TA Guadeloupe, 26/01/2023, n°2001174
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, la SARL M. A B, représentée par Me Lathoud, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a refusé de lui communiquer les documents demandés à savoir l'acte d'engagement, la candidature et l'offre de l'attributaire et en particulier le rapport des analyses des offres, relatif à la consultation ayant pour objet "assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites" ;
2°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe de lui communiquer les documents demandés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours, à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que les documents demandés sont des documents administratifs communicables, dès lors que le marché a été signé.
La procédure a été régulièrement communiquée au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe, qui n'a pas produit de mémoire malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 mars 2021.
Par ordonnance du 14 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2022.
Vu :
- l'avis n°20204467 de la commission d'accès aux documents administratifs du 4 janvier 2021 ;
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gouès, président ;
- les conclusions de Mme Mahé, rapporteure publique.
Les parties n'étaient ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a lancé une consultation ayant pour objet " assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites ". Par courrier du 16 juillet 2020, la SARL M.O.B a été informée du rejet de son offre. Par des courriers du 20 juillet 2020 et du 20 août 2020, elle a sollicité la communication des documents relatifs à la consultation et en dernier lieu le rapport d'analyse des offres. En l'absence de réponse de l'administration, le 4 novembre 2020, elle a saisi la commission administrative d'accès aux documents administratifs d'un avis. Le 4 janvier 2021, la commission d'accès aux documents administratifs a émis un avis favorable à la demande sous réserve. Par la présente requête, la société requérante demande l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de communication.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 300-2 de ce code : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargés d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. () ". Aux termes de l'article L. 311-2 dudit code : " Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. () ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence () ". Aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ".
3. Les marchés publics et les documents qui s'y rapportent, y compris les documents relatifs au contenu des offres, sont des documents administratifs au sens des dispositions de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Saisis d'un recours relatif à la communication de tels documents, il revient aux juges du fond d'examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à cette communication en application des dispositions du 1° de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Au regard des règles de la commande publique, doivent ainsi être regardés comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l'ensemble des pièces du marché. Dans cette mesure, si notamment l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, ne sont, en revanche, pas communicables les documents qui reflètent la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et sont ainsi susceptibles de porter atteinte au secret commercial, tel le bordereau des prix unitaires de cette entreprise.
4. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
5. En l'espèce, il est constant que le rapports d'analyse des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché de maîtrise d'ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites constitue un document administratif au sens des dispositions de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a qui la procédure a été communiquée et qui a été mis en demeure en vain de produire, ne conteste pas le caractère communicable du rapport d'analyse des offres sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-1 du même code, sous réserve de l'occultation des mentions prévues par les dispositions de l'article L. 311-6 de ce même code. Le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe ne justifiant pas de la transmission effective du document en cause ni d'une impossibilité matérielle de le communiquer, son refus est entaché d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL M.O.B est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a refusé de lui communiquer le rapport d'analyse des offres, dans le cadre de la procédure de passation du marché de maitrise d'ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. le présent jugement implique nécessairement que le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe communique à la SARL M.O.B le rapport d'analyse des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché de maitrise d'ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites, après occultation des mentions prévues par les dispositions de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir, pour ce faire, un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe la somme de 1 200 euros à verser à la SARL M.O.B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite par laquelle le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a refusé de communiquer à la SARL M.O.B le rapport d'analyse des offres dans le cadre de la passation du marché de maîtrise d'ouvrage de transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites, est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe de communiquer à la SARL M.O.B le rapport d'analyse des offres précités, dans un délai d'un mois, à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe versera à la SARL M.O.B la somme de 1 200 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SARL M.O.B et au Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gouès, président,
Mme Goudenèche, conseillère,
Mme le Roux, conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le président rapporteur,
Signé :
S. GOUÈS
L'assesseure la plus ancienne,
Signé :
C. GOUDENÈCHELa greffière,
Signé :
L. LUBINO
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
L'adjointe de la greffière en chef ;
Signé :
A. Cétol