TA Marseille, 16/03/2023, n°2007250

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, et un mémoire enregistré le 16 février 2022, le centre hospitalier d'Allauch, représenté par Me Tomas-Bezer, demande au tribunal :

1°) de condamner solidairement la société Réalisation Entretien Rénovation (RER), le groupement conjoint de maîtrise d'œuvre E, F, IGTech, ID-Tique, Alpha-I et Garcia ingénierie, la société Dekra et le Crédit agricole immobilier entreprise à lui verser la somme de 41 868 euros TTC en réparation des désordres affectant les gaines de désenfumage, les cloisons, les placages et les peintures relatifs aux lots n°7, 8 et 13 du marché, somme à indexer sur l'indice BT01 du bâtiment à compter du 17 juillet 2018, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge du groupement conjoint de maitrise d'œuvre E, F, IGtech, ID-Tique, Alpha-I et Garcia ingénierie, de la société Dekra et du Crédit agricole immobilier entreprise le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité contractuelle des constructeurs est engagée dès lors qu'ils ont manqué à leur obligation de résultat ;

- la garantie décennale des constructeurs est également engagée eut égard à la gravité des désordres ;

- la responsabilité des maîtres d'œuvre est engagée au titre des vices de conception, du défaut de surveillance des travaux et du défaut de conseil au moment de la réception ;

- il a subi un préjudice s'élevant à la somme de 41 868 euros TTC correspondant au montant des travaux de reprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, la société RER, représentée par Me Mamelli, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'autorité de la chose jugée revêtue par l'arrêt de la cour administrative d'appel n° 15MA02728 du 4 novembre 2019 s'oppose à faire droit à la demande du centre hospitalier ;

- elle n'est pas fondée à remettre en cause le montant du décompte général définitif fixé par cet arrêt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, la SAS Dekra industrial, venant aux droits de la SAS Dekra construction, représentée par Me Lombardo, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, sa responsabilité ne peut être recherchée en tant que contrôleur technique ;

- à titre subsidiaire, les désordres ne présentent pas un caractère décennal ;

- les non-conformités affectant les gaines de désenfumage ne présentent pas de risque d'atteinte à la sécurité des personnes ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- il y a lieu de limiter sa part de responsabilité à 5 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2022, la société Crédit agricole immobilier promotion, venant aux droits des sociétés AEPRIM, UNIMO puis du Crédit agricole immobilier entreprise, représentée par Me Vignon, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société RER, M. E, les sociétés Dekra et Dekra industrial la garantissent des condamnations prononcées contre elle ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'autorité de la chose jugée revêtue par l'arrêt de la cour administrative d'appel n° 15MA02728 du 4 novembre 2019 s'oppose à faire droit aux demandes du centre hospitalier ;

- cet arrêt produit les mêmes effets qu'un décompte général définitif, faisant obstacle aux demandes indemnitaires formées par le centre hospitalier d'Allauch s'agissant du lot n°7 ;

- à titre subsidiaire, le centre hospitalier d'Allauch n'est pas fondé à invoquer la garantie décennale en l'absence de réception du lot n°7 ;

- l'action en garantie décennale est prescrite dès lors que la requête en référé expertise introduite par le centre hospitalier le 7 mars 2012 ne contenait aucune liste des griefs et n'a donc pu interrompre les délais ;

- l'action en responsabilité contractuelle est également prescrite ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut être retenue au titre de la garantie décennale ;

- le maître d'ouvrage avait connaissance des désordres affectant le lot n°7 avant la réception des travaux ;

- la non-conformité des cloisons et des gaines de désenfumage n'est pas établie ;

- les désordres ne présentent pas de caractère décennal ;

- ils ne lui sont en tout état de cause pas imputables ;

- elle doit être exonérée de toute responsabilité en raison de la faute du maître d'ouvrage ;

- sa responsabilité ne peut davantage être retenue au titre de la responsabilité contractuelle dès lors que les conditions de son engagement ne sont pas réunies et qu'elle n'a commis aucune faute ;

- la demande d'indexation sur l'indice BT01 doit être rejetée ;

- la société RER, M. E, les sociétés Dekra et Dekra industrial doivent la garantir des condamnations prononcées contre elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Garcia ingénierie représentée par Me Bouty, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier n'est pas fondé à solliciter la condamnation du groupement de maîtrise d'œuvre, lequel n'a pas de qualité à agir dès lors que la mission du mandataire du groupement a cessé à l'expiration de la garantie de parfait achèvement ;

- elle n'est pas concernée par les désordres litigieux en sa qualité de coordonnateur des systèmes de sécurité incendie (SSI) ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, M. B E, représenté par Me Malarde, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société RER, la société Dekra, la société Crédit agricole promotion et la société Garcia ingénierie le garantissent des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de toute partie perdante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- à titre principal, le centre hospitalier n'est pas fondé à solliciter la condamnation du groupement de maîtrise d'œuvre, lequel n'a pas de qualité à agir dès lors qu'il n'a pas de personnalité morale et qu'il s'agit, en tout état de cause, d'un groupement conjoint ;

- aucune responsabilité ne peut être retenue contre lui sur le fondement de la garantie décennale ni de la responsabilité contractuelle dès lors que l'expert n'a retenu que la responsabilité de la société Alquier ;

- il n'a commis aucune faute ;

- aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée puisqu'il n'est pas responsable des dommages ;

- à titre subsidiaire, la demande de réparation à hauteur de 41 868 euros n'est pas justifiée ;

- la demande d'assortir cette somme des intérêts à taux légal doit être rejetée.

Les parties ont été informées le 26 janvier 2023, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de ce que la réception des travaux prononcée pour le lot n°13, le 26 février 2010, fait obstacle à ce que le centre hospitalier recherche la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre, du Crédit agricole immobilier promotion et de la société Dekra pour les désordres affectant l'électricité des bâtiments, dès lors que les réserves relatives au lot n°13 ont été levées.

M. E a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public le 30 janvier 2023 et le centre hospitalier d'Allauch, le 31 janvier 2023.

Par ordonnance du 6 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

La société ID-Tique, représentée par Me Guillet, a produit un mémoire le 10 février 2023, qui n'a pas été communiqué.

Vu :

- le rapport de M. A, expert désigné par ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel n°12MA013890 du 3 mai 2013, daté du 17 juillet 2018 ;

- la décision désignant M. D en qualité de sapiteur ;

- l'ordonnance de la cour du 29 novembre 2018 liquidant les frais et honoraires de l'expertise de M. A à la somme de 28 960, 15 euros TTC et de M. D à la somme de 8 229, 36 euros TTC ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C ;

- les conclusions de M. Grimmaud, rapporteur public ;

- les observations de Me Cecere, représentant la société requérante, de Me Rambaud, représentant le Crédit agricole immobilier entreprise, de Me Martinez, représentant la SAS Dekra industrial, de Me Louarn, représentant la société Garcia ingénierie, de Me Guillet, représentant la société ID-Tique et Me Mamelli, représentant la société RER.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier d'Allauch a lancé, en 2007, une opération de réalisation d'un bâtiment maison d'accueil spécialisée (MAS), d'une unité Alzheimer d'une part, et de restructuration de ses services de soins de longue durée et de construction d'un nouvel espace mortuaire d'autre part. Ces travaux devaient être réalisés suivant deux phases successives, une phase 1 pour le bâtiment MAS et Alzheimer et une phase 2 pour la construction d'un nouvel espace mortuaire de 180 m² et la réhabilitation-extension du service de soins de longue durée. La coordination des travaux a été confiée à la société Aeprim, aux droits de laquelle est venue la société Unimo puis la société Crédit agricole immobilier entreprise, puis la société Crédit agricole immobilier promotion. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint composé de M. E, architecte mandataire, de Mme F, paysagiste, des sociétés IGTech, bureau d'étude fluide, ID-Tique, bureau d'études courant fort et courant faible, Alpha-I, bureau d'études structure/économiste/VRD et Garcia ingénierie, coordinateur SSI. La mission d'organisation-pilotage-coordination (OPC) et celle de coordinateur en matière de sécurité et de protection de la santé a été confiée à la société Cobat ingénierie et la mission de contrôle technique à la société Dekra construction, aux droits de laquelle est venue la société Dekra industrial. La société RER s'est vue confier, par acte d'engagement signé le 5 juillet 2007, le lot n° 7 " cloisons doublages - faux plafond " et le lot n° 8 " peinture " du marché de travaux contracté pour cette opération. La société Multitec a été attributaire du lot n° 13 " électricité courants forts et courants faibles " du marché. La réception des travaux a été prononcée le 15 mars 2010 avec réserves et effet au 18 décembre 2009. Par ordonnance du 3 mai 2013, la cour administrative d'appel a fait droit à la demande d'expertise sollicitée par le centre hospitalier d'Allauch concernant les désordres relatifs aux lots n°7, 8 et 13 du marché. L'expert a dépose son rapport le 17 juillet 2018. Le centre hospitalier d'Allauch demande au tribunal de condamner solidairement la société RER, le groupement conjoint de maîtrise d'œuvre E, F, IGTEH, ID-TIQUE, ALPHA-I et Garcia ingénierie, la société Dekra et le Crédit agricole immobilier entreprise à lui verser la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des désordres relatifs aux lots n°7, 8 et 13 du marché.

En ce qui concerne l'exception d'autorité de la chose jugée soulevée par la société RER et le Crédit agricole immobilier promotion :

2. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". Il en résulte que l'autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause.

3. Dans son arrêt n° 15MA02728 du 4 novembre 2019, la cour administrative d'appel a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la société RER sollicitant la réparation de son préjudice résultant de la résiliation du marché de travaux conclu pour le lot n°7 à ses torts exclusifs par le centre hospitalier ainsi que sur le règlement du décompte général définitif entre cette société et le centre hospitalier. Par suite, cet arrêt ne fait pas obstacle à ce que le centre hospitalier recherche la responsabilité des participants aux opérations de travaux, dont la société RER, sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de la garantie décennale, qui relèvent d'objet et de causes juridiques distinctes.

Sur la responsabilité contractuelle :

En ce qui concerne le lot n°8 :

4. Il résulte de l'instruction que l'expert n'a pas constaté de désordres s'agissant du lot n°8. Dès lors, le centre hospitalier d'Allauch n'est pas fondé à rechercher la responsabilité des intervenants aux opérations en litige concernant ce marché. Au demeurant, le requérant ne fait état d'aucun préjudice relatif aux peintures, objet de ce marché.

En ce qui concerne le lot n°7 :

S'agissant de la responsabilité de la société RER :

5. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.

6. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier d'Allauch a adressé le décompte général du lot n°7 à la société RER le 1er août 2011. Cette société a ensuite introduit un recours devant le tribunal tendant au règlement, par le centre hospitalier, du solde du marché résilié par l'établissement le 10 février 2011, demande rejetée par le tribunal par un jugement n° 1102657 du 12 mai 2015, dont la société RER a interjeté appel. Par un arrêt n°15MA02728, 15MA02729 du 4 novembre 2019, la cour administrative d'appel a jugé que le solde du marché devait être fixé, après déduction des acomptes, à la somme de 53 122,65 euros toutes taxes comprises. L'arrêt de la cour administrative d'appel du 4 novembre 2019 étant devenu définitif, le décompte général du marché, déterminé par cet arrêt, est lui-même devenu définitif, ainsi que le font valoir la société RER et la société Crédit agricole immobilier promotion en défense, et fait obstacle à ce que l'établissement requérant recherche la responsabilité de la société RER sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

S'agissant de la responsabilité des autres intervenants :

7. La réception, qui est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

8. La réception des ouvrages relatifs au lot n°7, prononcée le 15 mars 2010, avec effet au 18 décembre 2009, était assortie de réserves portant sur des malfaçons affectant les cloisons et les gaines de désenfumage émises à la suite d'avis défavorables rendus par la société Dekra les 10 octobre et 14 décembre 2019, lesquelles n'ont pas été levées. Cette réception n'a donc pas mis fin aux rapports contractuels entre le centre hospitalier et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation des cloisons et des gaines de désenfumages.

9. L'article 1792-4-3 du code civil, dispose que : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ". Ces dispositions, figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants. Aux termes de l'article 1792-1 du même code : " Est réputé constructeur de l'ouvrage : 1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ".

10. Les maîtres d'œuvre, la société Dekra, contrôleur technique, la société RER, entrepreneur et le crédit agricole immobilier promotion, conducteur d'opération, ont la qualité de constructeurs au sens des dispositions précitées de l'article 1792-4-3 du code civil qui sont applicables à un dommage connu avant la réception des travaux. Dès lors, l'action du maître d'ouvrage tendant à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de ces intervenants se prescrit par dix ans. Il résulte du rapport de l'expert, ainsi qu'il a été dit au point 8, que des non-conformités affectant le lot n°7 ont été signalées par Dekra les 15 octobre 2009 et le 14 décembre 2009. Le centre hospitalier d'Allauch a adressé une demande d'expertise au tribunal administratif le 7 mars 2012, laquelle portait, contrairement à ce que fait valoir le Crédit agricole immobilier promotion, sur les désordres en litige dès lors qu'elle se référait aux " malfaçons et non-conformités affectant les lots n°7 et n°13 " et a donc eu pour effet d'interrompre le délai de prescription jusqu'au 17 juillet 2018, date de remise par l'expert de son rapport. Dès lors, contrairement à ce que soutient le Crédit agricole immobilier promotion, l'action en responsabilité contractuelle ouverte au centre hospitalier n'était pas prescrite à la date d'introduction de sa requête, le 22 septembre 2020.

11. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier est fondé à rechercher la responsabilité du Crédit agricole immobilier promotion, des maîtres d'œuvre et de la société Dekra industrial sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des désordres en lien avec le lot n°7.

En ce qui concerne le lot n°13 :

12. Il résulte de l'instruction que le lot n°13, dont est titulaire la société Multitec, a été réceptionné le 26 février 2010 concernant la phase 1 sous réserve de l'exécution de travaux listés en annexe, lesquels sont en lien avec les désordres litigieux. Il n'est pas contesté que les réserves ont été levées par un nouveau procès-verbal de réception intervenu le 15 mars 2010. Dès lors, la réception a mis fin aux rapports contractuels entre les parties et le centre hospitalier ne saurait rechercher la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre, du Crédit agricole immobilier promotion et de la société Dekra en raison d'un défaut de conception ou de réalisation de l'ouvrage. Il n'est pas davantage fondé à rechercher la responsabilité de la société RER, qui n'était pas participante à ces travaux.

Sur la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre pour défaut de conseil :

13. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la réception du lot n°7 a été prononcée le 15 mars 2010 avec réserves listées par M. E portant sur les désordres en cause, lesquelles n'ont pas été levées. Par suite, le centre hospitalier d'Allauch n'est pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux au titre des désordres relatifs au lot n°7.

15. S'agissant du lot n°13, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les maîtres d'œuvres se seraient abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur les malfaçons et non conformités affectant l'installation électrique des ouvrages, qui n'étaient pas apparents au moment de la réception, et dont ils pouvaient avoir connaissance, de sorte que le centre hospitalier soit mis à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à rechercher la responsabilité des maîtres d'œuvre du fait d'un manquement à leur devoir de conseil au titre des désordres en lien avec le lot n°13.

Sur la responsabilité décennale :

En ce qui concerne les désordres en lien avec le lot n°7 (cloisons, doublages et faux plafonds) :

16. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 8, que la réception des travaux concernant les lots n°7 et 8 a eu lieu le 15 mars 2010, sous réserve de l'exécution des travaux listés en annexe, en rapport direct avec les désordres. Le centre hospitalier d'Allauch a mis en demeure la société RER de lever les réserves le 15 avril 2010. La société RER n'est pas intervenue et le centre hospitalier a sollicité une entreprise tierce, la société SETI, afin d'achever les travaux. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une réception des réserves émises sur les travaux de la société RER ait été prononcée. Dès lors que ce lot n'a fait l'objet d'aucune réception, le centre hospitalier d'Allauch n'est pas fondée à engager la garantie décennale de la société RER au titre des désordres en lien avec le lot n°7.

17. Dès lors que la responsabilité contractuelle du Crédit agricole immobilier promotion, des maîtres d'œuvre et de la société Dekra industrial est engagée au titre des ouvrages en lien avec le lot n°7, le centre hospitalier d'Allauch n'est pas fondé à rechercher leur responsabilité sur le fondement de la garantie décennale.

En ce qui concerne les désordres en lien avec le lot n°13 (installations électriques) :

18. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux liés au lot n°13 a été prononcée le 15 mars 2010 avec effet au 18 décembre 2009. Contrairement à ce que fait valoir le Crédit agricole immobilier promotion, la requête en référé expertise introduite le 7 mars 2012 par le centre hospitalier d'Allauch concernait bien, notamment, les malfaçons et non conformités du lot n°13. La circonstance que les malfaçons n'ont pas été décrites est sans influence sur le caractère interruptif de cette demande. Par suite, le Crédit agricole immobilier promotion n'est pas fondée à soutenir que l'action en garantie décennale du centre hospitalier d'Allauch à l'encontre des constructeurs serait prescrite pour ce lot.

19. Le rapport de l'expert déposé le 17 juillet 2018 constate qu'il n'y a plus de désordres liés aux travaux réalisés par l'entreprise Multitec à l'exception d'un ensemble de chemins de câbles insuffisamment dimensionnés et provoquant une insuffisance dans la séparation des câbles courants forts et courants faibles, des défauts dans le repérage des installations et des dégradations sur les câbles situés sur la terrasse au dernier niveau. L'expert constate encore que les travaux ainsi réalisés n'appellent pas de difficultés sur l'exploitation du bâtiment et que l'ensemble des réserves a été levées à la date du passage de la commission de sécurité. Il n'est ni soutenu ni même allégué par le centre hospitalier d'Allauch, qui se borne à invoquer la gravité des désordres affectant les installations électriques, que ces derniers compromettraient la solidité de l'ouvrage ou le rendraient impropre à sa destination. Dans ces conditions, l'établissement requérant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du Crédit agricole immobilier promotion, des maîtres d'œuvre, de la société Dekra et, en tout état de cause, de la société RER, sur le fondement de la garantie décennale.

Sur les fautes contractuelles ayant concouru aux désordres liés au lot n°7 :

20. Il résulte de l'instruction que des intempéries survenues dans la nuit du 7 au 8 octobre 2008 ont affecté le bâtiment MAS/Alzheimer, lequel n'était ni hors d'air ni hors d'eau à cette date. Les infiltrations causées par ces intempéries ont détérioré, outre les cloisons et doublage posés, des matériaux et fournitures stockés sur place par la société RER. Il résulte de l'instruction que les retards pris par la réalisation des travaux relatifs à l'étanchéité et à la pose des menuiseries extérieures, c'est-à-dire la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment, incombent en partie aux entreprises Campenon Bernard, titulaire du lot n°2, et Interétanchéité, titulaire du lot n°3. M. E est quant à lui responsable d'avoir ordonné le commencement des travaux de cloisonnement avant la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment. L'expert constate également que la société RER a accepté d'exécuter ces travaux alors qu'elle avait connaissance du risque d'inondation ainsi encouru, lequel pouvait occasionner des désordres sur les travaux réalisés ainsi que sur les fournitures stockées. Au titre du marché de maîtrise d'œuvre, M. E avait en charge la direction de l'exécution des travaux, laquelle inclut la coordination de l'intervention des différents entrepreneurs, la mise à jour des programmes de travaux ainsi que l'examen des problèmes imprévus rencontrés en cours d'exécution des travaux. Dès lors, en ordonnant l'exécution des travaux du lot n°7 avant que le chantier ne soit hors d'eau et hors d'air, M. E a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité contractuelle en ce qui concerne les désordres liés aux cloisons et aux gaines de désenfumage.

Sur les préjudices :

21. L'expert évalue le montant des travaux de reprise des gaines de désenfumage à la somme de 36 768 euros HT et ceux liés à la fourniture et à la pose de cloisonnement et doublages à la somme de 165 059 euros HT, lesquels ne sont pas contestés par les défendeurs. L'expert retient aussi le montant des sommes payées par le centre hospitalier d'Allauch à la société SETI pour des travaux réalisés en lieu et place de la société RER portant en partie sur les rebouchages des parois et d'autres postes de travaux liés aux désordres liés au lot n°7 s'élevant à la somme de 38 363, 60 euros HT. Le centre hospitalier ayant sollicité une indemnisation à hauteur de 41 868 euros TTC, il y a lieu de l'indemniser dans la limite de ce montant.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. E doit être condamné à indemniser le centre hospitalier d'Allauch à hauteur de 41 868 euros TTC.

23. Dès lors que le centre hospitalier ne soutient ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été en mesure de financer les travaux à la date du rapport d'expertise, il n'y a pas lieu de faire droit sa demande d'indexation du montant de son préjudice sur l'indice du coût de la construction.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

24. Le centre hospitalier d'Allauch a droit au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 41 868 euros à compter du 22 septembre 2020, date d'enregistrement de sa requête.

25. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 22 septembre 2020. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 septembre 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

26. Il incombe au juge administratif, en vue de la répartition finale de la dette, de prendre en compte l'importance respective des fautes quasi-délictuelles commises par les constructeurs condamnés solidairement à indemniser le maître d'ouvrage, à l'exclusion des fautes susceptibles d'être imputées à des tiers qui n'ont pas été mis en cause dans l'instance.

27. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 que les désordres affectant les gaines de désenfumage et les cloisons résultent principalement d'une faute de l'architecte mais également de fautes de l'entreprise RER, qui ne pouvait ignorer les conséquences de l'absence de mise hors d'air et hors d'eau de ses matériaux. Dans ces conditions, la faute de M. E dans la survenance de ce dommage doit être fixée à hauteur de 80 % et celle de la société RER à hauteur de 20 %. Il en résulte que M. E est fondée à solliciter que l'entreprise RER le garantisse à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre.

28. Aucune condamnation n'ayant été prononcée à l'encontre du Crédit agricole immobilier promotion, ses conclusions en appel en garantie formées à l'encontre des autres intervenants doivent être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

29. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ".

30. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. E et de la société RER, à hauteur respectivement de 80 % et de 20 %, les frais et honoraires de l'expertise de M. A, liquidés et taxés à la somme de 28 960,15 euros TTC, et de M. D, sapiteur, à la somme de 8 229, 36 euros TTC par une ordonnance de la cour du 29 novembre 2018.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais d'instance non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E et de la société RER chacun la somme de 1 000 euros à verser au centre hospitalier d'Allauch au titre de ces mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Garcia, de la société RER, de M. E, du Crédit agricole immobilier promotion et de la société Dekra industrial présentées au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : M. E est condamné à verser au centre hospitalier d'Allauch la somme de 41 868 € TTC assortie des intérêts à taux légal à compter du 22 septembre 2020. Les intérêts échus au 22 septembre 2021 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La société RER est condamnée à garantir M. E à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à son encontre à l'article 1er.

Article 3 : Les frais de l'expertise, liquidés à la somme totale de 37 189, 51 euros sont mis à la charge de M. E à hauteur de 80 % et de la société RER à hauteur de 20 %.

Article 4 : M. E et la société RER verseront chacun une somme de 1 000 euros au centre hospitalier d'Allauch au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 5 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier d'Allauch, à M. B E, à Mme F, aux sociétés IGTech, ID-Tique, Alpha-I, Garcia ingénierie, au Crédit agricole immobilier promotion, à la société Dekra Industrial et à la société Réalisation Entretien Rénovation.

Copie en sera adressée à M. A, expert.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gonneau, président,

Mme Simeray, première conseillère,

Mme Devictor, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

Signé

C. CLe président,

Signé

P-Y. Gonneau

La greffière,

Signé

A. Martinez

La République mande et ordonne au directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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