TA Marseille, 16/11/2022, n°2208713
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 octobre et 10 novembre 2022, le Grand Port Maritime de Marseille, représenté par Me Boiton, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à la société Montmirail-Groupe Verspieren et à la compagnie d'assurances AFM de maintenir, à minima jusqu'au 31 décembre 2023, la police d'assurances "dommages aux biens" et les garanties contractuelles qui en font l'objet dans les conditions prévues par le marché n° MI1903922 ;
2°) de mettre à la charge de la société Montmirail-Groupe Verspieren et de la compagnie d'assurances AFM une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a conclu le 30 octobre 2019, un marché public d'assurances dommages aux biens du Grand Port Maritime de Marseille avec la société d'assurances Montmirail-groupe et la compagnie d'assurances AFM, mandataire solidaire pour une durée de trois ans ferme, jusqu'au 31 décembre 2022, reconduit pour un an, soit jusqu'au 31 décembre 2023 ;
- à défaut d'avoir résilié le contrat dans les conditions prévues par l'article 52 du CCAP au plus tard le 31 juin 2022, le marché a été reconduit tacitement ;
- la société AFM n'a pas répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée le 29 septembre 2022 ;
- la demande est justifiée par l'extrême urgence à ce que les biens qui sont affectés au service public du Grand Port Maritime de Marseille continuent d'être assurés contre les dommages matériels qui pourraient en perturber l'utilisation ;
- le Grand Port Maritime de Marseille ne dispose pas d'autres voies de droit pour maintenir des garanties entre les mains de son assureur, seul habilité à couvrir la survenance des dommages ; toutes les tentatives pour obtenir l'exécution du contrat ont échouées ;
- la demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; l'assureur AFM ne dispose d'aucun droit de résiliation unilatérale du marché ; les décisions de résiliation des 30 mars et 19 juillet 2022 sont infondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2022, la Société Montmirail - groupe Verspieren conclut, à titre principal à sa mise hors de cause, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que l'assureur AFM soit condamné à la garantir de toutes condamnations, astreinte ou débours à intervenir. Elle conclut également au rejet des conclusions présentées à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
-le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référé.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :
1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : "En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision".
2. S'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans l'exécution d'un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l'exercice par l'autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs.
3. Le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a conclu un contrat, le 30 octobre 2019, avec le groupement conjoint composé de la société de courtage d'assurances Montmirail-Groupe Verspieren, mandataire solidaire et de la compagnie d'assurance, AFM, un marché public d'assurance "Dommages aux biens" ayant pour objet de garantir les biens appartenant au GPMM, ou ceux dont il a la garde, contre différents risques pour une durée de trois ans, avec prise d'effet le 1er janvier 2020. Par courrier du 30 mars 2022, confirmé le 19 juillet 2022, la société AFM a décidé de résilier ce contrat avec effet au 31 décembre 2022 à minuit. Par courriers des 16 mars et 29 septembre 2022, le GPMM a refusé la résiliation du contrat et a mis en demeure la société Montmirail-Groupe Verspieren, et la société AFM de confirmer que l'exécution du marché, tacitement reconduit, serait poursuivie au 1er janvier 2023. Par la présente requête, le GPMM demande au juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la société Montmirail-Groupe Verspieren et à la compagnie d'assurances AFM de maintenir, à minima jusqu'au 31 décembre 2023, la police d'assurances " dommages aux biens" et les garanties contractuelles qui en font l'objet, dans les conditions prévues par le marché conclut le 30 octobre 2019.
4. Aux termes des stipulations de l'article 5 du CCAP relatif notamment à la durée et délais d'exécution du marché: "5.1 - Durée du contrat : Le présent marché prendra effet le 1er janvier 2020 à zéro heure, pour une période initiale de validité de trois (3) ans, soit jusqu'au 31 décembre 2022 à minuit. 5.2 - Reconduction : Le marché est reconduit tacitement jusqu'à son terme. Le nombre de périodes de reconduction est fixé à 2. La durée de chaque période de reconduction est de 1 an. La durée maximale du contrat, toutes périodes confondues, est de 5 ans. La reconduction est considérée comme acceptée si aucune décision écrite contraire n'est prise par le pouvoir adjudicateur au moins 6 mois avant la fin de la durée de validité du marché. Le titulaire ne peut pas refuser la reconduction ". Selon l'article 14 du même CCAP : Résiliation du contrat : 14.1 - Conditions de résiliation : " Les conditions de résiliation du marché sont définies aux articles 29 à 36 du CCAG-FCS. Bien que le marché soit conclu pour une durée ferme de trois ans, avec possibilité de deux (2) reconductions d'une durée de un (1) an chacune, il pourra néanmoins être résilié à chaque échéance annuelle (31 décembre), moyennant un préavis de six mois, notifié par dont !''adresse URL est ;".
5. Selon l'article L. 113-13 du code des assurances : "La durée du contrat et les conditions de résiliation, particulièrement le droit pour l'assureur et l'assuré de résilier le contrat tous les ans, sont fixées par la police. Toutefois, l'assuré a le droit de résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, en adressant une notification dans les conditions prévues à l'article L. 113-14 à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance de ce contrat. Lorsque l'assuré a souscrit un contrat à des fins professionnelles, l'assureur a aussi le droit de résilier le contrat dans les mêmes conditions. Dans les autres cas, l'assureur peut résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, à la condition d'envoyer une lettre recommandée à l'assuré au moins deux mois avant la date d'échéance du contrat. Il peut être dérogé à ces règles de résiliation annuelle pour les contrats individuels d'assurance maladie et pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers."
6. Il résulte de l'instruction que la société AFM a adressé, le 30 mars 2022, sa décision de résiliation du marché dont s'agit à compter du 31 décembre 2022, soit dans le délai de 6 mois prévu à l'article 14 précité du CCAP et avant que le marché dont s'agit ait été reconduit tacitement. Le Grand Port Maritime de Marseille soutient que ces dispositions de l'article 14 du CCAP, par la notification qu'elle impose par l'intermédiaire de son profil d'acheteur n'autorise la résiliation du contrat d'assurance en cause qu'à lui seul. Toutefois, même en retenant cette interprétation des dispositions de l'article 14 du CCAP, celles-ci ne suffisent pas à établir que les parties au contrat auraient entendu déroger aux dispositions d'ordre public de l'article L. 113-13 du code des assurances et par conséquent, faire obstacle au pouvoir de résiliation unilatérale dont bénéficie l'assureur lorsqu'il conclut un contrat d'assurance. Par suite, la demande du Grand Port Maritime de Marseille tendant à ce que le juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ordonne à la société Montmirail-Groupe Verspieren et à la compagnie d'assurances AFM de maintenir les relations contractuelles à minima jusqu'au 31 décembre 2023 se heurte à une contestation sérieuse.
7. Il résulte de ce qui précède que les conditions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ne sont pas remplies en l'espèce. Dès lors, la demande présentée par le Grand Port Maritime de Marseille doit être rejetée en toutes ses conclusions.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête du Grand Port Maritime de Marseille est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Grand Port Maritime de Marseille, à la société Montmirail - groupe Verspieren et à la compagnie d'assurances AFM.
Fait à Marseille, le 16 novembre 202La juge des référés,
Muriel A
La République mande et ordonne au Préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.