CAA Versailles, 15/12/2022, n°19VE04114

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société JD Charpente et Couverture a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Sarcelles à lui verser, à titre principal, la somme de 74 858,40 euros au titre des travaux supplémentaires qu'elle a effectués pour l'exécution du lot n° 1 du marché public de réfection des courts de tennis du centre sportif Nelson Mandela de Sarcelles, et, à titre subsidiaire, la somme de 18 205 euros au titre de ces mêmes travaux.

Par un jugement n° 1609859 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 décembre 2019 et 26 janvier 2021, la société JD Charpente et Couverture, représentée par Me Mendes Constante, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Sarcelles à lui verser, à titre principal, la somme de 74 858,40 euros, à titre subsidiaire, la somme de 18 205 euros, au titre des travaux supplémentaires qu'elle a effectués ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sarcelles la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors qu'elle a présenté deux mémoires en réclamation le 31 décembre 2014 et le 27 juillet 2015, le second ayant été produit dans le délai de trente jours prévu par les stipulations de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) relatif aux marchés de travaux ; le mémoire du 27 juillet 2015, qui est suffisamment précis, constitue bien un mémoire en réclamation ;

- la commune de Sarcelles a commis une faute dans la conception du marché, notamment en exigeant à l'article 16.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) l'utilisation par les entreprises de plaques en aluminium de type Tek 28 des établissements Alubel ; cette faute lui ouvre droit à indemnité compte tenu des difficultés qu'elle a rencontrées dans l'exécution du marché ; le comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des différends ou litiges de Versailles relatifs aux marchés publics a reconnu la faute de la commune ;

- en tout état de cause, elle a réalisé des travaux supplémentaires qui étaient indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art ;

- à titre subsidiaire, elle a réalisé des travaux utiles à la réalisation de l'ouvrage avec l'accord du maître d'ouvrage, qui lui ouvrent droit au remboursement de ses frais évalués à la somme de 18 205 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, la commune de Sarcelles, représentée par Me Gauch, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société JD Charpente et Couverture le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la requérante est irrecevable dès lors que le courrier du 27 juillet 2015 ne peut être regardé comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1. du CCAG Travaux dès lors qu'il n'expose pas de manière précise et détaillée le montant de la somme réclamée ainsi que ses bases de calcul ;

- en outre, et en tout état de cause, sa demande est irrecevable en ce qu'elle demande au juge du contrat de l'indemniser de travaux supplémentaires en raison de leur caractère indispensable ou de leur utilité, chefs de réclamation qui ne figuraient pas dans le mémoire en réclamation en méconnaissance de l'article 50.3.1 du CCAG Travaux ;

- l'exposante n'a pas commis de faute dans la conception ou la mise en œuvre du marché dès lors que les difficultés rencontrées par la requérante dans l'exécution du marché trouvent leur origine dans l'erreur qu'elle a commise en s'abstenant, avant la remise de son offre, de vérifier que l'utilisation des plaques de couverture étaient compatibles, par leur forme et leur poids, avec la structure existante et alors que son offre est réputée inclure le coût des prestations annexes nécessaires à une parfaite finition des ouvrages, y compris celles non prévues au marché ; contrairement à ce qui est allégué, l'article 16.1 du cahier des clauses techniques particulières n'imposait pas le recours à un certain type de plaque en particulier ;

- la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a réalisé des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dès lors que les travaux de dépose des plaques existantes et de pose de nouvelles plaques de couverture sur les courts de tennis ne présentent pas le caractère de travaux supplémentaires, étant inclus dans le marché initial et compris dans le prix global et forfaitaire que la société a proposé, ainsi que le prévoit l'article 3.2.1. du cahier des clauses administratives particulières ; en tout état de cause, les travaux réalisés n'étaient pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art dès lors qu'il existait d'autres solutions techniques alternatives ;

- les travaux réalisés ne présentent pas le caractère de travaux supplémentaires utiles ouvrant droit à indemnisation dès lors que la commune exposante ne les a pas demandés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-le rapport de Mme B,

-les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

-et les observations de Me Millard, pour la commune de Sarcelles.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Sarcelles a lancé une consultation ayant pour objet la passation de marchés de travaux pour la réfection des couvertures et la création d'un système de chauffage au tennis club du centre sportif Nelson Mandela. Le lot n° 1 portant sur la réfection des toitures a été confié à la société JD Charpente et Couverture par un acte d'engagement, signé le 1er septembre 2014, pour un prix global et forfaitaire de 218 466 euros TTC. Par un courrier du 31 décembre 2014, la société JD Charpente et Couverture a adressé à la commune de Sarcelles une réclamation tendant à obtenir le paiement de la somme de 74 858,40 euros TTC, correspondant à des travaux supplémentaires de dépose des couvertures existantes qu'elle soutenait avoir dû réaliser au cours de l'exécution du marché. La commune a refusé de lui régler cette somme et ne l'a pas reprise dans le décompte général que la société JD Charpente et Couverture a, en conséquence, refusé de signer. Par un avis du 10 juin 2016, le comité consultatif interdépartemental de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics (CCIRA) de Versailles a estimé que la demande de la société tendant au paiement de la somme de 74 858,40 euros n'était pas fondée mais a proposé une indemnisation amiable d'un montant de 18 000 euros pour les travaux supplémentaires de dépose en raison de leur utilité pour la commune de Sarcelles. La commune de Sarcelles ayant décidé de ne pas suivre cet avis, la société JD Charpente et Couverture a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Sarcelles à lui verser, à titre principal, la somme de 74 858,40 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 18 205 euros TTC. Elle fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique, commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

3. La société JD Charpente et Couverture soutient que la commune de Sarcelles a commis une faute dans la conception du marché en imposant à l'article 16.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) l'utilisation de plaques en aluminium de type Tek 28 des établissements Alubel pour procéder à la fixation d'une nouvelle couverture sur la couverture existante alors, notamment, que les visseries y faisaient obstacle. Il résulte toutefois des termes mêmes de l'article 16.1 du CCTP que le maître d'ouvrage s'est borné à préconiser, sans l'imposer, l'utilisation de ces plaques en aluminium fabriquées par les établissements Alubel et que la commune de Sarcelles laissait la possibilité aux entreprises d'utiliser des plaques similaires de forme et de poids compatibles avec la structure et les panneaux translucides existants. Dans un courrier du 8 septembre 2014, soit à peine sept jours après le début des travaux, la commune de Sarcelles a d'ailleurs rappelé à la société JD Charpente et Couverture que le CCTP " n'impose pas un mode de mise en œuvre ni un produit. La référence Tek 28 des Ets Alubel n'est donné qu'à titre indicatif ". L'entreprise était donc libre d'utiliser d'autres matériaux que ceux suggérés par le maître d'ouvrage dans les pièces de la consultation. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de déposer la couverture existante du fait de son incompatibilité avec les plaques en aluminium de type Tek 28 des établissements Alubel qu'elle avait acquises, résulterait d'une faute commise par la commune de Sarcelles dans la conception du marché.

4. En second lieu, le titulaire d'un marché à prix forfaitaire n'a pas droit à la rémunération des travaux qui n'ont pas été commandés par le maître d'ouvrage même s'ils présentent un caractère utile. En revanche, il a droit au paiement, par le maître d'ouvrage, des prestations supplémentaires qui lui ont été réclamées par ordre de service ainsi qu'à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois, qu'ils soient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

5. Aux termes de l'article 3.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en cause : " Le prix global et forfaitaire, reporté dans l'acte d'engagement par l'entreprise titulaire du marché s'entend pour l'exécution, sans restriction ni réserve, pour tous les ouvrages normalement inclus dans le marché dont elle est attributaire et ce, dans les conditions suivantes : /- sur la base de la définition et de la description des ouvrages telle qu'elles figurent aux documents de consultation sans caractère limitatif et quelles que soient les imprécisions, contradictions ou omissions que pourraient présenter ces pièces. L'entrepreneur est réputé avoir prévu, lors de l'étude de son offre, et avoir inclus dans son prix, toutes les modifications et adjonctions nécessaires pour l'usage auquel elles sont destinées, les compléter par toutes les prestations annexes et détails nécessaires à une parfaite finition qui ne sont pas décrits ou mentionnés dans les documents du marché. / - les dépenses supplémentaires imprévues que l'entrepreneur pourrait avoir à supporter en cours de chantier () ".

6. La société JD Charpente et Couverture soutient que les travaux dont elle réclame le paiement constituent des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ou, à tout le moins, des travaux utiles à la commune. Il résulte, toutefois, des pièces de la consultation que les caractéristiques techniques de la couverture des deux bâtiments étaient précisément décrites notamment aux articles 1er et 16 du CCTP. En outre, aux termes des articles 5 et 14 du CCTP ainsi que de l'article 3.1.2 du CCAP, les entreprises, qui ne pouvaient prétendre à un supplément de prix compte tenu du caractère global et forfaitaire des prix du marché, étaient invitées à se rendre sur place pour apprécier les difficultés liées à l'exécution des travaux et étaient également invitées à signaler toute erreur ou omission dans les pièces de la consultation. A défaut, elles devaient être regardées comme ayant accepté l'ensemble de ces pièces. Or, il résulte de l'instruction que la société JD Charpente et Couverture s'est abstenue de se rendre sur place pour apprécier les difficultés d'exécution du marché et n'a signalé au maître d'ouvrage, lors de la remise de son offre, aucune erreur portant sur les modalités d'installation des plaques Tek 28 sur la couverture existante. Ce n'est que lors de la première réunion de chantier organisée le 1er septembre 2014 et dans ses courriers du 4 et 10 septembre 2014, une fois qu'elle avait été désignée attributaire du marché, qu'elle a signalé au maître d'ouvrage des difficultés d'exécution du marché notamment tenant à l'impossibilité de poser les plaques d'aluminium Tek 28 sur la couverture existante. Ainsi, les modifications auxquelles elle a dû procéder par rapport aux spécifications techniques prévues à l'article 16.1 du CCTP auraient pu être constatées par la société JD Charpente et Couverture lors de la remise de son offre. En l'absence de toutes réserves émises par la société requérante pendant la phase de consultation, la société JD Charpente et Couverture est réputée avoir inclus ces modifications dans son offre forfaitaire sur laquelle elle s'est contractuellement engagée. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que ces travaux auraient été commandés au-delà de ce que prévoyaient les documents contractuels. Par suite, la société JD Charpente et Construction n'est pas fondée à en réclamer le paiement au titre de travaux supplémentaires, que ce soit sur le terrain des travaux indispensables ou sur celui des travaux utiles.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société JD Charpente et Couverture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société JD Charpente et Couverture le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Sarcelles sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société JD Charpente et Couverture est rejetée.

Article 2 : la société JD Charpente et Couverture versera à la commune de Sarcelles la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société JD Charpente et Couverture et à la commune de Sarcelles.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

M. B La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

A lire également