TA Guyane, 15/12/2022, n°2201643

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 novembre, 7 décembre, 8 décembre et 9 décembre 2022, la société HELI-COJYP, représentée par Me Le Port, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation des lots n°1, 2 et 4 de l'accord-cadre ayant pour objet l'affrètement d'aéronefs au profit des services de l'Etat en Guyane et en particulier, la décision par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté ses offres au titre des trois lots considérés, d'une part, et d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Guyane a retenu l'offre de la société HBG en qualité d'attributaire au titre des trois lots considérés, d'autre part ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle justifie d'un intérêt à se voir attribuer les lots considérés ;

- dès le rejet des offres, le pouvoir adjudicateur aurait dû lui communiquer le détail des notes, qui constitue la motivation du choix de l'offre retenue, en application de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique ; la méconnaissance des dispositions régissant l'information des candidats évincés à l'issue d'une procédure de passation constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif ; elle n'a obtenu que les notes finales, sur 100, données à ses offres et à celles de la société attributaire ainsi que les notes globales données aux offres au titre des critères prix et valeur technique ; en revanche, les notes accordées au titre de chacun des sous-critères et le prix global des offres déposées par la société HBG ne lui ont pas été communiqués ; le défaut de communication de ces informations la place dans l'impossibilité de comprendre les raisons pour lesquelles ses offres ont été considérées comme économiquement moins avantageuses, d'une part, et de contester utilement son éviction ;

- le sous-critère technique tiré de la " politique environnementale de la société " est dépourvu de toute précision et de lien avec l'objet et l'exécution de l'accord-cadre n'est pas établi, en méconnaissance des articles L. 2152-7 et R. 2152-7 du code de la commande publique, ce qui constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de la léser ;

- les documents de la consultation ne précisent pas les sous-critères techniques qui présentent un caractère général; les cadres de réponse prévus pour candidater ne correspondaient pas aux critères prévus ; en raison de l'imprécision des critères, elle a dû faire des choix discriminants inadaptés aux attendus du pouvoir adjudicateur tandis que la société HBG, qui est le titulaire sortant, disposait d'une connaissance parfaite et exhaustive des besoins du pouvoir adjudicateur ; l'imprécision des critères donne au pouvoir adjudicateur une liberté discrétionnaire dans le choix de l'attributaire et favorise le candidat sortant, mieux informé ; elle est nécessairement lésée par l'imprécision des critères ;

- les documents de la consultation sont entachés de plusieurs ambiguïtés et d'une contradiction concernant les montants maximaux des accords-cadres ; l'avis d'appel public et le règlement de consultation ne mentionne aucun montant maximal de l'accord-cadre mais se borne à indiquer une valeur estimée ; les rédacteurs des cahiers des clauses particulières des lots se sont trompés dans les montants maximums des accords-cadres ; les lacunes des documents de la consultation ont favorisé le prestataire en place ;

- les besoins du pouvoir adjudicateur n'ont pas été déterminés avec une précision suffisante, en méconnaissance de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique, ce qui ne lui a pas permis de présenter une offre adaptée aux prestations attendues ; la détermination précise des besoins n'est que la déclinaison des principes généraux d'égalité et de liberté d'accès ainsi que de transparence des procédures prévus à l'article 3 du code de la commande publique en tant qu'ils prévoient que les candidats disposent des mêmes informations et sont en capacité d'établir et de proposer des offres pertinentes et concurrentielles ; elle n'a pas été mise en mesure de présenter une offre adaptée aux besoins dès lors qu'elle ne disposait pas du montant maximum des prestations mais uniquement du montant estimé, ce qui l'a nécessairement lésé par rapport au candidat attributaire qui est le titulaire sortant du marché ; à supposer même qu'il faudrait comprendre que le montant maximum serait de trois fois le montant estimé, ce qui représente une différence de 300 %, une telle disproportion l'a nécessairement lésé dès lors qu'elle a dû tenir compte, dans la présentation de son offre, du risque de devoir répondre à des commandes émises pour un montant correspondant à trois fois le montant estimé pour chaque lot ; en parallèle, le titulaire sortant du marché, connaissant les prestations, avait nécessairement une meilleure connaissance du besoin du pouvoir adjudicateur et prenait ainsi moins de risque en présentant son offre ; dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'estimation de ses besoins ;

- la société attributaire du lot n° 1 ne dispose plus, depuis plus d'un an, de pilotes titulaires de la qualification HESLO 2 pour utiliser des élingues longues, nécessaires pour réaliser les prestations demandées ; ce manquement l'a lésé dès lors que l'offre irrégulière de la société HBG aurait dû être écarté, et elle aurait été attributaire du lot n° 1 ;

- le pouvoir adjudicateur a dénaturé ses offres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que :

- les courriers de notification du 8 novembre 2022 de rejet des offres de la société HELI-COJYP contient toutes les informations exigées par l'article R. 2181-3 du code de la commande publique, notamment le motif du rejet de l'offre, le nom de l'attributaire, la date à compter de laquelle le marché pourrait être signé, l'indication, par critère, des notes et du rang de classement de la société requérante, la désignation de la société attributaire, la description de ses notes et son rang de classement ; il a par ailleurs, sur demande de la société requérante, transmis par un courrier du 24 novembre 2022, les informations complémentaires sollicitées ; le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique n'est pas fondé ;

- le sous-critère relatif à la politique environnementale de la société n'a pas empêché la société requérante de présenter des offres et n'a donc pas exercé d'influence sur la régularité de la procédure suivie ; l'objectif n'était pas de noter la politique environnementale de la société mais d'apprécier les performances des sociétés candidates en matière de protection de l'environnement, dans le cadre de l'exécution du marché ; la faible valeur de la pondération de ce sous-critère technique n'a pas créé un écart de points suffisamment important entre les deux soumissionnaires pour léser la société HELI-COJYP ; par ailleurs, les deux sociétés ont obtenu la même note sur ce sous-critère ; en outre, la société requérante n'a, à aucun moment, fait usage de la faculté ouverte par l'article 4.3 du règlement de la consultation de solliciter des éclaircissements sur les éventuelles imprécisions des documents de la consultation ; ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2152-7 et R. 2152-7 du code de la commande publique n'est pas fondé ;

- l'article 6.2 du règlement de la consultation précise les critères et les sous-critères, dont la pondération a été portée à la connaissance des candidats ; contrairement aux allégations de la société requérantes, les documents de la consultation prévoyaient six sous-critères dont la dénomination est claire, précise, non-équivoque et liée à l'objet du marché ; les cadres de réponse à l'appel d'offre reprend les critères et élargit la compréhension de ce qui était attendu des soumissionnaires ; le moyen tiré de l'insuffisante description des critères de choix n'est pas fondé ;

- le décret n° 2021-1111 du 23 août 2021, modifiant l'article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé, à compter du 1er janvier 2022, la possibilité de conclure des accords-cadres sans maximum ; l'article 2 du règlement de la consultation liste les différents lots de la consultation, établit les principes d'obtention des différentes valeurs (valeur estimée, valeur maximale et valeur totale du marché) et indique le montant estimé, tous lots confondus, sur une année puis sur la durée du marché ; la rédaction de cet article est exacte et dépourvue d'ambiguïté ; aucun texte n'établit l'obligation d'une présentation du montant du marché sous forme chiffrée ; le règlement de la consultation est indiqué à l'alinéa 2 de son article 2 ; il appartenait à la société requérante de demander des précisions aux services de la préfecture si elle estimait que les documents de la consultation n'apparaissaient pas clairs ou nécessitaient des éclaircissements ;

- aucun avantage concurrentiel n'a pu être tiré par l'ancien titulaire dès lors que tous les candidats ont disposé du même niveau d'information ; le choix d'un maximum important, plus élevé que le montant estimé permet de donner une marge de sécurité ; le besoins ont été correctement estimés ;

- seuls des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence peuvent être invoqués devant le juge du référé précontractuel ; en revanche, il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres ; la société requérante ne peut donc utilement invoquer la méconnaissance d'autres règles que la publicité et la mise en concurrence ; ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire au titre des opérations d'élingage " Heslo 2 " n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 12 décembre 2022 en présence de Mme Pauillac, greffière d'audience, M. C a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Le Port, représentant la société Heli-Cojyp, qui relève que pour l'ensemble des lots en cause le sous-critère " politique environnementale de la société " est imprécis, sans lien avec l'objet du marché et sans aucun rapport avec l'exécution du marché, que les critères de choix sont insuffisamment précis, que le montant maximal du marché aurait dû être précisé ainsi que l'a jugé le conseil d'Etat dans l'affaire " communauté de communes Convergence Garonne " venant à la suite d'un arrêt récent de la CJUE Simonsen et Weel, que les pilotes de la société HBG ne disposant pas de la qualification Heslo 2 élingage, l'offre de HBG est irrégulière, que la clause relative à la formation militaire des pilotes est discriminatoire, que plusieurs dénaturations des offres doivent être relevées, que l'offre de HBG est irrégulière faute de domiciliation effective des pilotes en Guyane ;

- celles de Mme D pour la société Heli-Cojyp ;

- celles de M. A pour le préfet de la Guyane qui soutient que les concurrents pouvaient reconstituer le montant maximal du marché avec les éléments portés à leur connaissance, que la formation militaire des pilotes exigée est justifiée en phase d'exécution du marché, que la domiciliation des pilotes en Guyane ne vaut que pour l'exécution du marché mais n'était pas exigée pour la passation, enfin admet que le sous-critère " politique environnementale de la société " est en effet imprécis et souffre d'une écriture malheureuse ;

- et celles de M. B pour la société HBG qui précise que deux pilotes sont domiciliés en Guyane et qu'un troisième le sera en alternance, que des pilotes avec formation militaire seront recrutés postérieurement à la notification du marché.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Guyane a lancé une appel d'offres en vue de l'attribution d'un accord-cadre pour l'affrètement d'aéronefs au bénéfice des services de l'Etat en Guyane, divisé en cinq lots. La procédure du lot n° 5 a été déclarée sans suite en raison de l'absence de candidature sur ce lot. Les lots 1, 2 et 4 étaient mono-attributaires tandis que le lot 3 était multi-attributaire. La société HELI-COJYP a déposé des offres pour les lots 1 à 4. Le 4 novembre 2022, le préfet de la Guyane a informé la société HELI-COJYP de ce que son offre présentée au titre du lot n° 3 a été retenue en qualité d'attributaire de second rang. Par la présente requête, la société HELI-COJYP demande au juge du référé précontractuel d'annuler, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation des lots n°1, 2 et 4 de l'accord-cadre ayant pour objet l'affrètement d'aéronefs au profit des services de l'Etat en Guyane et en particulier, la décision par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté ses offres au titre des trois lots considérés, d'une part et d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Guyane a retenu l'offre de la société HBG en qualité d'attributaire au titre des trois lots considérés.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat". L'article L. 551-2 du même code dispose que : "Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. / Les offres sont appréciés lot par lot. / Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie ". Aux termes de l'article R. 2152-7 du code précité : " Pour attribuer le marché ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agit des critères suivants : / a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelles des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; / b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; / c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. / D'autres critères d'attribution peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. / Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base ".

5. D'une part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères, qu'il détermine librement. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. D'autre part, si l'acheteur peut, pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects environnementaux, c'est à la condition, notamment, qu'ils soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution.

6. En premier lieu, la société HELI-COJYP soutient que le sous-critère technique tiré de la " politique environnementale de la société " est dépourvu de toute précision et de lien avec l'objet et l'exécution de l'accord-cadre n'est pas établi, en méconnaissance des articles L. 2152-7 et R. 2152-7 du code de la commande publique, ce qui constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de la léser. Le préfet fait valoir, dans ses écritures, que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2152-7 et R. 2152-7 du code de la commande publique n'est pas fondé dès lors que le sous-critère relatif à la politique environnementale de la société n'a pas empêché la société requérante de présenter des offres et n'a donc pas exercé d'influence sur la régularité de la procédure suivie, que l'objectif n'était pas de noter la politique environnementale de la société mais d'apprécier les performances des sociétés candidates en matière de protection de l'environnement, dans le cadre de l'exécution du marché, que la faible valeur de la pondération de ce sous-critère technique n'a pas créé un écart de points suffisamment important entre les deux soumissionnaires pour léser la société HELI-COJYP, que les deux sociétés ont obtenu la même note sur ce sous-critère et que la société requérante n'a, à aucun moment, fait usage de la faculté ouverte par l'article 4.3 du règlement de la consultation de solliciter des éclaircissements sur les éventuelles imprécisions des documents de la consultation.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que le pouvoir adjudicateur n'a pas détaillé avec suffisamment de précision, dans les documents de la consultation, la manière dont serait apprécié ce sous-critère relatif à la "politique environnementale de la société". Par ailleurs, ce critère ne concerne pas seulement les conditions dans lesquelles les entreprises candidates exécuteraient l'accord-cadre en litige mais peut être compris comme portant sur l'ensemble de leur activité et comme ayant pour objectif d'évaluer leur politique générale en matière environnementale, sans s'attacher aux éléments caractérisant le processus spécifique de réalisation des prestations prévues par le contrat. En outre, au cours de l'audience, le représentant de l'administration a reconnu que ce sous-critère technique souffrait d'une écriture malheureuse et d'imprécision. Dans ces conditions, la société HELI-COJYP est fondée à soutenir que ce critère n'a pas un lien suffisant avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution.

8. Il résulte de l'instruction que les critères d'évaluation des offres pour les lots n° 1 et n°4 du marché litigieux étaient le prix, pondéré à 45 % et la valeur technique, pondéré à 55 %, le critère de valeur technique étant divisé en six sous-critères, le premier " Organisation du prestataire pour répondre aux urgences " pondéré à 5/50, le deuxième " Flotte (typologie des appareils et nombre) " pondéré à 15/50, le troisième "Entretien (méthodologie, localisation des mécaniciens et des ateliers)" pondéré à 10/50, le quatrième "pilotes (qualification / expérience et domiciliation) "pondéré à 15/50, le cinquième" politique environnementale de la société" pondéré à 5/50 et le sixième "stratégie d'avitaillement " pondéré à 5/50, tandis que pour le lot n° 2, les critères étaient le prix et la valeur technique, chacun pondérés à 50 %, le critère de valeur technique étant divisé en cinq sous-critères, le premier " Flotte (typologie des appareils et nombre) " pondéré à 15/50, le second " Entretien (méthodologie, localisation des mécaniciens et des ateliers) " pondéré à 15/50, le troisième " pilotes (qualification / expérience et domiciliation) " pondéré à 10/50, le quatrième " politique environnementale de la société " pondéré à 5/50 et le cinquième " stratégie d'avitaillement " pondéré à 5/50.

9. Il ressort du rapport d'analyse des offres que, pour le lot n°1, la société HELI-COJYP a obtenu une note globale de 59,03/100, soit 21,53/45 pour le critère prix et 37,5/55 pour le critère valeur technique, et 4/5 pour le critère " politique environnementale de la société " alors que sa concurrente, la société HBG a obtenu une note globale de 70,47/100, soit 23,47/45 pour le critère prix et 47/55 pour le critère valeur technique, et 4/5pour le critère " politique environnementale de la société " et, pour le lot n°4, la société requérante a obtenu une note globale de 65,14/100, soit 23,64/45 pour le critère prix et 41,5/55 pour le critère valeur technique, et 4/5 pour le critère " politique environnementale de la société " alors que sa concurrente, la société HBG a obtenu une note globale de 68,36/100, soit 21,36/45 pour le critère prix et 47/55 pour le critère valeur technique, et 4/5 pour le critère " politique environnementale de la société ". Dans ces conditions, eu égard à l'écart de notation entre les deux offres, la société HELI-COJYP n'aurait pas été mieux classée, quand bien même elle aurait obtenu la note maximale sur ce sous-critère. Dans ces conditions, le manquement dont se prévaut la société HELI-COJYP pour ces lots n'est pas susceptible de l'avoir lésé et doit, par suite, être écarté.

10. En revanche, s'agissant du lot n°2, il ressort du rapport d'analyse des offres que la société HELI-COJYP a obtenu une note globale de 64,16/100, soit 28,66/50 pour le critère prix et 35,5/50 pour le critère valeur technique, et 4/5 pour le critère " politique environnementale de la société " alors que sa concurrente, la société HBG a obtenu une note globale de 64,34/100, soit 21,34/50 pour le critère du prix et 43/50 pour le critère valeur technique, dont 4/5 pour le critère " politique environnementale de la société ". Dans ces conditions, eu égard au faible écart de notation entre les deux offres, correspondant à 0,18 point, l'imprécision du critère " politique environnementale de la société " est susceptible d'avoir lésé la société HELI-COJYP dès lors qu'elle aurait pu être mieux classée si elle avait obtenu la note maximale pour ce sous-critère. Par suite, la société HELI-COJYP est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot n°2 du marché litigieux.

11. En second lieu, aux termes de l'article 5.2 du règlement de la consultation portant " conditions de participation " : " () L'acheteur fixe les niveaux minimums de capacité suivants : () / Capacités techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché public : () / Les pilotes et mécaniciens affectés à l'exécution de l'accord-cadre doivent être domiciliés de façon permanente en Guyane () ". Aux termes de l'article 5.5 du même document portant " examen des candidatures " : " L'acheteur examine les candidatures avant les offres : les documents concernant l'aptitude et les capacités sont fournis à la demande de l'acheteur et avant l'examen des offres. () Les candidatures ne justifiant pas de l'aptitude professionnelle ou qui n'atteignent pas les niveaux minimaux de capacités exigées pour cette consultation sont rejetées ". Aux termes de l'article 5.5.1 de ce texte : " () Les documents justificatifs concernant les aptitudes et capacités sont : () / - Déclaration sur l'honneur de chaque pilote et mécanicien, affecté à l'exécution de l'accord-cadre, attestant de leur résidence permanente sur le territoire de la Guyane () ".

12. La société HELI-COJYP soutient que la candidature de la société HBG aurait dû être rejetée dès lors que cette dernière ne justifiait pas de la domiciliation de façon permanente en Guyane de l'ensemble des pilotes affectés à l'exécution du marché. Il résulte de l'instruction que deux des pilotes affectés à l'exécution du marché litigieux sont domiciliés de façon permanente en Guyane tandis qu'un troisième le sera en alternance et que des pilotes avec formation militaire seront recrutés postérieurement à la notification du marché. Il s'en infère qu'avant de procéder à l'examen des offres, l'acheteur ne s'est pas assuré que la candidature de la société HBG atteignait les niveaux minimaux de capacités exigées pour la consultation s'agissant de la domiciliation permanente en Guyane des pilotes affectés à l'exécution de l'accord-cadre. Dans ces conditions, la société HELI-COJYP est fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a entaché la procédure d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible de l'avoir lésé en avantageant son concurrent. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté ses offres au titre des trois lots considérés, d'une part, et d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Guyane a retenu l'offre de la société HBG en qualité d'attributaire au titre des trois même lots, d'autre part.

Sur les frais d'instance :

13. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à la société HELI-COJYP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation des lots n°1, 2 et 4 de l'accord-cadre ayant pour objet l'affrètement d'aéronefs au profit des services de l'Etat en Guyane est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à la société HELI-COJYP la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société HELI-COJYP, au préfet de la Guyane et à la société HBG France.

Rendue publique par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le juge des référés,

Signé

L. C

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies du droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en cheffe,

Signé

M-Y. METELLUS

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