TA Nice, 04/11/2022, n°2204878
Vu les procédures suivantes :
I°) Par une requête n° 2204878, enregistrée le 10 octobre 2022 et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2022, la société par actions simplifiée Insolit Créations, représentée par Me Governatori, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle la commune de Nice lui a notifié l'exclusion de sa candidature de la procédure adaptée d'appel d'offre concernant le lot n° 1 "Module 2023 du carnaval étranger d'honneur invité"RIO"" ;
2°) d'annuler l'intégralité de la procédure de passation du marché ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nice de reprendre la procédure du marché public ab initio ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Insolit Créations soutient que :
- les décisions de la commune de Nice de pénalités et de résiliation pour faute des marchés publics en date du 28 février 2022 sont à l'origine de son exclusion de la procédure adaptée d'appel d'offres pour le lot en cause sont arbitraires et irrégulières; cette exclusion fondée sur des décisions irrégulières constitue donc une atteinte illégale aux règles d'égal accès à la commande publique ;
- la commune de Nice a commis une faute en n'utilisant pas ses pouvoirs de police pour préserver la sécurité des personnes et des biens au sein de la maison du Carnaval lors de l'édition du carnaval 2022 ;
- le pouvoir adjudicateur a failli à son obligation d'assurer une absence de trouble dans la jouissance et l'occupation des locaux de préparation lors de l'édition du carnaval 2022 ; l'espace disponible pour la réalisation des chars du carnaval 2022 dont elle disposait était nettement insuffisant ; les locaux n'ont été mis à sa disposition qu'au mois d'octobre 2021 avec près de trois mois de retard ;
- la commune de Nice n'a pas répondu à sa demande indemnitaire dans le délai de deux mois qui lui était imparti.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, la ville de Nice conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Nice soutient que :
- L'exclusion de la société requérante de la procédure de passation est régulièrement fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique dès lors que plusieurs marchés dont la société requérante était titulaire dans le cadre du carnaval 2022 ont fait l'objet d'une résiliation ; l'absence de réalisation des chars et décors, qui a motivé ces résiliations, constitue un manquement grave à l'obligation principale du marché mettant en cause la fiabilité de la société Insolit Créations ;
- Les observations présentées par la société requérante lors de la procédure contradictoire préalable à la décision d'exclusion de la procédure de passation n'ont pas permis de lever les doutes quant à ses capacités de réaliser les prestations ;
II°) Par une requête n°2204879, enregistrée le 10 octobre 2022 et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2022, la société par actions simplifiée Insolit Créations, représentée par Me Governatori, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle la commune de Nice lui a notifié l'exclusion de sa candidature de la procédure adaptée d'appel d'offre concernant le lot n° 2 "Char du mécène 2023 Nana N'Ere" conception/fabrication des chars du carnaval de Nice 2023 ;
2°) d'annuler l'intégralité de la procédure de passation du marché ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nice de reprendre la procédure du marché public ab initio ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Insolit Créations soutient que :
- les décisions de la commune de Nice de pénalités et de résiliation pour faute des marchés publics en date du 28 février 2022 sont à l'origine de son exclusion de la procédure adaptée d'appel d'offres pour le lot en cause sont arbitraires et irrégulières ; cette exclusion fondée sur des décisions irrégulières constitue donc une atteinte illégale aux règles d'égal accès à la commande publique ;
- la commune de Nice a commis une faute en n'utilisant pas ses pouvoirs de police pour préserver la sécurité des personnes et des biens au sein de la maison du Carnaval lors de l'édition du carnaval 2022 ;
- le pouvoir adjudicateur a failli à son obligation d'assurer une absence de trouble dans la jouissance et l'occupation des locaux de préparation lors de l'édition du carnaval 2022 ; l'espace disponible pour la réalisation des chars du carnaval 2022 dont elle disposait était nettement insuffisant ; les locaux n'ont été mis à sa disposition qu'au mois d'octobre 2021 avec près de trois mois de retard ;
- la commune de Nice n'a pas répondu à sa demande indemnitaire dans le délai de deux mois qui lui était imparti.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, la ville de Nice conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Nice soutient que :
- L'exclusion de la société requérante de la procédure de passation est régulièrement fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique dès lors que plusieurs marchés dont la société requérante était titulaire dans le cadre du carnaval 2022 ont fait l'objet d'une résiliation ; l'absence de réalisation des chars et décors, qui a motivé ces résiliations, constitue un manquement grave à l'obligation principale du marché mettant en cause la fiabilité de la société Insolit Créations ;
- Les observations présentées par la société requérante lors de la procédure contradictoire préalable à la décision d'exclusion de la procédure de passation n'ont pas permis de lever les doutes quant à ses capacités de réaliser les prestations ;
III°) Par une requête n°2204880, enregistrée le 10 octobre 2022 et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2022, la société par actions simplifiée Insolit Créations, représentée par Me Governatori, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle la commune de Nice lui a notifié l'exclusion de sa candidature de la procédure adaptée d'appel d'offre concernant le lot n° 3 du marché de création et de réalisation des chars du carnaval de Nice 2023 et éléments d'animation " Char du Carnavalon " ;
2°) d'annuler l'intégralité de la procédure de passation du marché ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nice de reprendre la procédure du marché public ab initio ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Insolit Créations soutient que :
- les décisions de la commune de Nice de pénalités et de résiliation pour faute des marchés publics en date du 28 février 2022 sont à l'origine de son exclusion de la procédure adaptée d'appel d'offres pour le lot en cause sont arbitraires et irrégulières ; cette exclusion fondée sur des décisions irrégulières constitue donc une atteinte illégale aux règles d'égal accès à la commande publique ;
- la commune de Nice a commis une faute en n'utilisant pas ses pouvoirs de police pour préserver la sécurité des personnes et des biens au sein de la maison du Carnaval lors de l'édition du carnaval 2022 ;
- le pouvoir adjudicateur a failli à son obligation d'assurer une absence de trouble dans la jouissance et l'occupation des locaux de préparation lors de l'édition du carnaval 2022 ; l'espace disponible pour la réalisation des chars du carnaval 2022 dont elle disposait était nettement insuffisant ; les locaux n'ont été mis à sa disposition qu'au mois d'octobre 2021 avec près de trois mois de retard ;
- la commune de Nice n'a pas répondu à sa demande indemnitaire dans le délai de deux mois qui lui était imparti.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, la ville de Nice conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Nice soutient que :
- L'exclusion de la société requérante de la procédure de passation est régulièrement fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique dès lors que plusieurs marchés dont la société requérante était titulaire dans le cadre du carnaval 2022 ont fait l'objet d'une résiliation ; l'absence de réalisation des chars et décors, qui a motivé ces résiliations, constitue un manquement grave à l'obligation principale du marché mettant en cause la fiabilité de la société Insolit Créations ;
- Les observations présentées par la société requérante lors de la procédure contradictoire préalable à la décision d'exclusion de la procédure de passation n'ont pas permis de lever les doutes quant à ses capacités de réaliser les prestations ;
IV°) Par une requête n°2204881, enregistrée le 10 octobre 2022 et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2022, la société par actions simplifiée Insolit Créations, représentée par Me Governatori, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle la commune de Nice lui a notifié l'exclusion de sa candidature de la procédure adaptée d'appel d'offre concernant le lot n° 5 "Module n°2 Identité Niçoise - Création et réalisation des chars du carnaval 2023 et éléments d'animation" ;
2°) d'annuler l'intégralité de la procédure de passation du marché ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nice de reprendre la procédure du marché public ab initio ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Insolit Créations soutient que :
- les décisions de la commune de Nice de pénalités et de résiliation pour faute des marchés publics en date du 28 février 2022 sont à l'origine de son exclusion de la procédure adaptée d'appel d'offres pour le lot en cause sont arbitraires et irrégulières ; cette exclusion fondée sur des décisions irrégulières constitue donc une atteinte illégale aux règles d'égal accès à la commande publique ;
- la commune de Nice a commis une faute en n'utilisant pas ses pouvoirs de police pour préserver la sécurité des personnes et des biens au sein de la maison du Carnaval lors de l'édition du carnaval 2022 ;
- le pouvoir adjudicateur a failli à son obligation d'assurer une absence de trouble dans la jouissance et l'occupation des locaux de préparation lors de l'édition du carnaval 2022 ; l'espace disponible pour la réalisation des chars du carnaval 2022 dont elle disposait était nettement insuffisant ; les locaux n'ont été mis à sa disposition qu'au mois d'octobre 2021 avec près de trois mois de retard ;
- la commune de Nice n'a pas répondu à sa demande indemnitaire dans le délai de deux mois qui lui était imparti.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, la ville de Nice conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Nice soutient que :
- L'exclusion de la société requérante de la procédure de passation est régulièrement fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique dès lors que plusieurs marchés dont la société requérante était titulaire dans le cadre du carnaval 2022 ont fait l'objet d'une résiliation ; l'absence de réalisation des chars et décors, qui a motivé ces résiliations, constitue un manquement grave à l'obligation principale du marché mettant en cause la fiabilité de la société Insolit Créations ;
- Les observations présentées par la société requérante lors de la procédure contradictoire préalable à la décision d'exclusion de la procédure de passation n'ont pas permis de lever les doutes quant à ses capacités de réaliser les prestations ;
V°) Par une requête n°2204883, enregistrée le 10 octobre 2022 et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2022, la société par actions simplifiée Insolit Créations, représentée par Me Governatori, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle la commune de Nice lui a notifié l'exclusion de sa candidature de la procédure adaptée d'appel d'offre concernant le lot n° 14 " Module n°11 thématique libre - création et réalisation des chars du carnaval de Nice et éléments d'animation " ;
2°) d'annuler l'intégralité de la procédure de passation du marché ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nice de reprendre la procédure du marché public ab initio ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Insolit Créations soutient que :
- les décisions de la commune de Nice de pénalités et de résiliation pour faute des marchés publics en date du 28 février 2022 sont à l'origine de son exclusion de la procédure adaptée d'appel d'offres pour le lot en cause sont arbitraires et irrégulières ; cette exclusion fondée sur des décisions irrégulières constitue donc une atteinte illégale aux règles d'égal accès à la commande publique ;
- la commune de Nice a commis une faute en n'utilisant pas ses pouvoirs de police pour préserver la sécurité des personnes et des biens au sein de la maison du Carnaval lors de l'édition du carnaval 2022 ;
- le pouvoir adjudicateur a failli à son obligation d'assurer une absence de trouble dans la jouissance et l'occupation des locaux de préparation lors de l'édition du carnaval 2022 ; l'espace disponible pour la réalisation des chars du carnaval 2022 dont elle disposait était nettement insuffisant ; les locaux n'ont été mis à sa disposition qu'au mois d'octobre 2021 avec près de trois mois de retard ;
- la commune de Nice n'a pas répondu à sa demande indemnitaire dans le délai de deux mois qui lui était imparti.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, la ville de Nice conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Nice soutient que :
- L'exclusion de la société requérante de la procédure de passation est régulièrement fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique dès lors que plusieurs marchés dont la société requérante était titulaire dans le cadre du carnaval 2022 ont fait l'objet d'une résiliation ; l'absence de réalisation des chars et décors, qui a motivé ces résiliations, constitue un manquement grave à l'obligation principale du marché mettant en cause la fiabilité de la société Insolit Créations ;
- Les observations présentées par la société requérante lors de la procédure contradictoire préalable à la décision d'exclusion de la procédure de passation n'ont pas permis de lever les doutes quant à ses capacités de réaliser les prestations ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Soli, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 octobre 2022 :
- le rapport de M. Soli, juge des référés ;
- les observations de Me Governatori, pour la SAS Insolit Créations pour la commune de Nice ;
- les observations de Me Roudergues pour la commune de Nice,
- les observations de Mme A, M. A, M. B et M. C pour les sociétés France Festivités, Concept Evénementiel, Nice Festivités et Carnaval Story.
Après avoir prononcé la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience ;
Vu la note en délibéré produite par Me Sabattier, pour la commune de Nice, dans les cinq procédures susvisées, enregistrée le 31 octobre 2022, pour la commune de Nice ;
Vu la note en délibéré produite par Me Governatori, pour la société Insolit Créations, dans les cinq procédures susvisées, enregistrée le 1er novembre 2022 pour la SAS Insolit Créations.
Vu les deux notes en délibéré produites par Me Governatori, pour la société Insolit Créations, dans les cinq procédures susvisées, enregistrées le 3 novembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par cinq décisions du 3 octobre 2022, la commune de Nice a rejeté la candidature déposée par la SAS Insolit Créations aux fins de conception et fabrication des chars et modules pour l'édition 2023 du carnaval de Nice dans les lots n° 1 "Module 2023 du carnaval étranger d'honneur invité Rio", n° 2 "Char mécène 2023 Nana N'Ere", n° 3 "Char du Carnavalon", n° 5 "Module n°2 Identité Niçoise" et n°14 "Module n°11 thématique libre". Par les présentes requêtes, la SAS Insolit Créations demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative d'annuler ces décisions ainsi que l'ensemble de la procédure de passation des marchés litigieux.
Sur la jonction :
2. Les cinq requêtes susvisées présentant à juger des questions identiques, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule et même ordonnance.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux () avec une contrepartie économique constituée par un prix ()./ Le juge est saisi avant la conclusion du contrat". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : "Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat ()./ Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ". Aux termes de l'article L. 551-10 dudit code : "Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 () sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué ()".
4. Il appartient au juge administratif, saisi en application de ces dispositions de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration lors du déroulement de la procédure d'attribution d'un marché public. Dans le cadre de ce contrôle de pleine juridiction, le juge du référé précontractuel vérifie en particulier le bien-fondé des motifs de l'exclusion ou de l'admission d'une entreprise d'une telle procédure. Il lui appartient, en outre, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
5. Aux termes de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique : "L'acheteur peut exclure de la procédure de passation d'un marché les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l'objet d'une sanction comparable du fait d'un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l'exécution d'un contrat de la commande publique antérieur." Aux termes de l'article L. 2141-11 du même code : "L'acheteur qui envisage d'exclure un opérateur économique en application de la présente section doit le mettre à même de présenter ses observations afin d'établir dans un délai raisonnable et par tout moyen qu'il a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements précédemment énoncés et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement".
6. Ces dispositions permettent aux acheteurs d'exclure de la procédure de passation d'un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant été gravement défaillant dans l'exécution de ses obligations contractuelles, dans le cadre de d'un précédent contrat et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n'est pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats.
7. S'il incombe au juge des référés saisi sur le fondement de l'article L.551 du CJA de vérifier le bien-fondé des motifs de l'exclusion d'un candidat à une procédure d'appel d'offre, il relève uniquement de son office, lorsque l'exclusion est fondée sur l'article L.2141-7 du code de la commande publique, de vérifier, d'une part, la matérialité des résiliations ou des sanctions ainsi que des manquements qui les ont motivées et l'absence d'erreur manifeste d'appréciation quant à la gravité desdits manquements aux obligations contractuelles et, d'autre part, la mise en œuvre de la procédure contradictoire de l'article L.2141-11 précité. Il ne lui appartient pas, en dehors de ces éléments qui relèvent de l'évidence, de statuer sur la régularité des résiliations ou sanctions prononcées par le pouvoir adjudicateur, une telle question relevant de la compétence du juge du contrat.
8. Il ressort des pièces du dossier que la société était titulaire de
plusieurs marchés conclus pour la création et la fabrication de chars pour l'édition 2022 du Carnaval ; qu'elle avait été dans l'incapacité de terminer dans les délais contractuels la réalisation de certains chars qui lui avaient été confiés ; que ces chars n'ont pas pu participer aux défilés ; que cette défaillance a conduit la ville de Nice à lui appliquer des pénalités contractuelles et à procéder, le 28 février 2022, à la résiliation pour faute des marchés 20V1413-13, 20V1415-11, 20V1415-10, et 20V1413-09 concernant respectivement la conception et a réalisation des motifs et des décors des chars carnavalesques intitulés "l'Arche de B.B.", "les animaux en peluche", "Le Panier de crabes" et "Nous sommes tous Thunberg".
9. La réalité de ces résiliations et des manquements qui les ont motivées n'est pas contestée par la société requérante. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, que les décisions de résiliation du 28 février 2022 sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de leurs motifs, à savoir le non-respect des délais contractuels d'exécution et l'absence des chars en cause lors des défilés, qui constituent une défaillance de la société requérante dans la réalisation de l'objet même des marchés et donc un manquement grave à ses obligations contractuelles. Les autres moyens articulés par la société requérante à l'encontre des décisions de résiliation pour faute du 28 février 2022 et tenant notamment aux retards dans la mise à dispositions des espaces de réalisation des chars et aux fautes de la commune de Nice qui seraient de nature à exonérer la responsabilité de la société Insolit Création, ne peuvent être utilement soulevés dans le cadre d'un référé précontractuel conformément à ce qui a été exposé au paragraphe 7.
10. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier en date du 26 juillet 2022, la Ville de Nice a demandé, conformément aux dispositions de l'article L.2141-11 du code de la commande publique, à la société Insolit Créations de lui présenter, dans la perspective de son exclusion de la procédure de passation du fait de ses précédentes défaillances, ses observations ainsi que les éventuelles mesures mises en œuvre permettant de pallier le risque de nouvelles défaillances et de s'assurer de la bonne exécution des prestations pour le carnaval 2023. Il ressort également des pièces du dossier que la société Insolit Créations, dans sa réponse du 28 juillet 2022, s'est bornée en termes très généraux sa motivation pour le carnaval de Nice, un engagement à livrer les chars de façon anticipée et un engagement quant à l'amélioration de la sécurité des chars. Aucun de ces éléments de réponse ne peut être regardé comme un exposé circonstancié des mesures prises pour corriger les manquements précédents et démontrer que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause. Il s'ensuit que la commune de Nice a respecté la procédure contradictoire de l'article L.2141-11 précité et a pu, sans méconnaître l'égalité de traitement entre candidats ni les règles de publicité et de mise en concurrence, notifier le 3 octobre 2022, à la société Insolit Créations son exclusion de la procédure de passation des cinq lots litigieux.
Sur les frais liés aux litiges :
11. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme à la charge de la commune de Nice, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société requérante la somme de 2000 euros au titre des frais exposés par la commune de Nice et non compris dans les dépens
O R D O N N E :
Article 1er : Les requêtes de la société Insolit Créations sont rejetées.
Article 2 : La société Insolit Créations versera à la commune de Nice la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Insolit Créations, à la commune de Nice, à la société France Festivités, à la société Concep Evénementiel, à la société Nice Festivités et à la société Carnaval story.
Fait à Nice, le 4 novembre 2022.
Le juge des référés,
signé
P. SOLI
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Ou par délégation, la greffière.
N°s 2204878, 2204879, 2204880,
2204881, 2204883