TA Martinique, 23/12/2022, n°2100674

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2021, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 18 mai 2022 et 15 novembre 2022, la SAS Eiffage génie civil Antilles, représentée par la Selarl Cheysson Marchadier et Associés, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique à lui verser les intérêts moratoires au taux légal, à hauteur d'un montant de 7 151,95 euros, dus à raison de retards dans le paiement des sommes principales se rapportant aux montants principaux de six factures qu'elle a présentées au paiement dans le cadre de l'exécution du lot n° 2 - Chaîne de Morne Honoré du marché de travaux de renforcement de stations de pompage d'eau potable ;

2°) d'assortir cette condamnation des intérêts légaux, à compter de l'expiration du délai de 45 jours suivant la mise en paiement du principal des six factures, ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que l'exigence d'une réclamation préalable ne s'applique pas aux intérêts de retard, lesquels sont dus de plein droit, et qu'elle a en tout état de cause bien présenté une réclamation préalable par courrier du 10 septembre 2021 ;

- les sommes principales relatives aux six factures qu'elle a présentées dans le cadre de l'exécution du marché ont été réglées par le maître de l'ouvrage au-delà de l'expiration du délai de paiement ;

- ces retards de paiement lui ouvrent de plein droit le bénéfice des intérêts légaux, à hauteur d'un montant de 7 151,95 euros ;

- elle peut également prétendre aux intérêts légaux sur cette somme de 7 151,95 euros à compter de l'expiration du délai de 45 jours suivant la mise en paiement du principal des six factures, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;

- ses créances ne sont pas prescrites puisque la prescription quadriennale ne s'applique pas aux intérêts moratoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 octobre 2022 et 29 novembre 2022, la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique, représentée par la Selarl Landot et Associés, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Eiffage génie civil Antilles une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le courrier de réclamation préalable de la société du 10 septembre 2021 ne comporte ni les bases de calcul des intérêts sollicités, ni les factures auxquelles ils se rapportent, en méconnaissance de l'article 50.1.1. du CCAG Travaux ;

- les intérêts moratoires sur les sommes de 111 296,83 euros, de 65 778,78 euros, de 76 874,53 euros, de 121 003,49 euros et de 131 311,15 euros sont couverts par la prescription quadriennale prévue à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- les moyens soulevés par la SAS Eiffage génie civil Antilles ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le mémoire complémentaire de la SAS Eiffage génie civil Antilles, enregistré le 2 décembre 2022, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2003 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- les conclusions de M. Lancelot, rapporteur public,

- et les observations de Me Alban-Kévin Auteville, substituant Me Simonnet, avocat de la SAS Eiffage génie civil Antilles.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 23 décembre 2013 et notifié le 7 janvier 2014, le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) a confié à la SNC DLE Outre Mer, aux droits de laquelle vient la SAS Eiffage génie civil Antilles, l'exécution du lot n° 2 - Chaîne de Morne Honoré du marché n° 2013-31 de renforcement de stations de pompage d'eau potable. La société a présenté une réclamation préalable auprès de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM), qui a succédé au SCISM suite à sa dissolution, par un courrier daté du 10 septembre 2021 qui est resté sans réponse. Dans la présente instance, la SAS Eiffage génie civil Antilles demande au tribunal administratif, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la CAESM à lui verser les intérêts moratoires, à hauteur d'un montant de 7 151,95 euros, dus à raison de retards dans le paiement des sommes principales se rapportant à cinq factures qu'elle a présentées en exécution du lot n° 2 - Chaîne de Morne Honoré du marché n° 2013-31 de renforcement de stations de pompage d'eau potable, et d'assortir cette condamnation des intérêts légaux et de la capitalisation de ces intérêts.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le maître de l'ouvrage :

2. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dans sa version issue de l'arrêté 3 mars 2014 : "() 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants ()". La règle de la réclamation préalable au maître de l'ouvrage prévue par ces stipulations ne s'applique pas aux intérêts moratoires au taux légal auxquels l'entrepreneur a droit, sans qu'il ait à les demander, sur les sommes dues en principal qui ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, conformément à la version applicable au litige de l'article 39 de la loi du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

3. En l'espèce, la requête de la SAS Eiffage génie civil Antilles tend exclusivement au bénéfice des intérêts légaux, en raison de retards de paiement des sommes principales se rapportant à des factures qu'elle a émises à destination du maître de l'ouvrage dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, et au bénéfice de la capitalisation de ces mêmes intérêts. Ainsi, compte-tenu de son objet, une telle demande n'était pas soumise à la règle de la réclamation préalable au maître de l'ouvrage prévue par les stipulations citées précédemment de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux. La fin de non-recevoir contractuelle opposée sur ce point en défense par la CAESM doit, par suite, être écartée.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

4. D'une part, l'article 1er de la loi du 31 juillet 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public." La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.

5. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire n'a pour objet de soustraire les créances d'intérêts moratoires détenues par le cocontractant d'une administration à raison de retard mis par cette administration dans le paiement de ses obligations contractuelles de somme d'argent de la déchéance instituée par les dispositions citées au point précédent de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 juillet 1968. Il s'ensuit que la SAS Eiffage génie civil Antilles n'est pas fondée à soutenir que la prescription quadriennale ne serait pas applicable aux créances d'intérêts moratoires contractuels dont elle demande le paiement dans la présente instance, et ne peut davantage utilement se prévaloir des règles régissant les conditions de naissance et de renonciation volontaire à de telles créances, qui sont sans incidence sur leur déchéance.

6. En premier lieu, la société requérante demande le bénéfice des intérêts moratoires sur la facture n° T31054040012 d'un montant de 111 296,83 euros toutes taxes comprises qu'elle a émise à destination du maître de l'ouvrage le 28 avril 2014. Cette facture, établie dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, se rapporte à la demande à la demande d'acompte mensuel n° 1 de la société. Il est constant qu'elle a été présentée au paiement pour la première fois le 30 avril 2014. Il s'ensuit que, en application des dispositions citées précédemment de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant les intérêts moratoires échus au cours de l'année 2014 a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante, soit le 1er janvier 2015. En l'absence de tout acte ayant eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le cours de la prescription, conformément aux articles 2 et 2-1 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant ces intérêts moratoires était acquis le 1er janvier 2019. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique est fondée à soutenir que les intérêts moratoires sur la somme de 111 296,83 euros toutes taxes comprises échus au cours de l'année 2014 étaient prescrits lorsque la SAS Eiffage génie civil Antilles a présenté son courrier de demande préalable daté du 10 septembre 2021. La demande de la SAS Eiffage génie civil Antilles tendant au paiement de ces intérêts moratoires doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires portant sur ces intérêts et celle tendant à la capitalisation des intérêts complémentaires.

7. En deuxième lieu, la société requérante demande le bénéfice des intérêts moratoires sur la facture n° T31054050013 d'un montant de 65 778,97 euros toutes taxes comprises qu'elle a émise à destination du maître de l'ouvrage le 30 mai 2014. Cette facture, établie dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, se rapporte à la demande d'acompte mensuel n° 2 de la société. Il est constant qu'elle a été présentée au paiement pour la première fois le 3 juin 2014. Il s'ensuit que, en application des dispositions citées précédemment de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant les intérêts moratoires échus au cours de l'année 2014 a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante, soit le 1er janvier 2015. En l'absence de tout acte ayant eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le cours de la prescription, conformément aux articles 2 et 2-1 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant ces intérêts moratoires était acquis le 1er janvier 2019. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique est fondée à soutenir que les intérêts moratoires sur la somme de 65 778,97 euros toutes taxes comprises échus au cours de l'année 2014 étaient prescrits lorsque la SAS Eiffage génie civil Antilles a présenté son courrier de demande préalable daté du 10 septembre 2021. La demande de la SAS Eiffage génie civil Antilles tendant au paiement de ces intérêts moratoires doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires portant sur ces intérêts et celle tendant à la capitalisation des intérêts complémentaires.

8. En troisième lieu, la société requérante demande le bénéfice des intérêts moratoires sur la facture n° T3105406002 d'un montant de 76 874,53 euros toutes taxes comprises qu'elle a émise à destination du maître de l'ouvrage le 30 juin 2014. Cette facture, établie dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, se rapporte à la demande d'acompte mensuel n° 3 de la société. Il est constant qu'elle a été présentée au paiement pour la première fois le 4 juillet 2014. Il s'ensuit que, en application des dispositions citées précédemment de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant les intérêts moratoires échus au cours des années 2014 et 2015 a commencé à courir respectivement les 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016. En l'absence de tout acte ayant eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le cours de la prescription, conformément aux articles 2 et 2-1 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant ces intérêts moratoires était acquis le 1er janvier 2019, s'agissant des intérêts échus en 2014, et le 1er janvier 2020, s'agissant des intérêts échus en 2015. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique est fondée à soutenir que les intérêts moratoires sur la somme de 76 874,53 euros toutes taxes comprises échus au cours des années 2014 et 2015 étaient prescrits lorsque la SAS Eiffage génie civil Antilles a présenté son courrier de demande préalable daté du 10 septembre 2021. La demande de la SAS Eiffage génie civil Antilles tendant au paiement de ces intérêts moratoires doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires portant sur ces intérêts et celle tendant à la capitalisation des intérêts complémentaires.

9. En quatrième lieu, la société requérante demande le bénéfice des intérêts moratoires sur la facture n° T31054070008-3 d'un montant de 123 147,49 euros toutes taxes comprises et sur la facture n° T3105407008-2 d'un montant négatif de - 2 144,00 euros toutes taxes comprises qu'elle a émises à destination du maître de l'ouvrage le 25 juillet 2014. Ces deux factures, établies dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, se rapportent à la quote-part hors sous-traitance revenant à la société de sa demande d'acompte mensuel n° 4, soit un total de 121 003,49 euros toutes taxes comprises. Il est constant que les deux factures ont été présentées ensemble au paiement pour la première fois le 1er août 2014. Il s'ensuit que, en application des dispositions citées précédemment de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant les intérêts moratoires échus au cours de l'année 2014 a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante, soit le 1er janvier 2015. En l'absence de tout acte ayant eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le cours de la prescription, conformément aux articles 2 et 2-1 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant ces intérêts moratoires était acquis le 1er janvier 2019. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique est fondée à soutenir que les intérêts moratoires sur la somme de 121 003,49 euros toutes taxes comprises échus au cours de l'année 2014 étaient prescrits lorsque la SAS Eiffage génie civil Antilles a présenté son courrier de demande préalable daté du 10 septembre 2021. La demande de la SAS Eiffage génie civil Antilles tendant au paiement de ces intérêts moratoires doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires portant sur ces intérêts et celle tendant à la capitalisation des intérêts complémentaire.

10. En cinquième lieu, la société requérante demande le bénéfice des intérêts moratoires sur la facture n° T31054080027 d'un montant de 131 311,16 euros toutes taxes comprises qu'elle a émise à destination du maître de l'ouvrage le 31 août 2014. Cette facture, établie dans le cadre de l'exécution du marché litigieux, se rapporte à la demande d'acompte mensuel n° 5 de la société. Il est constant qu'elle a été présentée au paiement pour la première fois le 5 septembre 2014. Il s'ensuit que, en application des dispositions citées précédemment de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant les intérêts moratoires échus au cours des années 2014 et 2015 a commencé à courir respectivement les 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016. En l'absence de tout acte ayant eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le cours de la prescription, conformément aux articles 2 et 2-1 de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription concernant ces intérêts moratoires était acquis le 1er janvier 2019, s'agissant des intérêts échus en 2014, et le 1er janvier 2020, s'agissant des intérêts échus en 2015. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique est fondée à soutenir que les intérêts moratoires sur la somme de 131 311,16 euros TTC échus au cours des années 2014 et 2015 étaient prescrits lorsque la SAS Eiffage génie civil Antilles a présenté son courrier de demande préalable daté du 10 septembre 2021. La demande de la SAS Eiffage génie civil Antilles tendant au paiement de ces intérêts moratoires doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires portant sur ces intérêts et celle tendant à la capitalisation des intérêts complémentaires.

Sur les intérêts moratoires :

11. L'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 portant dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière dispose, dans sa version application au litige : " Les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur () en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux () avec une contrepartie économique constituée par un prix () sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret () / Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret. " L'article 38 de la même loi dispose, dans sa version applicable au litige : " Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement. " L'article 39 de la même loi dispose, dans sa version applicable au litige : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat () ". L'article 1er du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique dispose, dans sa version applicable au litige : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice () ". L'article 2 du même décret dispose, dans sa version applicable au litige : " I. ' Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maître d'œuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet. / () II. ' La date de réception de la demande de paiement ne peut faire l'objet d'un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier. / La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'œuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date () ". L'article 7 du même décret dispose, dans sa version applicable au litige : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires () ". L'article 8 du même décret dispose, dans sa version applicable au litige : " I. ' Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes ou au solde sont calculés sur le montant total de l'acompte ou du solde toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses d'actualisation, de révision et de pénalisation () ".

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la SAS Eiffage génie civil Antilles a droit aux intérêts moratoires au taux légal sur les acomptes restés non payés à l'issue d'un délai de trente jours suivant réception de la demande de paiement, et ce jusqu'à la date de paiement du principal incluse.

13. En premier lieu, l'administration soutient en défense qu'elle a procédé le 10 juillet 2014 au règlement de la somme principale de 111 296,83 euros toutes taxes comprises se rapportant à la facture n° T31054040012 émise le 28 avril 2014. Si la SAS Eiffage génie civil Antilles conteste cette date de paiement, elle se borne toutefois à soutenir que le maître de l'ouvrage ne justifie pas de la date du règlement, sans apporter aucun élément de nature à démontrer que le versement de la somme serait intervenu à une date ultérieure. Dans ces conditions, alors que la société requérante admet elle-même dans ses écritures qu'elle a effectivement perçu le règlement de la facture, la SAS Eiffage génie civil Antilles ne peut prétendre à aucun intérêt moratoire sur la somme litigieuse pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015. La demande présentée pour cette période doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires et celle tendant à leur capitalisation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015.

14. En deuxième lieu, il est constant que la somme principale de 65 778,97 euros toutes taxes comprises se rapportant à la facture n° T31054050013 émise le 30 mai 2014 a été effectivement réglée par le maître de l'ouvrage le 10 juillet 2014. Dans ces conditions, la SAS Eiffage génie civil Antilles ne peut prétendre à aucun intérêt moratoire sur la somme litigieuse pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015. La demande présentée pour cette période doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires et celle tendant à leur capitalisation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015.

15. En troisième lieu, il est constant que la somme principale de 76 874,53 euros toutes taxes comprises se rapportant à la facture n° T31054060020 émise le 30 juin 2014 a été effectivement réglée par le maître de l'ouvrage le 30 janvier 2015. Dans ces conditions, la SAS Eiffage génie civil Antilles ne peut prétendre à aucun intérêt moratoire sur la somme litigieuse pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2016. La demande présentée pour cette période doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires et celle tendant à leur capitalisation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2016.

16. En quatrième lieu, il est constant que la somme principale de 121 003,49 euros toutes taxes comprises se rapportant aux factures n° T31054070008-3 et n° T3105407008-2 émises le 25 juillet 2014 a été effectivement réglée par le maître de l'ouvrage le 3 septembre 2014. Dans ces conditions, la SAS Eiffage génie civil Antilles ne peut prétendre à aucun intérêt moratoire sur la somme litigieuse pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015. La demande présentée pour cette période doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires et celle tendant à leur capitalisation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2015.

17. En cinquième lieu, il est constant que la somme principale de 131 311,16 euros toutes taxes comprises se rapportant à la facture n° T31054080027 émise le 31 août 2014 a été effectivement réglée par le maître de l'ouvrage le 19 janvier 2015. Dans ces conditions, la SAS Eiffage génie civil Antilles ne peut prétendre à aucun intérêt moratoire sur la somme litigieuse pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2016. La demande présentée pour cette période doit, par suite, être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'intérêts moratoires complémentaires et celle tendant à leur capitalisation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée pour la période s'ouvrant à compter du 1er janvier 2016.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de la SAS Eiffage génie civil Antilles doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SAS Eiffage génie civil Antilles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Eiffage génie civil Antilles la somme demandée par la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Eiffage génie civil Antilles est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Eiffage génie civil Antilles et à la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Rouland-Boyer, présidente,

M. de Palmaert, premier conseiller,

M. Phulpin, conseiller.

Rendue publique par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

Le rapporteur,

V. B

La présidente,

H. Rouland-BoyerLa greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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