CAA Toulouse, 18/04/2023, n°21TL24421

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Menuiserie Coucoureux a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer à la somme de 348 898,05 euros toutes taxes comprises le décompte général et définitif du marché signé le 25 avril 2016 avec la commune de Saint-Jean pour l'exécution du lot n° 10 " menuiseries intérieures / plancher bois et parement bois " dans le cadre du marché public de travaux portant sur la construction d'une bibliothèque et d'une ludothèque , de condamner la commune de Saint-Jean à lui verser la somme de 75 952,28 euros toutes taxes comprises au titre du solde de ce marché, et d'assortir cette somme des intérêts moratoires avec capitalisation à compter du 19 décembre 2018.

Par un jugement n° 1903887 du 13 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le décompte général et définitif du marché de la société Menuiserie Coucoureux à la somme de 346 255,18 euros toutes taxes comprises, a condamné la commune de Saint-Jean à verser à la société Menuiserie Coucoureux la somme de 73 309,41 euros toutes taxes comprises au titre du solde de son marché, avec intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 19 janvier 2019, et capitalisation des intérêts échus à la date du 19 janvier 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, un mémoire en réplique du 5 décembre 2022, et un mémoire en production de pièces du 27 mars 2023, la commune de Saint-Jean, représentée par Me Courrech, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Menuiserie Coucoureux la somme de 73 309,41 euros toutes taxes comprises au titre du solde de son marché, avec intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 19 janvier 2019, et capitalisation des intérêts échus à la date du 19 janvier 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

2°) d'établir le décompte général et définitif à la somme de 12 754,07 euros au débit de la société ;

3°) de mettre à la charge de la société Menuiserie Coucoureux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré, pour déterminer la somme due à la société au titre du solde du marché qu'elle avait versé à la société Menuiserie Coucoureux la somme de 272 945,77 euros, alors qu'en réalité elle lui avait déjà versé la somme de 311 629,79 euros toutes taxes comprises, puis, après libération de la retenue de garantie, d'un montant de 16 454,24 euros, le 7 novembre 2019, elle lui a versé la somme totale de 315 329, 94 euros ;

- le jugement de première instance en ses points 5 et 7 a considéré qu'à hauteur de la somme totale de 2 642,87 euros les demandes de la société relatives à des réfactions qui auraient été appliquées à tort, n'étaient pas justifiées ; toutefois, le tribunal a défalqué cette somme du montant de 348 898,05 euros toutes taxes comprises sollicité par l'entreprise, au titre du décompte général et définitif du marché alors qu'elle devait être extournée du montant de 276 880,12 euros exprimé hors taxes ; le tribunal devait donc fixer le décompte général et définitif à la somme de 345 726, 612 euros toutes taxes comprises et non à celle de 346 255,18 euros toutes taxes comprises ;

- les pénalités de retard dans l'exécution des travaux, d'un montant de 21 596,65 euros que le tribunal a estimé injustifiées, étaient dues par la société sur le fondement de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives spéciales ; en effet, la réception est intervenue le 8 mars 2018, soit 104 jours après la date prévue de réception du chantier prévue contractuellement, soit le 17 novembre 2017 ; après déduction des 70 jours de retard des autres lots, il n'a été retenu à la charge de la société Coucoureux, qu'un retard de 34 jours ;

- en ce qui concerne les pénalités pour remise tardive du dossier des ouvrages exécutés, dont la communication est obligatoire en vertu de l'article 12.4 du cahier des clauses administratives spéciales, il a été appliqué une pénalité journalière de 50 euros sur un nombre total de jours de 176 jours au taux de 50 euros par jour, soit une somme de 8 800 euros ;

- la libération de la retenue de garantie d'un montant de 16 454,24 euros est intervenue le 7 novembre 2019 et n'avait donc pas à être réintégrée dans le décompte général et définitif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, la société Menuiserie Coucoureux, représentée par Me de la Marque, conclut au rejet de la requête de la commune de Saint-Jean et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune, à son profit, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de Saint-Jean ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

-l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Köth , représentant la commune de Saint-Jean, et de Me Waller représentant la société Menuiserie Coucoureux.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public de travaux signé le 25 avril 2016 pour la construction d'une bibliothèque et d'une ludothèque, la commune de Saint-Jean (Haute-Garonne) a confié l'exécution du lot n° 10 " menuiseries intérieures / plancher bois et parement bois " à la société Menuiserie Coucoureux pour un montant initial de 276 647,86 euros hors taxes. Par une lettre du 20 mars 2018 la société Menuiserie Coucoureux a adressé à la commune précitée une demande de paiement du solde du marché. Par courrier du 20 novembre 2018 cette commune lui a notifié en retour un décompte général, mentionnant un solde du marché fixé à la somme de 12 754,07 euros au débit de la société. Par une lettre du 19 décembre 2018, la société Menuiserie Coucoureux a adressé un mémoire en réclamation sollicitant le versement au titre du solde du marché de la somme de 75 952,28 euros toutes taxes comprises. En l'absence de réponse à ce mémoire en réclamation, la société Menuiserie Coucoureux a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer le décompte général et définitif du marché à la somme de 348 898,05 euros toutes taxes comprises et de condamner la commune de Saint-Jean au titre du solde du marché à lui verser la somme de 75 952,28 euros toutes taxes comprises.

2. Par jugement du 13 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Saint-Jean à verser à la société Menuiserie Coucoureux la somme de 73 309,41 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché et a rejeté le surplus de la demande de cette société.

3. La commune de Saint-Jean relève appel de ce jugement en tant qu'il la condamne à verser à la société Menuiserie Coucoureux la somme de 73 309,41 euros toutes taxes comprises et demande que le décompte général et définitif soit fixé à la somme de 12 754,07 euros au débit de la société.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les pénalités de retard dans l'exécution des travaux :

4. Aux termes de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières auquel renvoie l'acte d'engagement de la société Coucoureux : " Le délai d'exécution de l'ensemble des travaux est stipulé à l'acte d'engagement. Le délai d'exécution de chaque lot s'insère dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier d'exécution qui sera joint en annexe du CCTP. Calendrier détaillé d'exécution. Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré (à partir du calendrier prévisionnel d'exécution) par le responsable de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) après consultation auprès des titulaires des différents lots. Le calendrier détaillé d'exécution distingue les différents ouvrages dont la construction fait l'objet des travaux. Il indique pour chacun des lots la durée et la date probable du délai d'exécution qui lui est propre ainsi que la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives du titulaire sur le chantier () ". Aux termes de l'article 6.3 du même cahier : " Pénalités pour retard - Primes d'avance " : Le titulaire subira, par jour de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité journalière de 1/500 du montant hors taxe du marché. Ce montant s'applique pour les 15 premiers jours de retard. Il est majoré de 20 % pour les 15 jours suivants et de 50 % pour tout retard supérieur à un mois () ".

5. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Il s'ensuit que le maître d'ouvrage peut appliquer les pénalités de retard contractuellement prévues sans avoir à établir l'existence d'un préjudice.

6. Il résulte de l'instruction que la commune a inclus dans le décompte général du marché des pénalités correspondant à 34 jours de retard d'exécution par la société Menuiserie Coucoureux du lot n° 10, au titre de la période du 17 novembre 2017 au 8 mars 2018. En conséquence et sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières, le montant de ces pénalités a été fixé à 21 596,65 euros. Si certains retards d'intervention de la société intimée sont imputables à d'autres entreprises dont l'intervention conditionnait l'intervention de la société Menuiserie Coucoureux, ce dont il a, du reste, été largement tenu compte dans la détermination du nombre de jours de retard lui étant imputables en retenant un total de 70 jours à ce titre, il résulte de l'instruction que cette société n'a pas employé sur le chantier suffisamment de personnel et, en plusieurs occasions, n'a donné aucune explication quant à ses retards. Par suite, le nombre de jours de retard imputables à la société intimée doit être regardé comme justifié et, par voie de conséquence, le montant précité de pénalités. À cet égard et contrairement à ce que soutient la société, ce nombre de jours de retard correspond au retard d'exécution global des travaux concernant le lot n° 10 qui lui était confié, et non à des " pénalités intermédiaires " qui n'auraient pas été prévues par les clauses du marché.

En ce qui concerne les pénalités de retard afférentes à la remise des dossiers des ouvrages exécutés :

7. L'article 12-4 du cahier des clauses administratives particulières stipule que : " Documents à fournir après exécution. Le titulaire devra remettre au maître d'œuvre les documents suivants : Les documents à remettre après exécution par l'entrepreneur titulaire devront être fournis y compris pour les travaux photographiques en dérogation à l'article 40 du CCAG Travaux. - sous forme papier : en cinq (5) exemplaires en dérogation à l'article 40 sixième alinéa du CCAG Travaux, dont un support en permettant la reproduction ; -sous forme électronique : sur support DVD, les documents étant sécurisés, identifiables et interopérables avec le logiciel AUTOCAD (format de fichiers DWG) pour les plans, avec le logiciel de calcul dont le nom sera communiqué par le maitre d'œuvre lors de la période de préparation pour les notes de calcul, avec les logiciels World, Excel ou Adobe Reader pour les autres documents . Les documents seront entièrement et obligatoirement rédigés en langue française. Un exemplaire du dossier des ouvrages exécutés sera remis au coordonnateur SPS pour assurer la cohérence avec le Dossier d'Intervention Ultérieure sur les Ouvrages (DIUO). En cas de retard dans la remise des plans et autres documents à fournir après exécution par le ou les titulaires, une pénalité égale à 50,00 euros par jours de retard sera appliquée sur les sommes dues au(x) titulaire(s). ".

8. Il résulte de l'instruction que la commune a inclus dans le décompte général du marché des pénalités de retard au titre de la remise du dossier des ouvrages exécutés une somme de 8 800 euros, correspondant à un retard de 176 jours. La commune soutient que le dossier remis le 18 décembre 2017 par l'intimée présentait un caractère lacunaire. Cependant la société Coucoureux fait valoir, sans être utilement démentie, que le complément qu'il lui était demandé de produire s'analysait en des plans d'exécution, dont la réalisation relevait, en vertu de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières, exclusivement du maître d'œuvre, et que, par ailleurs, les stipulations de l'article 12-4 du même cahier ne prévoient pas de délai précis pour la remise du dossier des ouvrages exécutés.

En ce qui concerne la retenue de garantie:

9. Il résulte de l'instruction et notamment des dires non démentis de la commune en appel, dans ses dernières écritures, que celle-ci a procédé, le 7 novembre 2019, au paiement au titre de la libération de la retenue de garantie, d'un montant de 16 532,60 euros au profit de la société Menuiserie Coucoureux, somme qu'il y a lieu d'inclure dans le décompte général à hauteur seulement du montant de 16 454,24 euros qui y était porté.

Sur le solde du marché :

10. Il résulte de tout ce qui précède que doivent être réintégrées dans le décompte général du marché la somme de 25 254,24 euros représentant le total de la somme de 16 454,24 euros au titre de la retenue de garantie et de celle de 8 800 euros au titre des pénalités de retard afférentes à la remise du dossier des ouvrages exécutés. Dans ces conditions, le décompte général s'établit à la somme de 324 129,96 euros. Compte tenu de ce que la commune justifie de ce que la somme de 315 329,94 euros toutes taxes comprises a été versée à la société Menuiseries Coucoureux, le solde créditeur de la société au titre du marché s'établit à la somme de 8 800,02 euros toutes taxes comprises.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Jean est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fixé à la somme de 73 309,41 euros toutes taxes comprises le montant du solde du marché dû à la société Menuiserie Coucoureux, au lieu de la somme de 8 800,02 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Jean, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Menuiserie Coucoureux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Menuiserie Coucoureux la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Jean et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er Le solde du marché de la société Menuiserie Coucoureux au crédit de celle-ci est ramené à la somme de 8 800,02 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement du 13 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 3 : La société Menuiserie Coucoureux versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Jean en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint-Jean est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la société Menuiserie Coucoureux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Menuiserie Coucoureux et à la commune de Saint-Jean.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

A lire également