CAA Nantes, 17/02/2023, n°22NT00175

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D A, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société Ouest Coordination, et la société SIO ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande-Atlantique, dénommée Cap Atlantique, à leur verser la somme de 56 992,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 juin 2017, au taux légal augmenté de deux points, et de la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché conclu avec le groupement pour la maîtrise d'œuvre de la restructuration et de l'extension du musée des marais salants à Batz-sur-Mer.

Par un jugement n° 1803002 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2022, le 10 octobre 2022 et le 19 octobre 2022, la société Agence Catherine A, venant aux droits de Mme D A, Mme D A, la société B et Gilbert Architectes venant aux droits de M. F B, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Ouest Coordination et la société SIO, représentés par Me Collet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2021 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande-Atlantique, dénommée Cap Atlantique, à leur verser la somme de 56 992,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 juin 2017, au taux légal augmenté de sept points, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de rejeter l'appel incident de Cap Atlantique et, à titre subsidiaire, de modérer le montant des pénalités réclamées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ne leur ont pas communiqué les pièces produites par Cap Atlantique dans un mémoire du 12 juin 2020, enregistré après clôture de l'instruction, ainsi que la note en délibéré, alors que ces pièces étaient utiles à l'instruction et n'étaient pas en leur possession ;

- les sociétés Agence Catherine A et B et Gilbert Architectes sont recevables à faire appel dès lors que les créances de Catherine A et de Yves-Marie B leur ont été cédées ;

- le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 2 février 2022, relevé que les ouvrages, pour lesquelles une prestation de maitrise d'œuvre a été conclue, ont été réceptionnés le 22 juillet 2013 ;

- le délai de vérification des prestations de maitrise d'œuvre prévu aux articles 32 et 33 du CCAG-PI était expiré à la date de demande de paiement des prestations ; s'agissant de la mission diagnostic et préconisation des maçonneries (DIAG), son exécution et l'entière réception des documents par le maître d'ouvrage n'ont jamais été contestées et il est demandé la somme de 416,29 euros TTC à ce titre ; s'agissant de la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), les décomptes généraux et définitifs, exceptés pour les lots n° 1 et 8, ont été notifiés aux entreprises et le maitre d'ouvrage a nécessairement approuvé les prestations du maitre d'œuvre ; pour le lot n° 1, le maitre d'ouvrage a été destinataire de l'étude du mémoire en réclamation au plus tard le 16 avril 2015 ; le lot n° 8 a fait l'objet d'une résiliation ; le groupement a proposé de lever toutes les réserves pour le lot n° 14 les 21 février 2013 et 4 juillet 2016 et le maître d'ouvrage a notifié à l'entreprise titulaire du lot n° 4 le décompte général valant levée des réserves le 6 septembre 2016 ; il est demandé la somme de 14 038,40 euros TTC pour cette mission ; s'agissant de la mission pour l'ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier (OPC), elle a pris fin avec le chantier et les réserves avaient été levées pour tous les lots excepté le lot n°1 ; la réserve du lot n° 1 a été levée le 6 septembre 2016 par la notification du décompte général et définitif à l'entreprise ; il est demandé la somme de 5 385,60 euros TTC pour la mission OPC ; s'agissant de la mission assistance à la maitrise d'ouvrage pour les opérations de réception (AOR), les travaux de tous les lots ont été réceptionnés et les réserves levées, y compris pour le lot n° 1 le 6 septembre 2016, tous les dossiers des ouvrages exécutés (DOE) ont été déposés directement au musée par la maitrise d'œuvre et il est demandé la somme de 32 052,61 euros TTC ; s'agissant de la mission système de sécurité incendie (SSI), la commission de sécurité de l'arrondissement de Saint-Nazaire a émis un avis favorable à l'ouverture de l'établissement et Cap Atlantique ne peut contester la bonne exécution de cette mission qui doit être payée au groupement de maitrise d'œuvre à hauteur de 4 639,09 euros TTC ;

- en tout état de cause, toutes les prestations de maitrise d'œuvre ont été réalisées et le groupement est fondé à en demander le paiement ; la mission DIAG, qui a été entièrement exécutée, a été convenue par les avenants n°1 et 2 pour une somme de 6 250 euros TTC ; les missions DET, OPC, AOR et SSI doivent également être payées dès lors que tous les lots ont été réceptionnés et les réserves levées, y compris pour le lot n°1 ; en matière de propriété intellectuelle, il n'y a pas de procédure d'établissement d'un décompte général et il convient de se référer à l'article 9.2 du cahier des clauses particulières (CCP) ; s'il est estimé que certaines missions n'ont pas été achevées, il convient de réduire la rémunération au prorata des lots concernés ; Cap Atlantique n'a jamais contesté que les décomptes des lots n° 9 et 10 ont bien été établis ; le groupement de maitrise d'œuvre n'était pas en possession des décomptes des lots n° 9, 10, 14 et de la résiliation unilatérale du lot n° 8, parce que ces décomptes, bien qu'établis par le maitre d'œuvre, doivent être signés par le maitre d'ouvrage et que ce dernier ne les lui a pas transmis après les avoir adressés aux entreprises ;

- Cap Atlantique admet ne pas avoir payé le solde au groupement de maîtrise d'œuvre au motif qu'elle lui impute les modifications, retards et désordres lors de l'exécution du marché de travaux, ce qui est illégal ;

- les intérêts moratoires courant à compter du 25 juin 2017 devront être versés par Cap Atlantique conformément aux dispositions du code des marchés publics de 2006 dès lors que le marché a été signé le 6 août 2007 ;

- Cap Atlantique ne justifie pas de l'existence de désordres acoustiques affectant la salle audiovisuelle et la ventilation de la salle pédagogique et du bureau du régisseur ;

- aucune pénalité de retard ne peut lui être infligée ; il n'est pas établi la date à laquelle le titulaire du lot n° 7 a fait savoir qu'il avait réalisé les travaux et le groupement n'a pas remis le procès-verbal de levée des réserves avec un retard de 127 jours ; le retard dans la remise de la DOE du lot n°1 ne peut lui être imputé ; en tout état de cause, il convient de modérer le montant des pénalités demandées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 avril 2022 et le 18 octobre 2022, la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande-Atlantique, dénommée Cap Atlantique, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que soit condamnés solidairement la société Agence Catherine A, venant aux droits de Mme D A, Mme D A, la société B et Gilbert Architectes, venant aux droits de M. F B, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie et la société SIO, à lui payer la somme de 136 429,44 euros TTC au titre des manquements contractuels, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 mai 2019, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) à ce que soit mis solidairement à la charge de la société Agence Catherine A, venant aux droits de Mme D A, Mme D A, la société B et Gilbert Architectes venant aux droits de M. F B, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie et la société SIO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les appels des sociétés Agence Catherine A et B et Gilbert Architectes sont irrecevables faute de justifier d'un intérêt à agir ;

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier dès lors que les pièces produites après clôture n'ont pas d'influence et n'apportent pas la preuve de l'exécution des prestations par le groupement de maitrise d'œuvre ;

- elle n'entend pas payer la somme demandée car le groupement a manqué à ses obligations contractuelles, notamment en laissant un doute sur la date de réception du lot n° 2, en ce que tous les décomptes du marché de travaux font état d'un dépassement du montant du lot afférent sans en justifier et dès lors que les projets de décompte général des lots n° 4, 7 et 13 ont été notifiés au maitre d'ouvrage tardivement après la levée des réserves ;

- les requérants ne justifient ni avoir exécuté l'ensemble de ses missions confiées aux termes de l'article 4.2.2 du CCP ni avoir avisé Cap Atlantique de la date à laquelle les documents pour lesquels la somme de 56 992,90 euros TTC est réclamée lui ont été présentés ; le délai de vérification prévu aux articles 32 et 33 du CCAG PI et aux articles 9.1.3 et 9.1.4 du CCP n'a pas commencé à courir et aucune décision de réception des prestations, expresse ou tacite, n'a pu avoir lieu ; ainsi, s'agissant de la mission DIAG, le groupement ne produit aucune pièce justificative de la réception des documents afférents à cette tâche, peu importe que le caractère définitif du décompte emporte ou non la levée des réserves ; s'agissant de la mission DET, il n'est pas produit le justificatif du caractère définitif des décomptes généraux des lots n°1, 8, 9, 10 et 14 signés par Cap Atlantique, mais aussi le justificatif que la réclamation de l'entreprise titulaire du lot n°1 a été traitée ; faute d'avoir assurée cette mission, les 10 % du montant de cette mission ne sont pas dus ; s'agissant de la mission OPC, il n'est justifié ni des opérations préalables à la réception ni de la réception par Cap Atlantique de la dernière proposition de levée de toutes les réserves et, en tout état de cause, la notification d'un décompte général ne peut couvrir le manquement d'un maitre d'œuvre à ses obligations contractuelles ; s'agissant de la mission AOR, il n'est justifié ni de la réception par Cap Atlantique de la dernière proposition de réception avec ou sans réserves pour tous les lots, en particulier du lot n°1, ni de la réception par Cap Atlantique des DOE à l'issue des opérations préalables à la réception des travaux et 85% du montant de la mission n'est pas du ; il n'est pas justifié que Cap Atlantique a reçu le dossier d'identité SSI et 30% de la mission SSI n'est pas du ;

- la demande de paiement d'intérêts moratoires est infondée ;

- le groupement de maitrise d'œuvre est responsable de désordres acoustiques affectant la salle audiovisuelle dont le montant de travaux est de 11 709,94 euros TTC et de désordres affectant la ventilation de la salle pédagogique et le bureau du régisseur dont le montant s'élève à 13 069,50 euros TTC ;

- Cap Atlantique appellera le groupement solidaire d'entreprise de maitrise d'œuvre en garantie s'agissant de la demande d'indemnisation du groupement d'entreprises titulaire du lot n° 1 dans le cadre d'une autre instance ;

- il doit être infligé des pénalités de retard d'un montant de 6 350 euros dès lors que le groupement de maitrise d'œuvre a établi le procès-verbal de levée des réserves du lot n° 7 avec 36 jours de retard ; le montant des pénalités qui doit être mis à la charge du groupement au motif d'un retard dans la communication au maitre d'ouvrage des DOE du titulaire du lot n° 1 est de 105 300 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Delest, pour la société Arc en Scène et autres, et de Me Oillic, pour Cap Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 6 août 2007, la communauté d'agglomération de la presqu'île Guérande-Atlantique, dénommée Cap-Atlantique, a confié à un groupement solidaire composé de Mme A, M. B, les sociétés Arc En Scène, Cabinet De La Peschardière, SIO et Ouest Coordination, aux droits de laquelle vient la société TPF Ingenierie, une mission de maîtrise d'œuvre pour la restructuration et l'extension du musée des marais salants à Batz-sur-Mer, dont le marché de travaux a été divisé en seize lots. Le 24 mai 2017, le groupement de maîtrise d'œuvre a établi une note d'honoraires définitive n° 28 d'un montant de 56 992,90 euros TTC, que Cap Atlantique a refusé de payer. Le groupement de maitrise d'œuvre lui a adressé, le 4 décembre 2017, une réclamation préalable d'un même montant, qui a été implicitement rejetée. Les membres susmentionnés du groupement relèvent appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de Cap Atlantique à leur verser la somme de 56 992,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires ainsi que de la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre. Cap Atlantique demande, par la voie de l'appel incident, que soient condamnés solidairement la société Agence Catherine A, venant aux droits de Mme D A, Mme D A, la société B et Gilbert Architectes venant aux droits de M. F B, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie et la société SIO, à lui payer la somme de 136 429,44 euros TTC au titre de manquements contractuels, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 mai 2019, ainsi que la capitalisation des intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des éléments du dossier d'appel que les mémoires produits devant le tribunal administratif par Cap Atlantique le 19 décembre 2019 et le 12 juin 2020 ont été enregistrés postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 18 décembre 2019 par l'effet immédiat d'une ordonnance du même jour sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Le tribunal administratif de Nantes ne s'étant pas fondé sur le mémoire du 12 juin 2020, dont les pièces jointes " projets de décomptes généraux établis par M. E B pour les lots 9, 10 et 14 et lettres de notification de ces projets " et " lettre de Cap Atlantique du 30 avril 2013 de résiliation du marché afférent au lot n°8 " ne permettaient pas au groupement de maitrise d'œuvre de justifier ses allégations, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière faute pour le tribunal de lui avoir transmis ces mémoires. Il en va de même s'agissant de la note en délibéré de Cap Atlantique du 20 octobre 2021.

Sur les conclusions d'appel principal du groupement de maitrise d'œuvre :

En ce qui concerne le versement du solde des honoraires du groupement de maitrise d'œuvre :

4. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG PI), applicable au marché de maîtrise d'œuvre en cause : " Les prestations faisant l'objet du marché sont soumises à des vérifications destinées à constater qu'elles répondent aux stipulations prévues dans le marché / Le titulaire avise par écrit la personne responsable du marché de la date à laquelle les prestations seront présentées en vue de ces vérifications. / () / Sauf stipulation particulière, la personne responsable du marché dispose, pour procéder aux vérifications, objet du présent article le, et pour notifier sa décision, d'un délai de deux mois à compter de la réception de l'avis de présentation adressé par le titulaire ou à compter de la date de présentation fixée par cet avis, si celle-ci est postérieure. ". Aux termes de l'article 33.1 du même cahier : " A l'issue des vérifications, la personne responsable du marché prononce la réception, l'ajournement, la réception avec réfaction ou le rejet des prestations. / La décision prise doit être notifiée au titulaire dans les conditions du 4 de l'article 2 avant l'expiration du délai de deux mois mentionné au dernier alinéa de l'article 32. / Si la personne responsable du marché ne notifie pas sa décision dans ce délai, les prestations sont considérées comme reçues avec effet à compter de l'expiration du délai ". Aux termes des stipulations de l'article 33.2 du même cahier : " La personne responsable du marché prononce la réception des prestations si elles répondent aux stipulations du marché. La date de prise d'effet de la réception est précisée dans la décision de réception ; à défaut, c'est la date de notification de cette décision () ". Aux termes de l'article 9.1.1 du cahier des clauses particulières (CCP) : " En application de l'article 32 2ème alinéa du CCAG PI, le maître d'œuvre avise, par écrit, la PRM [personne responsable du marché] de la date à laquelle les documents lui seront présentés ". Enfin, en vertu des stipulations des articles 1-4.1 et 1-4.2 du CCP, le groupement s'est vu attribuer une mission complète de base de maîtrise d'œuvre, allant des études d'esquisses jusqu'à l'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception (AOR), ainsi que deux missions complémentaires concernant, respectivement, l'ordonnancement, le pilotage et la coordination des travaux (OPC), et la coordination du système de sécurité incendie (SSI) en vue de sa conformité aux normes NF 61931 à 61933.

5. Il résulte de l'instruction que Mme D A, architecte mandataire du groupement de maitrise d'œuvre, a transmis à Cap Atlantique un document établi par ses soins et daté du 24 mai 2017, intitulé " note d'honoraires définitive n° 28 ", détaillant les sommes restant à payer au titre du solde du marché et faisant apparaître, à son profit, une somme totale de 56 992,90 euros TTC. Compte-tenu de sa teneur, ce document constitue un projet de décompte correspondant aux prestations fournies par le groupement, au sens de l'article 12 du CCAG PI.

6. En premier lieu, si les membres du groupement de maitrise d'œuvre soutiennent que l'ensemble de leurs prestations doivent être considérées comme reçues et acceptées par la personne responsable du marché et que le délai de vérification des prestations de maitrise d'œuvre prévu aux articles 32 et 33 du CCAG PI était expiré à la date de demande de paiement du solde des prestations dès lors que le chantier a été mené jusqu'à son terme, que les travaux ont été réceptionnés, que les réserves ont été levées pour tous les lots et que le bâtiment est exploité depuis plusieurs années, il ne justifie pas avoir avisé par écrit Cap Atlantique de la date à laquelle les prestations seront présentées en vue des vérifications destinées à constater qu'elles répondent aux stipulations du marché. Par suite, le délai de vérification de deux mois dont disposait Cap Atlantique, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 32 du CCAG PI, n'a pas commencé à courir et les prestations du groupement ne peuvent être regardées comme ayant été reçues et approuvées tacitement en application du troisième alinéa de l'article 33.1 du CCAG PI.

7. En deuxième lieu, le groupement de maitrise d'œuvre soutient que Cap Atlantique doit lui verser une somme de 416,29 euros TTC au titre d'une " mission diagnostic et préconisation des maçonneries " (DIAG) dès lors que la maitrise d'ouvrage n'aurait pas contesté " la complète exécution de la mission et l'entière réception des documents " et que le délai de vérification était nécessairement expiré. Toutefois, le groupement ne justifie pas avoir fait parvenir à Cap Atlantique en temps utile un document intitulé " Conservation du patrimoine, études - analyses - contrôles " au titre de cette mission et ne justifie au demeurant pas de la réception de l'ensemble des documents afférents à cette tâche par la maitrise d'ouvrage, ni davantage, en tout état de cause, du montant réclamé. Le moyen doit par suite être écarté.

8. En troisième lieu, l'article 9.2 du CCP stipule : " Achèvement de la mission / La mission du maître d'œuvre s'achève à la plus tardive des dates suivantes : - l'expiration du/des délai(s) de ''Garantie de Parfait Achèvement'' (GPA prévue à l'article 44.1 2ème alinéa du CCAG applicable aux marchés de travaux) ; / - la levée de la dernière réserve ; / l'instruction du dernier mémoire de réclamation des entreprises ; / ou lorsque la PRM décide que les obligations contractuelles du maître d'œuvre sont globalement remplies. L'achèvement de la mission fait l'objet d'une décision établie par la PRM, sur demande du maître d'œuvre ". L'article 4.2.2 du CCP prévoit le rythme de règlement des sommes dues au maître d'œuvre pour l'exécution des éléments de mission. Ce rythme prévoit le paiement d'acomptes et d'un solde pour chaque élément de mission. En vertu de ces dispositions, pour la mission pour l'ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier (OPC), le paiement du solde doit être effectué " après réception par la PRM de la dernière proposition de levée de toutes les réserves ". Pour la mission d'assistance à la maitrise d'ouvrage pour les opérations de réception (AOR), le paiement exigeait, au-delà de 40%, " la réception par la PRM de la dernière proposition de levée de toutes les réserves adressée par le maître d'œuvre ", puis la " recevabilité par la PRM de tous les dossiers des ouvrages exécutés (DOE) à l'issue des opérations préalables à la réception des travaux ", enfin " la fin du délai de garantie de parfait achèvement prévu par l'article 44.1 du CCAG Travaux () ", soit à l'expiration du délai d'un an à compter de la date d'effet de la réception. Pour la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), le paiement du solde de la mission est dû " Après acceptation sans réserve de tous les décomptes généraux par les entrepreneurs ou après traitement des réclamations éventuelles de celles-ci par le maître d'œuvre ". Enfin, pour la mission coordination Système Sécurité Incendie (SSI), l'exigibilité du paiement du solde intervient " après réception par la PRM du dossier d'identité SSI ".

9. Le groupement de maitrise d'œuvre soutient que Cap Atlantique doit lui verser une somme de 5 385,60 euros TTC au titre d'une mission OPC ainsi que la somme de 32 052,61 euros TTC au titre d'une mission d'assistance à la maitrise d'ouvrage pour les opérations de réception (AOR). Toutefois, en l'absence de levée des réserves pour certains lots, émises lors de la réception des travaux, le délai de garantie de parfait achèvement des ouvrages n'étant pas expiré, le groupement de maîtrise d'œuvre, qui n'a pas achevé ces deux missions contrairement à ce qu'il soutient, ne peut prétendre au règlement de leur solde.

10. Le groupement de maitrise d'œuvre demande en outre le paiement d'une somme de 14 038,40 euros TTC au titre de la mission DET qu'il estime achevée en ce qu'il justifierait de l'ensemble des décomptes finaux et des projets de décomptes généraux qui ont été établis par la maitrise d'œuvre. Toutefois, d'une part, la notification établie par l'architecte M. B, membre du groupement, du projet de décompte général du lot n° 1 " VRD - démolition - traitement des maçonneries - gros œuvre " n'a pas été signée et acceptée par le groupement d'entreprises Quelin/Lang/Bâtiment guérandais, titulaire de ce marché. D'autre part, le groupement n'apporte aucun élément justifiant du traitement de la réclamation déposée par ce groupement. Enfin, le projet de décompte général du lot n° 9 " cloisons - doublage " n'a été ni accepté par l'entreprise ni signé et approuvé par le maître d'ouvrage, de même que le projet de décompte du lot n° 10 " plafonds suspendus " ainsi que le projet de décompte général du lot n° 14 " électricité - courants forts et faibles ". De même, la seule production au dossier de la lettre du 30 avril 2013 portant décision de résiliation du marché afférent au lot n° 8 " menuiserie extérieure et intérieure bois - parquet " attribué à la SARL Atelier Madec ne permet pas d'établir que la mission du maître d'œuvre concernant ce marché était achevée puisqu'en cas de résiliation l'article 46 paragraphes 1 et 2 du CCAG Travaux de 1976 prévoit qu'il doit être procédé à la constatation des ouvrages ou parties d'ouvrage réalisés, que le procès-verbal de ces constatations emporte réception de ce qui a été exécuté et que doit être établi un décompte du marché résilié. Dans ces conditions, il n'est pas justifié que le solde de la rémunération de cette mission devait être acquitté par Cap Atlantique.

11. Enfin, le groupement de maitrise d'œuvre sollicite le paiement d'une somme de 4 639,09 euros TTC au titre du solde de la mission système de sécurité incendie (SSI). Toutefois, si le groupement justifie avoir adressé le document d'identité SSI au contrôleur technique, il n'apporte aucun élément justifiant de son envoi à Cap Atlantique, maître d'ouvrage. Dès lors, le solde de cette mission n'est pas dû.

12. Il résulte de ce qui précède que les prestations dont se prévaut le groupement de maitrise d'œuvre ne peuvent être regardées comme achevées au regard des stipulations contractuelles et ne peuvent dès lors faire l'objet du règlement du solde demandé dans la " note d'honoraires n° 28 " susmentionnée.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions des sociétés Agence Catherine A et B et Gilbert Architectes, que Mme D A, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Ouest Coordination et la société SIO ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de Cap Atlantique à leur verser la somme de 56 992,90 euros TTC.

Sur les conclusions d'appel incident de Cap Atlantique :

14. En premier lieu, il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

15. Si Cap Atlantique demande que le groupement de maitrise d'œuvre lui verse une somme de 11 709, 94 euros TTC au titre des désordres acoustiques affectant la salle audiovisuelle et une somme de 13 069,50 euros TTC au titre des désordres affectant la ventilation de la salle pédagogique et du bureau du régisseur, elle ne peut rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d'œuvre dès lors qu'elle ne justifie pas que les désordres invoqués, à les supposer établis, seraient imputables au groupement de maitrise d'œuvre.

16. En deuxième lieu, Cap Atlantique demande le paiement de pénalités de retard en application des articles 7.1 et 7.2 du CCP. Ainsi, d'une part, elle sollicite le paiement d'une somme de 6 350 euros au motif que, par une lettre du 26 novembre 2013, elle a infligé au groupement une pénalité de 1 800 euros correspondant, à cette date, à un retard de 36 jours dans l'établissement du procès-verbal de levée des réserves du lot n° 7, qui n'a été établi que le 18 février 2014, soit 127 jours après le 13 septembre 2013. D'autre part, elle sollicite le paiement d'une somme de 105 300 euros au motif que, dans la même lettre du 26 novembre 2013, il est fait état d'un retard dans la communication du dossier des ouvrages exécutés (DOE) par le titulaire du lot n° 1, qui a été remis au groupement le 22 juillet 2013 mais n'aurait jamais été transmis à Cap Atlantique et qu'à la date du 27 mai 2019, compte-tenu d'un délai de carence de 30 jours, le montant de la pénalité est de 105 300 euros. Toutefois, outre qu'il ne résulte pas de l'instruction que le décompte des retards invoqués serait précisément justifié, l'article 7.2.1 du cahier des clauses particulières prévoit un délai de 30 jours pour la remise du procès-verbal de levée des réserves comme pour la remise du dossier des ouvrages exécutés, mais ne précise ni le point de départ de ces délais ni que la pénalité prévue de 50 euros serait décomptée par jour de retard. Dans ces conditions, les stipulations contractuelles n'étant pas suffisamment précises quant aux modalités de calcul des pénalités, ce moyen doit être écarté.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme D A, M. F B, la société Arc En Scène, la société Cabinet De La Peschardière, la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Ouest Coordination et la société SIO. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Cap Atlantique au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Agence Catherine A, venant aux droits de Mme D A, de Mme D A, de la société B et Gilbert Architectes venant aux droits de M. F B, de M. F B, de la société Arc En Scène, de la société Cabinet De La Peschardière, de la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Ouest Coordination et de la société SIO est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande-Atlantique, dénommée Cap Atlantique, et ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SIO, représentante unique et à la communauté d'agglomération de la presqu'île de Guérande-Atlantique, dénommée Cap Atlantique.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2023.

La rapporteure,

L. C

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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