TA Orléans, 13/10/2022, n°2203489

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, la société Charier TP demande au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, de désigner un expert chargé de procéder à un constat dans le cadre de la construction d'une infrastructure routière nouvelle entre la RD 960 et la RD 951, et de dire que ce dernier communiquera préalablement aux parties un projet de rapport assorti d'un délai suffisant pour leur permettre de produire leurs observations.

Elle soutient que :

- le conseil départemental du Loiret a confié à un groupe d'entreprises dont fait partie la société Charier TP le marché public de conception-réalisation d'un ouvrage public permettant le franchissement de la Loire ;

- par contrat de sous-traitance, l'entreprise Charier TP a confié à la société SOCOTEC Monitoring France la fourniture et la pose d'un système de surveillance par fibre optique des déformations du terrain en vue de prévenir et générer des alertes en cas d'apparition de fontis ;

- cette dernière a réalisé, à compter du 5 septembre 2022, la pose de la fibre optique, concomitamment aux travaux de remblaiement ;

- les ruptures de câbles, les dysfonctionnements, les pliages et la pose de boitier de jonction en réparation ont conduit la société Charier TP à mettre en demeure son sous-traitant d'exécuter des prestations conformes au contrat et permettant la poursuite des travaux prévus par le marché public ;

- les risques de perte de signal et de rigidité de la fibre - alors que le système de surveillance mis en place repose sur la souplesse de déformation de celle-ci - peuvent avoir une incidence significative sur les modalités d'exécution des travaux routiers et la mise à disposition des zones de chantier aux autres co-traitants ;

- le constat de ces désordres présente également un caractère d'urgence dans le mesure où l'autorisation préfectorale d'accès provisoire au chantier expire fin décembre 2022 et l'achèvement des travaux de voierie pour la fin de l'année ne permettra plus d'observation visuelle des fibres optiques qui seront alors enterrées ;

- l'ensemble de ces éléments pourrait donner lieu à litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics relevant de la compétence de la juridiction administrative ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande de référé constat :

1. Aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction () / Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels. / Par dérogation aux dispositions des articles R. 832-2 et R. 832-3, le délai pour former tierce opposition est de quinze jours ".

2. La société Charier TP, membre du groupement d'entreprises titulaire du marché public de conception-réalisation de la section de franchissement de la Loire entre la RD 960 et la RD 951, sollicite une mesure de constat aux fins d'effectuer un état des lieux des désordres affectant la fibre optique dont elle a confié la pose à la société SOCOTEC Monitoring France par contrat de sous-traitance en date du 8 septembre 2022, dans la mesure où ces désordres pourraient rejaillir sur les modalités d'exécution et de livraison des travaux public routiers en cause. Cette requête en référé ne tend qu'à voir ordonner une mesure d'instruction avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige ; qu'en l'espèce, le fond du litige est de nature à relever au moins pour partie de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à la demande présentée aux fins de constat par la société Charier TP sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, dès lors que l'expert dont la désignation est sollicitée aura pour seule mission de décrire les désordres affectant le système de surveillance des mouvements de terrain par fibre optique, qui paraissent susceptibles de donner lieu, à la suite du marché public passé par le conseil départemental du Loiret, à un litige qui relèverait, le cas échéant, de la compétence du présent tribunal.

Sur la demande de la société Charier TP tendant à ce que l'expert établisse un pré-rapport de constat avant le dépôt de son rapport :

4. Aucune disposition du code de justice administrative, ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'expert d'établir un pré-rapport. L'expert, dans la conduite des opérations de constat qui lui est confiée et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d'autres obligations que celles issues du principe du contradictoire. L'établissement d'un pré-rapport adressé aux parties en vue de recueillir leurs éventuelles observations ne constitue donc qu'une modalité opérationnelle de l'expertise dont il appartient à l'expert d'apprécier la nécessité d'y recourir. Il suit de là que les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : M. B A, ingénieur mécanicien électricien, domicilié 62 rue George Sand à Tours (37000), est désigné en qualité d'expert. Il aura pour mission, en présence de la société Charier TP, de la société SOCOTEC Monitoring France et du conseil départemental du Loiret :

1) se rendre sur les lieux, entendre toutes les parties concernées ou leurs représentants, tout sachant, et prendre connaissance de tous documents utiles ;

2) examiner le système de surveillance par fibre optique des mouvements de terrain et dresser tous états descriptifs détaillés et documentés des désordres l'affectant ;

3) faire toute observation qu'il estimerait utile pour l'information du tribunal, dans la limite de la mission ci-dessus définie.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président du tribunal administratif.

Article 3 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 4 : L'expert déposera, au plus tard le 31 décembre 2022, son rapport au greffe en deux exemplaires et il notifiera aux parties des copies du rapport dans les conditions prévues à l'article R. 621-9 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Charier TP, à la société SOCOTEC Monitoring France, au conseil départemental du Loiret, et à l'expert.

Fait à Orléans, le 13 Octobre 2022.

Le juge des référés,

Guy QUILLEVERE

La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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