TA Mayotte, 06/02/2023, n°2206056

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 et 15 décembre 2022, le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI, représenté par Me Jennifer Thomas, demande au juge des référés saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :

1°) de condamner la commune de Sada à lui verser la somme de 11 640 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires au taux de 8% à compter du 7 mars 2020, majorée de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement à hauteur de 40 euros ;

2°) de condamner la commune de Sada à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant d'un litige relatif au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat et une collectivité publique, la juridiction administrative est compétente ;

- le cabinet a réalisé et facturé une prestation commandée par la commune de Sada consistant en la rédaction d'un règlement intérieur portant sur les achats inférieurs à 40 000 euros hors taxes ;

- malgré la certification du service fait, la prestation n'a toujours pas été acquittée ;

- les créances d'intérêts moratoires et d'indemnité forfaitaire sont également certaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, la commune de Sada, représentée par Me Tesoka conclut au rejet de la requête du cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, seul le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris ayant compétence pour connaître des difficultés d'exécution de la convention d'honoraires en litige, en application des dispositions de l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

Une note en délibéré produite par le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI a été enregistrée le 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision, prise en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, par laquelle le président du Tribunal a désigné Mme Khater, vice-présidente, en qualité de juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique qui a eu lieu le 19 décembre 2022 à 10 heures (heure de Mayotte), le magistrat constituant la formation de jugement compétente siégeant au tribunal administratif de La Réunion dans les conditions prévues à l'article L. 781-1 et aux articles R. 781-1 et suivants du code de justice administrative, Mme A étant greffière d'audience au tribunal administratif de Mayotte.

Le rapport de Mme Khater, juge des référés, a été entendu au cours de l'audience publique à l'issue de laquelle la clôture de l'instruction a été prononcée.

Vu :

- la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la compétence de la juridiction administrative :

1. Aux termes de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : () / 6° La procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ; () ". Aux termes de l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles suivants. ". Aux termes de l'article 175 de ce décret : " Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l'intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois. / L'avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté. () ". Aux termes de l'article 176 dudit décret : " La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Le délai de recours est d'un mois. / Lorsque le bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit. ".

2. Si les dispositions des articles 174 à 176 du décret précité du 27 novembre 1991 pris en application de la loi du 31 décembre 1971 confient au bâtonnier, sous le contrôle du premier président de la cour d'appel, la compétence pour instruire tout litige portant sur les honoraires des avocats, les litiges relatifs au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat et une collectivité publique portent sur l'exécution d'un marché public et ne peuvent, dès lors, relever que de la seule compétence du juge administratif.

3. Par suite, le présent litige, qui est relatif au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat, le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI, et une collectivité publique, la commune de Sada, ayant pour objet la mise en place d'un process juridiquement sécurisé pour les commandes inférieures ou égales à 40 0000 euros hors taxes à compter du 1er janvier 2020, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

Sur la demande de provision :

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

En ce qui concerne le principal :

5. La commune de Sada, qui s'est bornée en défense à exciper de l'incompétence de la juridiction administrative, ne conteste pas l'exécution par le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI de la prestation objet du marché pour lequel une convention d'honoraires a été signée le 3 janvier 2020 pour un montant global et forfaitaire de 10 000 euros avec un livrable prévu au 30 janvier 2020. Pour l'exécution de cette prestation, une facture a été émise le 4 février 2020 à hauteur de 10 000 euros toutes taxes comprises, transmise le 7 février 2020. Dans ces conditions, la créance de 10 000 euros toutes taxes comprises détenue par le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI à l'égard de la commune de Sada apparaît non sérieusement contestable. Par suite, le requérant est fondé à demander la condamnation de la commune à lui verser une provision du même montant.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

6. Aux termes de l'article L. 2192-13 du code de la commande publique : " Dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire. / Il ouvre droit, dans les conditions prévues à la présente sous-section, à des intérêts moratoires, à une indemnité forfaitaire et, le cas échéant, à une indemnisation complémentaire versés au créancier par le pouvoir adjudicateur. () ". Aux termes de l'article R. 2192-10 du même code : " Le délai de paiement prévu à l'article L. 2192-10 est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice. ". Aux termes de l'article R. 2192-31 du même code : " Le taux des intérêts moratoires mentionnés à l'article L. 2192-13 est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. ". Aux termes de l'article R. 2192-32 du même code : " Les intérêts moratoires courent à compter du lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. ".

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas davantage contesté en défense que la facture en litige n'a pas été réglée dans le délai de trente jours à compter de sa réception. Par suite, le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI est fondé à demander à ce que la condamnation de la commune de Sada à lui verser la somme de 10 000 euros toutes taxes comprises soit assortie du versement des intérêts moratoires au taux de 8% courant à compter du 7 mars 2020.

En ce qui concerne l'indemnité pour frais de recouvrement :

8. Aux termes de l'article L. 2192-13 du code de la commande publique : " (..) / Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par voie réglementaire. / Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de l'indemnité forfaitaire prévue à l'alinéa précédent, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. ". Aux termes de l'article D. 2192-35 du même code : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros. ".

9. Il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées que le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI a droit au paiement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder au cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI une provision de 10 000 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires au taux de 8% courant à compter du 7 mars 2020 ainsi qu'une provision de 40 euros correspondant à l'indemnité pour frais de recouvrement.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sada la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La commune de Sada est condamnée à verser au cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI une provision de 10 000 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires au taux de 8% courant à compter du 7 mars 2020 ainsi qu'une provision de 40 euros correspondant à l'indemnité pour frais de recouvrement.

Article 2 : La commune de Sada versera au cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au cabinet d'avocats Palmier-Brault-Associés AARPI et à la commune de Sada.

Fait à Mamoudzou, le 6 février 2023.

La juge des référés,

A. KHATER

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2206056

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