TA Montpellier, 15/06/2023, n°2106747

Vu les procédures suivantes :

I/ Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2021, le 10 mars 2022 et le 20 juin 2022 sous le n°2104732, la société Siradex, représentée par la Selarl Racine, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 13 juillet 2021 par laquelle la directrice générale de l'Agence nationale de santé et du médicament (ANSM) a résilié le marché relatif à l'assistance à maitre d'ouvrage dans le cadre des travaux de réfection de l'étanchéité des toitures du site de Vendargues et ordonner la reprise des relations contractuelles ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'ANSM à lui verser la somme de 54 656 euros TTC au titre de ses préjudices ;

3°) en tout état de cause, de rejeter les conclusions reconventionnelles de l'ANSM et de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) lui a confié un marché public portant sur la réalisation d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la préparation, la passation, l'analyse et le suivi du marché de travaux de réfection de l'étanchéité des toitures/terrasses du site de l'ANSM à Vendargues (34) ;

- le marché a été conclu pour un prix global et forfaitaire de 19 600 € HT soit 23 520 € TTC ;

- au terme de l'exécution de la première phase du contrat d'AMO, l'ANSM a lancé, en février 2021, la procédure de consultation pour la réalisation des travaux de réfection de l'étanchéité des toitures ; elle devait notamment procéder à l'analyse des offres de quatre candidats ayant présenté une offre ;

- l'ANSM a été informée dans le cadre du rejet des offres des soumissionnaires non-retenus que la compagne d'un gérant de la société SIRADEX était salariée de l'entreprise APC ETANCH, attributaire pressenti du marché de réfection des toitures, et en a demandé confirmation à SIRADEX par courriel du 3 juin 2021 ; elle a confirmé cette situation en indiquant que cette personne n'avait qu'un poste de métreur et ne faisait pas partie de l'entreprise dirigeante ;

- par courrier du 17 juin 2021, l'ANSM l'a mise en demeure de présenter ses observations avant résiliation du marché ;

- la résiliation pour faute, prononcée par une décision du 13 juillet 2021, n'est pas fondée ou en tous les cas disproportionnée ;

- elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles et elle avait bien rempli la déclaration de conflit d'intérêts ;

- elle ne se trouvait pas en situation de conflit d'intérêts au sens de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique et le simple doute de partialité n'est pas suffisant ; l'égalité de traitement a été respectée et l'analyse des offres, sur le critère prix et sur le critère de la valeur technique, était impartiale ;

- elle n'a pas manqué à ses obligations déclaratives en cours de chantier ;

- le simple fait qu'il existe un lien personnel entre le gérant de la société SIRADEX, M. B, co-gérant, et une salariée de la société APC ETANCH n'est pas suffisant pour constituer une situation de conflit d'intérêts ;

- si le tribunal devait considérer qu'un telle situation constitue un conflit d'intérêt, la résiliation pour faute est disproportionnée dès lors qu'il est nécessaire que cette faute soit d'une gravité suffisante ;

- en tout état de cause, l'ANSM avait la possibilité d'attribuer le marché au candidat arrivé en deuxième position si elle considérait que l'offre de la société APC ETANCH devait être éliminée en application des dispositions du code de la commande publique après vérification du conflit d'intérêt auprès de cette dernière ;

- l'annulation de cette décision doit conduire à la reprise des relations contractuelles ; l'ANSM a relancé une consultation pour le marché d'AMO le 29 avril dernier avec une date limite de réception des offres au 27 mai 2022 ; néanmoins, et tant que ce marché n'est pas attribué, la société SIRADEX maintient sa demande de reprise des relations contractuelles qui serait de nature à limiter les conséquences de cette résiliation fautive en termes de couts et de délai ;

- à titre subsidiaire, en l'absence de reprise des relations contractuelles, elle a droit à l'indemnisation de ses préjudices, à savoir le manque à gagner à hauteur de 1 680 euros TTC, les frais engagés pour contester la résiliation du marché, soit 2 016 euros TTC, et 50 000 euros (non assujettis à la TVA) au titre du préjudice d'image ;

- en ce qui concerne la demande reconventionnelle de l'ANSM, elle ne saurait se substituer au décompte de liquidation dans la mesure où elle ne comporte pas des mentions prescrites par l'article 34 du CCAG PI ; elle a droit au paiement de l'intégralité du prix du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage sans aucune retenue ; les demandes de l'ANSM ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 novembre 2021, le 16 mai 2022 et le 22 juin 2022, l'Agence nationale de santé et du médicament (ANSM), représentée par la Selarl Carbonnier Lamaze RasleetAssociés conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la société Siradex soit condamnée à lui verser la somme de 101 267 euros en réparation de ses préjudices ;

- à ce que la somme de 7 500 euros soit mise à la charge de la société Siradex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à l'issue de la phase de rejet des offres, il a été porté à la connaissance de l'ANSM que la conjointe de M. B, gérant de la société Siradex, travaillait au sein de l'entreprise à laquelle l'ANSM s'apprêtait à attribuer le marché de travaux ;

- au regard de ces éléments, l'ANSM a décidé, d'une part, de déclarer la procédure d'attribution du marché de travaux sans suite et, d'autre part, de prononcer la résiliation pour faute du marché avec la société SIRADEX par courrier du 13 juillet 2021 ;

- la décision de résiliation pour faute est fondée ;

- la société Siradex était tenue de prévenir le risque de conflit d'intérêts avec l'un des candidats ; l'avis d'appel public à la concurrence (AAPC) du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage faisait obligation à la société Siradex de remplir le formulaire DC1 ;

- les principes généraux du droit de la commande publique font obligation à l'acheteur de prendre des mesures correctives en cas de risque de conflit d'intérêts ;

- il existait un risque de conflit d'intérêts ;

- la société Siradex a privé l'ANSM de son pouvoir d'appréciation sur les mesures correctrices à mettre en place ;

- l'absence de conflit d'intérêts n'a jamais été démontrée par la société Siradex ;

- les demandes indemnitaires de la société Siradex ne sont pas justifiées ; la somme au titre du solde n'est pas due, et en tout état de cause, elle n'a droit qu'à 10% du fait de la résiliation intervenue en application de l'article 8.2 du CPP ; le taux de marge nette n'est pas justifié ; les frais d'avocat doivent être inclus dans les demandes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préjudice d'image n'est étayé par une quelconque atteinte à sa réputation ;

- elle a subi des préjudices du fait du comportement fautif de la société Siradex, à hauteur de 5 760 euros TTC au titre du prix des prestations du marché d'AMO, à hauteur de 15 507 euros au titre des ressources humaines pour la préparation et le suivi tant du marché d'AMO que du marché de travaux, à hauteur de 40 000 euros HT au titre des travaux de mise en sécurité des toitures les plus endommagées en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux, et à hauteur de 40 000 euros HT au titre des dommages liés aux intempéries en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux.

II / Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 décembre 2021, le 24 juin 2022 et le 5 août 2022 sous le n°2106747, la société Siradex, représentée par la Selarl Racine, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 21 octobre 2021 par laquelle la directrice générale de l'Agence nationale de santé et du médicament (ANSM) a rejeté sa demande d'établir le décompte général ;

2°) de porter la somme de 54 656 euros TTC au crédit du décompte de résiliation et de rejeter les demandes reconventionnelles de l'ANSM à hauteur de 101 267 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision de rejet à venir sur le courrier de contestation présentée le 16 décembre 2021 et fixer le montant du décompte de résiliation et condamner l'ANSM à lui verser la somme de 54 656 euros TTC, et de rejeter les demandes reconventionnelles de l'ANSM à hauteur de 101 267 euros ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'ANSM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, en ce qui concerne la demande d'établissement du solde du marché en l'absence de décompte de liquidation, la responsabilité pour faute de l'ANSM est engagée du fait de l'illégalité de la décision de résiliation pour faute, laquelle n'est pas fondée et, à tout le moins, disproportionnée ; il n'y avait pas de conflits d'intérêts et la personne responsable du marché de la société APC Etanch n'est pas la conjointe du gérant de la société Siradex, laquelle n'est que salariée et sans fonction dirigeante ;

- elle n'a pas manqué à ses obligations déclaratives mais surtout, elle n'était pas en situation de conflit d'intérêts et enfin, l'ANSM aurait été en situation d'y remédier si elle estimait que cette situation pouvait entrainer un risque sur la légalité de la procédure, ce qu'elle n'a pas fait ;

- elle a droit à l'indemnisation de ses préjudices, à savoir le manque à gagner à hauteur de 1 680 euros TTC, les frais engagés pour contester la résiliation du marché, soit 2 016 euros TTC, et 50 000 euros (non assujettis à la TVA) au titre du préjudice d'image et au paiement de la dernière facture de 800 euros HT ; le solde du marché devra s'établir à 54 656 euros TTC ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne l'établissement du solde du marché dans l'hypothèse où le tribunal considérerait la demande indemnitaire de l'ANSM faite dans la requête 2104732 comme valant décompte général :

o cette demande ne saurait se substituer au décompte de résiliation en application de l'article 34.3 du CCAG Prestations Intellectuelles ;

o cette demande n'est pas signée par le représentant de l'ANSM et elle ne lui a pas été notifiée dans les formes prévues par l'article 2 du CCAG PI ;

o les demandes indemnitaires de l'ANSM sont infondées et injustifiées ;

o le solde du marché devra s'établir à 54 656 euros TTC.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mars 2022, le 27 juin 2022, et le 4 janvier 2023, l'Agence nationale de santé et du médicament (ANSM), représentée par la Selarl Carbonnier Lamaze RasleetAssociés conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la société Siradex soit condamnée à lui verser la somme de 101 267 euros en réparation de ses préjudices ;

- à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Siradex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à l'issue de la phase de rejet des offres, il a été porté à la connaissance de l'ANSM que la conjointe de M. B, gérant de la société Siradex, travaillait au sein de l'entreprise à laquelle l'ANSM s'apprêtait à attribuer le marché de travaux ;

- au regard de ces éléments, l'ANSM a décidé, d'une part, de déclarer la procédure d'attribution du marché de travaux sans suite et, d'autre part, de prononcer la résiliation pour faute du marché avec la société SIRADEX par courrier du 13 juillet 2021 ;

- la décision de résiliation pour faute est fondée ; elle n'a ainsi commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la société Siradex était tenue de prévenir le risque de conflit d'intérêts avec l'un des candidats ; l'avis d'appel public à la concurrence (AAPC) du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage faisait obligation à la société Siradex de remplir le formulaire DC1 ; la société Siradex était tenue de respecter les textes en vigueur, notamment l'article L. 2195-4 du code de la commande publique ;

- les principes généraux du droit de la commande publique font obligation à l'acheteur de prendre des mesures correctives en cas de risque de conflit d'intérêts ;

- il existait un risque de conflit d'intérêts ;

- la société Siradex a privé l'ANSM de son pouvoir d'appréciation sur les mesures correctrices à mettre en place ;

- l'absence de conflit d'intérêts n'a jamais été démontrée par la société Siradex ;

- la demande tendant au règlement du solde contractuel ne pouvait être que rejetée pour absence de service fait ; ; la somme au titre du solde n'est pas due et, en tout état de cause, elle n'a droit qu'à 10% du fait de la résiliation intervenue en application de l'article 8.2 du CPP ;

- les demandes indemnitaires de la société Siradex ne sont pas justifiées et ne sauraient être ajoutées à leur crédit du décompte général ; le taux de marge nette n'est pas justifié ; les frais d'avocat doivent être inclus dans les demandes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préjudice d'image n'est étayé par une quelconque atteinte à sa réputation ;

- en tout état de cause, aucun décompte général ne pouvait être établi à la date de réception de la demande de la société Siradex dès lors qu'à la date du 17 septembre 2021 notamment, la société Siradex avait déjà introduit un recours de plein contentieux contenant à la fois une demande en reprise des relations contractuelles et des prétentions indemnitaires à hauteur de 54 656 euros ; elle ne pouvait que rejeter le projet de décompte proposé et attendre que le juge, saisi par la société SIRADEX elle-même, ne statue sur ces demandes et sur l'éventualité d'une reprise des relations contractuelles ; la société Siradex admet elle-même que ses prétentions indemnitaires ne sont pas recevables tant que le juge du contrat n'a pas rendu sa décision ;

- elle a dû déclarer sans suite le marché de travaux ; elle a relancé une procédure d'AMO en deux lots, l'un pour les toitures, l'autre pour les façades ; elle est donc en droit de demander le remboursement des prestations d'AMO réalisées par la société Siradex ;

- elle a subi des préjudices du fait du comportement fautif de la société Siradex, à hauteur de 5 760 euros TTC au titre du prix des prestations du marché d'AMO, à hauteur de 15 507 euros au titre des ressources humaines pour la préparation et le suivi tant du marché d'AMO que du marché de travaux, à hauteur de 40 000 euros HT au titre des travaux de mise en sécurité des toitures les plus endommagées en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux, et à hauteur de 40 000 euros HT au titre des dommages liés aux intempéries en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public ;

- les observations de Me Vuillemenot, représentant la société Siradex ;

- et les observations de Me Charroux, représentant l'ANSM.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n°2104732 et n°2106747, présentées par la société Siradex, concernent le même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est propriétaire d'un ensemble immobilier dans la commune de Vendargues et a entrepris de réaliser la réfection de l'étanchéité des toitures terrasses de ces bâtiments. Elle a conclu pour ce faire, après avis d'appel public à la concurrence publié le 8 août 2019, un marché d'assistance à maitrise d'ouvrage (AMO) avec la société Siradex pour la préparation, la passation l'analyse et le suivi du marché de travaux à venir. Après un avis d'appel public à la concurrence publié le 3 février 2021, le rapport d'analyse des offres réalisé par la société Siradex proposait de confier le marché de travaux à la société APC Etanch pour un prix global et forfaitaire de 378 681,80 euros HT et la commission des marchés publics de l'ANSM a, le 20 mai 2021, suivi les conclusions du rapport d'analyse des offres. Après information des candidats non retenus des rejets de leurs offres, l'ANSM a été informée d'un lien potentiel entre la société Siradex et la société APC Etanch. Par un courrier du 17 juin 2021, l'ANSM a informé la société Siradex qu'elle avait déclaré sans suite le marché de travaux et qu'elle envisageait de procéder à la résiliation pour faute du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage, en laissant à la société Siradex un délai de 10 jours ouvrés pour présenter ses observations. Par un courrier du 13 juillet 2021, l'ANSM a prononcé la résiliation pour faute du contrat d'AMO. Par ses requêtes, la société Siradex demande, à titre principal, la reprise des relations contractuelles, à titre subsidiaire, que le solde du marché soit fixé à la somme de 54 656 euros TTC et à ce que l'ANSM lui verse cette somme et au rejet des demandes reconventionnelles indemnitaires de l'ANSM à hauteur de 101 267 euros.

Sur le bien-fondé de la résiliation du marché :

3. D'une part, le principe d'impartialité, principe général du droit, s'impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Aux termes de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ".

4. D'autre part, même si le marché ne contient aucune clause à cet effet et, s'il contient de telles clauses, quelles que soient les hypothèses dans lesquelles elles prévoient qu'une résiliation aux torts exclusifs du titulaire est possible, il est toujours possible, pour le pouvoir adjudicateur, de prononcer une telle résiliation lorsque le titulaire du marché a commis une faute d'une gravité suffisante.

5. Enfin, aux termes de l'article 29 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles : " Le pouvoir adjudicateur peut mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci, soit à la demande du titulaire dans les conditions prévues à l'article 31, soit pour faute du titulaire dans les conditions prévues à l'article 32, soit dans le cas des circonstances particulières mentionnées à l'article 30. () ". Aux termes de cet article 32 : " 32. 1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l'environnement ; b) Des moyens ont été mis à la disposition du titulaire, et celui-ci se trouve dans un des cas prévus à l'article 16. 8 ; c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels ; d) Le titulaire a fait obstacle à l'exercice d'un contrôle par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de l'article 18 ; e) Le remplaçant de la personne désignée pour assurer la conduite des prestations est récusé, à défaut de désignation d'un nouveau remplaçant dans un délai d'un mois, ou de récusation de celui-ci dans un délai d'un mois ; f) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou il n'a pas respecté les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l'article 3. 6 ; g) Le titulaire n'a pas produit les attestations d'assurance dans les conditions prévues à l'article 9 ; h) Le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l'article 30. 1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements ; i) Le titulaire n'a pas communiqué les modifications mentionnées à l'article 3. 4. 2 et ces modifications sont de nature à compromettre la bonne exécution du marché ; j) Le titulaire s'est livré, à l'occasion de l'exécution du marché, à des actes frauduleux ; k) Le titulaire ou le sous-traitant ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité, à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité, conformément à l'article 5 ; l) L'utilisation des résultats par le pouvoir adjudicateur est gravement compromise, en raison du retard pris par le titulaire dans l'exécution du marché ; m) Postérieurement à la signature du marché, le titulaire a fait l'objet d'une interdiction d'exercer toute profession industrielle ou commerciale ; n) Postérieurement à la signature du marché, les renseignements ou documents produits par le titulaire, à l'appui de sa candidature ou exigés préalablement à l'attribution du marché s'avèrent inexacts. () "

6. Il résulte de l'instruction que la société Siradex, AMO de l'ANSM, a réalisé l'analyse des offres des quatre sociétés ayant répondu à l'AAPC pour les travaux de réfection de l'étanchéité des toitures et des façades des bâtiments du site de Vendargues et a rempli le 3 mai 2021 une attestation d'absence de lien ou de conflits d'intérêts avec ces entreprises. La société Siradex a ensuite réaffirmé cette déclaration dans le cadre du rapport d'analyse des offres ayant classé la société APC Etanch en première place. Après que la commission des marchés publics de l'ANSM ait validé le 21 mai 2021 l'analyse de la société Siradex et après l'envoi des courriers de rejet des offres des autres candidats, l'ANSM a été informée par l'un d'eux que la conjointe du gérant de la société Siradex, M. B, était présente dans l'effectif de la société APC Etanch. Interrogé par un courrier électronique du 3 juin 2021 sur cette information, M. B a répondu, le 4 juin 2021, que sa compagne était " simple salariée et non dans la partie dirigeante de cette entreprise ". Il résulte de l'instruction que cette réponse lacunaire, sans que les fonctions de la conjointe de M. B ne soient révélées et sans qu'aucune information ne soit donnée quant à sa participation à la constitution de l'offre de la société APC Etanch, qui ne permettait pas à l'ANSM de déterminer l'influence de ce lien sur l'analyse de la société Siradex, a ainsi pu faire naitre un doute suffisant quant à l'impartialité de la société requérante, en sa qualité d'assistante à maitre d'ouvrage. Enfin, la société Siradex a indiqué en cours d'instance que la conjointe de M. B occupe les fonctions de métreur au sein de la société APC Etanch, si bien qu'il résulte de l'instruction que cette dernière est intervenue directement sur des missions nécessaires à l'établissement de l'offre, et l'attestation de la société APC Etanch du 29 juin 2022 ne permet pas de lever le doute sur l'impartialité de la société Siradex dès lors qu'elle se borne à indiquer le nom du responsable du bureau d'étude en précisant qu'il est " assisté de plusieurs collaborateurs, qui s'occupent de vérifier les métrés () ". Dans ces conditions, il résulte de l'instruction qu'il existait un doute sérieux quant à l'impartialité de la société Siradex et que ses réponses n'ont pas permis de lever ce doute. Eu égard à la gravité de ce manquement dans les missions qui lui étaient confiées, l'ANSM était fondée à prononcer, outre la déclaration sans suite du marché de travaux, la résiliation pour faute du marché d'AMO en vertu du principe énoncé au point 4. Il résulte par ailleurs, qu'un égard à la gravité de ce manquement, la décision de résiliation pour faute n'est pas disproportionnée.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Siradex :

8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la résiliation pour faute est fondée, de sorte que la société Siradex n'a pas droit à l'indemnisation des préjudices allégués au titre du manque à gagner sur les prestations restantes à réaliser, au titre du préjudice d'image et en tout état de cause au titre des frais d'avocat engagés pour contester la mesure de résiliation.

9. D'autre part, et dès lors qu'en raison du doute quant à l'impartialité dans l'analyse des offres réalisée par la société requérante né avant l'attribution du marché de travaux, l'ANSM a déclaré sans suite le marché de travaux et, dans ces conditions, la prestation au titre de cette analyse ne peut être considérée comme ayant été entièrement réalisée. Par suite, la société Siradex n'est pas fondée à demander le paiement de la facture au titre de l'analyse des offres d'un montant de 800 euros HT.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société Siradex doivent être rejetées sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir.

Sur les conclusions reconventionnelles de l'ANSM :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les sommes versées à la suite de la réalisation des premières prestations d'assistance à maitrise d'ouvrages, à savoir de diagnostic, préconisations, pré-chiffrages et rédaction des pièces de marchés, ne peuvent être reversées à l'ANSM dès lors, d'une part, qu'elles lui ont profité et, d'autre part, qu'elle n'a pas prononcé l'annulation du marché, mais seulement sa résiliation. Par suite, l'ANSM n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Siradex à lui verser la somme de 5 760 euros TTC.

12. En deuxième lieu, si l'ANSM demande le paiement des frais de ressources humaines mobilisées dans le cadre des procédures d'attribution du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage et du marché de travaux, le tableau qu'elle produit à l'appui de cette demande est seulement déclaratif et n'est corroboré par aucun justificatif. Par suite, l'ANSM n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Siradex à lui verser la somme de 15 507 euros.

13. En troisième lieu, si l'ANSM demande le paiement d'une somme de 40 000 euros HT pour le préjudice lié aux travaux de mise en sécurité des toitures les plus endommagées en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux et une somme de 40 000 euros HT pour les dommages liés aux intempéries en raison du retard dans l'exécution du marché de travaux, il résulte de l'instruction que les préjudices allégués, qui ne sont corroborés par aucun justificatif, ne sont pas matériellement établis. Par suite, l'ANSM n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Siradex à lui verser la somme de 80 000 euros HT.

14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions reconventionnelles de l'ANSM doivent être rejetées.

Sur le solde du marché :

15. Il résulte de tout ce qui précède que le solde du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage doit être fixé à zéro euro.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ANSM, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Siradex la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Siradex le versement à l'ANSM d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Siradex sont rejetées.

Article 2 : Les demandes indemnitaires de l'ANSM sont rejetées.

Article 3 : Le solde du marché d'assistance à maitrise d'ouvrage est fixé à zéro euro.

Article 4 : La société Siradex versera la somme de 1 500 euros à l'ANSM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Siradex et à l'Agence nationale de santé et du médicament.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Eric Souteyrand, président,

M. Nicolas Huchot, premier conseiller,

Mme Audrey Lesimple, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

Le rapporteur,

N. A

Le président,

E. Souteyrand La greffière,

M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier le 15 juin 2023,

La greffière,

M-A. Barthélémy

N° 210473