CAA Toulouse, 02/02/2023, n°22TL21552
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes du Pays de Salars a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :
1°) de condamner solidairement les sociétés bureau d'étude Terrell et BTP Andrieu construction à lui verser une provision d'un montant de 131 003 euros correspondant au coût toutes taxes comprises des travaux de préparation du dallage de la salle de gymnastique et de pose d'un revêtement adapté, en ce compris les honoraires de maîtrise d'œuvre et du bureau d'étude et de contrôle, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
2°) de condamner la société atelier Ferret architectures à lui verser une provision d'un montant de 365 204 euros correspondant au coût, toutes taxes comprises, des travaux de mise aux normes RT 2012 des ouvrants et films de protection solaires, en ce compris les honoraires de maîtrise d'œuvre et du bureau d'étude et de contrôle, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner solidairement les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France à lui verser une provision d'un montant de 27 014,20 euros correspondant au coût, toutes taxes comprises, des travaux de mise aux normes du revêtement de sol de la salle des festivités et de danse, en ce compris les honoraires de maîtrise d'œuvre et du bureau d'étude et de contrôle, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de condamner solidairement les sociétés atelier Ferret architectures, bureau d'études Terrell, BTP Andrieu construction et Tarkett France à lui verser une provision d'un montant de 45 542,67 euros correspondant aux frais et honoraires d'expertise toutes taxes comprises mis à sa charge par une ordonnance de taxation du 27 octobre 2020, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
5°) de mettre à la charge, solidairement, des parties défenderesses une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2102436 du 7 juillet 2022, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a :
- condamné solidairement les sociétés BTP Andrieu construction et bureau d'étude Terrell à verser à la communauté de commune du Pays de Salars une provision de 131 003 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021, eux-mêmes capitalisés, outre une provision de 10 000 euros ;
- décidé que la société Terrell sera garantie par la société BTP Andrieu construction à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à son encontre ;
- rejeté la demande de la société BTP Andrieu construction tendant à ce que la société Auvergne dallage soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au motif tiré de ce que la juridiction administrative était incompétente pour connaître d'une telle conclusion ;
- mis à la charge respective des sociétés BTP Andrieu construction et Terrell, les sommes de 1 000 euros et de 500 euros à verser à la communauté de communes du Pays de Salars en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet et 26 septembre 2022 sous le n° 22TL21552, la communauté de communes du Pays de Salars, représentée par Me Vinimi, demande au juge des référés de la cour :
1°) réformer l'ordonnance n° 2102436 rendue le 7 juillet 2022 par la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse :
- en tant qu'elle n'a pas condamné solidairement les sociétés Tarkett France et atelier Ferret architectures à lui verser une provision de 27 014,20 euros correspondant au coût toutes taxes comprises des travaux de mise aux normes et d'amélioration du confort d'utilisation du revêtement de sol de la salle de danse et des festivités, en ce compris les honoraires de maîtrise d'œuvre et du bureau d'étude et de contrôle, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
- en tant qu'elle n'a pas condamné la société atelier Ferret architectures seule à lui verser une provision d'un montant de 365 204 euros correspondant au coût, toutes taxes comprises, des travaux de mise en conformité avec la norme RT 2012 des ouvrants et films de protection solaires et d'amélioration du confort des usagers de l'ouvrage, en ce compris les honoraires de maîtrise d'œuvre et du bureau d'étude technique et de contrôle augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
- en tant qu'elle n'a pas mis à la charge, solidairement, des sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France la somme de 45 542, 67 euros correspondant aux frais et honoraires d'expertise toutes taxes comprises taxés par une ordonnance du 27 octobre 2020 et n'a pas assorti celle-ci des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
2°) de faire droit, en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, aux conclusions rejetées par la première juge en assortissant chacune des condamnations prononcées contre les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France, des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement des sommes dues ainsi que de la capitalisation de ces mêmes intérêts ;
3°) de mettre à la charge, solidairement, des parties perdantes une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens des différentes instances en référé introduites, sur le fondement des dispositions des articles R. 531-1 du code de justice administrative puis, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du même code, tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour, comprenant, en outre, les honoraires versés à l'huissier de justice intervenu à des fins de constatation.
Elle soutient que :
- elle est insuffisamment motivée faute pour la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'avoir explicitement écarté les moyens soulevés dans sa requête au soutien des conclusions dirigées contre la société Tarkett France tendant à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ou, à tout le moins, à ce que les désordres affectant le parquet de la salle de danse lui soient reconnus imputables sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
- elle est insuffisamment motivée faute pour la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'avoir explicitement écarté les moyens soulevés dans sa requête au soutien des conclusions dirigées contre la société atelier Ferret architectures tendant à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ou, à tout le moins, à ce que les désordres affectant les ouvrants ainsi que le vitrage de l'ouvrage lui soient reconnus imputables sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas retenu l'existence d'une faute contractuelle opposable aux sociétés Tarkett France et atelier Ferret architectures dès lors que le parquet posé ne correspond pas aux prescriptions stipulées dans le cahier des clauses techniques particulières du marché de sorte que leur responsabilité peut utilement être recherchée à raison de la violation directe des obligations découlant du contrat, du défaut du maître d'œuvre à son obligation de conseil, de la méconnaissance des règles de l'art et de la non-conformité de cette partie de l'ouvrage à la norme impérative XPB53669 ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas retenu le caractère décennal de ce désordre et ne l'a pas imputé aux sociétés Tarkett France et atelier Ferret architectures en leurs qualités respectives de fabricant d'Epers et de constructeurs dès lors que l'inadaptation de ce revêtement de sol à la pratique de la danse rend l'ouvrage impropre à sa destination ;
- s'agissant de la non-conformité à la norme RT 2012 et de l'inconfort thermique supporté par les usagers de l'ouvrage c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas retenu l'existence d'une faute contractuelle opposable à la société atelier Ferret architectures alors même que l'absence de conformité de l'ouvrage à la norme RT 2012 traduit un manquement à son obligation de conseil ainsi qu'une violation de ses engagements pris dans le cadre des stipulations du marché de maîtrise d'œuvre aux termes desquelles elle s'est notamment vue attribuer les missions de conception et de direction des travaux ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas retenu le caractère décennal de ce désordre et ne l'a pas imputé à la société atelier Ferret architectures en sa qualité de constructeur dès lors que les conclusions du rapport d'expertise révèlent que les ouvrants ainsi que les vitrages ne sont pas conformes aux normes techniques en vigueur ce qui génère, en outre, l'amoindrissement des performances énergétiques de l'ouvrage sujet à des phénomènes de surchauffe en période estivale rendant impossible la pratique de la danse et partant, l'ouvrage impropre à sa destination ;
- s'agissant de la charge des frais et honoraires d'expertise, la responsabilité des sociétés Tarkett France et atelier Ferret architectures devant être engagée sur le fondement contractuel ou, subsidiairement, en application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, il est inéquitable de laisser à sa charge ces frais et honoraires.
Par deux mémoires, enregistrés le 28 juillet et le 29 août 2022, la société Tarkett France, représentée par Me Guillaume, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du Pays de Salars la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaitre des conclusions dirigées à son encontre par la communauté de communes du Pays de Salars dès lors qu'en sa seule qualité de fournisseur du parquet posé dans la salle de danse, elle n'est liée par aucun contrat administratif avec le maître de l'ouvrage et n'est pas davantage un fabriquant d'un élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire (EPERS) au sens des dispositions de l'article 1792-4 du code civil ;
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'appel en garantie formé à son encontre par la société atelier Ferret architectures ;
- le juge des référés n'est pas compétent pour se prononcer sur le principe de sa responsabilité ;
- en tout état de cause, les conclusions présentées par la communauté de communes du Pays de Salars tendant à obtenir sa condamnation sont irrecevables, faute pour cette dernière d'avoir introduit sa requête devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse avant échéance du délai de prescription quinquennale posé par les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce ;
- en tout état de cause, le parquet de la salle de danse n'ayant pas été conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance par la communauté de communes du Pays de Salars, cette dernière n'est pas fondée à demander au juge de prononcer sa condamnation au versement d'une provision au titre de la garantie décennale des constructeurs ;
- en tout état de cause, les conditions prévues par les dispositions de l'article 1792 du code civil tenant à la qualification du désordre décennal ne sont pas réunies en l'espèce dès lors que la défectuosité du parquet est insusceptible d'affecter la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination ;
- le maître d'œuvre étant un professionnel, elle n'était donc liée par aucune obligation de conseil à son égard de sorte qu'un éventuel défaut ne saurait lui être opposé alors d'ailleurs que la non-conformité de la chose découle exclusivement d'une erreur de prescription imputable à la société atelier Ferret architectures qui, de surcroît, n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait fourni une information suffisante pour que les agents de son service commercial puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur la nature du parquet à privilégier ;
- le remplacement du revêtement de sol ne nécessitant pas l'intervention d'un maître d'œuvre, la créance dont se prévaut la communauté de communes du Pays de Salars au titre des honoraires qu'elle devra verser à ce professionnel est ainsi sérieusement contestable ;
- la partie des frais d'expertise taxés par l'ordonnance du 27 octobre 2020 correspondant à l'intervention d'un sapiteur se rapporte au désordre découlant de la méconnaissance de la norme RT 2012 et non à celui dont se prévaut la communauté de communes du Pays de Salars à son encontre de sorte que cette dernière ne peut être fondée à demander à la cour de lui faire supporter la charge intégrale des honoraires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2022, la société Atelier Ferret architectures, représentée par la SCP Lévy Balzarini Sagnes Serre Lefebvre, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête introduite par la communauté de communes du Pays de Salars ainsi que toutes les conclusions présentées dans un sens contraire à ses intérêts ;
2°) à titre subsidiaire, de rapporter la provision demandée par la communauté de communes du Pays de Salars au titre des désordres affectant le parquet de la salle de danse et des festivités à la somme de 19 909 euros hors taxes ;
3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué :
- de condamner la société Tarkett France à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le parquet de la salle de danse et des festivités ;
- de condamner la société Laussel et Fau à la garantir, à hauteur de 50 %, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le parquet de la salle de danse et des festivités
- de condamner la société centre Alu 12 à la garantir, à hauteur de 50 %, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre des désordres affectant les ouvrants ainsi que films de protection solaires.
Elle soutient que :
- le juge des référés n'est pas compétent pour se prononcer sur le caractère décennal des désordres futurs ;
- les désordres affectant le parquet de la salle de danse étaient apparent au jour de la réception des travaux ;
- aucune réserve n'ayant été spécifiquement émise quant au parquet de la salle de danse et des festivités, la communauté de communes du Pays de Salars ne saurait solliciter le versement d'une provision en se fondant sur le terrain de sa responsabilité contractuelle qui ne pouvait être recherchée que jusqu'au prononcé de la réception des travaux ;
- en ne recouvrant pas le parquet de la salle de danse d'un revêtement souple, le maître de l'ouvrage a participé à sa détérioration ;
- le chiffrage du préjudice financier découlant, pour la communauté de communes du Pays de Salars, des coûts liés aux travaux dépose du parquet existant et de pose d'un nouveau parquet adapté aux sujétions induites par la pratique de la danse est surévalué dès lors qu'il ne correspond pas au nouveau devis n°00000698 réalisé par la société NF Pose le 21 décembre 2018 ;
- l'appel en garantie formé contre la société Tarkett France, qui n'est pas une conclusion dont la juridiction administrative ne saurait connaître, est justifié par la prise en considération des conseils formulés par cette dernière lors de la rédaction des documents de consultation des entreprises ;
- l'appel en garantie formé contre la société Laussel et Fau, attributaire du lot n° 8 " Menuiseries intérieures - Equipements sanitaires et vestiaires - Mobiliers ", est justifié par la faute de cette dernière qui s'est abstenue de signaler au maître de l'ouvrage ainsi qu'aux autres intervenants à l'opération de travaux, l'inadéquation du parquet avec la destination de l'ouvrage ;
- la réception du lot n° 5 " Menuiseries extérieures aluminium " a été négligemment prononcée par la communauté de communes du pays de Salars, qui n'a émis aucune réserve s'agissant de la non-conformité à la RT 2012 alors même qu'elle avait été préalablement informée de l'existence des vices affectant les ouvrants et le vitrage ainsi que des conséquences prévisibles de ces défauts sur les performances énergétiques de l'ouvrage et le confort de ses usagers de sorte que les désordres dont elle se prévaut présentaient un caractère apparent au jour de la réception ;
- la réalisation des travaux de reprises induisent un enrichissement sans cause de la commune de Pont-de-Salars dans la mesure où ils apportent une plus-value à l'ouvrage ;
- la communauté de communes du Pays de Salars n'est pas fondée à solliciter une indemnisation sur la base du montant hors taxe des travaux dès lors que, d'une part, elle établit aucunement ne pas être elle-même assujettie à la TVA et que d'autre part, les maîtres d'ouvrage sont exonérés du paiement de la TVA concernant les travaux de reprise effectués par les constructeurs reconnus responsables des désordres ;
- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse produit une estimation des travaux de mise en conformité manifestement surévaluée et n'avance aucun motif valable pour écarter le chiffrage réalisé par la société centre Alu 12 dont le devis n°002008 fixe un montant de 170 770 hors taxes, duquel devront être soustraites les sommes de 43 580 euros et de 21 110 euros correspondant, pour l'une, à la tarification hors taxes des travaux de pose d'un film solaire qui ne relèvent pas des exigences de la RT 2012, et, pour l'autre, au coût hors taxes de l'installation de vantaux asservis électriquement, qui constituent une amélioration indue de l'ouvrage ;
- en sa qualité d'attributaire du lot n° 5 " Menuiseries extérieures aluminium ", la société centre Alu 12 est fautive en ce qu'elle n'a pas alerté la maîtrise d'œuvre quant aux risques de non-conformité avec la norme RT 2012, ce qui justifie qu'elle soit condamnée à garantir la société atelier Ferret architectures à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre.
Vu la décision du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la cour a désigné M. Éric Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours de l'année 2012, la communauté de communes du Pays de Salars a lancé, en qualité de maître d'ouvrage délégué, une opération de travaux tendant à la construction d'un pôle associatif et sportif implanté sur le territoire de la commune de Flavin (Aveyron). Le 11 octobre 2012, une délibération du conseil communautaire a autorisé la signature du marché de maîtrise d'œuvre avec le groupement composé de la société atelier Ferret architectures, mandataire solidaire de ce groupement, de MM. Enjalbal, Dabilly, Russery postulant en leur noms propres, ainsi que des sociétés Ecovitalis, Pcing, Sigma acoustique, Addenda et bureau d'étude Terrell. Les quinze lots du marché de travaux ont ensuite été attribués à quatorze entreprises dont faisait notamment partie la société Laussel et Fau, titulaire du lot n° 8 " Menuiseries intérieures - Equipements sanitaires et vestiaires - Mobiliers ", ainsi que la société centre Alu 12, titulaire du lot n° 5 " Menuiseries extérieures aluminium ". Par plusieurs procès-verbaux dressés le 13 octobre 2015, la société atelier Ferret architectures a, dans le cadre de sa mission d'assistance du maître de l'ouvrage, prononcé la réception des travaux en émettant plusieurs réserves. Insatisfaite de l'état de cet ouvrage, la communauté de communes du Pays de Salars a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la désignation d'un expert chargé de constater et d'évaluer les différents désordres l'affectant. Par une ordonnance du 23 février 2017, M. A a été désigné en qualité d'expert sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. À la suite d'une ordonnance de réouverture en date du 19 juillet 2019, ce dernier a remis un additif à son rapport le 30 octobre 2019. Au vu de ces éléments, la communauté de communes du Pays de Salars a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande introduite sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative tendant à obtenir la condamnation de plusieurs intervenants à l'opération de construction au versement de provisions correspondant au chiffrage des travaux rendus nécessaires pour remédier aux différents désordres apparus sur l'ouvrage.
2. La communauté de communes du pays de Salars demande au juge des référés de la cour d'annuler partiellement l'ordonnance du 7 juillet 2022 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, notamment, condamné solidairement les sociétés BTP Andrieu construction et bureau d'étude Terrell à lui verser une provision de 131 003 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021, eux-mêmes capitalisés, outre une provision de 10 000 euros, en tant qu'elle n'a pas fait droit à ses autres demandes.
3. Eu égard aux moyens qu'elle soulève tenant à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions dirigées contre elle, la société Tarkett France doit être regardée comme demandant à la cour l'annulation de l'ordonnance du 7 juillet 2022 en tant que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est reconnue à tort compétente pour statuer sur le principe de sa responsabilité ainsi que sur le bien-fondé des appels en garantie formés à son encontre par la société atelier Ferret architectures.
4. De la même manière, en soutenant qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur le caractère décennal des désordres dont s'agit, la société atelier Ferret architectures doit être regardée comme critiquant la régularité de cette ordonnance et partant, comme demandant à la cour son annulation.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne l'incompétence de la juridiction administrative :
5. Il appartient au juge administratif de statuer sur les conclusions du maître d'ouvrage tendant à l'engagement de la responsabilité solidaire du fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil et de les rejeter lorsque la personne mise en cause par le maître d'ouvrage a, en réalité, la qualité de fournisseur. En outre, les conclusions d'appel en garantie des participants à l'exécution d'un marché public de travaux à l'encontre les uns des autres peuvent également être présentées devant le juge administratif, du seul fait de cette qualité, à condition qu'aucun contrat de droit privé ne régisse leurs relations et, dans ce cas, l'action présentée est de nature quasi-délictuelle. A cet égard, un fournisseur a la qualité de participant à l'exécution d'un marché public de travaux.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la communauté de communes du Pays de Salars, tendant à ce que la société Tarkett France soit condamnée à lui verser une provision en application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, ne sont pas présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître sans qu'il y ait lieu, à ce stade, de se prononcer sur sa qualité de fabricant ou de simple fournisseur se rapportant à l'examen ultérieur du bien-fondé de l'ordonnance attaquée. Il en va de même, s'agissant des conclusions d'appel en garantie formées par la société atelier Ferret architectures contre la société Tarkett France, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces deux intervenants à l'opération de travaux aient été contractuellement liés entre eux. En conséquence, ces moyens soulevés par la société Tarkett France en vue de critiquer la régularité de l'ordonnance doivent être écartés.
En ce qui concerne l'incompétence du juge des référés :
7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. "
8. D'une part, ces dispositions s'appliquent quelle que soit la nature des sommes réclamées, l'octroi d'une provision n'étant soumise qu'à la seule condition de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable. Par suite, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse était bien compétente pour statuer sur la demande de la communauté de communes du Pays de Salars tendant à ce que les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France soient condamnées à lui verser une provision correspondant au coût des travaux de reprise rendus nécessaires par l'apparition de désordres liés à l'inadaptation du parquet posé dans la salle de danse et des festivités, à la non-conformité de l'ouvrage à la RT 2012 et à l'inconfort thermique supporté par ses usagers. Le moyen soulevé par la société atelier Ferret architectures tiré de ce qu'il n'appartiendrait pas au juge des référés de se prononcer sur le caractère décennal de ces désordres doit donc être écarté.
9. D'autre part, dans le cadre de la procédure définie à l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le débiteur à l'encontre duquel une demande de provision est dirigée peut conclure à ce qu'un tiers soit condamné à le garantir du paiement de cette provision lorsque l'existence d'une obligation de garantie de ce tiers à son encontre n'est pas sérieusement contestable. Dès lors, c'est sans méconnaître l'étendue de sa compétence que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a statué sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société atelier Ferret architectures et dirigées contre la société Tarkett France.
En ce qui concerne l'insuffisance de motivation :
10. Contrairement à ce que soutient la communauté de communes du Pays de Salars, l'ordonnance attaquée comporte l'énoncé suffisant des motifs de faits et de droit qui ont conduit la première juge à retenir le caractère sérieusement contestable des créances dont elle se prévalait à l'encontre des sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France. Par suite, le moyen tiré de ce que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse aurait insuffisamment motivé le rejet des conclusions qui lui étaient présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou, subsidiairement, sur celui des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, doivent être écartés.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
11. Il résulte des dispositions citées au point 7 de la présente ordonnance que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne les désordres liés au vieillissement prématuré du parquet de la salle de danse et des festivités :
S'agissant de l'exception de prescription opposée par la société Tarkett France :
12. Aux termes du I de l'article L. 110-4 du code de commerce : " Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ".
13. La prescription prévue par les dispositions citées au point précédent ne trouve pas à s'appliquer aux obligations nées à l'occasion de marchés publics. Par conséquent, la société Tarkett France ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir que la créance que lui oppose la communauté de communes du Pays de Salars serait, pour ce motif, sérieusement contestable. Au demeurant, l'appelante n'ayant conclu aucun contrat avec la société Tarkett France, cette dernière ne saurait être fondée à faire valoir l'échéance de ce délai de prescription. Par conséquent, l'exception de prescription soulevée par la société Tarkett France ne peut qu'être écartée.
S'agissant du principe de la responsabilité :
14. Le juge des référés, statuant par application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, peut condamner des constructeurs à verser une provision au maître de l'ouvrage en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil dès lors qu'il n'est pas sérieusement contestable que les désordres entrent dans le champ de la garantie décennale et qu'ils leur sont imputables. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Conformément à ces mêmes principes, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil précité, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. Le constructeur ou le fabricant engagent leur responsabilité de plein droit et ne peuvent en être exonérés, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui leurs étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres leurs soient en quelque manière imputables.
15. D'une part, il ressort du procès-verbal de réception des travaux dressé le 13 octobre 2015 relativement au lot n° 8 " Menuiseries intérieures - Equipements sanitaires et vestiaires - Mobiliers " qu'aucune réserve ne se rapporte au parquet posé par la société Laussel et Fau dans la salle de danse et des festivités. Alors qu'il est constant que la communauté de communes du Pays de Salars a signalé l'apparition prématurée de signes de vieillissement du revêtement de sol à très brève échéance après cette date, en relevant notamment la présence de rayures et de marques, il résulte de l'instruction que l'inadaptation du parquet à la pratique de la danse et aux festivités se tenant dans cette salle, eu égard à l'insuffisante épaisseur de la couche d'usure composée de bois noble, n'a pu être révélée qu'après la mise en service de l'ouvrage et n'est pas au nombre des vices dont le maître de l'ouvrage a eu connaissance avant de prononcer la réception des travaux ni de ceux dont un examen normal aurait pu révéler la présence. En outre, il résulte également de l'instruction que le caractère abrasif et irrégulier de la surface du parquet limite de façon significative l'utilisation de l'ouvrage en raison des risques de chute et d'accident des usagers susceptibles de survenir du fait de l'accrochage récurrent des pas au sol, tel qu'en atteste notamment le constat d'huissier produit en appel par la communauté de communes du Pays de Salars. Dans ces conditions, ce désordre est bien de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.
16. D'autre part, il ne résulte de l'instruction ni que ce parquet ait subi des adaptations substantielles en rapport avec les configurations particulières de l'ouvrage ni qu'il ait été conçu pour satisfaire à des exigences prédéterminées par la communauté de communes du Pays de Salars, alors même que les stipulations du cahier des clauses techniques particulières faisaient référence, en terme d'équivalent, aux spécifications techniques du parquet de type Salsa figurant dans le catalogue de la société Tarkett France. Par conséquent, cette dernière société ne peut être qualifiée de fabricant au sens de l'article 1792-4 du code civil dès lors que la chose livrée au maître de l'ouvrage, par l'intermédiaire des sociétés Seguret Franck et Laussel et Fau, n'a pas été conçue et produite pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance.
17. Enfin, le maître d'œuvre a la qualité de constructeur au sens des principes relatifs à la garantie décennale s'il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des missions qui lui ont été confiées, les désordres affectant la partie de l'ouvrage en cause ne pouvaient lui être imputables.
18. En l'espèce, la société atelier Ferret architectures ayant été chargée, par la communauté de communes du Pays de Salars, d'une mission comprenant la conception du projet de construction, l'aide à la passation des contrats, la direction des travaux ainsi que l'assistance du maître de l'ouvrage lors des opérations de réception, il y a lieu d'imputer le désordre découlant du vieillissement prématuré du parquet en cause à son intervention alors d'ailleurs qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise, que celui-ci est étroitement lié aux choix inapproprié du type de parquet mis en œuvre. De surcroît, contrairement à ce que soutient la société atelier Ferret architectures, il ne résulte pas de l'instruction que le maître de l'ouvrage ait participé à la détérioration volontaire du parquet de la salle de danse et des festivités.
19. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête soulevés au titre de la responsabilité contractuelle des sociétés Tarkett France et atelier Ferret architectures, l'appelante est fondée à demander l'annulation partielle de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à ce que lui soit versée une provision correspondant aux coûts des travaux de reprise des désordres constatés sur le parquet de la salle de danse et des festivités.
S'agissant du montant de la provision :
20. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander l'indemnisation aux constructeurs correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Or ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a collectée à raison de ses propres opérations. Dans ces conditions, il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement des collectivités territoriales et de leurs groupements à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne doit pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable.
21. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ". Si les collectivités locales et leurs établissements publics bénéficient, dans certaines conditions, de dotations du fond de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, destinées à permettre un remboursement progressif d'une partie de la taxe ayant grevé leurs dépenses d'investissement, le régime fiscal de leurs opérations ne s'en trouve pas modifié et cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux immobiliers soit incluse dans le montant des indemnités dues.
22. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un additif au rapport remis aux parties le 30 octobre 2019 faisant suite à la réouverture des opérations d'expertise ordonnée le 19 juillet 2019 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, M. A, expert désigné, a confirmé son estimation du coût des travaux de réparation du revêtement de sol défectueux de la salle de danse et des festivités, évalué à 24 559,20 euros toutes taxes comprises nonobstant la production, par la société atelier Ferret architectures, d'une évaluation réalisée le 25 janvier 2019 par la société Étude et Quantum ne prenant pas en considération la réalité technique des travaux réparatoires à envisager. De surcroit, si la société atelier Ferret architectures fait grief à ce rapport d'expertise de s'écarter du chiffrage retenu par la société NF Pose dans un nouveau devis n°00000698 daté 21 décembre 2018, elle ne produit pas cette pièce au dossier et n'apporte aucun détail de nature à critiquer utilement l'évaluation effectuée par M. A. Par ailleurs, la société Tarkett France fait valoir en défense, sans être contestée par le maître de l'ouvrage, que les travaux de dépose et pose d'un nouveau parquet ne nécessitent pas l'intervention d'un maître d'œuvre. Dans ces conditions, le montant retenu par l'expert désigné doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable sans toutefois que la communauté de communes du Pays de Salars soit fondée à solliciter l'adjonction d'une somme de 2 455 euros qu'elle fait correspondre aux honoraires de maîtrise d'œuvre.
23. En deuxième lieu, les autres parties n'établissent aucunement que le maître de l'ouvrage serait, pour l'exploitation de ce complexe sportif, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et pourrait ainsi procéder à sa récupération. En outre, contrairement à ce que fait valoir la société atelier Ferret architectures, il ne résulte pas de l'instruction que l'un des constructeurs jugé responsable projette, en l'espèce, de réaliser ces travaux de reprise au bénéfice du maître de l'ouvrage. Par suite, les indemnités dues à la collectivité publique maître d'ouvrage doivent comprendre la taxe sur la valeur ajoutée.
24. En troisième lieu, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. La saisine du juge des référés aux fins de versement d'une provision sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative doit être regardée comme signifiant au défendeur une première demande d'indemnité. En l'espèce, les intérêts moratoires ont donc commencé à courir à compter de l'enregistrement de la requête introduite devant le tribunal administratif de Toulouse par la communauté de communes du Pays de Salars, soit le 27 avril 2021.
25. En quatrième et dernier lieu, pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge. Cette demande prend toutefois effet, au plus tôt, à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 27 avril 2021. Les intérêts doivent donc être capitalisés le 27 avril 2022 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
En ce qui concerne les désordres résultant de la non-conformité à la RT 2012 et de l'inconfort des usagers de l'ouvrage :
S'agissant de la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre :
26. Indépendamment de la décision du maître d'ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d'œuvre prévue par les stipulations précitées de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, la réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut encore être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage l'entrée en vigueur, au cours de l'exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à l'ouvrage, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage.
27. Il résulte de l'instruction que la réception du lot n° 5 " menuiseries extérieures aluminium " a été prononcée avec réserves le 13 octobre 2015. Toutefois, il ne ressort pas du procès-verbal dressé à cette occasion que l'une des réserves ait spécifiquement porté sur les ouvrants ou le vitrage installés dans la salle de danse et des festivités ainsi que dans la salle multisport. Pour engager la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre, la communauté de communes du Pays de Salars invoque des fautes de conception ainsi qu'un manquement à son obligation de conseil concernant les risques inhérents à ses choix architecturaux ayant affecté les performances énergétiques de l'ouvrage et le rendant, en outre, non conforme à la RT 2012. Ces griefs, indissociables de la réalisation de l'ouvrage, ne sont pas susceptibles d'être invoqués par le maître de l'ouvrage après la réception des travaux. Par suite, la communauté de communes du Pays de Salars n'est pas fondée à solliciter l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société atelier Ferret architectures à raison de telles fautes.
S'agissant de la responsabilité du maître d'œuvre recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs :
28. Tel qu'énoncé au point 14 de la présente ordonnance, il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, engagent leur responsabilité, sauf s'ils étaient apparents à la date des opérations de la réception de l'ouvrage et n'ont fait l'objet d'aucune réserve au procès-verbal de ces opérations. Présente un caractère apparent, même s'ils n'étaient pas visibles ou ne s'étaient pas effectivement manifestés lors des opérations de la réception, des désordres qui étaient aisément décelables ou dont l'apparition constituait une probabilité qui ne pouvait être ignorée à la date de la réception. Il appartient alors au constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement d'apporter au juge les éléments de nature à démontrer que le maître de l'ouvrage avait une connaissance suffisante des vices à l'origine des désordres avant de prononcer la réception des travaux.
29. Par un courrier en date du 21 juillet 2015, la communauté de communes du Pays de Salars a informé la société atelier Ferret architectures de ce qu'elle avait constaté des températures intérieures beaucoup trop élevées ainsi qu'un manque d'aération dans les salles des festivités, de combat et des aînés rendant, selon elle, les lieux impropres à leur destination et inexploitables. Elle poursuit en relevant qu'elle ne saurait réceptionner un bâtiment en l'état, ni accepter une dérogation concernant la conformité de l'ouvrage à la RT 2012. En outre, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le maître de l'ouvrage a été informé, par un courrier du 28 avril 2015 de la société Ecovitalis intervenue en qualité de bureau d'étude technique, de ce que les choix architecturaux formulés par le maître d'œuvre étaient susceptibles d'amoindrir les performances thermiques de l'ouvrage et d'entraîner une non-conformité à la norme RT 2012. Dans ces conditions, alors d'ailleurs que, comme énoncé au point 23 de la présente ordonnance, la réception du lot n° 5 " menuiseries extérieures aluminium " a été prononcée le 13 octobre 2015 sans qu'aucune réserve porte spécifiquement sur les ouvrants, le vitrage ou les performances énergétiques de l'ouvrage, la communauté de communes du Pays de Salars, qui doit être regardée comme ayant une connaissance suffisante de ces vices ainsi que de leurs conséquences prévisibles, ne saurait être fondée à solliciter la condamnation de la société atelier Ferret architectures au versement d'une provision sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs dès lors que les désordres se rapportant la non-conformité à la RT 2012 ainsi qu'à l'inconfort des usagers de l'ouvrage présentaient un caractère apparent au jour de la réception des travaux.
30. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Salars n'est pas fondée à se plaindre de ce que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce que la société atelier Ferret architectures soit condamnée à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 365 204 euros correspondant au coût, toutes taxes comprises, des travaux de mise aux normes RT 2012 des ouvrants et films de protection solaires, en ce compris les honoraires du maître d'œuvre et du bureau d'étude et de contrôle, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.
En ce qui concerne la charge des frais et honoraires d'expertise :
31. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'État, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance () ". Aux termes de l'article R. 761-5 du même code: " Les parties, l'État lorsque les frais d'expertise sont avancés au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que, le cas échéant, l'expert, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance. / () / Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée ".
32. L'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif liquide et taxe les frais et honoraires d'expertise, qui revêt un caractère administratif, peut faire l'objet, en vertu des dispositions précitées des articles R. 621-13 et R. 761-5 du code de justice administrative, d'un recours de plein contentieux par lequel le juge détermine les droits à rémunération de l'expert ainsi que les parties devant supporter la charge de cette rémunération. En vertu de l'avant-dernier alinéa de ce même article R. 621-13, ce n'est que lorsque les frais d'expertise sont compris dans les dépens d'une instance principale que la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que ces frais seront mis définitivement à la charge d'une partie autre que celle qui est désignée par l'ordonnance de taxation ou le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. Dès lors que la partie désignée par l'ordonnance de taxation comme devant supporter les frais d'expertise dispose d'une voie de droit spéciale pour contester cette désignation et que le juge du référé provision n'est pas saisi de l'instance principale, cette partie n'est pas recevable à demander à ce juge l'octroi d'une provision au titre de ces frais.
33. D'une part, il résulte de l'instruction que la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, par une ordonnance du 27 octobre 2020, mis à la charge de la communauté de communes du Pays de Salars les frais et honoraires de l'expertise. En application de l'article R. 621-13 du même code, elle disposait donc de la faculté de contester les frais et honoraires de l'expert par le recours spécifique prévu par l'article R. 761-5 du code de justice administrative. Les conclusions de la communauté de communes du Pays de Salars tendant à ce que les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France soient condamnées à lui verser une provision correspondant aux frais et honoraires d'expertise sont donc irrecevables.
34. D'autre part, à supposer que les conclusions de la communauté de communes du Pays de Salars puissent être regardées comme tendant à ce que le juge des référés mette à la charge définitive des sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France les frais et honoraires de l'expertise taxés par l'ordonnance du 27 octobre 2020, celles-ci ne se rapportent pas au versement d'une provision. Partant, n'entrant pas dans l'office du juge des référés de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, elles sont irrecevables.
Sur les conclusions d'appel provoqué présentées par la société atelier Ferret architectures :
En ce qui concerne l'appel provoqué formé contre la société Tarkett France :
35. Le recours entre participants à l'exécution d'un marché public, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi délictuel. Coauteurs obligés solidairement à la réparation d'un même dommage, ces participants ne sont tenus entre eux que chacun, pour sa part, déterminée à proportion du degré de gravité des fautes qu'ils ont personnellement commises.
36. Il résulte de l'instruction, et notamment du courriel électronique en date du 29 avril 2013 adressé par le service commercial de la société Tarkett France à la société atelier Ferret architectures, qu'à la suite des recommandations formulées par ce fournisseur, les stipulations du cahier des clauses techniques particulières du marché public se rapportant au revêtement de sol de la salle de danse et des festivités ont été rédigées dans le sens préconisé en retenant le parquet type Salsa, qui s'est révélé inadapté aux sujétions de l'ouvrage. De surcroît, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'erreur de prescription imputable au maître d'œuvre trouve au moins partiellement son origine dans les éléments portés à sa connaissance par la société Tarkett France. Par conséquent, la société atelier Ferret architectures est fondée à demander à ce que la société Tarkett France, dont la faute quasi-délictuelle tenant à la délivrance d'une information erronée est également à l'origine du désordre dont s'agit, soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées contre elle.
37. Dans les circonstances de l'espèce, il y a donc lieu de condamner la société Tarkett France à garantir, à hauteur de 40 %, la société atelier Ferret architectures de l'indemnité provisionnelle mise à sa charge et évaluée au point 22 de la présente ordonnance.
En ce qui concerne l'appel provoqué formé contre la société Laussel et Fau :
38. Ainsi qu'il a été exposé aux points 29 et 36 de la présente ordonnance, il résulte de l'instruction que les désordres affectant le parquet de la salle de danse et des festivités trouvent leur origine exclusive dans les fautes conjuguées du maître d'œuvre et du fournisseur ayant participé à la rédaction des stipulations du cahier des clauses techniques particulières relatif au lot n°8 " Menuiseries intérieures - Equipements sanitaires et vestiaires - Mobiliers ". En conséquence, dès lors que la société Laussel et Fau, en sa qualité d'entrepreneur, s'est bornée à effectuer la pose d'un parquet conforme aux exigences contractuelles, la société atelier Ferret architectures n'est pas fondée à demander à ce qu'elle soit condamnée à la garantir des sommes mises à sa charge au titre de la responsabilité décennale des constructeurs. Par suite, ces conclusions formées par la voie de l'appel provoqué doivent être rejetées.
En ce qui concerne l'appel provoqué formé contre la société centre Alu 12 :
39. Aucune responsabilité n'étant retenue à l'encontre de la société atelier Ferret architectures s'agissant du désordre relatif à la non-conformité à la RT 2012 et à l'inconfort des usagers de l'ouvrage, il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions d'appel provoqué présentées par cette dernière société contre la société centre Alu 12.
Sur les frais liés au litige
40. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de la communauté de communes du Pays de Salars, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de ces mêmes sociétés une somme de 1 500 euros au titre de ces frais exposés par la communauté de communes du Pays de Salars tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2022 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de la communauté de communes du Pays de Salars tendant à ce que la société atelier Ferret architecture soit condamnée à lui verser la somme provisionnelle correspondant aux coûts des travaux de reprise rendus nécessaires par la détérioration prématurée du parquet de la salle de danse et des festivités.
Article 2 : La société atelier Ferret architectures est condamnée à verser à la communauté de communes du Pays de Salars une provision de 24 559,20 euros correspondant au montant, toutes taxes comprises, des travaux de reprise rendus nécessaires par la détérioration prématurée du parquet de la salle de danse et des festivités.
Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 est assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021. Les intérêts échus à la date du 27 avril 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La société atelier Ferret architectures sera garantie par la société Tarkett France à hauteur de 40 % de la condamnation prononcée à son encontre.
Article 5 : Les sociétés atelier Ferret architectures et Tarkett France devront solidairement verser, à la communauté de communes du Pays de Salars, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté de communes du Pays de Salars, à la société par actions simplifiée unipersonnelle Tarkett France et à la société à responsabilité limitée atelier Ferret architectures,
Copie en sera adressée à la société par actions simplifiée Laussel et Fau ainsi qu'à la société à responsabilité limitée centre Alu 12.
Fait à Toulouse, le 2 février 2023.
Le juge d'appel des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N°22TL2155