TA Nantes, 19/10/2022, n°1907888
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juillet 2019, 19 juin et
18 septembre 2020 et 2 février 2021, la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, représentée par Me Mouriesse, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de condamner la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, à lui verser la somme de 191 910,33 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des préjudices subis ;
2°) de condamner la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, à lui verser la somme de 5 000 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais de conseil et d'assistance juridique ;
3°) de condamner la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, à lui verser la somme de 5 414,26 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais d'expertise ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 191 910,33 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des préjudices subis ;
5°) de condamner solidairement la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 5 000 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais de conseil et d'assistance juridique ;
6°) de condamner solidairement la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 5 414,26 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais d'expertise ;
7°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 191 910,33 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des préjudices subis ;
8°) de condamner solidairement la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 5 000 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais de conseil et d'assistance juridique ;
9°) de condamner solidairement la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, la société Drodelot et la société Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 5 414,26 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais de conseil et d'assistance juridique ;
10°) de mettre à la charge de la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, de la société Drodelot et de la société Apave Nord Ouest respectivement la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lot n° 4 " Couverture zinc - étanchéité " du marché de travaux, confié à la société Richard Marc et fils, a été résilié de plein droit ;
- la résiliation de ce marché constitue la date de prise d'effet de la réception tacite des travaux correspondants ;
- les désordres constatés engagent la responsabilité décennale de la société Richard Marc et fils ;
- la réparation des désordres s'élève à la somme de 163 996,89 euros HT, selon l'expert ;
- les désordres affectant les lanterneaux et les puits de lumière sont également de nature décennale, contrairement à ce qu'a retenu l'expert ;
- la réparation des désordres de nature décennale s'élève à la somme de
180 667,19 euros HT ;
- la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, devra également être condamnée au paiement du montant des travaux de reprise, engagés en urgence, soit la somme de 11 243,14 euros HT ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la maîtrise d'œuvre et du contrôleur technique est engagée ;
- la maîtrise d'œuvre a commis une faute, dans le cadre de sa mission d'assistance à la passation du marché de travaux (ACT), du fait du choix d'une entreprise défaillante ; elle était tenue par l'analyse des offres réalisée par la maîtrise d'œuvre ; la fragilité de la société Richard Marc et fils n'a pas fait l'objet d'une information suffisante de la maîtrise d'ouvrage ; la société Richard Marc et fils n'avait pas remis de mémoire technique ;
- la maîtrise d'œuvre a commis une faute, dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des travaux (DET), alors que la société Drodelot n'a adressé aucun décompte de résiliation et que les dossiers des ouvrages exécutés n'ont pas été remis ; la société Drodelot devait assurer le suivi de l'exécution du marché de substitution ;
- la maîtrise d'œuvre a ainsi manqué à ses obligations contractuelles ;
- le contrôleur technique, la société Apave Nord Ouest SAS, est tenu à une obligation de résultat et a manqué à ses obligations contractuelles en n'émettant pas d'avis sur les
non-conformités des ouvrages réalisés par la société Richard Marc et fils ; sa responsabilité décennale est également engagée au titre de sa mission L (solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables) ;
- à titre infiniment subsidiaire, les constructeurs, la société Richard Marc et fils, le groupement de maîtrise d'œuvre et le contrôleur technique, la société Apave Nord Ouest SAS, ont participé à la même opération de construction ; ils peuvent être condamnés solidairement à réparer les désordres.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 août 2019, 26 mars et 5 août 2020, la société Apave Nord Ouest SAS, représentée par Me Marié, conclut ;
1°) au rejet de la requête ;
2°) au rejet de toutes demandes, fins et conclusions présentées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, au rejet des conclusions de la requête au titre des travaux de reprise intégrale de la toiture et, à tout le moins, à ce qu'elles soient ramenées à de plus justes proportions ;
4°) au rejet des conclusions de la requête au titre des frais de conseil et d'assistance juridique ;
5°) à titre très subsidiaire, à la condamnation de la société Richard Marc et fils et de la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
6°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet des conclusions de la requête aux fins de sa condamnation in solidum ;
7°) au rejet de toutes conclusions aux fins de sa condamnation in solidum ;
8°) à ce que son éventuelle responsabilité soit reconnue comme très subsidiaire et très limitée ;
9°) à titre reconventionnel, à la condamnation de la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu et tous succombants aux entiers dépens ;
10°) et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de commune de
Saint-Philbert-de-Grand-Lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucun manquement ; sa responsabilité n'est pas engagée ;
- elles est intervenue notamment au titre d'une mission L (solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables) ; dans ce cadre, elle a émis de nombreux avis défavorables, ou favorables dans l'attente de transmission de documents complémentaires, ou suspendus ; il appartenait au maître d'ouvrage de donner suite à ces avis ;
- sa responsabilité ne peut pas être recherchée dès lors que les travaux du lot n° 4 " Couverture zinc - étanchéité " ne sont pas achevés ;
- la commune ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute ; elle n'est pas tenue à une obligation de résultat ;
- les constats faits ne permettent pas de conclure à la nécessité de travaux de reprise intégrale de la toiture ;
- la somme de 5 000 euros HT demandée au titre des frais de conseil et d'assistance juridique fait doublon avec la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à titre très subsidiaire, en l'absence de réception de l'ouvrage, les désordres engagent la responsabilité contractuelle de la société Richard Marc et fils ;
- c'est la commune qui a choisi la société Richard Marc et fils, moins-disante qui avait été moins bien classée par la maîtrise d'œuvre à la note technique ; la négligence de la commune dans le choix de la société Richard Marc et fils est fautive ;
- à titre infiniment subsidiaire, sa responsabilité en qualité de contrôleur technique ne peut qu'être très subsidiaire et très limitée ;
- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à son encontre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mars, 16 et 29 septembre 2020 et
19 mars 2021, la société Drodelot, représentée par Me Livory, conclut :
1°) au rejet de la requête et de toutes demandes, fins et conclusions présentées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Atlantique Loire Structure, Sarl Kypseli et Sarl Conceptic'Art à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
3) à titre reconventionnel, à la condamnation de la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu à lui verser la somme de 276,48 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre du solde de ses honoraires ;
4°) en tout état de cause à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des parties perdantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expert ne retient pas sa responsabilité dans l'apparition des désordres ;
- elle n'a pas commis de faute dans le choix de l'entreprise défaillante ; la commune a choisi la société Richard Marc et fils, moins-disante qui avait été moins bien classée par la maîtrise d'œuvre à la note technique ; les sociétés Atlantique Loire Structure, Sarl Kypseli et Sarl Conceptic'Art sont également intervenues au titre de la mission d'assistance à la passation du marché de travaux (ACT) ; son devoir de conseil ne lui imposait pas de vérifier la solvabilité de l'entreprise choisie par le maître d'ouvrage ; la société Richard Marc et fils avait bien remis un mémoire technique ;
- elle a bien rempli son obligation d'alerte en adressant à la société Richard Marc et fils des mises en demeure de finir les travaux ;
- l'expert n'a retenu aucune faute de sa part dans le choix de l'entreprise défaillante ;
- la commune n'a pas demandé à l'architecte d'élaborer le décompte de résiliation de la société Richard Marc et fils, prestation spécifique hors contrat ;
- seule la société Richard Marc et fils doit être déclarée responsable des désordres ;
- dans le cas d'une éventuelle condamnation, les autres membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre devront la garantir ;
- elle a droit au solde de ses honoraires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, la SAS Atlantique Loire Structure, représentée par Me Oger, conclut :
1°) au rejet de la requête et de toutes demandes, fins et conclusions présentées à son encontre ;
2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des parties perdantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais été associée aux opérations d'expertise ; le rapport d'expertise lui est inopposable ;
- la maîtrise d'œuvre ne peut pas être tenue responsable de la défaillance financière d'une entreprise de travaux en cours de chantier ;
- elle n'a joué aucun rôle dans l'analyse des offres ; la société Richard Marc et fils a été retenue par la commune dans un seul souci d'économie ;
- elle n'était pas chargée des missions de direction de l'exécution des travaux (DET), d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier ni d'assistance aux opérations de réception ;
- l'expert ne retient pas la responsabilité de la maîtrise d'œuvre dans l'apparition des désordres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, la société Kypseli, représentée par Me Caous-Pocreau, conclut :
1°) au rejet de la requête et de toutes demandes, fins et conclusions présentées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Drodelot, SAS Atlantique Loire Structure et Conceptic'Art à la garantir de toute condamnation qui seraient prononcées à son encontre ;
3°) en tout état de cause à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des parties perdantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais été associée aux opérations d'expertise ; le rapport d'expertise lui est inopposable ;
- l'expert ne retient pas la responsabilité de la maîtrise d'œuvre dans l'apparition des désordres ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de bureau d'études thermique et fluides ;
- la maîtrise d'œuvre ne peut pas être tenue responsable de la défaillance financière d'une entreprise de travaux en cours de chantier ;
- elle n'a joué aucun rôle dans l'analyse des offres ; la société Richard Marc et fils a été retenue par la commune dans un seul souci d'économie.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du
30 juin 2022, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- les conclusions de M. Dias, rapporteur public,
- et les observations de Me Chaigneau, substituant Me Mouriesse, représentant la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, et celles de Me Marié, représentant la société Apave Nord Ouest SAS.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu a fait réaliser une extension de son école Jacqueline Auriol, comprenant la création de quatre classes, de sanitaires et du restaurant scolaire, et la sécurisation de l'école et la mise aux normes d'accessibilité. Un marché de maîtrise d'œuvre, comportant une mission globale, a été confié le 6 avril 2016 à la société Drodelot, mandataire du groupement solidaire constitué avec les sociétés Atlantique Loire Structure, Sarl Kypseli, bureau d'études thermique et fluides, et Sarl Conceptic'Art. Le lot n° 4 " Couverture zinc - étanchéité " du marché de travaux a été confié à la société Richard Marc et fils, par acte d'engagement du 23 décembre 2016, pour un prix global et forfaitaire de 117 821,10 euros HT. En cours de chantier, dès le mois de mai 2017, des désordres et malfaçons de la part de la société Richard Marc et fils sont apparus. La réception des travaux a été prononcée le 14 novembre 2017 pour tous les corps d'état sauf pour le lot n° 4. Un constat d'huissier du 14 novembre 2017 a relevé les malfaçons et les travaux non réalisés relatifs au lot n° 4. Par une ordonnance n° 1801851 du 4 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a ordonné une expertise. L'expert a déposé son rapport le 26 mars 2019. La commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu demande au tribunal, à titre principal, de condamner la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, à lui verser la somme de 191 910,33 euros HT au titre des préjudices subis, de 5 000 euros HT au titre des frais de conseil et d'assistance juridique et de 5 414,26 euros HT au titre des frais d'expertise. A titre subsidiaire, elle demande la condamnation solidaire de la société Drodelot et de la société Apave Nord Ouest à lui verser les mêmes sommes et, à titre infiniment subsidiaire, de condamner tous les intervenants cités à lui verser les mêmes sommes.
Sur le principe de la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :
2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Toutefois, la garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
3. Aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché public de travaux en cause : " En cas de liquidation judiciaire du titulaire, le marché est résilié si, après mise en demeure du liquidateur, dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du code de commerce, ce dernier indique ne pas reprendre les obligations du titulaire. / La résiliation, si elle est prononcée, prend effet à la date de l'évènement. Elle n'ouvre droit, pour le titulaire, à aucune indemnité ".
4. La commune soutient que la résiliation du lot n° 4 constitue la date de prise d'effet de la réception tacite des travaux correspondants. Il résulte de l'instruction que par une lettre du
1er février 2018, la commune a mis en demeure le liquidateur de la société Richard Marc et fils. Par une lettre du 9 février 2018, la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, a indiqué que l'entreprise n'a pas été autorisé à poursuivre son activité et que le liquidateur n'entendait pas poursuivre le marché. Toutefois, en tout état de cause, à la date de résiliation du marché conclu avec la société Richard Marc et fils, les désordres affectant les bâtiments et relatifs à la couverture et à l'étanchéité étaient apparents, dès lors qu'ils avaient été constatés par procès-verbal de constat par un huissier de justice, dressé le 14 novembre 2017. Ainsi la résiliation du marché ne peut pas être regardée comme ayant conduit à une réception sans réserve du lot n° 4. Par suite, la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, sur le fondement exclusif de la garantie décennale des constructeurs.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre :
5. En premier lieu, la commune invoque, à titre subsidiaire, des fautes de la part de la maîtrise d'œuvre et soutient que la maîtrise d'œuvre a commis une faute, dans le cadre de sa mission d'assistance à la passation du marché de travaux (ACT), du fait du choix d'une entreprise défaillante, et que la maîtrise d'œuvre a commis une faute, dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des travaux (DET), alors que la société Drodelot n'a adressé aucun décompte de résiliation et que les dossiers des ouvrages exécutés n'ont pas été remis.
6. La commune ne soutient pas que la maîtrise d'œuvre avait connaissance de difficultés qu'auraient connues la société Richard Marc et fils mais se borne à relever qu'au cours de l'exécution du marché, cette société a manqué à ses obligations contractuelles puis a été mise en liquidation judiciaire. Ces constatations, postérieures au choix de l'entreprise, ne révèlent aucune faute, sur ce point, de la part de la maîtrise d'œuvre.
7. La commune soutient que la société Richard Marc et fils n'avait pas remis de mémoire technique, ainsi que cela ressort du tableau d'analyse des offres. La société Drodelot soutient que la société Richard Marc et fils a bien remis un mémoire technique, que cette société s'était engagée à le fournir dès le début du chantier, ce qui a été fait, et la société Drodelot produit des documents techniques qui ne constituent pas seulement des fiches techniques mais qui peuvent être regardées comme constituant le mémoire technique. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'article 2.6 du règlement de consultation prévoyait que " le candidat produira à l'appui de son offre un mémoire technique. Ce mémoire permettra au pouvoir adjudicateur d'apprécier la valeur technique de l'offre () L'absence de ce mémoire rendra l'offre du candidat incomplète : elle ne sera pas étudiée ". Il résulte de ces stipulations que le mémoire technique devait être produit à l'appui de l'offre, et non au début du chantier, ce qui n'a pas été fait. La maîtrise d'œuvre a ainsi commis une faute, dans le cadre de sa mission d'assistance à la passation du marché de travaux (ACT) pour avoir proposé de retenir une offre irrégulière.
8. Mais contrairement à ce que soutient la commune, celle-ci n'était pas tenue par l'analyse des offres réalisée par la maîtrise d'œuvre, qui ne constitue qu'une proposition faite au maître d'ouvrage qui reste seul compétent pour choisir l'entreprise de travaux. La commune a été destinataire du rapport d'analyse des offres, qu'elle produit. Elle ne pouvait donc pas ignorer que cette offre n'aurait pas même dû être étudiée et qu'elle n'aurait pas dû être retenue. La commune a ainsi commis une faute de nature à exonérer pour moitié la responsabilité de la maîtrise d'œuvre.
9. Enfin, l'éventuelle faute de la maîtrise d'œuvre à n'avoir adressé ni le décompte de résiliation du lot n° 4 ni les dossiers des ouvrages exécutés, demeure sans lien de causalité directe avec les désordres dont il est demandé réparation. De même, la circonstance que la société Drodelot n'a pas assuré le suivi de l'exécution du marché de substitution demeure sans lien de causalité directe avec les désordres dont il est demandé réparation. Par suite, la responsabilité de la maîtrise d'œuvre n'est pas engagée sur ce point.
10. En deuxième lieu, la commune soutient que le contrôleur technique a manqué à ses obligations contractuelles en n'émettant pas d'avis sur les non-conformités des ouvrages réalisés par la société Richard Marc et fils. La société Apave Nord Ouest SAS soutient qu'elle est intervenue notamment au titre d'une mission L, relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables, et que, dans ce cadre, elle a émis de nombreux avis défavorables, ou favorables dans l'attente de transmission de documents complémentaires, ou suspendus et qu'il appartenait au maître d'ouvrage de donner suite à ces avis.
11. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'examen de chantier établis par la société Apave Nord Ouest SAS en date des 10, 16, 21 mars, 2 mai, 24 août et 17 novembre 2017, qu'elle a suspendu son avis notamment sur les joints de dilatation, l'étanchéité de la toiture, le pare-vapeur, l'isolant support d'étanchéité, les lanterneaux, l'isolation de la couverture, l'évacuation des eaux pluviales par chéneaux intérieurs et la conception et le plan de couverture. Le suivi du chantier ne montre ainsi aucun manquement de la société Apave Nord Ouest SAS, alors que l'expert n'a d'ailleurs retenu aucune faute de sa part. Par suite, la responsabilité du contrôleur technique n'est pas engagée.
Sur l'indemnisation :
12. La somme totale de 191 910,33 euros HT demandée par la commune n'est pas contestée. Compte tenu de la faute qu'elle a commise, la commune est seulement fondée à demander la moitié de cette somme, soit 95 955,17 euros.
Sur les conclusions reconventionnelles :
13. A titre de conclusions reconventionnelles, la société Drodelot demande la somme non contestée de 276,48 euros, somme restant due sur ses honoraires. La société Drodelot doit donc être condamnée à verser la somme de 95 678,69 euros (95 955,17 - 276,48) à la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
Sur les appels en garantie :
14. Il n'est pas contesté que les sociétés SAS Atlantique Loire Structure, Kypseli et Conceptic'Art, qui n'est intervenue qu'en qualité de BET cuisine, n'ont commis aucune faute dans l'exécution de leur mission. L'appel en garantie de la société Drodelot, présenté à leur encontre, ne peut, dès lors, qu'être rejeté.
Sur les dépens :
Par une ordonnance n° 1801851 du 3 mai 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Nantes a liquidé et taxé les frais et honoraires d'expertise à la somme de 5 414,26 euros. Ces frais et honoraires d'expertise doivent être mis à la charge définitive de la commune, pour moitié, et de la société Drodelot, pour moitié également.
15. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La société Drodelot est condamnée à verser la somme de 95 678,69 euros à la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de
5 414,26 euros, sont mis à la charge définitive de la commune, pour moitié, et de la société Drodelot, pour moitié.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, à la Scp de mandataires judiciaires Dolley-Collet, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Richard Marc et fils, à la société Drodelot, à la société Apave Nord Ouest, à la SAS Atlantique Loire Structure et à la société Kypseli.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Loirat, présidente,
M. Gauthier, premier conseiller,
M. Marowski, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2022.
Le rapporteur,
E. A
La présidente,
C. LOIRAT La greffière,
P. LABOUREL
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière