TA Paris, 10/11/2022, n°2221446
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 14 octobre et 4 novembre 2022, la société Médicis, représentée par Me Frölich, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la procédure de passation pour les lots n° 1 et n° 2 de l'accord-cadre ayant pour objet la fourniture et la pose d'éléments de signalétique et supports de communication lancé par la Monnaie de Paris ;
2°) d'enjoindre à la Monnaie de Paris de lui communiquer les avantages et les inconvénients des offres retenues pour chacun des deux lots ;
3°) de mettre à la charge de la Monnaie de Paris la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les motifs détaillés du rejet de ses deux offres ne lui ont pas été communiqués, pas davantage que les avantages, inconvénients et prix des offres retenues ;
- la Monnaie de Paris a communiqué, en cours de consultation, une partie des prix des offres des candidats ;
- la méthode d'appréciation du critère prix est irrégulière ;
- la méthode de notation du critère technique est irrégulière ;
- le contenu de son offre technique, pour chacun des deux lots, a été dénaturé ;
- son offre n'est pas irrégulière mais, si elle l'était, les offres des sociétés attributaires du lot n° 1 le seraient également.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er novembre 2022, la Monnaie de Paris, représentée par Me Rayssac, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Médicis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les offres de la société Médicis pour les deux lots sont irrégulières ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique,
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme A B pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 4 novembre 2022 à 15h00, en présence de M. Yacine Fadel, greffier d'audience, Mme A B a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Deubel, représentant la société Médicis, qui maintient ses conclusions et développe les moyens soulevés dans la requête ;
- et les observations de Me Didier, représentant la Monnaie de Paris, qui maintient ses conclusions et explicite les arguments présentés dans les écritures.
A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été informées de ce que la clôture d'instruction était différée au 8 novembre 2022 à 12 heures.
Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2022, la Monnaie de Paris maintient ses conclusions et moyens et produit de nouvelles pièces.
Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2022, la société Médicis maintient ses conclusions et moyens et produit de nouvelles pièces.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne le 17 juin 2022, la Monnaie de Paris a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert relatif à la fourniture et la pose d'éléments de signalétique et supports de communication. Cet accord-cadre comprend deux lots : fourniture et pose d'éléments de décoration merchandising et museo graphique (lot n°1) et fourniture et pose d'éléments de signalétique intérieurs et extérieurs (lot n° 2). La société Médicis a présenté une offre pour chacun des deux lots. Ses deux offres ont été rejetées par la Monnaie de Paris dans un courrier du 3 octobre 2022. La société Médicis demande l'annulation de la procédure de passation de ce marché pour les deux lots.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du code précité : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. / () ". Enfin, l'article L. 551-10 du même code dispose que : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
3. Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. " L'article R. 2181-3 de ce code précise : " La notification prévue à l'article 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. () " L'article R. 2181-4 indique : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. "
4. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a notamment pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées aux articles précités a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.
5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier notifié le 6 octobre 2022, la société Médicis a été informée du rejet de ses offres pour les deux lots litigieux. Ce courrier précisait, pour chaque lot, le nom de l'attributaire ainsi que les notes obtenues par la société requérante et par les attributaires pour chaque critère et sous-critère. En outre, dans le cadre de la présente instance et dans son premier mémoire en défense, la Monnaie de Paris a formulé des appréciations littérales pour chaque sous-critère du critère technique et pour le critère prix s'agissant des deux offres de la société Médicis. Enfin, dans son second mémoire en défense, la Monnaie de Paris a transmis des informations relatives aux offres des sociétés attributaires concernant la méthodologie et les moyens mis en place, les moyens humains et la qualité technique et fonctionnelle des réalisations. Dans ces conditions, la société Médicis, qui a été suffisamment informée des motifs de rejet de son offre et des caractéristiques des offres retenues, n'est pas fondée à soutenir que la Monnaie de Paris aurait manqué à ses obligations de transparence et de mise en concurrence. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de communication d'informations supplémentaires.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la procédure de passation :
S'agissant du caractère irrégulier des offres présentées par la société Médicis :
6. L'article L. 2152-2 du code de la commande publique dispose que : "Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale".
7. Un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce. Ainsi, la Monnaie de Paris peut se prévaloir du fait que les offres de la société Médicis seraient irrégulières et de ce que cette société ne pourrait dès lors, en tout état de cause, avoir été lésée, au stade de l'examen des offres, par les manquements qu'elle invoque, alors même que l'offre de la société a été classée à l'issue de la procédure de passation du marché et rejetée pour un autre motif.
En ce qui concerne le lot n° 1:
8. L'article 3.2 du règlement de la consultation liste les pièces relatives à l'offre, parmi lesquelles se trouve " l'offre technique " qui comprend " une présentation de la méthodologie mise en place pour répondre aux demandes de la Monnaie de Paris / une présentation de l'équipe dédiée à la Monnaie de Paris, avec les missions de chaque intervenant et l'identification d'un contact régulier et dédié à la Monnaie de Paris pour l'exécution et le suivi du marché / un catalogue de produits avec des photos de réalisations effectuées par le prestataire pour des prestations similaires ".
9. Il résulte de l'instruction que l'offre technique de la société Médicis pour le lot n° 1 ne comporte pas de mémoire technique mais une " note technique " commune aux deux lots qui compte deux pages, hors la page de garde. Cette note indique, de manière succincte, les délais de fabrication et elle présente brièvement le déroulé de quelques méthodes d'impression. Dans ces conditions, cette note ne comporte pas l'ensemble des éléments indiqués à l'article 3.2 du règlement de la consultation. La circonstance que ce dernier ne mentionne pas le terme de " mémoire " technique mais celui d'" offre " technique est à cet égard indifférent. Si la société Médicis soutient qu'elle a produit un mémoire technique dans le cadre de son offre pour le lot n° 2, ce mémoire est intitulé " L'offre technique en réponse à l'appel d'offres A00 15-22 - Lot 2 : Fourniture et pose d'éléments de signalétique intérieurs et extérieurs - Fourniture et pose d'éléments de signalétique et supports de communication ". En outre, son contenu concerne uniquement les éléments d'appréciation relatifs au lot n° 2, quand bien même certains éléments pourraient être communs au lot n° 1, notamment la présentation de l'équipe dédiée et la catalogue des produits. De surcroît, si le règlement de la consultation ne précise pas expressément, comme il l'a fait pour l'offre financière, que le mémoire technique ne peut pas être commun aux deux lots, il utilise bien le singulier pour évoquer l'offre technique qui, eu égard aux différences de prestations attendues pour chacun des deux lots, ne peut pas être similaire aux deux offres. Dès lors, l'offre de la société Médicis relative au lot n° 1 ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation. Elle est par suite irrégulière.
En ce qui concerne le lot n° 2:
10. L'article 3.2 du règlement de la consultation prévoit que, dans les pièces relatives à l'offre figure " l'acte d'engagement imprimé, complété et signé ". La nature de la signature -classique ou électronique - n'est précisée dans aucun des documents de la consultation, contrairement au dépôt des candidatures et des offres qui doit être effectué de manière électronique. La société Médicis produit une copie de la signature de l'accord-cadre par son président, dûment habilité pour ce faire. Dans ces conditions, la Monnaie de Paris n'est pas fondée à soutenir que, faute de signature électronique apposée sur l'acte d'engagement, l'offre de la société requérante est irrégulière.
S'agissant du caractère irrégulier des offres présentées par les sociétés attributaires du lot n° 1:
11. La circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige.
12. La société Médicis fait valoir que les offres des trois sociétés attributaires sont incomplètes, faute de précisions se rapportant à leur offre financière.
13. Le 5 septembre 2022, la Monnaie de Paris a adressé à la société Médicis deux courriels lui demandant d'apporter des précisions sur son offre financière, relatives à l'annexe 1 du règlement de la consultation. Le premier courriel de 15h59 comportait un fichier Excel sur lequel apparaissaient, pour chacune des sociétés candidates, des prix renseignés et des lignes de prix à compléter. Le second courriel de 17h38 comportait un simple tableau avec des lignes de prix à compléter. En défense, la Monnaie de Paris fait valoir que, d'une part, le fichier Excel du premier courriel a été transmis par erreur à la société Médicis et qu'il ne constitue qu'un document de travail incomplet et provisoire ; elle précise que, d'autre part, en complétant le tableau joint au second courriel, la société requérante a pu régulariser son offre financière. Contrairement à ce que soutient la société Médicis, la circonstance que les sociétés requérantes avaient également des lignes à compléter sur le fichier Excel et qu'il n'est pas établi qu'elles aient regularisé leur offre à la suite d'une demande de précisions ne saurait suffire à établir que leurs offres étaient incomplètes. Dès lors, la société Médicis n'est pas fondée à soutenir que les offres des trois sociétés attributaires du lot n° 1 sont irrégulières.
S'agissant des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence :
En ce qui concerne le lot n° 1:
14. Ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus la société Médicis, dont l'offre pour le lot n° 1 du marché litigieux est irrégulière, n'est pas susceptible d'être lésée par les manquements qu'elle invoque, s'agissant de l'irrégularité de la méthode de notation des offres, de la violation du secret des affaires et de la dénaturation de son offre technique. Par suite, l'ensemble des moyens qu'elle soulève doit être écarté.
En ce qui concerne le lot n° 2:
15. En premier lieu, l'article L. 2132-1 du code de la commande publique dispose que : " L'acheteur ne peut communiquer les informations confidentielles dont il a eu connaissance lors de la procédure de passation, telles que celles dont la divulgation violerait le secret des affaires, ou celles dont la communication pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, telle que la communication en cours de consultation du montant total ou du prix détaillé des offres. / Toutefois, l'acheteur peut demander aux opérateurs économiques de consentir à ce que certaines informations confidentielles qu'ils ont fournies, précisément désignées, puissent être divulguées. () ".
16. Dans un premier courriel du 5 septembre 2022, la Monnaie de Paris a adressé à la société Médicis un tableau Excel comportant des prix proposés par chacun des candidats pour les prestations exposées dans une annexe 2 intitulée " signalétique exposition Monnaies et Merveilles ", constitutive d'un " brief ". Ainsi qu'il a déjà été dit, ce fichier a été transmis par erreur par la Monnaie de Paris, ce qui a occasionné l'envoi d'un second courriel une heure et trente-neuf minutes plus tard. De surcroît, il n'est établi ni que ce tableau comporte l'offre de prix des candidats, ni qu'il a été envoyé également aux autres sociétés candidates. Dans ces conditions, la société Médicis n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été lésée par la transmission de ce fichier de chiffres.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2132-2 du code de la commande publique : " Les documents de la consultation sont gratuitement mis à disposition des opérateurs économiques. () Lorsque les spécifications techniques sont fondées sur des documents gratuitement disponibles par des moyens électroniques, l'indication de la référence de ces documents est considérée comme suffisante (). "
18. L'article 3.2 du règlement de la consultation prévoit que l'offre financière est fondée sur le brief " Monnaies et Merveilles ". L'article 7 de ce même règlement précise que le prix est apprécié à partir de l'offre de prix proposé dans ce brief.
19. D'une part, il résulte de l'instruction que le brief " Monnaie et Merveilles " était annexé au règlement de la consultation, permettant ainsi aux sociétés candidates de formuler leurs offres de prix pour chacune des prestations sollicitées. Si la Monnaie de Paris a envoyé à la société Médicis, dans son premier courriel du 5 septembre 2022, un tableau excel pré-rempli, il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été dit au point 13 que ce document a été transmis par erreur à la société requérante. Dans ces conditions, il ne correspond pas un nouveau Détail quantitatif estimatif (DQE) et la Monnaie de Paris n'a pas modifié les conditions de la consultation. En outre, dans le second courriel du 5 septembre 2022, la Monnaie de Paris n'a pas fait de demande de précisions au regard du lot n° 2, les éléments contenus dans le brief ayant été intégralement repris par la société Médicis dans le bordereau des prix unitaires (BPU).
20. D'autre part, la société Médicis soutient que la Monnaie de Paris a rempli elle-même l'ensemble des lignes du DQE alors que toutes les lignes ne figuraient pas dans le BPU préalablement complété par la société requérante. Cette dernière fait toutefois valoir, en page 22 de son mémoire en réplique, que la Monnaie de Paris aurait agi de cette manière avec tous les candidats. Elle ne peut dès lors se prévaloir d'aucune lésion particulière. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le BPU comprend une ligne " vitrophanies vitrines rue Guénégaud (lot de 6) 5 formats " que la société Médicis a chiffré à un prix unique de 365 euros HT, prix qui se retrouve dans le DQE produit dans l'extrait du rapport d'analyse des offres produit par la Monnaie de Paris. La circonstance que ce prix ait été décomposé dans le DQE pré-rempli envoyé dans le premier courriel du 5 septembre 2022, sur la base d'un prix identique pour chacun des six formats, pour maladroit et regrettable qu'elle soit, reste sans incidence sur la régularité de l'appréciation des offres au regard du critère prix. En outre, le fait que les deux dernières lignes du DQE " Stickers fenêtres rue Guénégaud - Vitrophanie - Adhésif côté impression - Modèle 5: 465 x 1265 " et " Autres : fabrication et pose " ne figurent pas dans le brief initial ne saurait, à lui seul, caractériser une modification de l'appréciation des offres au regard du critère prix, dès lors que ces lignes ajoutent, pour l'une, une nouvelle taille de stickers sur les quatres déjà prévues et, pour l'autre, un élément relatif non pas aux prestations sollicitées mais aux conditions de réalisation de ces prestations, nécessairement pris en compte par les sociétés candidates. Dès lors, la société Médicis n'a pas été lésée par la méthode d'appréciation établie par la Monnaie de Paris au regard du critère prix. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'appréciation des offres au regard du critère prix doit être écarté en toutes ses branches.
21. En troisième lieu, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a retenus et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.
22. Le règlement de la consultation prévoit, à son article 7, la pondération de chacun des sous-critères du critère technique, sans davantage de précision sur la méthode de notation des offres. Pour contester la régularité de cette dernière, la société Médicis se fonde sur les éléments produits sur le fichier Excel communiqué par erreur dans le premier courriel du 5 septembre 2022 qui indique une méthode par palier. Les sous-critères techniques " méthodologie et moyens mis en place " et " qualité technique et fonctionnelle des réalisations " comportent cinq paliers (de 0 : insuffisant à 20 : tout à fait satisfaisant), tandis que le sous-critère " moyens humains " comprend trois paliers. Une telle méthode, qui a notamment pour effet d'attribuer la meilleure note technique à la meilleure offre technique et la moins bonne note à l'offre la moins qualitative, ne méconnait aucun des principes précités qui gouvernent le choix d'une méthode de notation. Le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation des offres au regard du critère technique doit ainsi être écarté.
23. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'acheteur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'acheteur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
24. D'une part, la note de 10/40 a été attribuée à la société Médicis s'agissant du sous-critère technique " organisation et méthodologie ". Les appréciations littérales de la Monnaie de Paris portées sur l'offre de la société requérante indiquent notamment que la présentation du déroulé d'actions est trop généraliste et que l'offre ne permet pas d'apprécier les moyens mis en œuvre. Si la société Médicis fait valoir qu'elle a transmis un exemple de déroulé d'actions en sept étapes détaillées, qu'elle s'est engagée à transmettre un planning initial en adéquation avec les contraintes de temps de la Monnaie de Paris et qu'elle est titulaire d'un marché de la Monnaie de Paris portant sur des prestations similaires, une telle argumentation est inopérante devant le juge du référé précontractuel dont l'office n'est pas, ainsi que cela ressort des principes mentionnés au point précédent, d'apprécier les mérites respectifs des offres remises à l'acheteur.
25. D'autre part, la société Médicis a obtenu une note de 0/15 pour le sous-critère " présentation des membres de l'équipe dédiée ". Il ressort du mémoire technique de la société Médicis que cette dernière s'est bornée à produire un organigramme de la société et à indiquer, au sein d'un développement intitulé " exemple d'un déroulé d'actions dans le cadre du présent appel d'offres - lot 2 " le nom de la " personne responsable chez Médicis " qui peut également être son président-directeur-général. Aucune équipe dédiée n'est donc identifiée, en méconnaissance de l'article 7 du règlement de la consultation. La société Médicis n'est ainsi pas fondée à soutenir que son offre aurait été dénaturée sur ce point.
26. Enfin, s'agissant du sous-critère " qualité technique et fonctionnelle des réalisations ", la société Médicis a obtenu une note de 1,3/5. Si cette dernière fait valoir qu'elle a produit plusieurs fiches techniques des matériels utilisés et affectés au marché et qu'elle est titulaire d'un marché de la Monnaie de Paris portant sur des prestations similaires, une telle argumentation, qui se rattache à l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur son offre et non à une dénaturation, est inopérante et ne peut dès lors qu'être écartée.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Médicis n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation pour les deux lots du marché de la Monnaie de Paris portant sur la fourniture et la pose d'éléments de signalétique et supports de communication.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Monnaie de Paris, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais de l'instance.
29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Médicis la somme de 1 500 euros, à verser à la Monnaie de Paris, au titre de ces mêmes dispositions.
ORDONNE
Article 1er : La requête de la société Médicis est rejetée.
Article 2 : La société Médicis versera à la Monnaie de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Médicis, à la Monnaie de Paris et aux sociétés Expograph, Dupligraphic, Peradotto et ABC Photos.
Fait à Paris, le 10 novembre 2022.
Le juge des référés,
Signé
J. MENEMENIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2221446