TA Cergy-P, 16/02/2023, n°1906425

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1906425 le 22 mai 2019, la société par actions simplifiées (SAS) Sepur, représentée par Me Lhéritier, demande au tribunal :

1°) d'annuler les décisions du 1er février 2019 par lesquelles la commune de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) lui a appliqué des pénalités d'un montant total de 19 950 euros dans le cadre de l'exécution du marché n° AOO/2014/07 portant sur la collecte des déchets ménagers et assimilés et prestations de nettoiement notifié le 27 avril 2015 ;

2°) d'annuler les titres de recettes n°s 948, 949, 950, 951 et 952 émis le 4 mars 2019 pour le recouvrement de ces pénalités ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée ;

4°) à titre subsidiaire, de modérer le montant des pénalités qui lui ont été appliquées ;

5°) de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les titres de recettes litigieux sont irréguliers en la forme : ils ont été pris par une autorité incompétente et ne comportent pas la signature de leur auteur ;

- l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières s'oppose à l'émission de titres exécutoires pour le recouvrement des pénalités contractuelles ;

- les titres litigieux sont fondés sur une créance inexistante dès lors que les pénalités infligées, qui correspondent à des décisions de refus d'admission des prestations, ne pouvaient être légalement prévues au contrat ; que les manquements qu'elles sanctionnent ne sont pas établis et que la commune est de mauvaise foi ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de moduler ces pénalités qui sont manifestement excessives.

La requête a été communiquée à la commune de La Garenne-Colombes qui n'a produit aucun mémoire en défense, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 août 2020.

Par une ordonnance du 5 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2020 à 12 heures.

Par un courrier du 26 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation des décisions du 1er février 2019 qui constituent des mesures d'exécution du contrat non susceptible d'un recours direct.

Les observations présentées par la SAS Sepur sur ce moyen d'ordre public ont été communiquées le 31 janvier 2023.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 1908271 le 2 juillet 2019, la SAS Sepur, représentée par Me Lhéritier, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la commune de La Garenne-Colombes lui a appliqué des pénalités d'un montant total de 950 euros dans le cadre de l'exécution du marché n° AOO/2014/07 portant sur la collecte des déchets ménagers et assimilés et prestations de nettoiement notifié le 27 avril 2015 ;

2°) d'annuler le titre de recettes n° 1617 émis le 16 avril 2019 pour le recouvrement de ces pénalités ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée ;

4°) à titre subsidiaire, de modérer le montant des pénalités qui lui ont été appliquées ;

5°) de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes litigieux est irrégulier en la forme en ce qu'il ne comporte pas la signature de son auteur ;

- l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières s'oppose à l'émission de titres exécutoires pour le recouvrement des pénalités contractuelles ;

- le titre litigieux est fondé sur une créance inexistante dès lors que les pénalités infligées, qui correspondent à des décisions de refus d'admission des prestations, ne pouvaient être légalement prévues au contrat ; que les manquements qu'elles sanctionnent ne sont pas établis et que la commune est de mauvaise foi ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de moduler ces pénalités qui sont manifestement excessives.

La requête a été communiquée à la commune de La Garennes-Colombes qui n'a produit aucun mémoire en défense, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 août 2020.

Par une ordonnance du 5 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2020 à 12 heures.

Par un courrier du 26 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 mars 2019 qui constitue une mesure d'exécution du contrat non susceptible d'un recours direct.

Les observations présentées par la SAS Sepur sur ce moyen d'ordre public ont été communiquées le 31 janvier 2023.

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 2002419 le 26 février 2020, la SAS Sepur, représentée par Me Lhéritier, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 26 novembre 2019 par laquelle la commune de La Garenne-Colombes lui a appliqué une pénalité d'un montant de 781,72 euros dans le cadre de l'exécution du marché n° AOO/2014/07 portant sur la collecte des déchets ménagers et assimilés et prestations de nettoiement notifié le 27 avril 2015 ;

2°) d'annuler le titre de recettes n° 6178 émis le 11 décembre 2019 pour le recouvrement de cette pénalité ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Garennes-Colombes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes litigieux est irrégulier en la forme en ce qu'il ne comporte pas la signature de son auteur ;

- l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières s'oppose à l'émission de titres exécutoires pour le recouvrement des pénalités contractuelles ;

- le titre litigieux est fondé sur une créance inexistante dès lors que la pénalité infligée, qui correspond à une décision de refus d'admission des prestations, ne pouvait être légalement prévue au contrat ; que la formule de révision des prix n'est pas applicable à cette pénalité ; que les manquements qu'elle sanctionne ne sont pas établis et que la commune est de mauvaise foi ;

La requête a été communiquée à la commune de La Garenne-Colombes qui n'a produit aucun mémoire en défense.

Par une ordonnance du 21 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 26 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 novembre 2019 qui constitue une mesure d'exécution du contrat non susceptible d'un recours direct.

Les observations présentées par la SAS Sepur sur ce moyen d'ordre public ont été communiquées le 31 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sitbon, conseiller ;

- les conclusions de M. Camguilhem, rapporteur public ;

- les observations de Me Caritg pour la SAS Sepur.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement notifié le 27 avril 2015, la commune de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) a confié à la société par actions simplifiée (SAS) Sepur un marché public alloti portant sur des prestations de collecte en porte à porte des déchets ménagers et assimilés (lot n° 1) et des prestations de nettoiement (lot n° 2). Par des courriers du 1er février, du 29 mars et du 26 novembre 2019, la commune de La Garenne-Colombes a infligé à la SAS Sepur des pénalités contractuelles, dont elle a ordonné le recouvrement par sept titres de recettes émis les 4 mars, 16 avril et 11 décembre 2019. Par les présentes requêtes, la SAS Sepur demande au tribunal l'annulation des décisions d'application des pénalités et des titres exécutoires émis pour leur recouvrement ainsi que la décharge des sommes réclamées.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 1906425, 1908271, 2002419, sont relatives à l'exécution d'un même marché public, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul et même jugement.

Sur les conclusions à fins d'annulation des décisions des 1er février, 29 mars et 26 novembre 2019 :

3. A l'exception de la décision de résiliation qui peut faire l'objet d'un recours en invalidation et tendant à la reprise des relations contractuelles, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé.

4. Les décisions contestées par lesquelles la commune de La Garenne-Colombes a infligé des pénalités à la SAS Sepur sont des mesures d'exécution du marché en litige auquel elles sont parties. Par suite, la SAS Sepur n'est pas recevable à en demander l'annulation. Les conclusions qu'elle a présentées à cette fin ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur l'opposition à exécution :

5. Aux termes de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché : " Dans tous les cas d'application de pénalité, celles-ci sont automatiquement déduites du prochain règlement à effectuer au titulaire. ".

6. Il résulte de ces stipulations que les pénalités contractuelles infligées par l'acheteur ne peuvent être récupérées que par imputation sur les règlements à effectuer au titulaire. Ces stipulations interdisent donc leur recouvrement par l'émission de titres exécutoires. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, la SAS Sepur est fondée à demander l'annulation des titres de recettes n°s 948, 949, 950, 951, 952, 1617 et 6178 et, eu égard au motif d'annulation retenu, la décharge de l'obligation de payer la somme globale de 21 681,72 euros mise à sa charge par ces titres.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : Les titres de recettes n°s 948, 949, 950, 951, 952, 1617 et 6178 émis par la commune de La Garenne-Colombes sont annulés.

Article 2 : La SAS Sepur est déchargée de l'obligation de payer la somme de 21 681,72 euros mise à sa charge par ces titres.

Article 3 : La commune de La Garenne-Colombes versera à la SAS Sepur la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Sepur sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Sepur et à la commune de La Garenne-Colombes.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Oriol, présidente,

Mme B et M. Sitbon, conseillers,

Assistés de Mme Vivet, greffière.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé

J. Sitbon

La présidente,

Signé

C. Oriol

La greffière,

Signé

M. A

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour ampliation,

La greffière

N°s 1906425 - 1908271 - 2002419

A lire également