TA de Paris, 29/07/2022, 2214857
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrée les 11 et 26 juillet 2022, la société RATP Développement, représentée par Me Dourlens, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à Ile-de-France mobilités (IDFM) de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ce qui concerne la concession pour l'exploitation des lignes de bus desservant le territoire de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (lot n°29) ;
2°) d'enjoindre à IDFM de reprendre ladite procédure de concession dans son intégralité ;
3°) de condamner IDFM à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié les 20 mai, 22 mai et 25 mai 2020 dans le journal d'annonces légales " Ville, Rail et Transports ", au Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics et au Journal Officiel de l'Union Européenne, l'établissement public local Ile-de-France mobilité (IDFM) a lancé une concession en vue d'assurer l'exploitation des lignes de bus desservant le territoire de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (lot n°29). Quatre critères, la qualité technique du projet d'exploitation pour 25%, la qualité technique des projets d'infrastructures pour 10%, la qualité de service et expérience voyageur pour 10% et la valeur économique et financière de l'offre pour 45%, ont servi à départager les offres. Par un courrier en date du 13 juillet 2022, la société RATP Développement a été informée du rejet de son offre au motif que son offre a obtenu la note de 72,5 sur 100 et qu'elle est classée en quatrième position.
2. Par la présente requête, la société RATP Développement demande au juge des référés d'enjoindre à IDFM de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ce qui concerne la concession pour l'exploitation des lignes de bus desservant le territoire de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (lot n°29) ainsi que de reprendre ladite procédure de concession dans son intégralité.
3. IDFM a la qualité d'entité adjudicatrice en application des articles L. 1212-1 et 3 du code de la commande publique. Il y a donc lieu de considérer que sont applicables au présent référé les articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 551-5 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". L'article L. 551-6 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis [] ".
5. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
6. En premier lieu, la société RATP Développement fait valoir qu'IDFM lui a infligé un traitement discriminatoire en ouverture de la phase de négociation du fait de l'exclusion du directeur régional pour l'Ile-de-France à la première réunion de négociation du 27 octobre 2021.
7. Dans sa requête, la société RATP Développement indique que " la veille de l'audition du 27 octobre 2021, et plus précisément le 26 octobre au soir, elle se voyait en effet prévenir par un simple appel téléphonique que la présence d'un de ses dirigeants, en l'occurrence M. A qui en était alors et en est toujours le directeur régional pour l'Ile-de-France, n'était pas envisageable ". Et elle ajoute qu'" aucune explication particulière n'était fournie ". De plus, pour appuyer ses dires, elle produit, au sein de son mémoire en complémentaire, des extraits d'échanges de mail en date du 23 novembre 2021 qui selon elle " portaient précisément sur la présence de M. A aux auditions, ou plus exactement sur la décision de l'autorité concédante qu'il n'y participe pas " et affirme que " la participation aux auditions organisées par ILE-DE-FRANCE MOBILITES a longtemps constitué de la part de ce dernier un point de blocage sans toutefois qu'il ne s'en soit vraiment jamais expliqué, à tel point que l'exposante a fait réaliser une analyse juridique qu'elle lui a communiquée en toute transparence ". Toutefois, et à supposer même établies les allégations de la société RATP Développement, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que M. A, en sa qualité de directeur régional pour l'Ile-de-France, a participé à la deuxième réunion de négociation du 23 mars 2022, et il n'est pas démontré en quoi son absence à la première réunion de négociation aurait été déterminante sur le classement de l'offre de cette société. Le moyen tiré de ce que RATP développement aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire et en aurait été lésée ou est susceptible de l'avoir été sera donc écarté.
8. En deuxième lieu, la société RATP Développement soutient qu'IDFM a méconnu les dispositions de l'article. 3124-1 du code de la commande publique en modifiant, en cours de négociations, la liste des COB mis à disposition du concessionnaire.
9. Aux termes de l'article L. 3124-1 du code de la commande publique : " la négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et les caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ". De plus, aux termes de l'article II.1.1) du l'avis de concession : l'objet de la concession consiste en une " délégation de service public pour l'exploitation des lignes de bus desservant le territoire de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ". Encore, aux termes de l'article 1.3 du règlement de la consultation " le lot sera exploité à partir des centres opérationnels bus suivants : Trappes Les Bruyères, 9 avenue Jean-Pierre Timbaud/ Trappes La Rigole, 12 rue Denis Papin/ Plaisir, rue Jacques Monod. [] Ile-de-France Mobilités se réserve le droit de faire évoluer la liste des centres opérationnels bus et notamment d'apporter un nouveau terrain en cours de procédure [] ". Enfin, aux termes de l'article 3.1 du même règlement de la consultation : " [] Dans le cadre de la présente procédure, les caractéristiques minimales de l'offre du candidat sont notamment : la construction d'un centre opérationnel bus [] ".
10. Il résulte de l'instruction que l'objet de la concession en litige consiste en " l'exploitation des lignes de bus desservant le territoire de la Communauté de Saint-Quentin-en-Yvelines " ; cet objet emporte celui de l'exploitation des COB mis à disposition du concessionnaire et de la construction de l'un d'entre eux. S'il n'est pas contesté qu'IDFM a modifié la liste des COB à partir desquels le service concédé serait réalisé, il résulte d'une part que ce dernier a fait usage d'une faculté qu'il s'était réservé dès le lancement de la consultation comme le prévoit l'article 1.3 précité du règlement de la consultation et d'autre part que cette modification n'a pas porté sur les conditions et caractéristiques minimales telles qu'indiquées dans les documents de la consultation puisqu'elle a consisté en la suppression du COB de Plaisir, situé rue Jacques Monod et la mise à disposition temporaire, dans la même commune du COB des Gâtines sans remettre en cause la construction du COB de Trappes- La Rigole. Si la société RATP Développement prétend que ces modifications ont été successivement décidées pour avantager le concessionnaire pressenti, il ressort cependant des écritures et des débats à l'audience que le COB situé rue Jacques Monod, dont la société attributaire est propriétaire, a été affecté à un autre lot de la concession et que, s'agissant du COB des Gâtines dont la propriété appartient également aux sociétés attributaires, son utilisation, conformément aux pièces de la consultation, ne consistera qu'en la mise à disposition provisoire, le temps de la construction du COB de Trappes La Rigole, d'un avitaillement en gasoil, ne comprendra pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, d'installation de maintenance ou d'avitaillement en GNV et sera ensuite affecté à un autre lot de la concession. Par suite, en l'absence de manquement, la société RATP développement ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été lésée par cette modification en cours de procédure.
11. En troisième lieu, la société RATP Développement fait valoir qu'IDFM a méconnu ses obligations de mise en concurrence et de publicité en modifiant les dispositions relatives à la sous-concession.
12. S'il résulte de l'instruction qu'IDFM a procédé à des adaptations relatives aux contrats conclus avec les tiers entre le stade de l'offre initiale et celui de l'offre intermédiaire, la société RATP Développement ne démontre pas en quoi ces modifications sont irrégulières. De plus, il résulte de l'instruction, sans contredit, que la modification des conditions de recours à la sous-traitance s'est appliquée dans les mêmes conditions pour tous les candidats en lice et a conduit, tant la société requérante que les autres candidats, à revoir leur proposition en conséquence. Par suite, la société RATP développement ne peut soutenir avoir été impactée plus qu'un autre soumissionnaire par la modification des conditions de recours à des sous-contractants et en avoir été lésée. Le moyen sera donc écarté.
13. En dernier lieu, la société RATP Développement soutient qu'IDFM a méconnu les dispositions de l'article L. 3124-2 et suivants du code de la commande publique dès lors que l'attributaire de la concession a prévu la conversion énergétique au GNV de deux dépôts alors que l'autorité concédante l'avait exclu dans le cadre de la consultation.
14. Il résulte de l'instruction que le " tweet " incriminé effectué à des fins commerciales par le groupement attributaire de la concession est postérieur à la décision d'attribution de la concession en litige. Il ne pourrait donc au mieux que concerner l'exécution de la concession. Par suite, ce moyen ne saurait être utilement invoqué devant le juge du référé précontractuel et ne peut donc qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la société RATP Développement doit être rejetée en toute ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société RATP Développement est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de IDFM et des sociétés Savac Participations et Lacroix Participations et services présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société RATP Développement, à Ile-de-France mobilités et aux sociétés Savac Participations et Lacroix Participations et services.
Fait à Paris, le 29 juillet 2022.
La juge des référés,
M.-P. B
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N°2214857/4-1