TA Versailles, 07/09/2022, n°2206352

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2022, la société ASENT, représentée par sa directrice générale, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative une étude des prix pratiqués par la concurrence et un accès au bordereau des prix unitaires de la société qui a remporté l'appel d'offres lancé par la commune d'Achères pour l'attribution du lot C de l'accord-cadre de fourniture courantes et de services pour des fournitures de jeux et jouets, ainsi que la consultation des rubriques qui ont conduit à un écart de point avec la société qui a remporté cet appel d'offres.

Elle soutient que :

- l'écart de notation concernant le bordereau des prix unitaires entre elle et la société ayant remportée l'appel d'offres semble anormalement élevé et il est demandé la communication de ce bordereau ainsi qu'une étude du prix pratiqué ;

- il en va de même de l'écart de notation concernant la qualité de service et il est demandé la communication des rubriques concernées par un tel écart.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, la commune d'Achères, représentée par son maire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune justification n'est apportée en ce qui concerne la notation du bordereau de prix unitaire, laquelle est conforme aux critères de sélection des offres annoncés et ne méconnaît pas les obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- le bordereau des prix unitaires de la société attributaire est couvert par le secret industriel et commercial et n'est donc pas communicable ;

- il en va de même du détail technique de cette société ;

- la notation de la qualité de service n'est pas sérieusement contestée et est également conforme aux critères de sélection des offres annoncés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Le Gars, vice-président, pour statuer sur les référés précontractuels en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 7 septembre 2022 à 10h, en présence de Mme Jean, greffière d'audience, M. A a lu son rapport, les parties n'étant ni présentes ni représentées.

L'instruction a été close à l'issue de l'audience à 10h05.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au BOAMP et au JOUE le

6 mai 2022, la commune d'Achères a lancé une consultation suivant un appel d'offres ouvert en vue d'un accord-cadre à bons de commande de " fournitures scolaires, pédagogiques, jeux et jouets " décomposé en trois lots, dont le lot C (jeux et jouets), objet de la présente instance. La commission d'appel d'offres du 28 juillet 2022 a attribué l'accord-cadre à bons de commande, numéro 202208C, de fournitures scolaires, d'activités manuelles, jeux et jouets, lot C jeux et jouets, à la société LACOSTE. La société ASENT a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société LACOSTE, par courrier en date du 2 août 2022 et reçu le même jour. La société ASENT demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative une étude des prix pratiqués par la concurrence et un accès au bordereau des prix unitaires de la société qui a remporté l'appel d'offres lancé par la commune d'Achères pour l'attribution du lot C de l'accord-cadre de fourniture courantes et de services pour des fournitures de jeux et jouets, ainsi que la consultation des rubriques qui ont conduit à un écart de point avec la société qui a remporté cet appel d'offres. Elle doit donc être regardée comme demandant l'annulation de la procédure.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du même code : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 dudit code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / () 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

4. D'une part, l'exigence de motivation de la décision rejetant une offre posée par ces dispositions a, notamment, pour objet de permettre à l'auteur de cette offre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Toutefois, un tel manquement n'est plus constitué si les motifs de cette décision ont été communiqués au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

5. D'autre part, au regard des règles de la commande publique, doivent ainsi être regardés comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l'ensemble des pièces du marché. Dans cette mesure, si notamment l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire, en ce qu'il reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et qu'il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial, n'est quant à lui, en principe, pas communicable.

6. Il résulte de l'instruction que le détail la société requérante a reçu la communication des motifs du rejet de son offre avec la décision de rejet précitée. Cette décision précise la notation et la pondération de chaque critère et sous-critère appliquées à la société requérante et à l'attributaire. Dans le cadre du mémoire en défense, le pouvoir adjudicateur a produit le rapport d'analyse des offres et de leur classement. En revanche, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire sollicité par la requérante n'est pas communicable non plus d'ailleurs que le détail technique de l'offre de cette entreprise, également couvert par le secret commercial. Il suit de là qu'à la date à laquelle le juge des référés statue, le pouvoir adjudicateur doit être regardé comme ayant respecté son obligation d'information.

7. En second lieu, si la société requérante allègue que les écarts de notation concernant le bordereau des prix unitaires et la qualité de service entre elle et la société ayant remportée l'appel d'offres semble anormalement élevé et pourrait être anormal, elle ne développe strictement aucune argumentation et ne met donc pas le juge en mesure d'apprécier la portée de son moyen, alors au surplus qu'elle ne conclut pas même expressément à l'annulation de la procédure.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la société ASENT doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune d'Achères formée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E:

Article 1er : La requête de la société ASENT est rejetée.

Article 2 : La demande de la commune d'Achères formée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société ASENT, à la société LACOSTE et à la commune d'Achères.

Fait à Versailles, le 7 septembre 2022.

Le juge des référés,La greffière,

signé signé

J. AA. Jean

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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