TA Strasbourg, 12/04/2023, n°2003920
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juillet 2020, le 12 juillet 2022 et le 28 septembre 2022, la ville de Metz, représentée par Me Levy (SELAS Olszak et Levy), demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner in solidum M. B C, la SCPA Denu et Paradon, la société Egis, la société Bureau Veritas, la société Olivo, la société Sofib et la société Soprema à lui verser la somme de 176 068,12 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête, et de la capitalisation des intérêts, au titre de son préjudice ;
2°) de condamner in solidum M. B C, la SCPA Denu et Paradon, la société Egis, la société Bureau Veritas, la société Olivo, la société Sofib et la société Soprema à lui verser la somme de 3 704,26 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête, et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais d'expertise ;
3°) de mettre à la charge in solidum de M. B C, la SCPA Denu et Paradon, la société Egis, la société Bureau Veritas, la société Olivo, la société Sofib et la société Soprema le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres affectant la verrière du bâtiment des archives municipales relèvent de la garantie décennale des constructeurs, ou à titre subsidiaire de la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre ;
- les désordres affectant les murs des anciens réservoirs d'eau relèvent de la garantie décennale des constructeurs, ou à titre subsidiaire de la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre ;
- ces désordres sont imputables, sur le fondement décennal comme contractuel, à la maîtrise d'œuvre constituée de M. C, de la SCPA Denu et Paradon et de la société Oth Est ;
- ils sont imputables à la société Olivo titulaire du lot " gros-œuvre " ;
- ils sont imputables à la société Soprema, titulaire du lot " étanchéité " ;
- ils sont imputables à la société Sofib, titulaire du lot " menuiserie - aluminium - vitrerie - verrière " ;
- ils sont imputables à la société Bureau Veritas, contrôleur technique ;
- le maître d'ouvrage n' a pas commis de faute ;
- les préconisations de l'expert ont été respectées s'agissant de la consultation d'un maître d'œuvre pour l'élaboration des prescriptions techniques des travaux de reprise ;
- le montant des travaux de reprise doit être imputé, s'agissant du lot " gros-œuvre ", à hauteur de 41 103,70 euros hors taxe (HT) aux désordres relatifs aux murs de l'ancien réservoir et à hauteur de 1 203,40 euros HT aux désordres relatifs à la verrière ;
- le montant des travaux de reprise doit être imputé, s'agissant du lot " façades ", à hauteur de 11 327,80 euros HT aux désordres relatifs aux murs de l'ancien réservoir et à hauteur de 40 789,57 euros HT aux désordres relatifs à la verrière ;
- le montant des travaux de reprise doit être imputé intégralement, s'agissant du lot " étanchéité ", aux désordres relatifs à la verrière ;
- le montant des travaux de reprise doit être imputé intégralement, s'agissant du lot " peinture et sols ", aux désordres relatifs aux murs de l'ancien réservoir ;
- le montant des travaux de reprise doit être imputé intégralement, s'agissant du lot " électricité ", aux désordres relatifs à la verrière ;
- les frais de maîtrise d'œuvre, d'un montant de 9 860 euros HT, doivent être imputés à hauteur de 52,03% aux désordres relatifs aux murs de l'ancien réservoir et à hauteur de 47,97% aux désordres relatifs à la verrière, correspondant à la part de chacun de ces désordres dans le montant total des travaux de reprise ;
- l'indemnisation doit être assortie de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par des mémoires enregistrés le 10 février 2021, le 28 juin 2021 et le 14 septembre 2022, la société Bureau Veritas construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas, représentée par Me Draghi-Alonso (SELARL cabinet Draghi-Alonso), conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au rejet de l'ensemble des prétentions dirigées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, à l'absence de solidarité et à la condamnation in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis, Olivo, ESFFO, Sofib et Soprema à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
3°) en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Metz ou de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- ils ne lui sont pas imputables ;
- le montant allégué du préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- il doit être chiffré hors taxes ;
- les intérêts sont demandés pour une date antérieure à celle à laquelle les travaux ont été réalisés ;
- à titre subsidiaire, sa condamnation devrait être limitée à sa part de responsabilité ;
- sur les appels en garantie, la maîtrise d'œuvre et les sociétés Olivo, ESFFO, sous-traitante d'Olivo, Soprema et Sofib ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité délictuelle ;
- sa demande contre la société ESFFO n'est pas prescrite ;
- le rapport d'expertise est opposable à la société ESFFO.
Par des mémoires enregistrés le 26 février 2021, le 6 septembre 2021 et le 27 septembre 2022, la société Egis bâtiments Nord Est, venant aux droits de la société Oth Est, représentée par Me Hofmann, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et des appels en garantie formés par les sociétés Bureau Veritas, Olivo, ESFFO, Sofib et Denu et Paradon ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 10% ;
3°) en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de chacune des sociétés Bureau Veritas, Olivo, ESFFO, Sofib et Denu et Paradon au même titre.
Elle soutient que :
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- ils ne lui sont pas imputables ;
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la responsabilité contractuelle ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité doit être limitée à 10 % du préjudice, et la société Sofib doit supporter la plus grosse part de responsabilité s'agissant du désordre affectant la verrière ;
- la ville de Metz a commis des fautes dans l'entretien de l'ouvrage et en tardant à effectuer les travaux nécessaires, et elle est dès lors responsable à hauteur de 50 % au moins des désordres allégués ;
- la ville de Metz n'a pas respecté les préconisations de l'expert en faisant appel à une assistance à maîtrise d'ouvrage et non à un maître d'œuvre pour effectuer les travaux de reprise des désordres ;
- les frais d'assistance à maîtrise d'ouvrage ne peuvent être indemnisés ;
- le montant allégué du préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- les intérêts sont demandés pour une date antérieure à celle à laquelle les travaux ont été réalisés ;
- l'appel en garantie de la société Bureau Veritas n'est pas fondé, et à titre subsidiaire il appartient à cette société de préciser la proportion de responsabilité de la société Egis ;
- l'appel en garantie de la société Olivo n'est pas fondé, ou à titre subsidiaire la part de responsabilité de la société Egis doit être limitée ;
- l'appel en garantie de la société ESFFO n'est pas fondé ;
- l'appel en garantie de la société Sofib n'est pas fondé, aucune faute ne lui étant reprochée et les membres du groupement de maîtrise d'œuvre n'étant pas solidaires à l'égard des tiers ;
- l'appel en garantie de la société Denu et Paradon est irrecevable comme fondé sur la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle alors que cette société est liée à la société Egis par un contrat ; il n'est au demeurant pas fondé.
Par des mémoires enregistrés le 25 mars 2021 et le 4 août 2022, la société Olivo, représentée par Me Le Discorde (cabinet Le Discorde Deleau), conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la ville de Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de M. C, des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas à la garantir de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge in solidum de M. C, des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les condamnations ne peuvent être prononcées in solidum dès lors qu'elles procèdent de plusieurs dommages distincts ;
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- ils ne lui sont pas imputables ;
- la ville de Metz a commis des fautes dans l'entretien de l'ouvrage, et elle est dès lors responsable à hauteur de 50 % au moins des désordres allégués ;
- le montant allégué du préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- les intérêts sont demandés pour une date antérieure à celle à laquelle les travaux ont été réalisés ;
- sur les appels en garantie, la maîtrise d'œuvre et la société Bureau Veritas ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle.
Par des mémoires enregistrés le 28 mai 2021, le 8 juillet 2022 et le 13 septembre 2022, la société ESFFO, représentée par Me Barraud (société d'avocats Lime et Barraud), conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au rejet de l'appel en garantie de la société Bureau Veritas ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête et de toutes prétentions formées à son encontre ;
3°) en tout état de cause, à la condamnation in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas à la garantir de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ; à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action est prescrite à son encontre ;
- le rapport d'expertise judiciaire ne lui est pas opposable ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- ils ne lui sont pas imputables ;
- le montant allégué du préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- sur les appels en garantie, la maîtrise d'œuvre et la société Bureau Veritas ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle.
Par des mémoires enregistrés le 20 décembre 2021, le 25 août 2022 et le 11 octobre 2022, la société Sofib, représentée par Me Hanriat, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au rejet de l'ensemble des prétentions dirigées à son encontre ; à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bureau Veritas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire ou in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas à la garantir de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidairement ou in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est imprécise, faute d'indiquer à quel désordre se rattachent les préjudices invoqués ;
- les conclusions de la société Soprema sont irrecevables faute d'être présentées par un avocat ;
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- ils ne lui sont pas imputables ;
- la ville de Metz a commis des fautes dans l'entretien de l'ouvrage, et elle est dès lors responsable à hauteur de 50 % des désordres allégués ;
- le montant allégué du préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- les actions des constructeurs à son encontre sont prescrites ;
- sur les appels en garantie, la maîtrise d'œuvre et la société Bureau Veritas ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité délictuelle.
Par un mémoire enregistré le 25 mars 2022, la SCPA Denu et Paradon, représentée par Me Zine, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de l'ensemble des prétentions dirigées à son encontre et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la ville de Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Egis ou à défaut de toute autre partie reconnue responsable à la garantir intégralement et solidairement de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Elle soutient que :
- les désordres litigieux ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- la société Egis est seule susceptible de voir sa responsabilité engagée au sein du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les éventuelles condamnations doivent être prononcées hors taxes ;
- sur les appels en garantie, la société Egis ou toute autre partie reconnue responsable a commis des fautes sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2022, la société Soprema conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Metz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les désordres litigieux ne lui sont pas imputables.
L'instruction a été close le 21 octobre 2022 par une ordonnance du même jour, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Une mise en demeure a été adressée le 12 janvier 2021 à M. C, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de M. Boutot, rapporteur public,
- et les observations de :
' Me Greze, représentant la ville de Metz ;
' Me Hofmann B., substituant Me Hofmann Ph., et représentant la société Egis ;
' Me Roussel, substituant Me Barraud,et représentant la société ESFFO ;
' Me Hanriat, représentant la société Sofib.
Considérant ce qui suit :
1. La ville de Metz a entrepris des travaux dans les anciens réservoirs d'eau des Hauts de Sainte-Croix et une partie du cloître des Récollets, qui y est adjacent, afin d'y installer les archives municipales. Dans ce cadre, a été prévue la construction d'un bâtiment recouvert d'une verrière, destiné à relier le cloître aux anciens réservoirs. Les bureaux et les salles de travail ont été installés dans le cloître et le bâtiment de jonction, la verrière abritant notamment une salle de lecture, tandis que les documents d'archives sont conservés dans les anciens réservoirs. La maîtrise d'œuvre a été confiée le 24 août 1999 à un groupement composé de M. C, de la société Denu et Paradon et de la société Oth Est, aux droits de laquelle vient la société Egis. Le contrôle technique a été confié à la société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas construction. Le lot " gros-œuvre " a été attribué à la société Olivo, qui a sous-traité les études d'exécution au bureau d'études ESFFO. Le lot " étanchéité " a été attribué à la société Soprema, et le lot " menuiserie - aluminium - vitrerie - verrière ", à la société Sofib. La réception des travaux a été prononcée avec effet au 15 juillet 2002.
2. La ville de Metz fait état d'une part de nombreuses fissures apparues sur les murs des anciens réservoirs d'eau, et d'autre part d'infiltrations apparues sur les murs attenant à la verrière. Le bureau d'étude technique Cetoba a établi le 20 juin 2011 une analyse technique concernant l'apparition des fissures. Un constat d'huissier a été réalisé le 19 janvier 2012 concernant les infiltrations. Enfin, la ville de Metz a formé une requête en référé-expertise, et une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg par décision n° 1202917 du 28 août 2012. L'expert, M. D, a remis son rapport le 15 janvier 2015 et l'a complété d'un additif le 22 juillet 2015.
3. Par la présente requête, enregistrée le 6 juillet 2020, la ville de Metz demande à être indemnisée, par la maîtrise d'œuvre, le contrôleur technique et les entrepreneurs susmentionnés, des conséquences de ces deux désordres, pour un préjudice qu'elle évalue globalement à un montant de 176 068,12 euros TTC.
Sur la recevabilité de la requête :
4. La société Sofib soutient que la requête n'est pas recevable faute d'être assortie des précisions nécessaires à en apprécier le bien-fondé. Elle fait valoir que la requête invoque deux désordres distincts sans ventiler le montant des réparations et en demandant une indemnisation in solidum, commune aux deux désordres, à l'ensemble des défendeurs. La ville de Metz a précisé dans sa requête et ses mémoires le fondement de la responsabilité invoquée, les personnes dont elle mettait en cause la responsabilité et le montant des réparations demandées. Si elle n'a indiqué que tardivement, dans son dernier mémoire, la répartition qu'elle proposait des sommes demandées au titre de chacun des désordres invoqués, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que, par son imprécision, la requête serait irrecevable. La fin de non-recevoir opposée par la société Sofib doit par conséquent être écartée.
Sur la recevabilité des conclusions présentées par la société Soprema :
5. La société Sofib soutient que les conclusions présentées par la société Soprema sont irrecevables faute d'avoir été présentées par un avocat.
6. Aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat. " Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " Toutefois, les dispositions du premier alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables : / 1° Aux litiges en matière de contravention de grande voirie ; / 2° Aux litiges en matière de contributions directes, de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxes assimilées ; / 3° Aux litiges d'ordre individuel concernant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques ainsi que les agents ou employés de la Banque de France ; / 4° Aux litiges en matière de pensions, de prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, d'emplois réservés et d'indemnisation des rapatriés ; / 5° Aux litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public en relevant ou un établissement public de santé ; / 6° Aux demandes d'exécution d'un jugement définitif. "
7. La présente requête entre dans le champ d'application de l'article R. 431-2 précité et elle ne relève d'aucune des exceptions à l'obligation de représentation énumérées à l'article R. 431-3, en particulier celle prévue par le 5° de cet article, la commune de Metz étant ici la requérante et non le défendeur. Par conséquent, les conclusions présentées en défense par la société Soprema sans représentation par un avocat sont irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la ville de Metz :
En ce qui concerne le désordre relatif à la fissuration des murs des anciens réservoirs :
8. La ville de Metz demande l'indemnisation du désordre relatif à la fissuration des murs des anciens réservoirs sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre pour manquement à son obligation de conseil lors de la réception des travaux.
S'agissant de la garantie décennale :
9. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure. Cette garantie est solidairement due par les constructeurs, y compris en l'absence de faute, dès lors que les désordres peuvent être regardés comme leur étant imputables au regard des missions qui leur ont été confiées par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'exécution des travaux litigieux.
10. Au cas présent, si la date d'apparition des fissures est contestée, la requérante mentionnant leur apparition en 2011 et plusieurs sociétés défenderesses les datant de l'année 2006, il est constant que celles-ci sont apparues postérieurement à la réception des travaux intervenue le 15 juillet 2002, dans le délai de dix ans, et que le désordre n'était pas apparent au jour de la réception. Partant, la demande d'indemnisation des préjudices résultant des fissures doit être examinée sur le fondement de la responsabilité décennale.
11. La ville de Metz soutient exclusivement que les fissures affectant les murs des anciens réservoirs sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, ce que contestent les sociétés défenderesses qui font valoir que le désordre serait purement esthétique.
12. L'existence de fissures importantes sur les murs intérieurs du bâtiment est établie tant par l'analyse technique du bureau d'étude technique Cetoba que par l'expertise judiciaire. Il résulte également de ces documents que ces fissures sont d'ordre structurel. Toutefois, d'une part, l'analyse technique constate que le bâtiment " ne menace pas de s'effondrer malgré toutes les fissures structurelles en place, on peut donc poursuivre son utilisation ". D'autre part, l'expertise judiciaire constate, en réponse à un dire du représentant de la société Egis, que " les désordres n'évoluent effectivement plus et la structure semble s'être stabilisée. () Les travaux préconisés sont des travaux de réparation des désordres et non pas de consolidation de la structure réalisée. " Par ailleurs, il n'est fait état d'aucun dommage causé par ces fissures dans les salles d'archives localisées dans les anciens réservoirs. Par conséquent, et nonobstant les conclusions de l'expert qui indique sans que cela ne soit justifié par ses constatations que les fissures empêcheraient l'exploitation normale du bâtiment et le rendraient impropre à sa destination, il ne résulte pas de l'instruction que les fissurations des murs des anciens réservoirs seraient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Les conclusions tendant à l'indemnisation du désordre sur le fondement de la responsabilité décennale doivent dès lors être rejetées.
S'agissant de la responsabilité contractuelle :
13. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 10, les fissures sont apparues postérieurement à la réception des travaux, qui a été prononcée sans réserve. Elles n'étaient donc pas visibles au jour de la réception. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la maîtrise d'œuvre aurait eu connaissance en cours du chantier des vices affectant la structure du bâtiment. Par conséquent, les conclusions subsidiaires de la requérante tendant à l'indemnisation du désordre sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre pour manquement à son obligation de conseil lors de la réception des travaux doivent également être rejetées.
En ce qui concerne le désordre relatif aux infiltrations :
15. La ville de Metz demande l'indemnisation du désordre relatif à des infiltrations au niveau de la verrière et des murs intérieurs des locaux situés sous celle-ci, sur le fondement de la responsabilité décennale.
16. Il résulte de l'instruction que de nombreuses traces d'infiltrations sont apparues dans la partie du bâtiment recouverte d'une verrière, sur le mur attenant aux anciens réservoirs, et ont été identifiées par l'expert comme provenant d'une part d'un défaut d'étanchéité au niveau de la jonction entre la verrière et le mur et d'autre part de l'insuffisante étanchéité de l'enduit extérieur du mur attenant à la verrière. Les infiltrations sont apparues postérieurement à la réception sans réserve des travaux le 15 juillet 2002. Ces infiltrations ainsi que les défauts d'étanchéité qui en sont à l'origine n'étaient pas apparents au jour de la réception. Le désordre a été constaté au plus tard le 19 janvier 2012, date du constat d'huissier réalisé à la demande de la ville de Metz, moins de dix ans après la réception des travaux. Par conséquent, la demande d'indemnisation des préjudices résultant des infiltrations au niveau de la verrière doit être examinée sur le fondement de la garantie décennale.
17. La ville de Metz soutient que les défauts d'étanchéité et les infiltrations qui en résultent sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Les sociétés mises en cause soutiennent que les infiltrations seraient limitées dès lors qu'elles ne concernent qu'un seul mur et qu'elles consistent en de simples traces d'humidité. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 19 janvier 2012 et des constatations de l'expert judiciaire, que si les infiltrations ne concernent que le mur situé sous la verrière du côté des anciens réservoirs, elles sont présentes tout le long de ce mur, sur des hauteurs variables. Par leur étendue et leur ampleur, nonobstant la circonstance que les locaux aient continué à être utilisés, ces infiltrations affectant les bureaux et salles de travail des archives municipales rendent l'ouvrage impropre à sa destination, de sorte que la ville de Metz est fondée à demander une indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.
En ce qui concerne l'imputabilité :
18. Il résulte de ce qui précède qu'est seule susceptible d'être recherchée la responsabilité des constructeurs pour les désordres relatifs aux infiltrations.
19. En premier lieu, M. C, la société Denu et Paradon et la société Oth Est, aux droits de laquelle vient la société Egis, sont tous trois membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre et à ce titre indistinctement tenus à la réparation des dommages imputables à la maîtrise d'œuvre. La conception du bâtiment et notamment de sa verrière, ainsi que le suivi de l'exécution des travaux, relevant des missions dévolues à la maîtrise d'œuvre, le désordre relatif au défaut d'étanchéité de la verrière est imputable à M. C, à la société Denu et Paradon et à la société Egis.
20. En deuxième lieu, la société Sofib était en charge de la pose de la verrière et, à ce titre, le défaut d'étanchéité de cette dernière lui est imputable.
21. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. " Aux termes de l'article L. 111-24 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20. "
22. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par un contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée. La mission A et LE " solidité des ouvrages ", prévue dans l'acte d'engagement de la société Bureau Veritas, comprenait notamment la prévention des risques relatifs à l'étanchéité du clos et du couvert, de sorte que le contrôle de l'étanchéité de la verrière eu égard à sa structure lui incombait. Dès lors, le désordre en cause doit être regardé comme imputable à la société Bureau Veritas alors même que sa qualification de désordre décennal résulte en l'espèce seulement de ce qu'il rend l'ouvrage impropre à sa destination.
23. D'autre part, les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation citées par la société Bureau Veritas comme faisant obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une condamnation in solidum ne sont pas opposables au maître de l'ouvrage. Par conséquent, la société Bureau Veritas ne saurait utilement se prévaloir de telles dispositions pour faire échec au prononcé à son encontre d'une condamnation in solidum.
24. En quatrième lieu, si la société Soprema était en charge de l'étanchéité de l'ouvrage, il résulte de l'instruction, notamment du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot Menuiserie aluminium - vitrerie - verrière attribué à la société Sofib, que cette dernière était seule en charge de l'étanchéité de la verrière. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Soprema serait, de fait, intervenue dans les travaux d'étanchéité de cette dernière. Dès lors, le désordre relatif à la verrière ne peut pas lui être imputé.
25. En cinquième lieu, la société Olivo est titulaire du lot " gros-œuvre ". Le désordre relatif à la verrière, sans lien avec les travaux qu'elle a réalisés, ne peut dès lors lui être imputé.
26. En dernier lieu, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le défaut d'étanchéité de la verrière est dû non seulement à un défaut de conception de la structure de la verrière, mais également à la détérioration de l'enduit de la façade extérieure attenante à la verrière, dont l'entretien incombait au maître de l'ouvrage. Les dommages dont la réparation est demandée sont dès lors imputables en partie au défaut d'entretien par le maître de l'ouvrage, qui n'est intervenu à aucun moment entre 2002 et 2020 pour entretenir l'étanchéité de la façade extérieure, ce malgré les infiltrations qui avaient été constatées au plus tard en 2012 lors de la réalisation du constat d'huissier. Les sociétés défenderesses sont ainsi fondées à invoquer la faute de la requérante, dont il doit être considéré qu'elle a participé à hauteur de 30 % à la survenance des dommages dont elle demande réparation.
27. Il résulte de ce qui précède que M. C et les sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas doivent être condamnées in solidum à indemniser la ville de Metz à hauteur de 70 % des préjudices résultant des infiltrations au niveau de la verrière.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant du montant des travaux de reprise du désordre :
28. En l'absence même d'une proposition de chiffrage des travaux de reprise nécessaires, par l'expert ou par un maître d'œuvre désigné en application des préconisations de l'expert, les bons de commande et factures produits à l'appui du premier mémoire en réplique de la ville de Metz mettent le tribunal en mesure de procéder à une évaluation des dommages causés par les infiltrations au niveau de la verrière.
29. En premier lieu, la ville de Metz demande à être indemnisée à hauteur de 1 203,40 euros hors taxes au titre de la reprise du gros-œuvre, comprenant la reprise de l'enduit au-dessus de la verrière et les installations de chantier. Ces travaux, dont le montant est établi par une facture, sont directement en lien avec le désordre litigieux et ils ont pour objet d'y mettre fin, par conséquent ils doivent être pris en compte dans le calcul du préjudice.
30. En deuxième lieu, la ville de Metz demande à être indemnisée à hauteur de 40 789,57 euros hors taxes au titre de la reprise des façades, incluant la réalisation d'enduits extérieurs et intérieurs. La reprise des façades intérieures, affectées par les infiltrations, présente un lien direct avec les infiltrations litigieuses. En revanche, si l'usure de l'enduit des façades extérieures a contribué à la survenance des dommages dont l'indemnisation est demandée, il résulte d'une part de l'instruction que celle-ci relève uniquement du défaut d'entretien de l'ouvrage par la commune, et d'autre part que cette usure des façades extérieures n'a pas en elle-même été causée par le défaut de conception de la verrière, seul imputable aux constructeurs. Par conséquent, le calcul du préjudice ne peut prendre en compte que les montants suivants, établis par une facture : 15 554 euros hors taxes au titre de la réfection de l'enduit intérieur, représentant 67,5 % du montant total de la réfection des enduits extérieur et intérieur, 4 444 euros hors taxes au titre de la protection des murs et des sols, et 8 979,56 euros hors taxes au titre des installations de chantier et de divers postes de dépense soit 67,5 % du montant total de ces deux postes qui concernent également la réfection de l'enduit extérieur.
31. En troisième lieu, la ville de Metz demande à être indemnisée à hauteur de 22 257,33 euros hors taxes au titre de la reprise de l'étanchéité de la façade affectée par les infiltrations. Ces travaux, dont le montant est établi par une facture et dont la nature est précisée par le cahier des clauses techniques particulières produit par la ville de Metz, sont en lien direct avec le désordre litigieux et doivent par conséquent être pris en compte dans le calcul du préjudice.
32. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que des dépenses d'un montant de 1 400 euros hors taxes ont dû être réalisées pour une intervention sur le réseau électrique dans le cadre des travaux mentionnés aux points 29 à 31 et doivent ainsi être prises en compte au titre du préjudice indemnisable.
33. En dernier lieu, le choix de la ville de Metz de recourir à une assistance à maîtrise d'ouvrage plutôt qu'à la maîtrise d'œuvre préconisée par l'expert ne saurait priver la requérante de toute indemnisation, la rémunération de l'assistance à maîtrise d'ouvrage ayant un lien direct avec le désordre litigieux. Le montant des travaux pris en compte pour le calcul du préjudice représentant 36,7 % du montant total des travaux pour lesquels l'assistance à maîtrise d'ouvrage a été requise, doit être pris en compte pour le calcul du préjudice un montant correspondant à 36,7% du coût de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, soit 3 618,62 euros hors taxes.
34. Au total, la ville de Metz établit avoir subi un préjudice d'un montant total de 57 456,91 euros hors taxes. Sa part de responsabilité, évaluée au point 26 à 30 % des dommages, doit être retranchée de ce montant, de sorte que la ville de Metz est fondée à demander la condamnation in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas à lui verser un montant de 40 219,84 euros hors taxes.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :
35. La société Denu et Paradon soutient qu'il appartient à la ville de Metz, pour obtenir une indemnisation toutes taxes comprises, d'établir qu'elle ne peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée.
36. Aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. " Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs.
37. Le service des archives municipales relève des services administratifs et culturels de la commune. Par conséquent, et dès lors qu'il n'est pas démontré que la taxe sur la valeur ajoutée serait en l'espèce déductible, les dispositions précitées de l'article 256 B du code général des impôts suffisent à considérer que la ville de Metz ne peut pas déduire cette taxe, sans qu'il soit nécessaire pour cette dernière d'en apporter la preuve. C'est dès lors à bon droit que la ville de Metz demande à ce que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée soit inclus dans le montant du préjudice indemnisable.
38. A la date du dépôt du rapport d'expertise comme de son additif, le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable était de 20 %. Ce taux doit dès lors être appliqué au montant du préjudice hors taxes déterminé au point 34. L'indemnisation de la ville de Metz doit par conséquent être augmentée de la somme de 8 043,97 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne les frais d'expertise :
39. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. "
40. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au fait qu'il n'est fait droit aux demandes de la ville de Metz que s'agissant des désordres relatifs aux infiltrations et non de ceux relatifs à la fissuration des murs, il y a lieu de mettre à la charge in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas 50 % du montant des frais et honoraires d'expertise, soit la somme de 1 852,13 euros toutes taxes comprises, et de laisser la même somme à la charge de la ville de Metz.
En ce qui concerne les intérêts :
41. Les sociétés défenderesses soutiennent que les travaux de reprise fondant la demande de réparation sont postérieurs à la date à partir de laquelle la ville de Metz demande à faire courir les intérêts, de sorte que cette demande ne serait pas fondée.
42. Toutefois, le préjudice dont il est demandé réparation n'est pas constitué par la réalisation même des travaux de reprise mais par les dommages ayant rendu ces travaux nécessaires, les factures n'ayant que pour objet d'établir le montant du préjudice résultant de ces dommages. Par conséquent, la ville de Metz a droit aux intérêts de retard au taux légal sur les sommes mentionnées aux points 34, 38 et 40 à compter du 6 juillet 2020, date d'enregistrement de sa requête.
43. L'article 1343-2 du code civil dispose que " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. " La capitalisation des intérêts a été demandée le 6 juillet 2020. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 6 juillet 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
44. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge, in solidum, de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas le versement à la ville de Metz de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et il y a lieu de rejeter les conclusions de la ville de Metz présentées sur ce fondement en tant qu'elles sont dirigées contre les sociétés Olivo et Soprema, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes.
45. Il y a également lieu de mettre à la charge de la ville de Metz le versement à la société Olivo de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
46. En revanche, la ville de Metz n'ayant pas formulé de demande à l'encontre de la société ESFFO, cette dernière n'est pas fondée à demander à ce que des sommes soient mises à sa charge sur ce même fondement.
47. Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des sociétés Denu et Paradon, Egis et Bureau Veritas tendant à ce que des sommes soient mises à la charge de la ville de Metz, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les appels en garantie dirigés contre les sociétés Olivo, ESFFO et Soprema :
48. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 9 à 12 que la société Olivo, titulaire du lot " gros-œuvre ", et sa sous-traitante la société bureau d'étude ESFFO sont étrangères au désordre relatif aux infiltrations au niveau de la verrière, seul retenu au titre de la garantie décennale des constructeurs. Par conséquent, la société Bureau Veritas n'est pas fondée à soutenir que les sociétés Olivo et ESFFO auraient commis une faute de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle, et son appel en garantie à leur encontre doit dès lors être rejeté.
49. Il résulte également de ce qui a été exposé au point 24 que le désordre relatif à la verrière n'est pas imputable à la société Soprema, qui n'a par conséquent pas engagé sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis des autres constructeurs, de sorte que les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Bureau Veritas et Denu et Paradon doivent être rejetés.
50. Restent ainsi en litige les appels en garantie formés, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, par la société Bureau Veritas contre M. C et les sociétés Egis, Denu et Paradon et Sofib, par la société Denu et Paradon contre la société Egis ou à défaut contre M. C et les sociétés Sofib et Bureau Veritas, et par la société Sofib contre M. C et les sociétés Egis, Denu et Paradon et Bureau Veritas.
En ce qui concerne les autres appels en garantie :
S'agissant de la recevabilité :
51. En premier lieu, la société Egis soutient que l'appel en garantie de la société Sofib à son encontre et à l'encontre de M. C et de la société Denu et Paradon ne serait pas recevable faute d'invoquer spécifiquement la responsabilité quasi-délictuelle de chacun des membres du groupement de maîtrise d'œuvre, dont la solidarité n'est pas invocable par des tiers au contrat. Toutefois, il résulte des termes mêmes des mémoires en défense produits pour la société Sofib que celle-ci a bien désigné chacun des membres du groupement de maîtrise d'œuvre aux fins d'appel en garantie, sur le fondement d'une faute commune dont il appartient au tribunal de déterminer si elle a été commise par l'ensemble des membres du groupement de maîtrise d'œuvre ou seulement certains d'entre eux. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée par la société Egis à l'appel en garantie de la société Sofib doit être écartée.
52. En second lieu, la société Egis soutient que l'appel en garantie de la société Denu et Paradon à son encontre est irrecevable en ce qu'il est fondé sur la responsabilité quasi-délictuelle alors que les deux sociétés ont des liens de nature contractuelle. Il résulte de l'instruction que les sociétés Egis et Denu et Paradon étaient liées par le marché de maîtrise d'œuvre conclu avec la ville de Metz et par une convention de cotraitance conclue entre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre. Par conséquent, la société Denu et Paradon avait avec la société Egis un lien de nature contractuelle et ne pouvait rechercher sa responsabilité, dans le cadre de son appel en garantie, que sur un fondement contractuel. L'appel en garantie de la société Denu et Paradon contre la société Egis est ce faisant irrecevable.
S'agissant de la prescription :
53. Le délai de prescription de cinq ans à compter de la manifestation du dommage prévu par l'article 2224 du code civil pour les actions en responsabilité civile extracontractuelle s'applique aux actions en garantie exercées par un constructeur contre un autre. Le délai de prescription ne pouvant courir avant que la responsabilité de l'intéressé ait été recherchée par le maître d'ouvrage, la manifestation du dommage au sens de ces dispositions correspond à la date à laquelle le constructeur a reçu communication de la demande présentée par le maître d'ouvrage devant le tribunal administratif. Ni une demande en référé-expertise introduite par le maître d'ouvrage sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, ni le dépôt du rapport d'expertise, ne peuvent être regardés comme constituant, à eux seuls, une recherche de responsabilité des constructeurs par le maître d'ouvrage. La requête de la ville de Metz a été enregistrée au greffe du tribunal le 6 juillet 2020, de sorte les actions en garantie des sociétés Bureau Veritas et Denu et Paradon à l'encontre de la société Sofib, formées respectivement le 10 février 2021 et le 25 mars 2022, ne sont pas prescrites.
S'agissant du bien-fondé des appels en garantie dirigés contre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre :
54. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que le désordre relatif aux infiltrations de la verrière a été causé par deux faits générateurs, à savoir la détérioration de l'enduit extérieur sur le mur attenant à la verrière du côté de l'ancien réservoir d'eau, imputable exclusivement au défaut d'entretien par la ville de Metz, et un défaut de conception de la structure de la verrière et plus spécialement de ses modes de fixation. Si la société Egis soutient que le défaut d'étanchéité au niveau de la verrière résulte non pas d'un défaut de conception mais de la décision de l'architecte des bâtiments de France de ne pas poser de couvertines en zinc, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à les établir.
55. La convention de cotraitance conclue entre M. C et les sociétés Oth Est et Denu et Paradon stipule que constituent des lots techniques relevant exclusivement de la mission du bureau d'étude technique les missions de maîtrise d'œuvre relatives à la structure de l'ouvrage, à la maçonnerie lourde, à la charpente et à la couverture ainsi qu'à l'étanchéité. La société Oth Est avait ainsi seule en charge au sein du groupement de maîtrise d'œuvre la conception du projet et la direction du chantier, incluant le visa des études d'exécution, s'agissant des lots techniques. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre ne seraient pas intervenues conformément à ces stipulations, la société Egis venant aux droits de la société Oth Est doit seule être considérée, parmi les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis des sociétés Bureau Veritas et Sofib. Le caractère solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre n'étant pas opposable aux tiers au marché public de maîtrise d'œuvre, les sociétés Bureau Veritas et Sofib ne sont fondées à appeler en garantie que la société Egis, leurs appels en garantie devant être rejetés en tant qu'ils sont dirigés contre M. C et contre la société Denu et Paradon.
S'agissant du bien-fondé des appels en garantie dirigés contre la société Sofib :
56. Il résulte du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot " menuiserie aluminium - vitrerie - verrière " que la société Sofib était, d'une part, en charge de la réalisation des études d'exécution afférentes notamment à la structure de la verrière et aux accessoires d'étanchéité et devait procéder à l'étude approfondie du projet du maître d'œuvre afin de lui faire part de toutes objections ou observations, et qu'elle devait, d'autre part, assurer l'étanchéité des éléments qu'elle posait, de sorte qu'en n'assurant pas l'étanchéité de la verrière, elle a manqué à ses obligations. Dès lors, les sociétés Bureau Veritas et Denu et Paradon sont fondées à soutenir que, eu égard à sa mission, la société Sofib a commis une faute de nature à engager, à leur égard, sa responsabilité quasi délictuelle.
S'agissant du bien-fondé des appels en garantie dirigés contre la société Bureau Veritas :
57. Eu égard à la nature du défaut de conception affectant la structure de la verrière, la société Bureau Veritas, titulaire du marché de contrôle technique, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi délictuelle en ne relevant pas ce défaut. Par conséquent, les sociétés Denu et Paradon et Sofib sont fondées en leurs actions en garantie à son encontre.
58. En considération des motifs exposés aux points 54 à 57, la charge finale des sommes à verser à la ville de Metz, mises à la charge in solidum de M. C et des sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas, doit être attribuée à hauteur de 45 % à la société Egis, à hauteur de 50 % à la société Sofib et à hauteur de 5 % à la société Bureau Veritas.
59. Il résulte de tout ce qui précède que la société Egis doit garantir les sociétés Bureau Veritas et Sofib à hauteur de 45 % des sommes mises à leur charge dans le cadre de la demande principale. La société Sofib doit garantir les sociétés Bureau Veritas et Denu et Paradon à hauteur de 50 % des sommes mises à leur charge dans le cadre de la demande principale. La société Bureau Veritas doit garantir les sociétés Sofib et Denu et Paradon à hauteur de 5 % des sommes mises à leur charge dans le cadre de la demande principale.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
60. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des parties les sommes que les sociétés Bureau Veritas, Egis et Sofib demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
61. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Bureau Veritas, qui a seule appelé dans la cause la société ESFFO, la somme de 1 500 euros à verser à cette dernière.
D E C I D E :
Article 1er : M. C et les sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas sont condamnés, in solidum, à verser à la ville de Metz la somme de 48 263,81 euros (quarante-huit-mille-deux-cent-soixante-trois euros et quatre-vingt-un centimes) toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2020. Les intérêts échus à la date du 6 juillet 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : M. C et les sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas verseront, in solidum, à la ville de Metz la somme de 1 852,13 euros (mille-huit-cent-cinquante-deux euros et treize centimes) toutes taxes comprises au titre des dépens de l'instance.
Article 3 : M. C et les sociétés Denu et Paradon, Egis, Sofib et Bureau Veritas verseront, in solidum, à la ville de Metz une somme de 4 000 (quatre-mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La ville de Metz versera à la société Olivo une somme de 3 000 (trois-mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : La société Egis est condamnée à garantir les sociétés Bureau Veritas et Sofib à hauteur de 45 % des sommes mises à leur charge aux articles 1, 2 et 3.
Article 7 : La société Sofib est condamnée à garantir les sociétés Bureau Veritas et Denu et Paradon à hauteur de 50 % des sommes mises à leur charge aux articles 1, 2 et 3.
Article 8 : La société Bureau Veritas est condamnée à garantir les sociétés Sofib et Denu et Paradon à hauteur de 5 % des sommes mises à leur charge aux articles 1, 2 et 3.
Article 9 : La société Bureau Veritas versera à la société bureau d'études ESFFO une somme de 1 500 (mille-cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 11 : Le présent jugement sera notifié à la ville de Metz, à M. B C, à la SCPA Denu et Paradon, à la société Egis Bâtiments Nord Est, à la société Olivo, à la société Bureau Veritas construction venant aux droits de la société Bureau Veritas, à la société bureau d'études ESFFO, à la société Soprema et à la société Sofib.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rees, président,
Mme Merri, première conseillère,
Mme Dobry, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
La rapporteure,
S. A
Le président,
P. REES La greffière,
V. IMMELÉ
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.