TA Mayotte, 26/04/2023, n°2000548

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2020 et le 15 avril 2021, la Société plâtrerie normande (SPN), représentée par Me Labrusse, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 3 mars 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Mayotte a prononcé la résiliation, à ses frais et risques, des lots n° 7 et 8 du marché relatif à la construction de l'hôpital de Petite-Terre ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Mayotte à lui verser, d'une part, une somme de 347 392,38 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020 et d'autre part, une somme de 50 000 euros au titre du manque à gagner consécutif à la décision de résiliation ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant-dire droit, une mesure d'expertise judiciaire ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mayotte une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation est entachée d'un défaut de compétence de l'auteur de l'acte ;

- cette décision, prononcée à ses frais et risques, est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée de vices de procédure au regard des articles 48, 46.3.1 et 47.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux de 2009, dès lors que la mise en demeure qui lui a été adressée n'est pas signée par le représentant du pouvoir adjudicateur et ne précise ni les prestations à réaliser, ni les manquements qui lui sont reprochés et que la décision de résiliation n'a pas été précédée d'un procès-verbal portant constatations contradictoires relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés ;

- aucune faute suffisamment grave ne peut lui être imputée, dès lors qu'elle n'a pas refusé de terminer les travaux et que les retards d'exécution ne lui sont pas imputables, tandis que le calendrier d'exécution a été modifié sans recueillir l'accord de tous les titulaires concernés ;

- le caractère irrégulier et infondé de la résiliation justifie qu'elle soit indemnisée des surcoûts supportés du fait de l'allongement anormal de la durée du chantier, soit 157 962,38 euros au titre des frais des personnels mobilisés, 9 174 euros au titre de la location de véhicules, 128 800 euros au titre de la location de bureaux et de l'aire de stockage, 22 741 euros au titre des frais de transport, et 51 456 euros au titre du vol de marchandises entreposées sur l'aire de stockage ;

- elle doit, en outre, être remboursée du manque à gagner lié aux prestations qu'elle n'a pu réaliser du fait de la résiliation, lequel s'élève à 50 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 4 février 2021 et le 14 mars 2022, le centre hospitalier de Mayotte, représenté par Me Romanet-Duteil, conclut :

- au rejet de la requête de la Société plâtrerie normande ;

- à la condamnation de la Société plâtrerie normande à lui verser une somme totale de 45 425,54 euros au titre du solde des lots nos 7 et 8 du marché en litige ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Société plâtrerie normande, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus du titulaire du marché de poursuivre l'exécution des prestations prévues au contrat, caractérisé en l'espèce, est constitutif d'une faute de nature à en justifier la résiliation à ses frais et risques ;

- les conclusions indemnitaires présentées par la Société plâtrerie normande sont irrecevables, dès lors qu'elles sont présentées avant règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux et que le caractère irrégulier ou infondé de la résiliation n'est pas établi ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- aucun des autres moyens soulevés par la Société plâtrerie normande n'est fondé ;

- au vu des décomptes de liquidation, la Société plâtrerie normande lui est redevable des sommes respectives de 5 202,56 euros pour le lot 7 et 40 222,98 euros pour le lot 8 du marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ramin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Legrand, rapporteure publique,

- et les observations de Me Romanet-Duteil, représentant le centre hospitalier de Mayotte.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2016, le centre hospitalier de Mayotte a engagé une opération de construction de l'hôpital de Petite-Terre. Dans ce cadre, l'exécution du lot n° 7 - cloisons légères et du lot n° 8 - faux-plafonds a été confiée à la Société plâtrerie normande, par actes d'engagement notifiés le 29 septembre 2016, lesquels ont été suivis de plusieurs avenants. Par courrier du 24 janvier 2020, le maître de l'ouvrage a mis en demeure la société titulaire de poursuivre l'exécution des prestations de ces deux marchés, qu'elle avait interrompue. A défaut, le centre hospitalier de Mayotte a, par courrier du 3 mars 2020, informé la société de sa décision de résilier les marchés à ses torts et de procéder à leur exécution à ses frais et risques. Dans le cadre de la présente instance, la Société plâtrerie normande demande au tribunal d'annuler cette décision et de condamner le centre hospitalier à l'indemniser des préjudices subis.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant, le cas échéant, à la reprise des relations contractuelles.

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

3. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique : " Les établissements publics de santé sont dotés d'un conseil de surveillance et dirigés par un directeur assisté d'un directoire ". Aux termes de l'article L. 6141-7 de ce code : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. / () Le directeur est ordonnateur des dépenses et des recettes de l'établissement. Il a le pouvoir de transiger. Il peut déléguer sa signature, dans des conditions déterminées par décret. / () ". Par arrêté ministériel du 18 mai 2017, Mme A B a été nommée directrice du centre hospitalier de Mayotte. En sa qualité d'ordonnateur des dépenses et des recettes de cet établissement de santé, l'intéressée avait le pouvoir de signer la décision de résiliation des marchés litigieux. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.

En ce qui concerne la motivation de la décision :

4. La décision de résiliation rappelle que les équipes de la Société plâtrerie normande ont été retirées du chantier le 6 janvier 2020 et que, malgré les engagements pris lors de la réunion de chantier du 17 décembre 2019 et la mise en demeure du 24 janvier 2020, les travaux n'ont pas repris avant l'expiration des délais fixés. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit donc être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

5. Aux termes de l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux applicable au marché en litige : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : / () c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent ; () ".

6. Aux termes de l'article 47.1.1 du même document : " En cas de résiliation, il est procédé, le titulaire ou ses ayants droit, tuteur, administrateur ou liquidateur, dûment convoqués dans les conditions prévues par les documents particuliers du marché, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations dans les conditions prévues à l'article 12. Ce procès-verbal comporte l'avis du maître d'œuvre sur la conformité aux dispositions du marché des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés / Ce procès-verbal est signé par le maître de l'ouvrage. Il emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché à l'article 13.3.2 ".

7. Aux termes de l'article 48.1 de ce document : " A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / () ". Aux termes de l'article 48.2 : " Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée ". Selon l'article 48.3 : " Pour assurer la poursuite des travaux, en lieu et place du titulaire, il est procédé, le titulaire étant présent ou ayant été dûment convoqué, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel du titulaire et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux. / () ". Aux termes de l'article 48.4 : " En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, les mesures prises en application de l'article 48.3 sont à la charge de celui-ci. Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. () ".

8. En premier lieu, le courrier du 24 janvier 2020 par lequel le maître de l'ouvrage a mis en demeure la société titulaire de poursuivre l'exécution des prestations des deux marchés en cause est signée par le directeur adjoint du centre hospitalier de Mayotte. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce document n'aurait pas été signé par un représentant du pouvoir adjudicateur doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, alors même qu'elle ne détaille pas les prestations du marché restant à exécuter, la mise en demeure du 24 janvier 2020 fait suite aux engagements que la Société plâtrerie normande a pris lors de la réunion de chantier du 17 décembre 2019, à laquelle le document se réfère, et mentionne l'absence des matériaux et du personnel sur le chantier, tandis que les prestations restant à exécuter n'ont pas été réalisées. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante précision de cette mise en demeure doit être écarté.

10. En troisième lieu, il résulte des stipulations précitées du CCAG travaux et en particulier de l'article 47.1.1 que lorsqu'il décide de résilier un marché aux frais et risques du titulaire, à la suite d'une mise en demeure infructueuse, il appartient au maître de l'ouvrage de procéder de manière contradictoire aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier, la signature du procès-verbal de constat emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation.

11. En l'espèce, lors de la réunion de chantier du 17 décembre 2019, le maître d'œuvre a constaté que les prestations des lots n° 7 et 8 du marché n'avaient pas été intégralement exécutées. En l'absence de respect des engagements de la Société plâtrerie normande, le centre hospitalier de Mayotte l'a mise en demeure, par courrier du 24 janvier 2020, de procéder à l'achèvement des travaux de ces deux lots respectivement avant le 31 janvier 2020 et le 29 février 2020. En l'absence de reprise du chantier, la société titulaire a, par courrier recommandé du 11 février 2020 reçu le jour-même, été convoquée aux opérations de constatations contradictoires prévues aux articles 46.3.1 et 47.1.1 du CCAG. Les procès-verbaux de constat pour les lots n° 7 et 8 ont été dressés le 18 février 2020, en l'absence de la Société plâtrerie normande qui n'a pas déféré à cette convocation. Par courrier du 3 mars 2020, le centre hospitalier de Mayotte a informé la société titulaire de sa décision de résilier les marchés et l'a, concomitamment, convoquée aux opérations de constations prévues à l'article 48.4 du CCAG, distinctes des précédentes. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure serait viciée au regard des stipulations de l'article 47.1.1 du CCAG doit être écarté.

En ce qui concerne la validité de la résiliation des contrats :

12. Il résulte de l'instruction qu'à défaut d'avoir obtenu l'assurance d'une prise en charge intégrale des frais supplémentaires qu'elle estime avoir subis du fait des retards du calendrier général d'exécution du marché, la Société plâtrerie normande a, de sa propre initiative, interrompu la réalisation des prestations des lots n° 7 et 8. Au vu du caractère partiel de l'exécution des travaux, constaté lors de la réunion de chantier du 17 décembre 2019, la société a pris l'engagement de faire livrer les matériaux manquants et de finaliser les travaux. La mise en demeure du 24 janvier 2020 invitait le titulaire à satisfaire à ses obligations, dans les délais indiqués. Si elle affirme ne pas avoir refusé de procéder à leur achèvement, la Société plâtrerie normande, dans sa réponse du 30 janvier 2020, a conditionné la reprise du chantier à l'indemnisation des préjudices allégués qui, hormis plusieurs devis dont l'acceptation a donné lieu à l'établissement d'avenants, lui avait été précédemment refusée. S'il est vrai que le calendrier général et le démarrage du chantier ont été retardés, indépendamment des agissements de la société requérante, l'article 15.2.1 du CCAG travaux stipule que " () le titulaire est tenu de mener à son terme la réalisation des ouvrages faisant l'objet du marché, quelle que soit l'importance de l'augmentation du montant des travaux, par rapport au montant contractuel ", les indemnités pour allongement de la durée du chantier ayant d'ailleurs vocation à figurer dans le décompte général du marché. Le titulaire ne conteste pas le caractère partiel de l'exécution des travaux restant à exécuter, tel qu'il ressort des procès-verbaux de constat du 18 février 2020. Dans ces conditions, en s'abstenant de mener les travaux à leur terme, malgré ses engagements du 17 décembre 2019 et la mise en demeure qui a fixé pour dates limites les 31 janvier 2020 et 29 février 2020 respectivement pour les lots 7 et 8, la Société plâtrerie normande a commis une faute d'une gravité telle qu'elle justifie la résiliation pour faute des contrats, à ses frais et risques.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2020 par laquelle le centre hospitalier de Mayotte a résilié, à ses frais et risques, les contrats des lots n° 7 et 8 du marché de construction de l'hôpital de Petite-Terre, doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Aux termes des stipulations de l'article 48.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché en litige, auxquelles ne déroge pas le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, les mesures prises en application de l'article 48.3 sont à la charge de celui-ci. Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. Ce marché de substitution est transmis pour information au titulaire défaillant. Par exception aux dispositions de l'article 13.4.2, le décompte général du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux ".

15. Aux termes de l'article 46.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, applicable en l'espèce : " 46.3. Résiliation pour faute du titulaire : / 46.3.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : () c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent ; () 46.3.2. Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46.3.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. () ". Selon l'article 47.2 du même cahier : " 47.2. Décompte de liquidation : / 47.2.1. En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. () 47.2.3. Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur ". En vertu des stipulations de son article 50 : " () Règlement des différends et des litiges / Le représentant du pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. () Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. () 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. () ".

16. Les stipulations précitées de l'article 47.2.3 du cahier des clauses administratives générales, selon lesquelles le décompte général d'un marché public de travaux résilié n'est notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux, ne sont applicables que lorsque le marché a été régulièrement résilié. Elles ne font pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et de demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié. Lorsqu'est en cause un marché public de travaux soumis aux stipulations du cahier des clauses administratives générales, le cocontractant doit ainsi, à peine d'irrecevabilité de sa demande indemnitaire devant le tribunal administratif, saisir préalablement le maître de l'ouvrage, par l'intermédiaire du maître d'œuvre, du mémoire en réclamation prévu par son article 50.1.

17. Il résulte de ce qui précède aux points 2 à 13 que la résiliation des contrats des lots n° 7 et 8 du marché en cause est régulière. Les décomptes de liquidation de ces lots ont été établis le 9 mars 2022, en cours d'instance. La Société plâtrerie normande ne soutient, ni même n'allègue avoir présenté un mémoire en réclamation contestant ces décomptes. Dès lors, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier de Mayotte en défense, les conclusions indemnitaires présentées par la Société plâtrerie normande, tendant à la réparation de ses préjudices et au remboursement du manque à gagner lié à la résiliation du marché, sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions reconventionnelles du centre hospitalier de Mayotte :

18. Il ressort des procès-verbaux de constat des 18 février 2020 que les travaux prévus au marché n'ont pas été intégralement exécutés par la Société plâtrerie normande. Celle-ci n'apporte aucun élément de nature à contredire les pourcentages d'exécution retenus par le maître de l'ouvrage dans les décomptes de liquidation, ni les paiements reçus au titre des travaux effectués, qui aboutissent ainsi à des soldes débiteurs. En conséquence, il y a lieu de condamner la Société plâtrerie normande à verser au centre hospitalier de Mayotte les sommes respectives de5 202,56 euros et 40 222,98 euros, au titre de trop-perçus correspondant au règlement du solde des lots n° 7 et 8 du marché litigieux.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Mayotte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Société plâtrerie normande demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Mayotte et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Société plâtrerie normande est rejetée.

Article 2 : La Société plâtrerie normande versera les sommes respectives de 5 202,56 euros et 40 222,98 euros au centre hospitalier de Mayotte, au titre de trop-perçus correspondant au règlement du solde des lots n° 7 et 8 du marché de construction de l'hôpital de Petite-Terre.

Article 3 : La Société plâtrerie normande versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier de Mayotte, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la Société plâtrerie normande et au centre hospitalier de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Cornevaux, président,

M. Ramin, premier conseiller,

M. Seroc, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2023.

Le rapporteur,

V. RAMIN

Le président,

G. CORNEVAUX

La greffière,

F. DAROUSSI DJANFAR

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.