TA Toulouse, 28/12/2022, n°2207047
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022, la société PROXIDELICE, représentée par Me Egea, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) avant dire droit, d'enjoindre à la commune de Toulouse de différer la signature du contrat ;
2°) d'ordonner à la commune de suspendre la passation du contrat et de produire à l'audience tout éléments permettant d'en savoir plus quant aux conditions de préparation et de déroulement de la dégustation, ainsi que le procès-verbal de la commission d'appel d'offres et le rapport d'analyse des offres ;
3°) d'annuler la procédure de passation organisée par la commune de Toulouse en vue de l'attribution du lot n°13 "Produits alternatifs à la viande biologiques" ainsi que toutes décisions consécutives aux irrégularités qui entachent cette procédure ;
4°) d'ordonner à cette collectivité de lancer une nouvelle procédure d'attribution concernant le lot litigieux ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société PROXIDELICE s'est portée candidate à l'attribution du lot n°13 "produits alternatifs à la viande biologiques" dans le cadre de la consultation lancée par la commune de Toulouse et justifie d'un intérêt à agir au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; le contrat litigieux n'a pas encore été signé par le pouvoir adjudicateur ;
- les modalités de mise en œuvre des sous-critères portant sur le goût et l'aspect, respectivement pondérés à 15 et 10% n'ont pas été communiquées aux candidats dans le règlement de la consultation, ce qui contrevient aux principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; il était impossible pour les candidats de connaître les attentes de l'acheteur et les caractéristiques qui seraient analysées au cours de la dégustation dans le cadre de ces sous-critères ; si la valorisation de ces éléments avait été connue, cela aurait impacté la construction des offres ; la pondération de ces éléments représente un quart de la note globale laissée à l'appréciation de l'acheteur, ce qui lui laissait une marge de manœuvre importante ; l'analyse du goût et de l'aspect des échantillons n'est pas détaillée par le pouvoir adjudicateur ; il apparaît nécessaire que la commune de Toulouse communique les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour attribuer les notes au titre du critère Qualité ;
- il est permis de s'interroger sur le déroulement des dégustations et plus particulièrement vis-à-vis de l'anonymat, de la compétence des personnes y ayant participé et des conditions de préparation des échantillons ; les documents de la consultation ne mentionnaient aucune information quant au déroulement des dégustations ; les échantillons ont été cuisinés par la commune de Toulouse elle-même sans demande de consignes de préparation des produits ; ce procédé a laissé une marge de manœuvre trop importante au pouvoir adjudicateur dans l'attribution des notes sur ces critères techniques et a débouché sur une analyse biaisée et partiale, ce qui contrevient à l'article L. 2152-8 du code de la commande publique ainsi qu'au principe d'égalité de traitement des candidats ; une mauvaise préparation volontaire de l'échantillon par le pouvoir adjudicateur pouvait conduire à attribuer une note faible à un candidat et ainsi à l'évincer du marché ;
- l'acheteur a dénaturé l'offre de la société requérante dans l'appréciation du critère "Qualité de service" en retenant que celle-ci comportait des contraintes de livraison du fait du recours à un transporteur externe ; en faisant appel à des prestataires extérieurs, la société PROXIDELICE s'assure de la qualité de service d'un professionnel du secteur avec la prise en charge en temps réels des aléas telles que la panne mécanique et l'absence de livreurs ;
- les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ne lui ont pas été communiqués par le pouvoir adjudicateur, en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence prévues notamment par les articles L. 2152-7 et suivants du code de la commande publique ;
- la commune de Toulouse n'a pas respecté dans le cadre de la procédure de passation litigieuse ses engagements visant à faciliter l'accès à la commande publique pour les petites et moyennes entreprises ; cette dernière aurait dû limiter le nombre de lots à attribuer par candidat ;
- la société PROXIDELICE entend finalement maintenir sa requête malgré la décision du 13 décembre 2022 par laquelle la commune de Toulouse l'a informée de son intention de procéder à une nouvelle analyse des offres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, la commune de Toulouse conclut au non-lieu à statuer sur la requête présentée par la société PROXIDELICE au motif que la commission d'appel d'offres va procéder à un nouvel examen des offres.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 décembre 2022, la société PROXIDELICE, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'ordonner à la commune de Toulouse de produire à l'audience le rapport d'analyse des offres concernant le lot litigieux ;
2°) d'ordonner à cette même collectivité de procéder à une nouvelle analyse des offres ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 27 décembre 2022 à 14 h 30, en présence de Mme Tur, greffière d'audience, ont été entendus :
- le rapport de M. Farges, juge des référés,
- les observations de Me Egea, pour la société PROXIDELICE, qui a repris les énonciations de son mémoire en réplique et a précisé que sa cliente renonçait à sa demande initiale tendant à l'annulation de la procédure de passation litigieuse,
- et les observations de Mme B, représentant la commune de Toulouse.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique ()". Aux termes du I de l'article L. 551-2 de ce code : "Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations".
2. Par un avis d'appel public à concurrence publié le 27 août 2022, la commune de Toulouse a engagé, sous la forme d'un appel d'offre ouvert, une procédure de passation d'un accord cadre à bons de commande ayant pour objet la fourniture de denrées alimentaires. La société PROXIDELICE s'est portée candidate à l'attribution du lot n°13 "Produits alternatifs à la viande biologiques". Par une lettre du 30 novembre 2022, l'intéressée a été informée du rejet de son offre et de ce que le marché allait être attribué à la société Sysco France Agence Dieppe. Dans la présente instance, la société PROXIDELICE demandait initialement l'annulation de la procédure d'attribution du lot n°13 auquel elle a soumissionné, mais cette dernière, tel qu'elle a pu le confirmer lors de l'audience publique, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre au pouvoir adjudicateur de procéder à une nouvelle analyse des offres.
3. Il résulte de l'instruction que la commune de Toulouse s'est aperçue que l'un des produits proposés par le candidat retenu n'était plus fabriqué dès lors que son fournisseur avait cessé son activité, et que celle-ci est, en conséquence, revenue sur sa décision d'attribution, en informant les candidats, par une lettre du 13 décembre 2022, adressée également à la société PROXIDELICE, de ce qu'elle allait reprendre la procédure de passation litigeuse en procédant à un nouvel examen des offres. Il apparaît que le processus de réexamen des offres a déjà été engagé matériellement puisque le pouvoir adjudicateur, comme l'a indiqué la commune, tant dans ses écritures, qu'à la barre, et sans que cela soit contesté par la société requérante, a de nouveau saisi la commission d'appel d'offres afin que celle-ci se prononce une nouvelle fois sur les offres des soumissionnaires lors sa prochaine séance prévue le 9 janvier 2023. Par suite, le litige a perdu son objet en cours d'instance et il n'y a ainsi plus lieu d'y statuer.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société PROXIDELICE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société PROXIDELICE aux fins d'injonction et tendant au réexamen des offres concernant le lot n°13.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PROXIDELICE, à la commune de Toulouse et à la société Sysco France Agence Dieppe.
Fait à Toulouse, le 28 décembre 2022.
Le juge des référés,
R. A
La greffière
P. TUR
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
la greffière en chef,
ou par délégation la greffière.