Tribunal Administratif de Nantes, 27/07/2022, n°2004845

Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2020, le syndicat d'eau de l'Anjou, représenté par Me Blin, demande au tribunal :
1°) de condamner in solidum la société Cegelec et l'Etat à lui verser la somme de 671 587,48 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des travaux de renouvellement de la canalisation de refoulement des stations Le Pendu et Chemiré ;
2°) de condamner in solidum la société Cegelec et l'Etat à lui verser la somme de 59 880 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des dernières réparations de la canalisation ;
3°) de condamner in solidum la société Cegelec et l'Etat aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise d'un montant de 17 049,74 euros ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la société Cegelec et de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :

  • les désordres, qui consistent en des casses et déboîtements récurrents des barres du réseau en polyéthylène, provoquant ainsi des fuites importantes en eau ainsi que des perturbations du service de distribution de l'eau potable, portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination ; la responsabilité décennale des constructeurs est engagée ;
  • les désordres affectant la canalisation de refoulement d'eau potable sont bien imputables à la société Cegelec et à la Direction départementale des territoires de Maine-et-Loire ;
  • les travaux de reprise doivent comprendre le montant des travaux, une mission complète de maîtrise d'œuvre, une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (CSPS) et des frais d'achat d'eau pendant les travaux ;
  • en outre, il a droit au remboursement des coûts de reprise des fuites intervenues depuis le début des opérations d'expertise.
    Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, la société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard, représentées par Me Charbonneau, concluent au rejet de la requête et à la condamnation de l'État à verser à la société Allianz Iard la somme de
    126 637,18 euros et, à titre subsidiaire, à la limitation des sommes dues au syndicat d'eau de l'Anjou à 412 952,50 euros HT au titre de la tranche ferme de travaux et 16 518,10 euros HT au titre des frais de maîtrise d'œuvre.
    Elles soutiennent que :
  • les désordres de fuites de sont pas des désordres de nature décennale ; en effet, le désordre n'est ni généralisé ni d'une telle importance qu'il entraînerait une perturbation, voire un arrêt même momentané, du service d'eau ;
  • la maîtrise d'œuvre n'a pas rempli correctement ses missions d'études d'avant-projet (AVP), d'assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), de visa des documents (VISA), de direction de l'exécution des travaux (DET) et d'assistance aux opérations de réception (AOR) ; la responsabilité de l'État est au minimum de 25 % ;
  • s'agissant des travaux de réparation, il convient de retenir la somme 412 952,50 euros HT au titre de la tranche ferme de travaux et les frais de maîtrise d'œuvre à hauteur de 4 % sont justifiés ; l'option n° 1 et la provision pour aléas et imprévus ne sont pas justifiées ; la mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (CSPS) n'est pas justifiée, dans la mesure où l'intervention de plusieurs entreprises en même temps n'est pas prévue sur le chantier ;
  • le remboursement des coûts de reprise des fuites intervenues depuis le début des opérations d'expertise n'est pas justifié ;
  • la société Allianz Iard a exposé un certain nombre de frais avant et pendant la procédure d'expertise ; elle a droit à leur remboursement.
    Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête et des conclusions reconventionnelles de la société Cegelec Infra Bassin de Loire et de son assureur, la société Allianz Iard, et demande au tribunal de condamner la société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard à garantir l'État des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.
    Il soutient que :
  • le CCTP rédigé par le maître d'œuvre prescrivait une pose des tubes en touret et un assemblage des tronçons par électro-soudage ; l'entreprise a présenté une variante par emboîtement qui a été retenue ; elle est responsable des fuites qui résultent des mauvais emboîtements qu'elle a réalisés ; il ne saurait être reproché au maître d'œuvre, qui a préconisé dès l'origine non seulement le matériau adéquat, mais surtout le type d'assemblage approprié, un quelconque défaut d'exécution de ses missions d'études d'avant-projet (AVP) et de visa des documents (VISA) ;
  • bien que l'épreuve de mise en pression ne semble avoir duré qu'une heure, soit néanmoins le double de ce qui est prévu au fascicule 71 du cahier des clauses techniques générales (CCTG), rien ne permet d'affirmer qu'une mise en pression plus longue aurait permis de détecter d'éventuelles malfaçons ; le maître d'œuvre n'a aucunement failli dans sa mission d'assistance apportée aux opérations de réception (AOR) ;
  • un suivi régulier du chantier a bien été effectué par le maître d'œuvre conformément à la mission qui lui était attribuée ; les désordres apparus au cours du chantier ont été mentionnés aux compte-rendu hebdomadaires et ont été repris avant la réception des travaux ; le maître d'œuvre n'a pas manqué à sa mission de direction de l'exécution des travaux (DET) ;
  • en aucun cas la responsabilité de l'État ne saurait être engagée à hauteur de 25 % ; l'entreprise attributaire du marché de travaux Cegelec ne peut s'exonérer de son entière responsabilité quant à la conformité de la solution technique alternative qu'elle a elle-même proposée ;
  • moins de 10 % des emboîtements sont défectueux, comme l'a relevé l'expert ; la demande d'indemnisation du syndicat, qui porte sur un renouvellement complet de la canalisation, est disproportionnée ;
  • le syndicat peut prétendre au remboursement de la TVA sur les dépenses d'investissement et d'études liées au renouvellement de la conduite conformément aux dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales ; dans l'hypothèse où la responsabilité de l'État serait retenue, celle-ci devrait être fixée sur un montant d'opération hors taxes.
    Vu les autres pièces du dossier.
    Vu :
  • le code civil ;
  • le code de justice administrative.
    Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
    Ont été entendus au cours de l'audience publique :
  • le rapport de M. A,
  • les conclusions de M. Dias, rapporteur public,
  • les observations de Me Blin, représentant le syndicat d'eau de l'Anjou,
  • et les observations de Me Bellanné, substituant Me Charbonneau, représentant la société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat Intercommunal d'Adduction en Eau Potable de Miré-Morannes, devenu Syndicat des Eaux de la Sarthe Angevine puis Syndicat d'Eau de l'Anjou (SEA), a fait réaliser des travaux de réhabilitation de la station de traitement d'eau potable du " Pendu " et du réseau d'eau potable. Une mission partielle de maîtrise d'œuvre a été confiée, le 21 janvier 2004, à la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt de Maine-et-Loire. Le lot n° 2 du marché public de travaux, " Canalisation - Conduite de refoulement Station Pendu Station Chemiré ", a été confié à la société Cegelec, par acte d'engagement du 29 septembre 2007, pour un montant de 328 763,62 euros TTC. Ce marché consistait en la fourniture et la pose de canalisations pour le refoulement (2 620 ml) ainsi qu'en la fourniture et la pose de canalisations avec reprise de branchements pour la distribution (400 ml). La réception sans réserves des travaux a été prononcée le 23 juillet 2008, avec effet au 6 juin 2008. Suite à l'apparition de fuites, le SEA a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui, par une ordonnance du 26 juillet 2018, a désigné un expert, dont le rapport a été déposé le

29 octobre 2019. Le Syndicat d'Eau de l'Anjou demande au tribunal de condamner in solidum la société Cegelec et l'Etat à lui verser les sommes de 671 587,48 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des travaux de renouvellement de la canalisation de refoulement des stations Le Pendu et Chemiré, 59 880 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des dernières réparations de la canalisation et 17 049,74 euros en remboursement des frais d'expertise.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Toutefois, la garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.  Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne la nature des désordres et leur imputabilité :

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres qui affectent la canalisation de refoulement se concentrent principalement sur la jonction des barres en polyéthylène haute densité (PEHD), que le dispositif d'emboîtement n'a pas été correctement mis en œuvre et que sous l'effet de la pression de service, les barres se déboîtent, ce qui provoque des fuites. Les désordres sont généralisés et évolutifs. La solidité du réseau de canalisation est en jeu. Et malgré les nombreuses réparations entreprises, la casse des assemblages est amenée à se poursuivre et à perturber sévèrement le service. Ces désordres, qui sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité décennale des constructeurs.

4. Les désordres sont essentiellement dus à une mauvaise pose des canalisations et à des défauts d'exécution de la part de la société Cegelec.

5. Les désordres sont également imputables à la maîtrise d'œuvre, qui avait une mission partielle comprenant les études d'avant-projet (AVP), l'assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), le visa des documents (VISA), la direction de l'exécution des travaux (DET) et l'assistance aux opérations de réception (AOR).

En ce qui concerne les préjudices :

6. L'expert a préconisé la reconstruction de la totalité du réseau de refoulement et son remplacement par des canalisations en fonte et a retenu un montant de 460 022,50 euros HT pour la réparation des désordres, qui comprend une tranche ferme d'un montant de 412 952,50 euros HT et une option n° 1 pour un revêtement renforcé de la fonte pour faire face à l'agressivité du sol d'un montant de 47 070 euros HT. Il a prévu en outre une mission de maîtrise d'œuvre à 4 %, soit la somme de 19 320,95 euros HT, une somme de 4 830,24 euros HT pour une mission CSPS à 1 % et une somme de 23 500,00 euros HT pour achat d'eau à la communauté de communes de Château-Gontier pendant la réalisation des travaux. L'expert ajoute une provision pour aléas et imprévus d'un montant de 23 001,13 euros HT, soit 5 % du total.

7. Le syndicat d'Eau de l'Anjou reprend les chiffres retenus par l'expert mais soutient que les travaux de reprise doivent comprendre le montant des travaux et une mission complète de maîtrise d'œuvre, calculée sur la base de 10 % du coût des travaux. La société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard soutiennent qu'il convient de retenir la somme de 412 952,50 euros HT au titre de la tranche ferme de travaux, que  les frais de maîtrise d'œuvre à hauteur de 4 % sont justifiés mais que la mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (CSPS) n'est pas justifiée, dans la mesure où l'intervention de plusieurs entreprises en même temps n'est pas prévue sur le chantier et que l'option n° 1 et la provision pour aléas et imprévus ne sont pas justifiées.

8. La tranche ferme d'un montant de 412 952,50 euros HT n'est pas contestée et doit être retenue.

9. L'expert a retenu une option n° 1, d'un montant de 47 070 euros HT et relative à un revêtement renforcé de la fonte pour faire face à l'agressivité du sol, en se fondant sur un rapport du bureau d'études IRH, qui a indiqué : " Une étude de sol sera à programmer pour connaître la résistivité des sols rencontrés dans le cadre du projet. En l'absence de donnée, le chiffrage présenté ci-après a été basé sur l'hypothèse d'un sol rencontré ayant une résistivité ) 3 000 O.cm. Nous proposons d'inclure au futur marché de travaux une tranche optionnelle représentant le cas n° 3 ". Cependant il ne résulte pas de l'instruction qu'une étude de sol aurait confirmé la résistivité du sol retenue et donc la nécessité même de ces dépenses optionnelles. Par suite, l'option n° 1 contestée ne peut pas être retenue.

10. Dans le marché de maîtrise d'œuvre initial, qui ne correspondait qu'à une mission partielle, le forfait de rémunération avait été arrêté à la somme de 87 290 euros HT et représentait 3,1175 % du coût des travaux sur la base d'une estimation de travaux s'élevant à 2 800 000 euros HT. Rien ne justifie qu'une mission complète de maîtrise d'œuvre soit retenue pour les travaux de réparation. Le forfait de rémunération de cette nouvelle mission doit être arrêté à 4 % de la somme de 412 952,50 euros HT, soit un montant de 16 518,10 euros HT.

11. La provision pour aléas et imprévus d'un montant de 23 001,13 euros HT, prévue par l'expert est contestée par la société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard, qui soutiennent qu'il s'agit de travaux de remplacement de canalisations, travaux non complexes et qui sont réalisés dans un environnement connu, et qu'au demeurant, le marché de travaux à contractualiser sera à prix global et forfaitaire de sorte que la maîtrise d'ouvrage n'a pas à assumer un tel aléa. Une telle provision, non justifiée, n'est pas due.

12. La société Cegelec Infra Bassin de Loire et la société Allianz Iard soutiennent que la mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (CSPS) n'est pas justifiée, dans la mesure où l'intervention de plusieurs entreprises en même temps n'est pas prévue sur le chantier de réparation. Aux termes de l'article L. 4532-2 du code du travail : " Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ". Il ne résulte pas de l'instruction que le marché initial, qui a été attribué à une seule entreprise, ait nécessité une mission CSPS. En outre, une seule entreprise pourra être titulaire du marché des travaux de reprise et il n'est pas établi que plusieurs entreprises devront intervenir simultanément sur le chantier. Dès lors, il n'y a pas lieu de prévoir une mission SPS pour ces travaux de réparation.

13. La provision pour achat d'eau à la communauté de communes de Château-Gontier, nécessaire durant le temps de réalisation des travaux de réparation, n'est pas contestée et est due pour un montant de 23 500 euros HT.

14. Le SEA demande également la condamnation in solidum de la société Cegelec et de l'Etat à lui verser la somme de 59 880 euros TTC, assortie des intérêts au titre des dernières réparations de la canalisation. Le SEA a produit en ce sens des factures de la société Saur, gestionnaire du réseau, adressées au Syndicat en 2012 et 2015, soit antérieurement à la désignation de l'expert. L'expert n'a pas pris en compte ces factures, dont le paiement par le SEA n'est pas établi. Ce poste de préjudice n'est pas justifié et ne peut ouvrir droit à réparation.

15. Le préfet de Maine-et-Loire soutient que moins de 10 % des emboîtements sont défectueux et que la demande d'indemnisation du syndicat, qui porte sur un renouvellement complet de la canalisation, est disproportionnée. Toutefois, si des fuites sont déjà apparues sur 10 % des emboîtements, tous les emboîtements ont été conçus et exécutés de la même façon. C'est donc bien la totalité des emboîtements et donc des canalisations qui est en cause. L'expert a d'ailleurs indiqué que la réparation consiste en la reconstruction du réseau de refoulement et que la solution en fonte DN 200 paraît la plus compétitive. Surtout, l'expert s'est bien interrogé sur une éventuelle plus-value, dès lors que la solution de réparation retenue conduit à remplacer les canalisations en polyéthylène haute densité (PEHD) par des canalisations en fonte. Et l'expert indique : " Nous nous sommes reportés à l'analyse des coûts présentés dans l'avant-projet IRH de la solution réparatoire () Il en ressort que les scénarios 2.1 renouvellement en PEHD et 2.2 renouvellement en fonte () sont très proches en terme de coût : 553 K€ HT pour le 1er et

533 K€ HT pour le 2ème. Il n'y a pas de plus-value apportée par la réparation ". Et en réponse à un dire, l'expert a précisé : " Dans les études AVP d'IRH, la solution PEHD est évoquée. Elle est légèrement plus coûteuse. Le BET a donc proposé la fonte ". Ainsi, aucun abattement pour plus-value n'est à déduire de l'indemnisation due au syndicat.

16. Le préfet de Maine-et-Loire soutient que le syndicat peut prétendre au remboursement de la TVA sur les dépenses d'investissement et d'études liées au renouvellement de la conduite conformément aux dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales (FCTVA), et que dans l'hypothèse où la responsabilité de l'État serait retenue, celle-ci devrait être fixée sur un montant d'opération hors taxes. Aux termes de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : " I. - Les attributions ouvertes chaque année par la loi à partir des ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d'investissement ainsi que sur leurs dépenses pour : () 2° L'entretien des réseaux payés à compter du 1er janvier 2020 ".  D'une part, dès lors qu'ainsi que le soutient le préfet de Maine-et-Loire, qui est compétent pour attribuer les sommes dues au titre du FCTVA, le Syndicat d'Eau de l'Anjou bénéficie du FCTVA, il n'est pas assujetti à la taxe. D'autre part, si l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales a institué un fonds de compensation destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d'investissement, ces dispositions législatives, qui ne modifient pas le régime fiscal des opérations desdites collectivités, ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de reprise d'un bâtiment public soit incluse dans le montant de l'indemnité due au maître de l'ouvrage. Par suite, la TVA doit être incluse dans l'indemnité due.

17. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité due au Syndicat d'Eau de l'Anjou s'élève ainsi à la somme de 543 564,72 euros TTC (412 952,50 +16 518,10 + 23 500, soit la somme de 452 970,60 euros HT + la TVA à 20 %, soit 90 594,12). Ainsi, la société Cegelec et l'État doivent être condamnés in solidum à verser au Syndicat d'Eau de l'Anjou la somme de 543 564,72 euros TTC.

Sur les appels en garantie :

18. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres sont essentiellement dus à une mauvaise pose des canalisations et à des défauts d'exécution imputables à la société Cegelec, qu'à la lecture des comptes-rendus de chantier, le maître d'œuvre a correctement effectué sa mission DET mais qu'il a failli dans sa mission AOR, car les épreuves sur le réseau qu'il a ordonnées n'ont pas suivi les prescriptions du cahier des clauses techniques générales (CCTG) fascicule n° 71 et que des épreuves bien menées auraient probablement permis de révéler la faiblesse des emboîtements et de minimiser les conséquences des malfaçons.

19. Le préfet conteste l'existence d'un défaut de mission du maître d'œuvre au titre de son élément de mission AOR. Si le préfet soutient que le fascicule n° 71 du CCAG n'a pas été méconnu, ce fascicule renvoie à une pression d'épreuve fixée par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché. Or l'article 22 du CCTP du marché de travaux prévoyait : " les pressions minimums d'épreuves pour les conduites sont normalement fixées à 16 bars ". Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, qu'un test à 16 bars sur le réseau de refoulement ne convenait pas, qu'il fallait tester l'installation à sa pression maximale de fonctionnement selon les prescriptions du CCTG fascicule n° 71, c'est-à-dire la pression de service, majorée des aléas d'exploitation dont notamment les coups de bélier, et procéder avec le processus de test prévu, ce qui n'a pas été fait.

20. Il sera fait une juste appréciation des responsabilités de la société Cegelec et du maître d'œuvre en fixant leur part respective dans le remboursement des préjudices à 75 % et 25 %.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à demander à ce que l'État soit garanti par la société Cegelec à hauteur de 75 % de la condamnation mentionnée au point 17.

Sur les frais et honoraires d'expertise :

22. Les frais et honoraires d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de

17 049,74 euros par une ordonnance du 26 novembre 2019 du premier vice-président du tribunal administratif de Nantes. Ces frais et honoraires doivent être mis à la charge définitive et solidaire de la société Cegelec et de l'État.

23. Il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à demander à ce que l'État soit garanti par la société Cegelec à hauteur de 75 % de la condamnation mentionnée au point précédent.

Sur les intérêts :

24. Le Syndicat d'Eau de l'Anjou a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes de 550 779,52 euros et de 17 049,74 euros à compter du 11 mai 2020, date d'enregistrement de sa requête.

Sur les conclusions reconventionnelles des sociétés Cegelec Infra Bassin de Loire et Allianz Iard :

25. Si les sociétés Cegelec Infra Bassin de Loire et Allianz Iard demandent au tribunal de condamner l'État à verser à la société Allianz Iard la somme de 126 637,18 euros, au titre de de frais exposés avant et pendant la procédure d'expertise judiciaire, la société Allianz Iard ne justifie pas de la subrogation dont elle se prévaut. Par suite, les conclusions reconventionnelles de ces deux sociétés ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'intervention de la société Allianz Iard.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cegelec et de l'État une somme de 1 500 euros chacun à verser au Syndicat d'Eau de l'Anjou en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter le surplus des conclusions présentées sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La société Cegelec Infra Bassin de Loire et l'État sont condamnés in solidum à verser au Syndicat d'Eau de l'Anjou la somme de 543 564,72 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 11 mai 2020.
Article 2 : La société Cegelec Infra Bassin de Loire et l'État sont condamnés in solidum à verser au Syndicat d'Eau de l'Anjou la somme de 17 049,74 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 11 mai 2020.
Article 3 : La société Cegelec Infra Bassin de Loire garantira l'État à hauteur de 75 % des condamnations mentionnées aux articles précédents.
Article 4 : La société Cegelec Infra Bassin de Loire et l'État verseront chacun au Syndicat d'Eau de l'Anjou une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié au Syndicat d'Eau de l'Anjou, à la société Cegelec Infra Bassin de Loire et au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Loirat, présidente,
M. Gauthier, premier conseiller,
M. Marowski, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juillet 2022.
Le rapporteur,
E. A
La présidente,
C. LOIRAT La greffière,
P. LABOUREL
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière

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