TA Strasbourg, 01/02/2024, n°1706255


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 février 2017, 21 mars, 31 août, 20 et 21 septembre 2022, et le 25 septembre 2023, la SAS Betom Ingénierie, représentée par Me d'Herbomez, puis par la SELAS M et A avocats, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la commune de Metz à lui verser la somme totale de 277 969,30 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 10 avril 2016 et de leur capitalisation, et de rejeter les conclusions reconventionnelles de la commune de Metz ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société B Architecture à lui verser la somme totale de 277 969,30 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 10 avril 2016 et de leur capitalisation, de la condamner à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la commune de Metz et de rejeter ses conclusions reconventionnelles ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Metz et de la société B Architecture la somme totale de 15 000 euros chacune à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre a été prononcée de manière irrégulière, dès lors que la décision de résiliation n'a été notifiée qu'à la société B Architecture, qui n'était pas habilitée à cette fin, et non aux membres du groupement, dont elle-même, qui était la première intéressée, que ses droits de la défense n'ont pas été respectés, et qu'elle n'a pas été mise à même de suivre l'exécution des marchés de substitution ;

- la résiliation n'est pas justifiée à son égard, dès lors qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, les faits reprochés par le maître d'ouvrage étant imputables à la société B Architecture, qui en vertu de la répartition des tâches fixée par l'acte d'engagement, aurait dû lui fournir les plans nécessaires à l'exécution des siens, et ne l'a pas fait ;

- la mesure de résiliation a été prononcée dans le but de l'exclure du marché de maîtrise d'œuvre ;

- la commune de Metz a signé l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre sans s'être préalablement assurée que la société B Architecture avait été spécialement habilitée à cette fin par chacun des membres du groupement, alors qu'elle ne pouvait pas ignorer que tel n'était pas le cas ;

- la facture du 12 octobre 2016, d'un montant de 2 873,31 euros TTC, dont elle est, contrairement à ce que soutient la commune de Metz, recevable à demander le règlement, correspond au service fait et est justifiée compte tenu de l'avancement du chantier ;

- du fait de son éviction du marché de maîtrise d'œuvre, elle a subi un manque à gagner de 155 095,99 euros TTC et une atteinte à sa réputation commerciale se traduisant par un préjudice d'image dont le montant doit être fixé à la somme de 120 000 euros TTC ;

- subsidiairement, ces sommes doivent, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou, à défaut, de la responsabilité quasi-délictuelle, être mises à la charge de la société B Architecture, dont les manquements sont à l'origine du non-règlement de la facture du 12 octobre 2016 et de son éviction du marché de maîtrise d'œuvre ;

- pour les mêmes raisons, la société B Architecture doit la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- l'action indemnitaire de la commune de Metz à son encontre est prescrite en application de l'article 2224 du code civil ; subsidiairement, elle est infondée, dès lors que les surcoûts liés à l'exécution des prestations résiliées et aux travaux supplémentaires de la société Demathieu et Bard ne sont pas justifiés, et que c'est de manière illégale que la commune l'a indemnisée au titre de l'arrêt du chantier, alors qu'elle n'en était pas responsable ;

- les conclusions reconventionnelles de la société B Architecture ne sont pas fondées.

Par des mémoires enregistrés les 28 janvier, 5 et 21 septembre 2022, la commune de Metz, représentée par la SELAS Olszak et Levy demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Betom Ingénierie et B Architecture à lui verser la somme totale de 502 734,23 euros TTC ;

3°) de mettre solidairement à leur charge la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la société Betom Ingénierie relative au règlement de la facture du 12 octobre 2016 n'est pas recevable, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation préalable, comme l'exige l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, et n'est pas justifiée au fond ;

- les autres demandes de la société Betom Ingénierie ne sont pas fondées ;

- l'exception de prescription que lui opposent la société Betom Ingénierie et la société B Architecture n'est pas fondée, dès lors que l'action en responsabilité contractuelle qu'elle exerce à leur encontre ne relève pas de la prescription prévue par l'article 2224 du code civil, mais de celle prévue par son article 1792-4-3 ;

- l'exécution des prestations résiliées a entraîné un surcoût d'un montant total de 194 184 euros TTC, qui doit être mis à la charge de la société Betom Ingénierie, en raison de sa carence à les réaliser, et de la société B Architecture, en raison de son retard à exercer ses fonctions de mandataire du groupement et de sa carence à procéder au remplacement de sa cotraitante, et au titre de sa responsabilité contractuelle solidaire avec la société Betom Ingénierie ;

- les travaux supplémentaires rendus nécessaires par les erreurs de la société Betom Ingénierie, d'un montant total de 39 750,23 euros TTC, doivent être mis à la charge de cette dernière, ainsi que de la société B Architecture, au titre de sa responsabilité contractuelle solidaire avec la société Betom Ingénierie ;

- contrairement à ce que soutient la société Betom Ingénierie, elle était, en application de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, tenue d'indemniser la société Demathieu et Bard à la suite de l'ajournement de ses travaux ; conformément aux stipulations de l'avenant au marché de la société Demathieu et Bard, et dès lors qu'elle lui a versé l'indemnité convenue de 268 800 euros, elle est conventionnellement subrogée dans ses droits et action pour agir à l'encontre de la société Betom Ingénierie et de la société B Architecture ; en l'absence de toute faute de sa part, elle est fondée à demander que l'intégralité de cette indemnité soit mise à la charge de la société Betom Ingénierie, en raison de sa carence à réaliser ses prestations, et de la société B Architecture, en raison de son retard à exercer ses fonctions de mandataire du groupement et de sa carence à procéder au remplacement de sa cotraitante, et au titre de sa responsabilité contractuelle solidaire avec la société Betom Ingénierie.

Par des mémoires enregistrés les 8 juin et 19 septembre 2022, la société B Architecture, représentée par Me Broglin, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter l'ensemble des conclusions dirigées contre elle par la société Betom Ingénierie et par la commune de Metz ;

2°) de condamner la société Betom Ingénierie à lui verser la somme de 40 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Betom Ingénierie et de la commune de Metz les sommes totales, respectivement, de 10 000 et 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées à son encontre par la société Betom Ingénierie ne sont pas fondées ;

- l'action indemnitaire de la commune de Metz à son encontre est prescrite en application de l'article 2224 du code civil, et ses conclusions indemnitaires ne sont pas fondées ; subsidiairement, l'arrêt du chantier est, à hauteur de 6/9èmes, imputable à la commune de Metz, qui a tardé à exercer ses pouvoirs de maître d'ouvrage à l'égard de la société Betom Ingénierie ;

- du fait de l'allongement de la durée du chantier imputable uniquement à la société Betom Ingénierie, et des manquements de cette dernière dans l'exécution de ses prestations, elle a dû participer à 53 réunions de chantier supplémentaires, supporter des frais supplémentaires de déplacement et de mobilisation et réaliser des travaux supplémentaires ; elle a, en outre, subi un préjudice d'image ; son préjudice doit être fixé à la somme de 40 000 euros à mettre à la charge de la société Betom Ingénierie.

Le 7 octobre 2022, la SAS Betom Ingénierie a déposé un mémoire. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

L'instruction a été close le 10 octobre 2022.

A la demande du tribunal, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, des pièces complémentaires ont été transmises par la commune de Metz le 22 août 2023 et par la société B architecture le 11 septembre 2023.

Le 25 septembre 2023, la société Betom Ingéniérie a présenté des observations sur ces pièces complémentaires.

La commune de Metz et la société B Architecture n'ont pas répondu à ces observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 janvier 2024 :

- le rapport de M. Rees ;

- les conclusions de M. C ;

- les observations de Me Keller, avocat de la société Betom Ingénierie ;

- les observations de Me Olszak, avocat de la commune de Metz.

La société B Architecture n'était ni présente, ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 2 mai 2013, la commune de Metz a confié à un groupement d'entreprises composé notamment de la société B Architecture et de la société Betom Ingénierie bureau d'études techniques, la maîtrise d'œuvre de l'opération de construction de la médiathèque-centre social l'Agora à Metz Patrotte. Parmi les marchés de travaux de l'opération, ceux relatifs aux " macro-lots " n° 1 " clos et couvert " et 3 " équipements techniques " ont été conclus le 22 septembre 2014 avec, respectivement, la société Demathieu et Bard et un groupement d'entreprises composé des sociétés Lorry et Sodel. Le démarrage des travaux de ces lots a été ordonné à compter du 22 janvier 2016, pour une durée de 16 mois, dont une période de préparation de deux mois à l'issue de laquelle la maîtrise d'œuvre devait avoir transmis les plans d'exécution " bon pour exécution " (EXE-BPE) des lots n° 1 et 3 à leurs titulaires. Par courrier du 21 juin 2016, la société Demathieu et Bard a informé la société B Architecture de ce que, faute d'avoir reçu les plans EXE-BPE du gros-œuvre et de la charpente métallique de la société Betom Ingénierie, elle se trouvait en arrêt total de production sur le chantier depuis la veille. Le 22 décembre 2016, la commune de Metz a mis en demeure le groupement de maîtrise d'œuvre de lui transmettre la totalité des plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3 au plus tard le 30 décembre 2016, sous peine de résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre à ses torts et risques, ainsi que, dans les plus brefs délais, les autres plans EXE-BPE des lots n° 2A " menuiseries intérieures ", 2B " cloisons, doublages, faux plafonds ", 2C " carrelage, faïences ", 2D " sols souples ", 2E " peinture ", 4 " équipements cuisine " et 5 " scénographie ". Le 28 décembre 2016, la société B Architecture lui a indiqué être, du fait de la défaillance de la société Betom Ingénierie, dans l'incapacité de répondre favorablement à cette mise en demeure en ce qui concerne les plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3.

2. Le 16 janvier 2017, la commune de Metz a prononcé la résiliation partielle, aux torts et risques du groupement de maîtrise d'œuvre, du marché de maîtrise d'œuvre en ce qui concerne les plans EXE-BPE de ces lots. Les 20 et 31 janvier 2017, elle a conclu, respectivement avec le groupement composé des sociétés Lorry et Sodel et avec la société Demathieu et Bard, des avenants n° 1 à chacun de leurs marchés, pour leur confier la réalisation des plans EXE-BPE de leurs lots. Puis, le 8 février 2017, elle a conclu avec le groupement de maîtrise d'œuvre un avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre, incluant dans sa mission le visa des plans EXE-BPE préparés par les titulaires des lots n° 1 et 3, et substituant la société B Architecture à la société Betom Ingénierie pour la réalisation des plans EXE-BPE des lots n° 2A à 2E, 4 et 5.

3. A la demande de la société Betom Ingénierie, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, par une ordonnance du 17 novembre 2017, a désigné un expert en vue de déterminer les causes et responsabilités de l'interruption de chantier du 20 juin 2016 ayant conduit à la résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre. L'expert a déposé son rapport le 16 décembre 2020.

4. Parallèlement à cette démarche, la société Betom Ingénierie a saisi le tribunal de la présente requête tendant à la condamnation de la commune de Metz ou, subsidiairement, de la société B Architecture, à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre et de sa substitution au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, ainsi qu'au paiement d'une facture non réglée. A titre reconventionnel, la commune de Metz demande au tribunal de condamner solidairement la société Betom Ingénierie et la société B Architecture à l'indemniser des dépenses supplémentaires qu'elle a supportées du fait de la résiliation, de travaux supplémentaires et de l'arrêt du chantier, tandis que la société B Architecture demande la condamnation de la société Betom Ingénierie à réparer le préjudice que lui a causé ce même arrêt de chantier.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Betom Ingénierie :

5. Il résulte de l'instruction que, du fait, d'une part, de la décision unilatérale de résiliation du 16 janvier 2017, qui a eu pour effet de la priver des prestations relatives aux plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3 qui lui incombaient pour l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre, et d'autre part, de l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre conclu le 8 février 2017, la société Betom Ingénierie s'est trouvée entièrement évincée de ce marché et du groupement de maîtrise d'œuvre.

6. La société Betom Ingénierie réclame, au titre de son éviction, la somme de 155 095,99 euros TTC correspondant aux honoraires de maîtrise d'œuvre dont elle a été privée et la somme de 120 000 euros TTC en réparation de son préjudice d'image, ainsi que, au titre de ses prestations effectuées avant son éviction, le règlement d'une facture du 12 octobre 2016, pour un montant de 2 873,31 euros TTC.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Metz :

S'agissant de l'éviction de la société Betom Ingénierie du marché de maîtrise d'œuvre :

Quant à la décision de résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre :

7. Le titulaire d'un marché public n'a pas droit à l'indemnisation des préjudices résultant de la résiliation de ce marché à ses torts lorsque cette mesure, fût-elle même prise de manière irrégulière, est justifiée au fond par des manquements suffisamment graves à ses obligations contractuelles.

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'irrégularité alléguée de la mesure de résiliation du 16 janvier 2017 est sans incidence sur le droit à indemnisation que fait valoir la requérante. Il en va de même s'agissant de la notification de cette mesure et de l'exercice du droit de suivi des marchés de substitution, dont elle se prévaut également, et dont l'éventuelle irrégularité n'affecte que le droit du maître d'ouvrage à mettre à la charge du titulaire les conséquences onéreuses de la résiliation du marché à ses torts et risques.

9. En second lieu, il est constant que l'arrêt de l'activité de la société Demathieu et Bard sur le chantier, survenu le 20 juin 2016, a été causé par les retards et les insuffisances dans la diffusion des plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3, qui étaient indispensables aux entreprises pour réaliser leurs travaux, et que les maîtres d'œuvre auraient dû leur fournir au plus tard le 21 mars 2016. Il est également constant qu'à la date de la décision de résiliation, sept mois après l'arrêt du chantier, et en dépit de nombreuses relances et mises en demeure adressées par le maître d'ouvrage au groupement de maîtrise d'œuvre, respectivement, les 30 août, 19 octobre, 7 novembre 2016, et les 14 et 28 juin et 22 décembre 2016, la totalité de ces plans n'avaient toujours pas été transmis. Eu égard à la gravité de leurs conséquences, en l'occurrence le blocage de l'intervention de l'entreprise chargée, notamment, du gros-œuvre, dont la réalisation conditionne l'intervention des autres entreprises, et à leur persistance en dépit des relances et mises en demeure, ces faits ont constitué des manquements suffisamment graves pour justifier la mesure de résiliation partielle du marché aux frais et risques du groupement de maîtrise d'œuvre.

10. La société Betom Ingénierie fait valoir que la résiliation n'est pas justifiée à son égard, dès lors qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, les faits reprochés par le maître d'ouvrage étant imputables à la société B Architecture, qui ne lui a pas fourni les plans nécessaires à l'exécution des siens comme il lui incombait de le faire.

11. Toutefois, la mesure de résiliation en litige a été prise à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre, dont chacun des membres est, aux termes de l'acte d'engagement du marché, solidairement engagé à l'égard du maître d'ouvrage. Or, chacun des cotraitants engagés solidairement envers le maître d'ouvrage est responsable devant lui de l'exécution de la totalité du marché. Un cotraitant ne peut échapper à cette responsabilité solidaire au motif que le manquement relevé ne lui est pas imputable qu'à la condition qu'une convention à laquelle le maître d'ouvrage est partie fixe la part qui lui revient dans l'exécution du marché.

12. La société Betom Ingénierie se prévaut du tableau de répartition du forfait initial de rémunération figurant dans l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre, lequel fait apparaître que la rémunération de l'élément de mission EXE est, pour l'essentiel, partagée entre elle et la société B Architecture. Toutefois, à partir de la seule indication, dans ce tableau, des pourcentages de rémunération respectifs des sociétés Betom Ingénierie et B Architecture au titre de l'élément de mission EXE, il est impossible d'identifier les tâches dévolues à l'une et l'autre, et en particulier d'en tirer que la réalisation des plans EXE-BPE des lots n° 1, 2A à 2E, 3, 4 et 5 a été spécifiquement dévolue à la première et que des plans nécessaires à leur exécution devaient être établis par la seconde. Comme le souligne l'expert, sans d'ailleurs être contredit par la requérante, " cette répartition ne reflète qu'une répartition générale qui doit être rapprochée de la répartition et des caractéristiques des lots, des compétences reconnues et attribuées de chaque membre de l'équipe - communément désignés par lots techniques et lots architecte ". Dès lors, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que ce tableau comporte une répartition des tâches opposable au maître d'ouvrage.

13. Par ailleurs, la société Betom Ingénierie ne peut pas utilement faire valoir que la mesure de résiliation a été prononcée dans le but de l'exclure du marché de maîtrise d'œuvre. Au surplus, la mesure n'a pas cet objet, puisqu'elle a été prise à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre dans son ensemble et met ainsi en cause la responsabilité solidaire de chacun de ses membres, et n'a pas non plus cet effet, puisque l'intéressée, qui devait encore intervenir pour des éléments de mission ultérieurs ACT, DET et AOR, ne s'en est pas trouvée privée de la totalité des prestations qui lui étaient dévolues au sein du groupement.

14. Il s'ensuit que la requérante, alors même que la résiliation n'a porté que sur des prestations qui lui incombaient au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, ne peut pas utilement opposer à la commune de Metz son absence de manquement à ses obligations contractuelles ou les fautes de la société B Architecture.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Metz à raison des préjudices qu'elle allègue avoir subis du fait de la mesure de résiliation du 16 juillet 2017.

Quant à l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre, substituant la société Rpoa Architecture à la société Betom Ingénierie :

16. Aux termes de l'article 26.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre (CCAP) : " La bonne exécution des prestations dépendant essentiellement des cotraitants désignés comme tels dans l'acte d'engagement et constituant le groupement titulaire du marché, la désignation d'un remplaçant nécessite la passation d'un avenant. / Le mandataire du groupement devra être spécialement habilité par chacun des membres du groupement pour accomplir, sans préjudice des droits de recours du cotraitant concerné, les démarches afin de permettre la substitution d'un des cotraitants par une autre personne physique ou morale acceptée par le maître d'ouvrage ".

17. La société Betom Ingénierie reproche à la commune de Metz d'avoir signé l'avenant sans s'être préalablement assurée que la société B Architecture avait été spécialement habilitée à cette fin par chacun des membres du groupement, alors qu'elle ne pouvait pas ignorer que tel n'était pas le cas.

18. Les stipulations de l'article 26.1 précité, qui subordonnent la signature de l'avenant par le mandataire du groupement à une habilitation spéciale de " chacun " de ses membres, y compris, donc, le cotraitant concerné, ne prévoient pas expressément que le maître d'ouvrage procède à une vérification préalable de ces habilitations. Néanmoins, alors qu'il est constant que la commune de Metz était informée des relations tendues, depuis le début du chantier, entre la société B Architecture et la société Betom Ingénierie, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle disposait d'éléments lui permettant de penser sérieusement que, dans ce contexte, la seconde aurait agréé à son éviction complète du marché de maîtrise d'œuvre, qui plus est à son remplacement par la première, ni par suite qu'elle l'avait spécialement habilitée à signer l'avenant. Dans ces conditions, la société Betom Ingénierie est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de vérifier que la société B Architecture disposait, à tout le moins, de son habilitation spéciale en vue de signer l'avenant, la commune de Metz a manqué à ses obligations contractuelles à son égard.

19. Toutefois, la commune ne peut être tenue à la réparation des dommages résultant de l'exclusion de la société Betom Ingénierie qu'à la condition qu'ils aient été directement causés par ce manquement.

20. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes de l'avenant n° 6 du 8 février 2017, que le remplacement de la société Betom Ingénierie au sein du groupement de maîtrise d'œuvre a été convenu en raison de la défaillance de cette dernière dans l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre.

21. Premièrement, ainsi qu'il a été dit au point 9, le chantier a été arrêté à compter du 20 juin 2016 en raison des retards et insuffisances dans la diffusion des plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3, dont les entreprises, auxquelles ils étaient indispensables pour réaliser leurs travaux, auraient dû disposer depuis le 21 mars 2016 au plus tard. Il est constant qu'au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, la réalisation de ces plans incombait à la société Betom Ingénierie.

22. Cette dernière fait valoir que les retards et insuffisances dans leur diffusion sont imputables à la société B Architecture, qui selon elle, en vertu de la répartition des tâches fixée par l'acte d'engagement, aurait dû lui fournir les plans nécessaires à l'exécution des siens, et ne l'a pas fait. Mais, d'une part, pour la raison déjà indiquée au point 12, la société Betom Ingénierie ne peut se prévaloir d'aucune répartition des tâches opposable au maître d'ouvrage. En outre, elle n'invoque aucune stipulation contractuelle prévoyant expressément les plans dont la réalisation incombait à la société B Architecture. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert judiciaire, que les macro-lots n° 1 et 3, eu égard à leur caractère technique, relevaient essentiellement de la compétence de la société Betom Ingénierie, que les plans d'architecte réalisés par la société B Architecture étaient suffisants pour lui permettre de réaliser les siens, et qu'elle ne dépendait donc pas de plans plus précis de sa part. Si la société Betom Ingénierie soutient que son sous-traitant s'est heurté aux mêmes difficultés qu'elle, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause le bien-fondé de cette analyse, laquelle est par ailleurs corroborée par le fait que la société Demathieu et Bard et le groupement Lorry-Sodel, ultérieurement substitués à la requérante, ont pu, à partir des mêmes éléments fournis par la société B Architecture, et sans élément supplémentaire, réaliser les plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3.

23. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante ait fait état des difficultés alléguées auprès des autres maîtres d'œuvre ou du maître d'ouvrage avant sa réclamation du 3 mars 2017, soit postérieurement à la résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre et à son remplacement au sein du groupement de maîtrise d'œuvre. A cet égard, ses allégations quant aux dizaines d'échanges qu'elle aurait eus avec la société B Architecture, à ses alertes auprès du maître d'ouvrage et à des discussions lors de réunions de chantier auxquelles ce dernier assistait, ne sont étayées par aucun élément concret. Au contraire, ses courriers électroniques des 4 mars et 27 mai 2016 adressés à la société B Architecture, soit, respectivement, peu avant l'échéance fixée pour la restitution des plans EXE-BPE des lots n° 1 et 3 et peu avant l'arrêt du chantier, ne mentionnent aucune insuffisance dans les plans que cette dernière lui a fournis. De même, dans son courrier du 9 juin 2016 à la société C2BI, chargée de la mission OPC, où elle dresse, en réponse à l'interpellation de cette dernière, la liste des éléments qui lui manquent pour avancer sur ses études de béton armé, elle se borne à indiquer que la société B Architecture attend la validation du bureau de contrôle d'un détail de gaine technique contre la salle de diffusion, ce qui est sans rapport avec les difficultés alléguées.

24. Deuxièmement, il ne résulte pas de l'instruction que la société Betom Ingénierie, qui n'a déposé ses premiers éléments sur la plateforme d'échange de l'opération que le 15 avril 2016 et qui était absente de la plupart des réunions de chantier auxquelles elle était convoquée, ait répondu aux nombreuses relances, interpellations et mises en demeure que lui a adressées la société B Architecture les 24 décembre 2015, 19 janvier, 3 mars, 16, 24 et 25 mai 2016, ni qu'elle ait réagi au courrier de cette dernière du 4 juillet 2016 au maître d'ouvrage, faisant état de sa défaillance et proposant son remplacement au sein du groupement de maîtrise d'œuvre. Hormis en ce qui concerne son courrier du 9 juin 2016, il n'est pas non plus établi qu'elle ait donné suite aux relances de la société C2BI des 13 avril, 10 juin 2016 et 13 septembre 2016. Elle n'a pas davantage répondu à la mise en demeure de la commune de Metz du 22 décembre 2016, qu'elle a reçue le 28 décembre selon ses déclarations.

25. Troisièmement, il résulte de l'instruction que les plans diffusés par la requérante, pour nombre d'entre eux sans validation par la société B Architecture, en dépit des rappels à l'ordre de cette dernière, ne respectaient pas le projet architectural et contenaient des erreurs de calcul ou de dimensionnement. Ces erreurs ont donné lieu à de très nombreux avis défavorables ou suspendus du contrôleur technique, ainsi que le montre la liste récapitulative dressée par ce dernier le 14 novembre 2016.

26. Compte tenu de leur nature, leur ampleur, leur persistance et leurs conséquences sur le déroulement du chantier, ces manquements caractérisent une défaillance de la société Betom Ingénierie dans l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre, qui était de nature à justifier son éviction du groupement de maîtrise d'œuvre, laquelle, s'il n'y avait pas été procédé par l'avenant n° 6 en litige, aurait pu être valablement prononcée par le maître d'ouvrage au moyen d'une mesure de résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre la visant spécifiquement.

27. Il résulte de ce qui précède que le manquement du maître d'ouvrage relevé au point 18 n'est pas à l'origine des préjudices que la requérante soutient avoir subis du fait de la conclusion de l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre, lesquels ont pour seule cause son propre comportement dans l'exécution de ce marché. Par suite, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à en demander réparation à la commune de Metz.

S'agissant de la facture non réglée :

28. Il ressort des mentions de la facture du 12 octobre 2016, d'un montant de 2 873,31 euros TTC, dont la société Betom Ingénierie réclame le paiement, que celle-ci correspond à 35 % de sa part de rémunération au titre de la mission de direction de l'exécution des travaux. Selon la requérante, cette facture correspond au service fait et est justifiée compte tenu de l'avancement du chantier.

29. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du constat contradictoire dressé le 21 juin 2016 à la suite de l'arrêt des travaux la veille, que ces derniers se trouvaient à un stade peu avancé du gros-œuvre, seules les dalles basses du rez-de-chaussée ayant été coulées. Il ne résulte pas de l'instruction que cet état d'avancement correspondait à 35 % des travaux de l'opération, ni que la requérante, à supposer même qu'elle ait bien effectué une prestation au titre de la mission de direction de l'exécution des travaux, avait droit à un paiement correspondant à ce stade d'avancement alors qu'il n'était pas atteint.

30. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Metz, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à demander le paiement de la facture en litige.

31. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires et pécuniaires présentées par la société Betom Ingénierie à l'encontre de la commune de Metz ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de Metz :

En ce qui concerne les conséquences onéreuses de la résiliation aux torts et risques des maîtres d'œuvre :

S'agissant de l'exception de prescription :

32. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". L'article 1792-4-3 du code civil dispose que : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ".

33. Si le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et se prescrit, en conséquence, par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, créées par cette loi, figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.

34. La société B Architecture et la société Betom Ingénierie font valoir que l'action indemnitaire de la commune de Metz à leur encontre est prescrite en application de l'article 2224 du code civil précité, dès lors qu'elle a présenté ses conclusions reconventionnelles à leur encontre plus de cinq ans après la décision de résiliation intervenue le 16 janvier 2017.

35. Toutefois, la société B Architecture et la société Betom Ingénierie ayant, au sens de l'article 1792-4-3 du code civil, la qualité de constructeurs et la commune de Metz, celle de maître d'ouvrage, les dispositions de l'article 2224 du code civil ne sont pas applicables à l'action en responsabilité présentée par cette dernière à leur encontre au titre des conséquences onéreuses de la résiliation en litige. Leur exception de prescription ne peut, dès lors, qu'être écartée dans cette mesure.

S'agissant de la régularité de la résiliation et du droit de suivi :

36. La société Betom Ingénierie fait valoir que la commune de Metz n'est pas fondée à solliciter la réparation des conséquences onéreuses de la résiliation, dès lors que la décision de résiliation n'a été notifiée qu'à la société B Architecture, qui n'était pas habilitée à cette fin, et non aux membres du groupement, dont elle-même, qui était la première intéressée, que ses droits de la défense n'ont pas été respectés et que son droit de suivi ne l'a pas non plus été.

37. En premier lieu, aux termes de l'article 51 du code des marchés publics, alors applicable : " I. () Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché. / II. - Dans les deux formes de groupements, l'un des opérateurs économiques membres du groupement, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des membres vis-à-vis du pouvoir adjudicateur, et coordonne les prestations des membres du groupement. () IV. () L'acte d'engagement est signé soit par l'ensemble des entreprises groupées, soit par le mandataire s'il justifie des habilitations nécessaires pour représenter ces entreprises ". Par ailleurs, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG), qui figure au nombre des pièces générales du marché en litige, stipule à son article 3.1, relatif à notification au titulaire des décisions ou informations du pouvoir adjudicateur : " En cas de groupement, la notification se fait au mandataire pour l'ensemble du groupement ".

38. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du marché désigne M. B comme mandataire du groupement, mais également comme agissant au nom et pour le compte de la société B Architecture. Il y a donc lieu de retenir, comme le font d'ailleurs l'ensemble des parties, que la société B Architecture a la qualité de mandataire du groupement.

39. L'acte d'engagement a été signé le 19 mars 2013 uniquement par cette dernière. Contrairement à ce que soutient la société Betom Ingénierie, cette signature n'était pas subordonnée à l'existence d'un contrat de cotraitance préalablement conclu entre les membres du groupement. En revanche, les habilitations prévues par le IV de l'article 51 du code des marchés publics précité, quoique mentionnées dans l'acte d'engagement, ne sont pas produites à l'instance. Toutefois, la circonstance que le marché a ensuite été exécuté pendant plusieurs années par les membres du groupement, sans qu'aucun d'entre eux, et notamment la requérante, ne remette en cause son engagement contractuel résultant de la signature de la seule société B Architecture, suffit à établir que cette dernière était habilitée à représenter l'ensemble des entreprises groupées.

40. Dès lors qu'elle l'a prise à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre dans son ensemble, c'est de manière régulière que la commune de Metz a notifié la décision de résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre à la société B Architecture, qui en sa qualité de mandataire du groupement était, conformément à l'article 3.1 du CCAG précité, seule habilitée à la recevoir. Alors même que cette mesure n'a porté que sur des prestations qui, au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, incombaient à la société Betom Ingénierie, la commune n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant de la lui notifier également.

41. En deuxième lieu, pour la même raison que celle indiquée au point précédent, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à soutenir qu'en notifiant la mise en demeure préalable à la résiliation du 22 décembre 2016 uniquement à la société B Architecture, sans la lui notifier également, la commune de Metz a méconnu les droits de la défense.

42. En troisième lieu, la mesure de résiliation aux torts et risques ayant été prise à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre dans son ensemble, il incombait seulement à la commune de Metz, conformément à l'article 3.1 du CCAG précité, de mettre à même son mandataire d'exercer le droit de suivi du titulaire du marché ainsi résilié sur la conclusion et l'exécution des marchés de substitution pour l'achèvement des prestations, sans que la société Betom Ingénierie ne soit fondée à se prévaloir d'un droit de suivi qui lui aurait été propre.

S'agissant du droit à indemnisation du maître d'ouvrage :

43. Aux termes de l'article 36.4 du CCAG : " L'augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire est à la charge du titulaire ".

44. Ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la commune de Metz a conclu, les 20 et 31 janvier 2017, respectivement avec le groupement composé des sociétés Lorry et Sodel et avec la société Demathieu et Bard, des avenants n° 1 à chacun de leurs marchés leur confiant la réalisation des plans EXE-BPE de leurs lots. Elle a également conclu, le 8 février 2017, avec le groupement de maîtrise d'œuvre, un avenant n° 6 lui confiant une mission VISA/SYNTHESE relative aux plans EXE-BPE de ces entreprises. L'avenant n° 1 au marché du groupement composé des sociétés Lorry et Sodel a été conclu pour un montant de 54 407,50 euros HT, l'avenant n° 1 au marché de la société Demathieu et Bard, pour un montant de 78 812,50 euros HT, et l'avenant au marché de maîtrise d'œuvre, pour un montant de 60 146,39 euros HT, soit au total 196 366,39 euros HT. La commune de Metz réclame, au titre des conséquences onéreuses de la résiliation, la somme totale de 161 819,99 euros HT, soit 194 184 euros TTC, correspondant à la différence entre ce montant et le montant contractuel prévu de la prestation résiliée, qui s'élevait à 34 546,40 euros HT.

45. Si la société Betom Ingénierie soutient que les surcoûts en litige résultent de modifications du projet décidées par la société B Architecture de concert avec la société Demathieu et Bard, cette allégation n'est assortie d'aucune précision et n'est étayée par aucun élément concret. Il en va de même de son affirmation selon laquelle les prestations confiées à la société Demathieu et Bard seraient différentes de celles prévues initialement par le marché de maîtrise d'œuvre, et qui est du reste contredite par les termes de l'avenant conclu avec cette société. Dans ces conditions, et alors que, eu égard à leur objet et leur contenu, les avenants n° 1 aux marchés du groupement composé des sociétés Lorry et Sodel et de la société Demathieu et Bard portent sur l'achèvement des prestations de maîtrise d'œuvre résiliée, et que leurs montants ne sont pas discutés, la commune de Metz est fondée à réclamer le remboursement des dépenses supplémentaires qu'ils lui ont occasionnées.

46. En revanche, en s'obligeant, par l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre, conclu postérieurement à la mesure de résiliation, à régler au groupement de maîtrise d'œuvre la rémunération afférente au complément de mission qu'elle lui a confié, la commune a nécessairement accepté de prendre à sa charge ce surcoût. Par suite, la société B Architecture est fondée à soutenir que la commune ne peut pas en réclamer le remboursement.

47. Il résulte de ce qui précède que la commune de Metz est seulement fondée à réclamer, au titre des conséquences onéreuses de la résiliation, la somme totale de 98 673,60 euros HT, soit 118 408,32 euros TTC.

S'agissant de la portée de la condamnation :

48. Ainsi qu'il a été dit au point 11, chacun des cotraitants engagés solidairement envers le maître d'ouvrage est responsable devant lui de l'exécution de la totalité du marché. Par suite, et sans que les sociétés Betom Ingénierie et B Architecture puissent utilement faire valoir que la résiliation ne résulte pas d'une faute de leur part, la commune de Metz est fondée à demander leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 118 408,32 euros TTC.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires payés à la société Demathieu et Bard :

49. L'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. Toutefois, le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à lui réclamer le remboursement des sommes qu'il a versées à l'entreprise. Il en va ainsi lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.

S'agissant de l'exception de prescription :

50. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, et pour la même raison que celle indiquée au point 35, les dispositions de l'article 2224 du code civil ne sont pas applicables à l'action en responsabilité présentée par la commune de Metz à l'encontre des sociétés Betom Ingénierie et B Architecture au titre des travaux supplémentaires payés à la société Demathieu et Bard. L'exception de prescription soulevée par les sociétés Betom Ingénierie et B Architecture sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil doit donc être écartée dans cette mesure.

S'agissant du bien-fondé de la demande :

51. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert judiciaire, que la société Demathieu et Bard a été contrainte de réaliser des travaux de reprise à la suite de la découverte de problèmes de poinçonnement au niveau de massifs de fondations du bâtiment en zone 1 déjà réalisés et qui, affectant la descente de charges du bâtiment, ont nécessité l'ouverture de la fouille, le piquetage de la fondation existante et la mise en place de complément de ferraillage et de béton afin d'élargir la fondation existante, et de problèmes de même nature au niveau des massifs de fondations de la zone 2 déjà réalisés, qui ont nécessité une reprise et un renforcement des fondations par l'ouverture de la dalle et des longrines. Ces travaux ont fait l'objet d'un avenant n° 3 au marché de la société Demathieu et Bard, où ils sont valorisés pour un montant total de 39 750,23 euros TTC.

52. Il résulte de l'instruction que les problèmes de poinçonnement en litige ont résulté, non pas de modifications du projet décidées par le maître d'ouvrage, la société B Architecture et l'entreprise, comme le soutient la société Betom Ingénierie, mais d'erreurs de conception que la société Demathieu et Bard a découvertes dans les plans qui lui ont été transmis par la maîtrise d'œuvre après qu'elle ait été chargée de réaliser les plans EXE-BPE de son lot. Les travaux que la société Demathieu et Bard a été contrainte de réaliser présentent ainsi le caractère de travaux supplémentaires qui, eu égard aux désordres auxquels ils ont permis de remédier, étaient indispensables à la réalisation des ouvrages dans les règles de l'art.

53. Il résulte de l'instruction que les quantités complémentaires de béton, d'acier et de coffrage mises en œuvre dans le cadre de ces travaux supplémentaires afin de renforcer les ouvrages auraient également dû être mises en œuvre sans les erreurs de conception des maîtres d'œuvre. La commune de Metz n'est donc pas fondée à réclamer le remboursement des dépenses correspondantes, que les devis nos 9 et 10 annexés à l'avenant n° 3 au marché de la société Demathieu et Bard permettent de chiffrer à la somme totale de 11 084,61 euros TTC. En revanche, le surplus des prestations réalisées par la société Demathieu et Bard, consistant notamment en des études complémentaires et des travaux d'ouverture et fermeture de fouille et de destruction des ouvrages existants, a suscité des dépenses que la commune n'aurait pas eu à supporter sans les erreurs de conception des maîtres d'œuvre. Par conséquent, la commune est fondée à en demander le remboursement à hauteur de la somme de 28 665,62 euros TTC (39 750,23 euros TTC - 11 084,61 euros TTC).

S'agissant de la portée de la condamnation :

54. Pour la même raison que celle indiquée au point 48, la commune de Metz est fondée à demander que les sociétés Betom Ingénierie et B Architecture soient solidairement condamnées à lui verser la somme de 28 665,62 euros TTC.

En ce qui concerne l'indemnisation de l'arrêt du chantier :

55. Il résulte de l'instruction que le chantier a été arrêté à compter du 20 juin 2016 et n'a repris que le 27 mars 2017. Le 2 décembre 2019, la commune de Metz a conclu avec la société Demathieu et Bard un avenant n° 10 à son marché, par lequel elle a accepté de lui verser la somme totale de 268 800 euros TTC à titre d'indemnisation pour l'ensemble de la période d'arrêt du chantier. La commune, qui justifie avoir réglé cette somme le 10 février 2020, fait valoir la subrogation conventionnelle prévue par l'avenant n° 10 et se prévaut ainsi de la qualité de subrogée dans les droits et actions de la société Demathieu et Bard pour en réclamer le remboursement aux sociétés Betom Ingénierie et B Architecture.

56. Il ressort des écritures de la commune, qui fait état de manquements de la société B Architecture à ses obligations de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre et se prévaut du caractère solidaire de ce groupement, et de manquements de la société Betom Ingénierie dans l'exécution de ses obligations contractuelles, que son action tendant au remboursement de l'indemnité versée au titre de l'arrêt du chantier est fondée sur la responsabilité contractuelle de ces dernières. Du reste, c'est ainsi que par ailleurs, en réponse à l'exception de prescription soulevée par les intéressées, elle qualifie expressément son action.

57. Or, d'une part, le subrogé ne peut exercer que les droits et actions du subrogeant et, d'autre part, la société Demathieu et Bard, qui n'est pas partie au contrat de maîtrise d'œuvre, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés Betom Ingénierie et B Architecture. Par conséquent, la qualité de subrogée dans les droits et actions de la société Demathieu et Bard, dont se prévaut la commune de Metz, ne lui permet pas de fonder son action sur la responsabilité contractuelle des intéressées.

58. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription des sociétés Betom Ingénierie et B Architecture, les conclusions de la commune de Metz tendant au remboursement de l'indemnité versée à la société Demathieu et Bard au titre de l'arrêt du chantier, ainsi présentées, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais et honoraires de l'expertise :

59. Par ordonnance du 19 janvier 2021, les frais et honoraires de l'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de 6 101,35 euros TTC et mis provisoirement à la charge de la société Betom Ingénierie. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de les laisser à la charge définitive de cette dernière.

Sur les conclusions présentées, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par la commune de Metz à l'encontre des sociétés Betom Ingénierie et B Architecture, et par ces dernières à l'encontre de la commune de Metz :

60. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Metz, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société B Architecture une somme à verser à la commune de Metz au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu d'en faire application pour mettre à la charge de la société Betom Ingénierie la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Metz.

Sur les conclusions présentées, à titre subsidiaire, par la société Betom Ingénierie contre la société B Architecture :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

61. En premier lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 22, il ne résulte pas de l'instruction qu'un manquement de la société B Architecture à ses obligations contractuelles serait à l'origine de la résiliation partielle du marché de maîtrise d'œuvre. Par ailleurs, si la société B Architecture a, en méconnaissance de l'article 26.1 du CCAP, conclu l'avenant n° 6 au marché de maîtrise d'œuvre par lequel la société Betom Ingénierie en a été évincée, sans y être spécialement habilitée par cette dernière, ce manquement n'est, pour les mêmes raisons que celles développées aux points 21 à 26, pas directement à l'origine des préjudices dont la société Betom Ingénierie demande réparation.

62. En deuxième lieu, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le non-paiement de la facture du 12 octobre 2016 serait d'une quelconque manière imputable à la société B Architecture. Dès lors, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle à ces titres.

63. En troisième lieu, la société Betom Ingénierie étant contractuellement liée, par le marché de maîtrise d'œuvre, à la société B Architecture, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité extracontractuelle de cette dernière.

64. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription soulevées par la société B Architecture, que les conclusions indemnitaires présentées par la société Betom Ingénierie à son encontre ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'appel en garantie :

65. Pour les mêmes raisons que celles développées aux points 21 à 26, il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêt du chantier, la résiliation du marché ou les travaux supplémentaires réalisés par la société Demathieu et Bard, au titre desquels le présent jugement condamne la société Betom Ingénierie à indemniser la commune de Metz, aient eu pour cause directe une faute commise par la société B Architecture. Par suite, la société Betom Ingénierie n'est pas fondée à demander que la société B Architecture soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement.

Sur les conclusions reconventionnelles de la société B Architecture :

66. En premier lieu, la société B Architecture fait valoir que le chantier, qui selon les prévisions contractuelles initiales devait prendre fin en avril 2017, s'est prolongé jusqu'en octobre 2018, et a ainsi duré 33 mois au lieu de 16, ce qui s'est traduit par 53 réunions de chantier supplémentaires, dont elle chiffre les comptes rendus et les frais de déplacement à la somme totale de 47 700 euros, et par des frais de déplacements supplémentaires du chef de projet, qu'elle chiffre à la somme totale de 5 300 euros.

67. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'arrêt du chantier pendant la période du 20 juin 2016 au 26 mars 2017 est imputable à la défaillance de la société Betom Ingénierie, sans que cette dernière ne démontre que cette défaillance serait elle-même imputable à une faute de la société B Architecture. Toutefois, cette période ne correspond qu'à 9 mois d'allongement de la durée du chantier, sans qu'il résulte de l'instruction que la défaillance de la société Betom Ingénierie ait provoqué des retards supplémentaires, à plus forte raison après son éviction.

68. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus de réunion de chantier n° 19 à 54, que des réunions de chantier ont eu lieu pendant toute la période d'arrêt du chantier. Par conséquent, la société B Architecture est fondée à soutenir que les réunions de chantier qui ont eu lieu à la suite de la reprise du chantier ont constitué des réunions supplémentaires rendues nécessaires par l'arrêt du chantier. Il résulte de l'instruction, en particulier des comptes rendus de chantier n° 54 à 93, que 40 réunions supplémentaires ont eu lieu durant la période de 9 mois suivant la reprise du chantier, du 27 mars 2017 au 22 janvier 2018. Au regard des justificatifs produits par la société B Architecture, qui ne sont pas contestés, il y a lieu de fixer le montant de son préjudice à la somme de 40 000 euros.

69. En deuxième lieu, si la société B Architecture fait valoir la charge de travail supplémentaire qu'elle a supportée du fait des prestations défectueuses de la société Betom Ingénierie, elle ne la chiffre pas. Quant à son travail allégué d'information, de suivi et de coordination vis-à-vis du sous-traitant sollicité pour pallier l'éviction de la société Betom Ingénierie, elle n'en justifie pas.

70. En troisième lieu, le préjudice d'image que fait valoir la société B Architecture n'est pas chiffré.

71. Il résulte de ce qui précède que la société B Architecture est fondée à demander la condamnation de la société Betom Ingénierie à lui verser la somme de 40 000 euros.

Sur les conclusions présentées, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les sociétés Betom Ingénierie et B Architecture, l'une à l'encontre de l'autre :

72. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société B Architecture, qui n'est pas la partie perdante à l'instance vis-à-vis de la société Betom Ingénierie, une somme à verser à cette dernière. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Betom Ingénierie la somme de 5 000 euros à verser à la société B Architecture en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1 : La société Betom Ingénierie et la société B Architecture sont solidairement condamnées à verser à la commune de Metz la somme de 147 073,94 euros TTC.

Article 2 : La société Betom Ingénierie est condamnée à verser à la société B Architecture la somme de 40 000 euros.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 101,35 euros TTC, sont laissés à la charge définitive de la société Betom Ingénierie.

Article 4 : La société Betom Ingénierie versera à la commune de Metz la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La société Betom Ingénierie versera à la société B Architecture la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la société Betom Ingénierie, la commune de Metz et la société B Architecture.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rees, président,

M. Bouzar, premier conseiller,

Mme Dobry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le rapporteur,

P. Rees L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

M. Bouzar

Le greffier,

S. Bronner

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

S. Bronner