. Ce courrier informe également la société requérante que son offre a été jugée moins pertinente que celle de la société Vici au titre du sous-critère n°1 en raison d'imprécisions sur certains aspects de sa méthodologie, s'agissant notamment des réunions et des livrables. Si la société Optimarché demandait également la communication du rapport d'analyse des offres et de la méthode de notation, ces éléments ne sont pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement communiquées pour le respect des dispositions précitées de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique. Enfin, si la société Optimarché demandait également communication de l'offre de la société attributaire une telle information est couverte par le secret des affaires. Par suite, le moyen tiré de ce que le commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale aurait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en raison d'une information insuffisante doit être écarté.

En ce qui concerne l'incompétence de l'acheteur

10. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de la collectivité publique au regard de l'objet du contrat dont la passation est engagée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la direction générale de la gendarmerie nationale pour passer un marché ayant pour objet de satisfaire les besoins des cercles mixtes de la gendarmerie nationale doit être rejeté comme étant inopérant.

En ce qui concerne la définition des besoins

11. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ".

12. L'article 4.3.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché litigieux précise que le marché a pour objet de choisir un prestataire en charge de la mise en place et du suivi d'un groupement de commandes pour l'ensemble des 109 cercles de restauration de la gendarmerie qui sont tous listés dans le contrat. Il est également précisé que ce marché se décomposera en une première partie d'analyse et de conception puis en une seconde concernant le suivi et le fonctionnement. L'article 4.4 du CCTP précise le contenu des sept phases de la première partie et des deux tranches optionnelles de la seconde tandis que les articles 4.4.1 à 4.4.7 du même document contractuel décrivent précisément les différentes missions dont le titulaire du marché aura la charge. Par ailleurs, l'article 3.3 du règlement de la consultation précise, à titre indicatif, que le montant annuel des denrées alimentaires est évalué à 30 millions d'euros et que le montant annuel d'achats de denrées non alimentaires est évalué à 2 millions d'euros pour l'ensemble des cercles mixtes. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le besoin exprimé par la direction générale de la gendarmerie nationale ne dépend pas du nombre exact de cercles mixtes participant au groupement de commandes. Par suite, ce besoin a été défini avec suffisamment de précision au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique.

En ce qui concerne la marge d'appréciation et l'illégalité de la méthode de notation du critère prix

13. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation. La méthode de notation ne peut être utilement contestée devant le juge du référé précontractuel qu'en cas d'erreur de droit ou de discrimination illégale.

14. En l'espèce, selon les stipulations de l'article 14.3 du règlement de la consultation le critère du prix se décompose en deux sous-critères. Le premier sous-critère correspond aux phases 1 à 6 et noté sur dix points tandis que le sous-critère 2, noté sur trente points correspond à un pourcentage de rémunération par année d'exécution des deux tranches optionnelles, toutes deux prévues pour une durée de deux ans.

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et particulièrement de l'article 4.3.1 du CCTP que l'objet du marché litigieux est de permettre la mise en place et le suivi d'un groupement de commandes pour les cercles mixtes de la gendarmerie nationale. Contrairement à ce que soutient la société requérante le nombre de cercles mixtes qui adhéreront effectivement au groupement des cercles mixtes est sans incidence sur le nombre de marchés dont l'attributaire du marché sera amené à effectuer le suivi mais n'affectera que le volume et le montant de ces marchés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que le groupement n'ait pas été constitué avant la passation du marché litigieux aurait mis les candidats face à un aléa trop important et aurait laissé une marge d'appréciation trop importante au pouvoir adjudicateur.

16. En second lieu, si la société requérante soutient que la survalorisation des tranches optionnelles par rapport à la tranche ferme a pour effet de neutraliser le critère prix, il résulte de l'article 4.4 du marché que ces tranches correspondent à l'assistance et au suivi de l'exécution des contrats pour les années N+1 à N+4 soit la mise en œuvre concrète de la mission d'achat qui est la finalité de la mise en œuvre du groupement dont la mise en œuvre est l'objet du marché litigieux. Dans ces conditions, il était nécessaire pour le pouvoir adjudicateur de prendre en compte la deuxième phase du marché dans le jugement des offres au titre du critère du prix afin de respecter le principe d'égalité de traitement entre les candidats. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation du critère du prix doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire

17. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses/ Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre/

Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".

18. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse, de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient alors au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

19. En premier lieu, par un courrier en date du 8 novembre 2022 le commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale a adressé à la société Vici une demande de précision sur son offre financière afin de s'assurer que celle-ci ne mette pas en péril l'existence de la société et couvre le besoin exprimé pour l'ensemble de la durée d'exécution du marché. Le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas sollicité d'explications auprès des candidats pressentis manque donc en fait et doit être écarté.

20. En second lieu, il résulte des explications données par la société attributaire que le montant de son offre financière s'explique, d'une part par l'amortissement déjà en partie réalisé de l'outil informatique de pilotage, objet de la phase 3 et d'autre part, par la proposition de lisser les coûts sur la totalité de la durée d'exécution du marché. Au regard de ces éléments, la circonstance que l'offre financière de l'attributaire soit sensiblement inférieure à celle de la société requérante n'est pas suffisante pour que le prix proposé par l'attributaire soit regardé dans sa globalité comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. Par suite, la société Optimarché n'est pas fondée à soutenir que la direction générale de la gendarmerie nationale aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'ayant pas écarté l'offre de la société Vici comme anormalement basse.

En ce qui concerne la dénaturation de l'offre d'Optimarché

21. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

22. En se bornant à soutenir qu'elle a obtenu une note inférieure à celle de la société attributaire en ce qui concerne le sous-critère " Méthodologie afin de mener à bien les missions demandées au présente cahier des charges (dont calendrier prévisionnel) pertinence des propositions en matière de stratégie d'achat " alors qu'elle aurait sensiblement amélioré son offre sur ce point par rapport à la première procédure, la société Optimarché n'établit pas que la direction générale de la gendarmerie nationale aurait dénaturé son offre. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de vérification de la régularité fiscale et sociale de l'attributaire

23. Aux termes de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. La liste de ces impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code. / Cette exclusion n'est pas applicable aux personnes qui, avant la date à laquelle l'acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, ont, en l'absence de toute mesure d'exécution du comptable ou de l'organisme chargé du recouvrement, acquitté lesdits impôts, taxes, contributions et cotisations ou constitué des garanties jugées suffisantes par le comptable ou l'organisme chargé du recouvrement, ou, à défaut, ont conclu et respectent un accord contraignant avec les organismes chargés du recouvrement en vue de payer les impôts, taxes, contributions ou cotisations, ainsi que les éventuels intérêts échus, pénalités ou amendes ". Aux termes de l'article R. 2143-7 du même code : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code. Le candidat établi à l'étranger produit un certificat établi par les administrations et organismes de son pays d'origine ou d'établissement ".

24. Il résulte de l'instruction, et notamment des documents produits à l'instance par le ministre de l'intérieur que la société Vici avait adressé au pouvoir adjudicateur l'attestation de fournitures des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales délivrées par l'URSSAF ainsi que l'attestation de régularité fiscale attestant de la régularité de la société attributaire au regard des obligations relatives à la taxe sur la valeur ajoutée et sur le paiement de l'impôt sur les sociétés. Le moyen tiré de l'absence de vérification de la régularité fiscale et sociale de l'attributaire doit donc être écarté comme manquant en fait.

25. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Optimarché sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. La société Optimarché demande également qu'il soit enjoint au commandement du soutien opérationnel de la gendarmerie nationale de lui communiquer l'ensemble des informations mentionnées à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ainsi que l'offre de la société attributaire. Il n'entre toutefois pas dans l'office du juge du référé pré-contractuel tel que défini par l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'ordonner la communication de ces documents. Par suite, il y a lieu de rejeter ces conclusions à fins d'injonction ainsi que les conclusions tendant à la suspension de la procédure jusqu'à la communication de ces documents.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Optimarché au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Optimarché est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Optimarché, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la société Vici.

Fait à Cergy, le 3 février 2023

Le juge des référés,

signé

B. Camguilhem

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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