TA Montpellier, 03/11/2022, n°2026682

Vu la procédure suivante :

Par ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Montpellier la requête présentée par la commune de Garidech.

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 décembre 2020 et le 22 novembre 2021, la commune de Garidech, représentée par Me Assaraf Dolques, demande au tribunal :

1°) de condamner, au titre des désordres impactant l'école communale, liés au dysfonctionnement du système de chauffage, in solidum, Groupama d'Oc, la SARL Stéphane Gachet, la SA OBM construction, la SARL Live le plombier du minervois et la SARL Saint Sernin au paiement de :

- 32 336, 32 euros à réévaluer en considération de l'indice BT01 entre le 22 août 2019 et la date à laquelle le jugement sera rendu au titre des travaux de réparation ;

- 38 000 euros de préjudice collectif et de jouissance, intégrant également le préjudice lié aux désordres relatifs aux infiltrations d'eau des fenêtres du nouveau bâtiment ;

- 11 000 euros de surconsommation électrique ;

2°) de condamner, au titre des désordres liés aux infiltrations d'eau en toiture du nouveau bâtiment, in solidum, Groupama d'Oc, la SA OBM construction, la SAS Assistance Diagnostique Services (ADS) au paiement de :

- 7 115,76 euros à réévaluer en considération de l'indice BT01 entre le 22 août 2019 et la date à laquelle le jugement sera rendu au titre des travaux de réparation ;

- 24 064 euros, sous réserve de réactualisation, au titre du préjudice de jouissance ;

3°) de condamner, au titre des désordres liés aux infiltrations d'eau au niveau des huisseries du nouveau bâtiment, in solidum, Groupama d'Oc, la SA OBM construction et la SARL Stéphane Gachet au paiement de 43 183, 80 euros à réévaluer en considération de l'indice BT01 entre le 22 août 2019 et la date à laquelle le jugement sera rendu au titre des travaux de réparation ;

4°) de condamner, au titre de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, in solidum, Groupama d'Oc, la SARL Stéphane Gachet, la SA OBM construction, la SARL Live le plombier du minervois, la SARL Saint Sernin et la SARL ADS au paiement de 4 000 euros ;

5°) de condamner Groupama d'Oc au paiement de la somme de 30 000 euros pour non respect de l'obligation de préfinancement en application des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances ;

6°) de condamner, in solidum, Groupama d'Oc, la SARL Stéphane Gachet, la SA OBM construction, la SARL Live le plombier du minervois, la SARL Saint Sernin et la SARL ADS au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers frais et dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise d'un montant de 13 660,40 euros ;

7°) de prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Elle soutient que :

- son action n'est pas prescrite puisqu'elle a demandé la désignation d'un expert par requête du 20 avril 2016 ;

- les désordres liés au dysfonctionnement du chauffage sont de nature décennale et nécessitent des travaux de réparation alors qu'ils ont par ailleurs induit une surconsommation électrique à hauteur de 1000 euros par an pendant 11 ans et un préjudice de jouissance estimé à 3000 euros par an compte tenu des conditions dégradées d'accueil des élèves pendant 10 ans ;

- le devis retenu par l'expert, à hauteur de 32 336,32 euros, est plus détaillé que celui proposé par la société Groupama d'Oc qui a été écarté par l'expert ;

- les désordres liés aux infiltrations d'eau en toiture sont de nature décennale et nécessitent des réparations tandis qu'ils sont la cause d'un préjudice de jouissance du fait de la fermeture d'une salle, de 44m², à destination d'atelier ;

- les désordres liés aux infiltrations d'eau au niveau des huisseries sont de nature décennale et nécessitent des réparations alors qu'ils ont par ailleurs induit un préjudice de jouissance compte tenu des conditions dégradées d'accueil des élèves pendant 10 ans ;

- les responsabilités des différents constructeurs et sous-traitants ont été relevées par l'expert tandis que la garantie de l'assureur est mobilisable ;

- elle doit s'acquitter de 4000 euros pour souscrire une assurance dommages-ouvrage au titre des travaux à venir ;

- Groupama d'Oc a méconnu son obligation de préfinancement et sera condamnée à lui verser 30 000 euros d'indemnité complémentaire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 août 2021 et le 20 novembre 2021, la SARL agence Stéphane Gachet conclut :

1°) s'agissant des désordres affectant le système de chauffage :

- à titre principal, au rejet des demandes formulées à son encontre ;

- à ce que soient limitées les prétentions de la commune au titre des travaux de réparation à 18 498,72 euros ;

- à ce que l'indemnisation au titre de la surconsommation électrique soit limitée à 2 000 euros ;

- à titre subsidiaire à ce que sa responsabilité soit limitée à hauteur de 20%

2°) s'agissant des désordres d'infiltration au niveau des fenêtres :

- à ce que soit limitée sa responsabilité à hauteur de 20% ;

- à ce que l'indemnisation de la commune soit limitée à hauteur de 43 183,80 euros ;

3°) s'agissant des désordres d'infiltrations d'eau en toiture, de rejeter toutes demandes formulées à son encontre ;

4°) en tout état de cause, de débouter la commune du surplus de ses demandes, de condamner, in solidum, tout succombant à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge, de ramener à de plus justes proportions les réclamations présentées par la commune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens et condamner toute partie succombante à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure.

Elle fait valoir que :

- les dysfonctionnements dans le système de chauffage ne sont pas liés au choix du dispositif, qui lui incombait, mais à un problème de dimensionnement qui relevait de la mission de conception technique de l'entreprise titulaire de sorte que sa responsabilité doit être écartée ou limitée ;

- la société en charge de la conception du bâtiment aurait dû l'alerter des difficultés d'accès aux chéneaux qui constituent la cause des infiltrations par les huisseries de sorte que sa responsabilité doit être limitée à 20% ;

- elle n'est pas responsable du défaut d'étanchéité en toiture ;

- le devis de 18 498,72 euros, remis par la société Groupama d'Oc, permet d'assurer la réparation du système de chauffage ;

- les sommes auxquelles peut prétendre la commune ont été versées par Groupama d'Oc à la suite de l'ordonnance du juge du référé provision, de sorte que la demande d'indexation sur l'indice BT01 doit être rejetée ;

- il n'est pas établi que la commune ait souscrit une assurance dommages-ouvrage ;

- les préjudices de jouissance ne sont pas établis ;

- la déclaration de sinistre liée au défaut de performance du système de chauffage date du 7 octobre 2016 et une surconsommation électrique ne peut être retenue qu'à compter de cette date.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, la société Assistance Diagnostique Services (ADS), représentée par la SCP Leridon-Lacamp, conclut :

1°) à titre principal, au rejet des prétentions de la commune à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que sa responsabilité au titre des désordres affectant l'étanchéité de la toiture soit partagée avec les sociétés OBM construction, RIVA et l'agence Stéphane Gachet sans que sa part puisse excéder 30%.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, les demandes de la commune dirigées à son encontre sont irrecevables car elle était sous-traitante du marché conclu avec la société OBM et aucun lien contractuel ne la lie à la commune ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du maitre d'œuvre dans les désordres affectant l'étanchéité de la toiture ne peut être écartée ;

- il n'est pas établi que la commune ait souscrit une assurance dommages-ouvrage ni que les travaux nécessaires à la réfection de la toiture impliquent une telle souscription de sorte que le préjudice de 4 000 euros n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, la SA OBM Construction, représentée par la SCP Salesse et Associés, conclut :

1°) à titre principal, au rejet des prétentions de la commune à son encontre, à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de la commune de Garidech une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire :

- sur les désordres relatifs au système de chauffage, à ce que le coût des travaux soit limité à 18 498,72 euros, au rejet du surplus des demandes et à la condamnation in solidum de la société Live le plombier du minervois, de la société Saint Sernin et de la SARL Stéphane Gachet à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- sur les désordres liés aux infiltrations d'eau en toiture, au rejet des conclusions relatives au préjudice de jouissance et à la condamnation de la société ADS à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- sur les désordres liés aux infiltrations d'eau au niveau des huisseries, au rejet des conclusions relatives au préjudice de jouissance et à la condamnation de la SARL Stéphane Gachet à la relever et garantir de toute condamnation prononcer à son encontre.

Elle fait valoir que :

- l'action de la commune de Garidech est prescrite puisque la requête a été introduite plus de dix ans après la réception des travaux ;

- sa responsabilité ne doit pas être engagée car elle a sous-traité les travaux liés au chauffage et à l'étanchéité de la toiture et le maitre d'œuvre aurait dû relever les malfaçons à l'origine des infiltrations au niveau des huisseries ;

- il y a lieu de limiter le coût de réparation de l'installation de chauffage à hauteur du devis présenté par Groupama d'Oc ;

- les préjudices de surconsommations électriques et de jouissance ne sont pas établis étant précisé que l'école n'a jamais fermé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, la SARL Saint Sernin, représentée par la SCP Leridon Lacamp, conclut :

1°) à titre principal, au rejet des prétentions de la commune à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire :

- à ce que sa responsabilité, au titre des désordres de l'installation de chauffage, soit limitée aux travaux de modification des canalisations des bâtiments A et B à hauteur de 2 734,66 euros hors taxes ;

- à ce que le préjudice de jouissance allégué par la commune soit limité aux seuls dysfonctionnements du système de chauffage et à ce qu'un partage de responsabilité soit effectué entre les sociétés OBM Construction, Live le plombier du minervois, la SARL Stéphane Gachet et elle-même sans que sa part puisse excéder 30%.

Elle fait valoir que :

- il ne peut y avoir de condamnation solidaire au titre des réparations à effectuer sur le système de chauffage car ces derniers concernent les bâtiments A, B et C alors qu'elle n'est intervenue que sur les seuls deux premiers bâtiments, de sorte que sa responsabilité est limitée à hauteur des travaux à réaliser sur ces bâtiments ;

- le préjudice de jouissance du fait des infiltrations d'eau au niveau des huisseries n'a pas été évoqué lors de l'expertise et est donc tardif et illégitime alors qu'au demeurant, elle n'est nullement responsable du désordre à l'origine de ce préjudice ;

- le préjudice de jouissance n'est pas établi et elle n'est pas responsable des désordres qui impactent le bâtiment C de sorte que sa responsabilité doit être limitée à une part n'excédant pas 30% puisque les autres constructeurs étaient responsables de la conception et de la réalisation du système de chauffage dans le bâtiment C et que le maître d'œuvre aurait dû prévoir l'intervention d'un bureau d'études spécialisé ;

- il n'est pas établi que la commune ait souscrit une assurance dommages-ouvrage ni que les travaux nécessaires à la réparation du système de chauffage, qui peuvent lui être imputés, impliquent une telle souscription de sorte que le préjudice de 4 000 euros n'est pas établi.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 26 octobre 2021, le 23 novembre 2021 et le 29 novembre 2021, la société Live le plombier du minervois, représentée par la SELAS Clamens Conseil, conclut :

1°) à sa mise hors de cause s'agissant des désordres liés aux infiltrations d'eau ;

2°) sur les désordres affectant le système de chauffage :

- à ce que sa responsabilité soit limitée à hauteur de 30% ;

- à ce que le montant des travaux soit limité à 18 498,72 euros ;

- au rejet de la demande tendant à une indexation sur l'indice BT01 ;

- à la condamnation in solidum de la société OBM Construction, la société Saint Sernin et la SARL Agence Stéphane Gachet à la relever et garantir de toute condamnation supplémentaire ;

- au rejet de la demande de la société Groupama d'Oc tendant à ce qu'elle la relève et garantisse des condamnations supplémentaires au titre des travaux de réfection du chauffage ;

- à rejeter le préjudice de jouissance ou le limiter à de plus justes proportions ;

- à limiter le préjudice de surconsommation électrique à hauteur de 11 000 euros ;

- à rejeter le surplus des demandes de la commune ou les ramener à de plus justes proportions ;

3°) à condamner tout succombant à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle doit être mise hors de cause s'agissant des infiltrations d'eau constatées ;

- elle n'est pas seule responsable des dysfonctionnements du système de chauffage et sa responsabilité doit être limitée à 30% ;

- le coût des réparations est surévalué et l'indexation sur l'indice BT01 n'est pas justifiée ;

- le préjudice de jouissance qu'allègue la commune est causé par deux désordres distincts dont l'un ne lui incombe nullement ;

- les constructeurs n'ont pas à supporter le coût de l'assurance dommages-ouvrage dont ils ne bénéficient pas.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 novembre 2021 et le 21 janvier 2022, la société Groupama d'Oc, représentée par Me Barthet, conclut :

1°) à ce que la demande indemnitaire de la commune soit limitée à la somme allouée par le juge du référé provision, soit 68 798,28 euros correspondant à 18 498,72 euros pour les travaux relatifs au système de chauffage, 7115,76 euros pour les travaux relatifs aux infiltrations d'eau en toiture et 43 183,80 euros pour les travaux relatifs aux infiltrations d'eau au niveau des huisseries ;

2°) s'agissant des dysfonctionnements du système de chauffage, à la condamnation, in solidum, de la SARL Stéphane Gachet, la SA OBM construction, la SARL Live le plombier du minervois et la SARL Saint Sernin à lui verser une somme de 18 498,72 euros et à la garantir de toute condamnation supplémentaire mise à sa charge ;

3°) s'agissant des désordres liés aux infiltrations d'eau en toiture du nouveau bâtiment, à la condamnation, in solidum, de la SA OBM construction et la SAS Assistance Diagnostique Services (ADS) à lui verser une somme de 7115,75 euros et à la garantir de toute condamnation supplémentaire mise à sa charge ;

4°) s'agissant des désordres liés aux infiltrations d'eau au niveau des huisseries du nouveau bâtiment, à la condamnation, in solidum, de la SA OBM construction et la SARL Stéphane Gachet au paiement de 43 183, 80 euros et de 678 euros et à la garantir de toute condamnation supplémentaire susceptible d'être prononcée à son encontre ;

5°) et de condamner, in solidum, la SARL Stéphane Gachet, la SA OBM construction, la SARL Live le plombier du minervois, la SARL Saint Sernin et la SARL ADS à la garantir de toute condamnation au titre de l'assurance dommages-ouvrage, de préjudices immatériels, prononcée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens.

Elle fait valoir que :

- la somme demandée pour la réparation du système de chauffage est surévaluée puisqu'elle a transmis un devis d'un montant inférieur, que l'expert n'a pas expressément écarté ;

- la commune a obtenu satisfaction auprès du juge du référé provision pour effectuer les travaux visant à mettre fin aux infiltrations constatées ;

- l'indexation sur l'indice BT01 ne se justifie pas car les travaux pouvaient être faits dès réception du rapport de l'expert et les sommes allouées par le juge du référé provision ont été versées dès le 23 novembre 2020 ;

- la commune n'établit pas avoir contracté une assurance dommages-ouvrage et le préjudice de 4000 euros doit être écarté ;

- en sa qualité d'assureur, elle n'a pas à assurer les préjudices de jouissance, au demeurant non établis, dont se prévaut la commune car il ne s'agit pas de préjudices pécuniaires ;

- la surconsommation électrique est surévaluée puisque ce n'est que le 7 octobre 2016 que la commune a évoqué un manque de puissance de la pompe à chaleur ;

- les prétentions de la commune, fondées sur la méconnaissance du code des assurances, doivent être écartées car cette dernière avait la possibilité de faire réaliser les travaux et de se prévaloir de l'application de l'article L. 242-1 du code des assurances ;

- son action, et celle de la commune à l'encontre des constructeurs, n'est pas prescrite ;

- elle est fondée à demander la condamnation des constructeurs responsables des dommages à lui rembourser les sommes qu'elle a versées à son assuré ;

- les sociétés OBM Construction et la SARL Agence Stéphane Gachet doivent être condamnées à la rembourser des frais exposés dans le cadre de l'expertise relative aux huisseries ;

- elle doit par ailleurs être garantie de toute condamnation complémentaire.

Par un courrier du 27 septembre 2022, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le jugement était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés de :

- l'irrecevabilité des conclusions de la commune tendant à voir engager la responsabilité décennale des entreprises Assistance Diagnostique Services et Live le plombier du Minervois ayant la qualité de sous-traitants au marché ;

- l'incompétence du juge administratif pour connaitre des appels en garantie formulés à l'encontre des entreprises Assistance Diagnostique Services et Live le plombier du Minervois, qui ont la qualité de sous-traitants au marché en litige, par des sociétés avec lesquelles elles sont liées par un contrat de droit privé ;

- l'incompétence du juge administratif pour connaitre des conclusions de la société Groupama d'Oc tendant à la condamnation des constructeurs, personnes privées, à lui payer une somme de 678 euros en dehors de toute subrogation.

Vu :

- les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n° 1601844 du 1er juillet 2016 et n° 1704906 du 7 décembre 2017, n° 1801036-1801729 du 25 juin 2018 et n° 1805807 du 5 février 2019 ordonnant une expertise ;

- l'ordonnance de taxation du président du vice-président du tribunal administratif de Toulouse du 24 septembre 2020 dans les instances précitées ;

- l'ordonnance du juge du référé provision du tribunal administratif de Toulouse n° 2000263 du 29 octobre 2020 condamnant Groupama d'Oc à verser à la commune de Garidech une provision de 68 798,28 euros.

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesimple, première conseillère,

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public,

- les observations de Me Arnaud, représentant la SARL Stéphane Gachet et celles de Me Waller, représentant la SA OBM Construction.

Considérant ce qui suit :

1. La Commune de Garidech a fait réaliser des travaux de rénovation et d'extension de l'école élémentaire dénommée "Ecole du chêne". Le marché de travaux, divisés en dix lots, a été attribué à neuf entreprises et les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 27 mai 2008. Par la suite, trois types de dommages distincts sont apparus, qui ont fait l'objet de plusieurs déclarations de dommages ouvrages, d'une part, des dysfonctionnements au niveau de la pompe à chaleur, d'autre part, des infiltrations au niveau de la toiture et, enfin, des infiltrations au niveau des huisseries. Par ordonnance du 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a mandaté un expert afin qu'il se prononce sur ces désordres et ce dernier a rendu son rapport le 22 août 2019. Par ordonnance du 29 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné Groupama d'Oc, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à verser à la commune de Garidech une provision de 68 798,28 euros.

2. Par la présente requête, la commune de Garidech demande la condamnation, au titre de la garantie décennale, de l'assureur Groupama d'Oc ainsi que de certains constructeurs et sous-traitants, intervenus sur le chantier de rénovation et d'extension de l'école municipale, à lui verser une somme de 32 336,32 euros au titre des frais de réparation du système de chauffage, 7 115,76 euros au titre des réparations des infiltrations en toiture et 43 183, 80 euros au titre des réparations liées aux infiltrations au niveau des huisseries, ces sommes étant à réévaluer en considération de l'indice BT01 entre le 22 août 2019 et la date à laquelle le jugement sera rendu. Elle sollicite également le versement de 11 000 euros afin de compenser la surconsommation électrique qui a été la sienne, 38 000 euros, ainsi que 26 064 euros, au titre du préjudice de jouissance et enfin 4 000 euros au titre de l'assurance dommage-ouvrages qu'elle doit contracter pour les travaux de réparation. Elle demande également la condamnation de la société Groupama d'Oc à lui verser une somme de 30 000 euros compte tenu de la méconnaissance de son obligation de préfinancement en qualité d'assureur dommages-ouvrage.

3. La société Groupama d'Oc demande à être subrogée à hauteur de 68 798,28 euros dans les droits de la commune correspondant au montant qu'elle lui a versé en exécution de l'ordonnance susmentionnée du juge du référé provision du 29 octobre 2020. Elle sollicite, par ailleurs, la condamnation de plusieurs constructeurs à lui verser une somme de 678 euros. Enfin, plusieurs défendeurs présentent des appels en garantie croisés.

Sur le bien-fondé des conclusions de la commune de Garidech :

En ce qui concerne les sous-traitants du marché de travaux :

4. Il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. S'il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne saurait, toutefois, se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. En outre, alors même qu'il entend se placer sur le terrain quasi délictuel, le maître d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l'opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l'ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

5. Les sociétés Assistance Diagnostique Services (ADS) et Live le plombier du minervois étaient sous-traitantes de la société IMC, au droit de laquelle vient la société OBM Construction, alors en charge des lots "Gros œuvre" et "bâtiment modulaire". Si ces deux sociétés sont intervenues, respectivement, dans les travaux d'étanchéité du toit terrasse et d'installation du système de chauffage du nouveau bâtiment de l'école, il résulte du principe précité que la commune de Garidech ne peut se prévaloir de leur responsabilité, au titre de la garantie décennale, à caractère post-contractuel, alors qu'elle peut au demeurant utilement mettre en cause celle de la société OBM construction en sa qualité de constructeur. Par suite, les conclusions de la commune de Garidech dirigées contre ces deux sociétés doivent être rejetées.

En ce qui concerne la demande de condamnation solidaire de l'assureur et des constructeurs au titre de la garantie décennale :

6. La commune de Garidech ne peut que rechercher la responsabilité contractuelle de son assureur dommages-ouvrages dans le cadre du préfinancement des travaux de réparation des désordres, qui repose sur un régime légal et conventionnel. Alors même que ce régime de préfinancement couvre des désordres de nature décennale, il est distinct du régime de la garantie décennale des constructeurs parmi lesquels ne figurent pas les assureurs. Ainsi, la société Groupama d'Oc n'ayant pas concouru aux désordres qu'il lui appartient d'indemniser dans le cadre du contrat conclu avec la commune de Garidech, cette dernière n'est pas fondée à demander que soit prononcée la condamnation solidaire de son assureur avec les constructeurs.

Sur l'exception de prescription :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

8. Aux termes de l'article 2241 du code civil : "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure".

9. Il résulte de l'instruction que, par requête enregistrée auprès du greffe du tribunal administratif de Toulouse le 20 avril 2016, la commune a demandé que soit prescrite une expertise afin de statuer sur les désordres précités affectant notamment l'extension de l'école communale qui avait été confiée à la société IMC, au droit de laquelle vient la société OBM Construction, et qui était partie à l'instance. Cette demande a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription décennale de sorte que la société OBM Construction n'est pas fondée à soutenir que l'action de la commune à son encontre serait prescrite.

Sur la nature, l'étendue des désordres rencontrés et le préjudice en résultant :

10. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne le préjudice financier lié au système de chauffage :

11. Il résulte de l'instruction que des dysfonctionnements, affectant la pompe à chaleur et le circuit d'eau assurant la distribution du chauffage, sont apparus dès l'année 2009. La commune a ainsi constaté une performance insuffisante du système de chauffage et des bruits dans les canalisations perturbant l'activité scolaire. Il ressort du rapport d'expertise que la défaillance du système de chauffage a pour cause un manque de puissance de la pompe à chaleur et une trop grande perte de chaleur dans les réseaux hydrauliques. Par ailleurs, une vitesse excessive de l'eau dans le réseau hydraulique occasionne les bruits subis. Il est constant que ces désordres, imputables à la conception et à la réalisation de l'installation rendent le bâtiment impropre à sa destination et engagent la garantie décennale des constructeurs.

12. La société IMC, aux droits de laquelle vient la société OBM Construction, s'est vue confier la réalisation de l'extension de l'école, sous la forme de bâtiments modulaires, correspondant au bâtiment C de la construction. Elle était chargée, à ce titre, du système de production de chaleur. La seule circonstance qu'elle ait pu sous-traiter une partie de ces travaux ne l'exonère pas de sa responsabilité, dès lors qu'elle doit répondre de son sous-traitant. La SARL Saint Sernin, attributaire du lot "plomberie", avait, pour sa part, en charge les travaux correspondant au chauffage dans les bâtiments existants et rénovés, A et B. Si cette société fait valoir que sa responsabilité ne peut être engagée pour les travaux réalisés au niveau du bâtiment C, et doit être réduite du fait du coût limité des travaux réalisés sur les bâtiments existants, elle n'établit pas avoir été exclue de la phase de conception du système de chaleur, commun à l'ensemble des bâtiments, et elle a participé aux travaux permettant la réalisation d'un système unique de chauffage des trois bâtiments. Dès lors, sa responsabilité, au titre de la garantie décennale, peut être engagée du seul fait de sa participation à la réalisation des ouvrages affectés de désordres. Enfin, la SARL Stéphane Gachet, en sa qualité de maître d'œuvre, aurait dû s'assurer de la viabilité du système de chauffage et aurait pu notamment, au vu de la complexité de l'installation, intégrer un bureau d'études spécialisé ou s'assurer de la réalisation d'une étude thermique. Dans ces conditions, la responsabilité de ces trois entreprises est engagée pour les désordres précités.

13. Si l'expert a chiffré les travaux de réparation à un montant de 32 336, 32 euros, compte tenu d'un devis transmis par la commune de Garidech, il ne s'est pas prononcé sur un autre devis, transmis par la société Groupama d'Oc, pour un montant de 18 498,72 euros. Or, si ce second devis est moins précis, s'agissant notamment des pièces dont il sera fait usage, et si la société l'ayant réalisé met en garde sur la possibilité de futurs dysfonctionnements compte tenu de l'usure anormale du système existant du fait de son usage défectueux par le passé, ces éléments ne permettent pas d'établir que les travaux proposés par cette société ne correspondraient pas à ceux préconisés par l'expert. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant des réparations à 18 498,72 euros.

14. La commune de Garidech fait, par ailleurs, valoir que l'insuffisance du système de chauffage a induit une surconsommation électrique, à hauteur de 1000 euros par an, du fait de l'usage de radiateurs électriques. Les contestations en défense de cette estimation sont peu étayées alors que celle-ci se fonde sur des hypothèses vraisemblables, validées par l'expert, sur les températures extérieures observées et intérieures à atteindre, le coût de l'électricité et une défaillance de la pompe à chaleur limitée à la moitié de la saison hivernale. En revanche, il résulte de l'instruction que les désordres précités ont causé un chauffage insuffisant de l'école municipale durant l'hiver 2009, lorsque les premiers dysfonctionnements sont apparus, jusqu'à l'hiver 2011 au moment où la garantie dommage-ouvrages a été mise en œuvre pour effectuer des travaux de réparation. Puis, ce n'est que le 7 octobre 2016 que la commune a évoqué une insuffisance de la chaleur diffusée, désordre auquel la commune pouvait remédier avant l'hiver 2021, à la suite du paiement, par son assureur dommages-ouvrages, de la provision relative à ces travaux susmentionnée. Si la commune a relevé des dysfonctionnements du système de chauffage entre 2011 et 2016, il ne s'agissait que de bruits dans les canalisations et l'expert, mandaté par Groupama d'Oc, a d'ailleurs relevé, en juin 2013 et en février 2016, qu'aucun inconfort thermique n'était ressenti par les occupants. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à la surconsommation électrique de la commune en l'évaluant à 7 000 euros depuis 2009.

En ce qui concerne le préjudice financier lié aux infiltrations au niveau des huisseries :

15. La commune a déclaré auprès de son assureur dommages-ouvrage, le 25 juin 2012, des infiltrations d'eau au niveau des huisseries des fenêtres du bâtiment C. Il résulte de l'instruction que ces infiltrations sont dues à des débordements d'eau en provenance des chéneaux dans lesquels des amas excessifs de feuilles empêchent l'écoulement régulier des eaux de pluie. Il est constant qu'un défaut d'entretien de ces chéneaux ne peut être reproché à la commune dans la mesure où ces derniers ne sont pas accessibles et que leur obstruction est due à des grilles de protection dont la conception et la pose sont inadaptées. Il est constant que ces désordres, imputables à la conception et à la réalisation de l'installation, compromettent la solidité du bâtiment et le rendent impropre à sa destination de sorte qu'ils engagent la garantie décennale des constructeurs. Il n'est pas contesté que le montant des réparations s'élève à 43 183, 80 euros, en vue de modifier les huisseries de l'ensemble des fenêtres et de procéder à leur étanchéité totale.

16. La responsabilité d'IMC, aux droits de laquelle vient OBM Construction, qui avait en charge la conception et la construction de l'ensemble du bâtiment, ainsi que celle de la SARL Stéphane Gachet, maitre d'œuvre, qui devait s'assurer de la fonctionnalité de la construction sont engagées au titre de la garantie décennale.

En ce qui concerne le préjudice financier lié aux infiltrations en toiture :

17. La commune a déclaré auprès de son assureur dommages-ouvrage, le 25 juin 2012, des infiltrations provenant du toit terrasse de l'extension de l'école communale. Il résulte de l'instruction que ce désordre est dû à un défaut d'étanchéité de la jonction entre le toit terrasse du nouveau et l'ancien bâtiment ainsi qu'à un défaut d'étanchéité à la jonction des sorties d'eau des trois descentes d'évacuation des eaux pluviales. Il est constant que ces désordres, imputables à la réalisation de la construction, compromettent la solidité du bâtiment et le rendent impropre à sa destination, de sorte qu'ils engagent la garantie décennale des constructeurs. Il n'est pas contesté que le montant des réparations s'élève à 7 115,76 euros, en vue de renforcer l'étanchéité de la construction et assurer le remplacement de l'isolation atteinte par les infiltrations.

18. La responsabilité de la société IMC, aux droits de laquelle vient la société OBM Construction, est engagée et la seule circonstance que cette société ait sous-traité les travaux d'isolation de la toiture ne l'exonère pas en l'espèce de sa responsabilité vis-à-vis du maitre de l'ouvrage.

En ce qui concerne l'indexation sur l'indice BT01 :

19. La commune, qui demande que les sommes versées soient réévaluées en fonction de la variation du coût de la construction constatée depuis l'expertise jusqu'à la date du présent jugement, n'établit pas avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux réparations nécessaires depuis le versement par son assureur dommage-ouvrages de la provision ordonnée le 29 octobre 2020 par courrier du 23 novembre 2020. Dès lors, en l'absence de toute réplique de la commune sur ce point, il y a lieu de retenir cette dernière date comme échéance de la réévaluation des sommes dues au titre des réparations à effectuer, en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 22 août 2019.

En ce qui concerne le préjudice lié à la souscription d'une garantie dommages-ouvrage :

20. Si la commune de Garidech fait valoir que l'exécution des travaux de réparation de l'école communale vont la conduire à souscrire une assurance dommages-ouvrage à un montant de 4 000 euros, conformément au devis qu'elle verse aux débats, elle ne démontre pas avoir souscrit une telle assurance. Alors qu'une telle souscription n'est pas en l'espèce obligatoire, en vertu des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, la commune n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle allègue. Dès lors, ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser une somme de 4 000 euros doivent être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice de jouissance :

21. A titre liminaire, si la commune se prévaut de préjudices de jouissance qu'elle n'a pas développés lors de l'expertise ordonnée par le tribunal, cette circonstance ne s'oppose pas à leur recevabilité devant le tribunal dans la mesure où ils se rattachent aux désordres pour lesquels l'action de la commune n'est pas tardive.

22. La commune de Garidech fait valoir que les infiltrations d'eau en toiture ont conduit à la fermeture d'une salle dédiée à un " atelier pour enfants " d'une surface de 44 m² pour une durée de deux ans. Si le procès-verbal de constat d'huissier, réalisé en 2015, permet de constater les désordres affectant cette pièce, la commune n'apporte pas d'information précise sur l'usage de cette pièce. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance dont elle se prévaut en l'évaluant à 2 000 euros.

23. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que l'école n'a jamais cessé de fonctionner, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier, ci-dessus évoqué, des correspondances entre la commune et son assureur, des rapports d'expertise et de nombreux témoignages d'enseignants et du personnel de l'école que les conditions d'enseignements ont été fortement dégradées du fait des désordres affectant le bâtiment. Ainsi les infiltrations d'eau régulières ont conduit à rendre pour partie inutilisables les salles de classe, les bruits dans le système de chauffage ont perturbé les activités scolaires requérant l'attention et le calme des élèves tandis que des températures comprises entre 11° et 15° ont pu être relevées. S'il est soutenu en défense que le préjudice de jouissance lié aux températures anormalement basses ainsi relevées se confond avec le préjudice de surconsommation électrique que fait valoir la commune de Garidech, il résulte de l'instruction que l'usage de radiateurs électriques ne permettait pas d'assurer des conditions d'accueil optimales des élèves et des intervenants. Dans ces conditions, eu égard à la date de survenance des différents désordres, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance de la commune en l'évaluant à 5 000 euros dû à la déficience du système de chauffage et 3 500 euros dû aux infiltrations.

24. En conclusions, la responsabilité décennale de la société OBM Construction, la SARL Stéphane Gachet et la SARL Saint Sernin est solidairement engagée à hauteur de 18 498,72 euros, 7 000 euros et 5 000 euros, celle de la société OBM Construction et de la SARL Stéphane Gachet est également engagée, de façon solidaire, à hauteur de 43 183, 80 euros et 3 500 euros et enfin, la responsabilité de la société OBM Construction est engagée à hauteur de 7115,76 euros et 2 000 euros.

Sur les demandes de la société Groupama :

25. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il résulte de ces dispositions que le versement par l'assureur de l'indemnité à laquelle il est tenu en vertu du contrat d'assurance le liant à son assuré le subroge, dès cet instant et à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable du dommage. Par ailleurs, il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.

26. En premier lieu, en conséquence de l'ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Toulouse en date du 29 octobre 2020, la société Groupama d'Oc a été condamnée à verser à la commune de Garidech une provision de 68 798,28 euros correspondant à 18 498,72 euros au titre des réparations de la pompe à chaleur, 7 115,76 euros pour les réparations des désordres causés par les infiltrations d'eau en toiture et 43 183,80 euros en vue d'assurer la réparation des huisseries. Alors que la société Groupama d'OC établit avoir versé lesdites sommes, elle est, dans cette limite, subrogée à la commune de Garidech et fondée à rechercher la responsabilité des constructeurs de l'ouvrage.

27. Dès lors, il y a lieu de condamner solidairement la société OBM Construction, la SARL Stéphane Gachet et la SARL Saint Sernin à verser à la société Groupama d'OC une somme de 18 498,72 euros. Egalement, la société OBM Construction et la SARL Stéphane Gachet sont solidairement condamnées à lui verser une somme de 43 183, 80 euros et enfin, il y a lieu de condamner la société OBM Construction à lui verser une somme de 7115,76 euros. Le surplus, correspondant, d'une part, à l'indexation de ces sommes sur l'indice BT01 entre le 22 août 2019 et le 23 novembre 2020 ainsi qu'à l'indemnisation de la surconsommation électrique et des préjudices de jouissances seront versées à la commune de Garidech.

28. En second lieu, il est constant que, dans le cadre des opérations d'expertise tendant à déterminer la cause des infiltrations au niveau des huisseries de la construction, la société Groupama d'Oc a eu recours à l'assistance technique d'une société pour un coût de 678 euros. Toutefois, cette dépense, qui n'a pas été versée à son assuré, a eu pour objet la défense de ses propres intérêts. Dans ces conditions, les conclusions de la société Groupama d'Oc tendant à la condamnation des constructeurs, personnes privées avec lesquelles elle n'est pas liée par un contrat administratif, à lui verser la somme de 678 euros ne ressortissent pas de la compétence du juge administratif. Dès lors, il y a lieu de rejeter ces conclusions, présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les appels en garantie :

29. Un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.

30. Il résulte des responsabilités et des fautes commises par chacun des constructeurs, telles que développées au point 12 du présent jugement, que, s'agissant de l'indemnisation des préjudices matériels et immatériels liés au dysfonctionnement du système de chauffage, la SARL Stéphane Gachet sera garantie des sommes mises à sa charge par la société OBM Construction à hauteur de 50% et par la société Saint Sernin à hauteur de 20%. Quant à la société OBM Construction, elle sera garantie des sommes mises à sa charge par la société Saint Sernin à hauteur de 20% et par la SARL Stéphane Gachet à hauteur de 30%.

31. S'agissant de l'indemnisation des préjudices matériels et immatériels liés aux infiltrations au niveau des huisseries, il résulte des éléments développés au point 15 du présent jugement que la société OBM Construction doit garantir la SARL Stéphane Gachet à hauteur de 70% des condamnations prononcés à son encontre. Réciproquement, la SARL Stéphane Gachet doit garantir la société OBM Construction à hauteur de 30% des condamnations mises à sa charge.

32. Les appels en garantie dirigés contre les sociétés Live le plombier du minervois et ADS, sous-traitants de la société IMC, relèvent du juge judiciaire, dès lors que cette dernière société est liée aux deux premières par un contrat de droit privé et doivent être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaitre. Par ailleurs, la société Live le plombier du Minervois n'ayant pas été condamnée dans la présente instance, il y a lieu de rejeter son appel en garantie.

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'assureur dommage-ouvrages :

33. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances, dans sa version applicable au 17 janvier 2014, date à laquelle Groupama d'Oc avait initialement accepté sa garantie au titre de l'assurance dommages-ouvrage : " L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours. Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. () ".

34. Il est constant qu'après avoir reconnu, par courrier du 17 janvier 2014, que les infiltrations au niveau de la toiture et des huisseries constituaient un dommage de nature décennale, l'assureur Groupama d'Oc a ensuite, le 23 octobre 2015 puis, après expertise, à nouveau le 16 février 2016, refusé à la commune de Garidech le bénéfice de la garantie dommages-ouvrage, et ce n'est qu'en exécution de l'ordonnance du 29 octobre 2020 du juge du référé du tribunal administratif de Toulouse, saisi par la commune, que la société Groupama d'Oc, qui ne conteste plus le caractère décennal des dommages en cause, lui a versé, à titre de provision, une somme de 68 798,28 euros. Par suite, la commune de Garidech est fondée à soutenir que la méconnaissance, par son assureur, de son obligation de préfinancement des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'école, l'a privée de la possibilité de faire réaliser les travaux dès janvier 2014 jusqu'à la date du versement de la provision, soit durant près de sept ans. Eu égard aux troubles de jouissances sus-décrits, il sera fait une juste appréciation du préjudice de la commune en condamnant la société Groupama d'Oc à lui verser la somme de 10 000 euros.

Sur les frais d'expertise :

35. En vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties () ". Les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 13 660,40 euros par ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Toulouse en date du 24 septembre 2020 et mis à la charge de la commune de Garidech. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de les mettre à la charge de de la société OBM Construction à hauteur de 60% et à la charge des sociétés Agence Stéphane Gachet et Saint Sernin à hauteur, respectivement, de 20%.

Sur la demande tendant à l'exécution provisoire du jugement :

36. Il résulte de l'article L. 11 du code de justice administrative que les jugements rendus par les tribunaux administratifs sont exécutoires. Dès lors, les conclusions tendant au prononcé de l'exécution provisoire du présent jugement sont sans objet.

Sur les frais liés du litige :

37. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les sociétés OBM Construction, la SARL Stéphane Gachet et la société Saint Sernin sont solidairement condamnées à verser, d'une part, une somme de 18 498,72 euros à la société Groupama d'Oc, d'autre part, à la commune de Garidech le montant correspondant à la réévaluation de cette somme en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 22 août 2019 et le 23 novembre 2020 ainsi qu'une somme de 12 000 euros au titre des dysfonctionnements du système de chauffage.

Article 2 : Les sociétés OBM Construction et la SARL Stéphane Gachet sont solidairement condamnées à verser, d'une part, une somme de 43 183, 80 euros à la société Groupama d'Oc, d'autre part, à la commune de Garidech le montant correspondant à la réévaluation de cette somme en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 22 août 2019 et le 23 novembre 2020 ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre des infiltrations au niveau des huisseries.

Article 3 : La société OBM Construction est condamnée à verser, d'une part, 7115,76 euros à la société Groupama d'Oc et, d'autre part, à la commune de Garidech le montant correspondant à la réévaluation de cette somme en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 22 août 2019 et le 23 novembre 2020 ainsi qu'une somme de 2 000 euros.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés au montant de 13 660,40 euros, sont mis à la charge de de la société OBM Construction à hauteur de 60%, et à la charge des sociétés Agence Stéphane Gachet et Saint Sernin à hauteur, respectivement, de 20%.

Article 5 : La société OBM Construction garantira la SARL Stéphane Gachet à hauteur de 50% des sommes mises à sa charge par l'article 1er et à hauteur de 70% des sommes mises à sa charge par l'article 2.

Article 6 : La société Saint Sernin garantira les sociétés OBM Construction et la SARL Stéphane Gachet à hauteur de 20% des sommes mises à leur charge par l'article 1er.

Article 7 : La SARL Stéphane Gachet garantira la société OBM Construction à hauteur de 30% des sommes mises à sa charge par l'article 1er et l'article 2.

Article 8 : La société Groupama d'Oc est condamnée à verser à la commune de Garidech une somme de 10 000 euros.

Article 9 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Garidech, la société Groupama d'Oc, la société OBM Construction, la SARL Stéphane Gachet, la SARL Saint-Sernin, la société Assistance Diagnostique Services et la société Live le plombier du Minervois.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Eric Souteyrand, président,

M. Nicolas Huchot, premier conseiller,

Mme Audrey Lesimple, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

A. Lesimple Le président,

E. Souteyrand

La greffière,

M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 3 novembre 2022.

La greffière,

M-A. Barthélémy

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